La séance est ouverte.
La séance est ouverte à neuf heures trente.
L’ordre du jour appelle la discussion, selon la procédure d’examen simplifiée, en application de l’article 103 du règlement, de deux projets de loi autorisant l’approbation de conventions internationales (nos 2586, 3353 rectifié ; 1533, 3241).
Ces textes n’ayant fait l’objet d’aucun amendement, je vais mettre aux voix chacun d’entre eux, en application de l’article 106 du règlement.
Je tiens à appeler l’attention de la présidence, afin que le ministre de l’intérieur y donne suite, sur la joyeuse pagaille qui règne autour de l’Assemblée nationale et qui a failli empêcher nombre de députés de rallier l’Hémicycle en temps et en heure.
Il est tout à fait légitime d’accueillir un chef d’État étranger avec le faste nécessaire, mais il n’est pas moins nécessaire que les députés puissent se rendre à l’Assemblée sans difficulté, ce qui n’est absolument pas le cas en raison de cette joyeuse pagaille qui touche le trafic tout autour de l’Assemblée.
Je souhaiterais donc que la présidence appelle l’attention du ministre de l’intérieur sur le fait que, s’il est certes nécessaire de sécuriser les abords de l’Assemblée nationale à l’occasion de la visite d’un chef d’État, il faut aussi que les députés puissent y accéder.
J’ai bien noté votre demande. Votre sollicitation tout à fait légitime sera relayée.
L’article unique est adopté, ainsi que l’ensemble du projet de loi.
L’article unique est adopté, ainsi que l’ensemble du projet de loi.
L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l’approbation de l’accord sous forme d’échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des États-Unis d’Amérique relatif au renforcement de la coopération en matière d’enquêtes judiciaires en vue de prévenir et de lutter contre la criminalité grave et le terrorisme (nos 2852, 3443).
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des affaires européennes.
Monsieur le président, madame la présidente et monsieur le rapporteur de la commission des affaires étrangères, mesdames, messieurs les députés, l’accord entre la France et les États-Unis, dit « Prüm transatlantique », soumis à votre approbation ce matin prend une importance particulière dans un contexte marqué par des attentats récents et une menace terroriste deux côtés de l’Atlantique. Il vise au renforcement de la coopération en matière d’enquêtes judiciaires en vue de prévenir et de combattre la criminalité grave et le terrorisme, une priorité absolue pour la France comme pour les États-Unis.
La France mène depuis longtemps une coopération judiciaire et opérationnelle très soutenue avec les États-Unis, notamment en matière de lutte contre le trafic de stupéfiants et la pédopornographie. Cette coopération fonctionne bien : en 2013, une centaine de commissions rogatoires internationales ont été traitées entre nos deux pays. C’est aussi un renseignement américain qui a permis, en juin 2012, la saisie de 113 kilogrammes de cocaïne dans le port du Havre – ce ne sont là que des exemples.
Cependant, et l’on peut s’en étonner, à l’exception du canal d’Interpol, cette coopération n’est pas institutionnalisée par un service centralisé, en raison d’une multiplicité d’acteurs fédéraux américains appartenant à différents ministères tous chargés, selon leur juridiction, de l’application de la loi. Jusqu’à présent, il n’existait en effet aucun accord bilatéral de coopération entre la France et les États-Unis en matière d’enquêtes judiciaires en vue de prévenir et de combattre la criminalité grave et le terrorisme, alors que vingt-trois États membres de l’Union européenne en disposent déjà, dont nos principaux partenaires, en particulier l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne.
Cet accord, signé en mai 2012 et approuvé par le Sénat le 4 juin dernier, renforcera donc indéniablement les échanges opérationnels entre nos pays.
Plus spécifiquement, l’accord qui est soumis à votre approbation vise à renforcer la coopération par des échanges d’informations sur les profils génétiques et les empreintes dactyloscopiques – c’est-à-dire les empreintes digitales –, et à permettre la transmission spontanée d’informations à titre préventif.
Aujourd’hui, seules les données dactyloscopiques et génétiques permettent d’établir avec certitude l’identité des personnes recherchées et de procéder à des identifications précises lors de l’utilisation par un même individu d’états civils différents. Il est donc essentiel que toutes ces vérifications puissent être faites par la consultation des fichiers existants, dans le plein respect, bien évidemment, des libertés et des droits fondamentaux.
L’objectif est donc de permettre aux points de contact nationaux de nos deux pays d’accéder à nos bases respectives de données dactyloscopiques et génétiques pour une consultation automatisée, cas par cas.
Concrètement, le point de contact national de l’État requérant sera informé par voie automatisée de la concordance – ou non – des données enregistrées dans la base de données de l’autre État. Les consultations de données dactyloscopiques s’opérant dans le respect de la législation nationale de l’État qui est à l’origine de l’interrogation, elles ne seront utilisées, pour procéder à des comparaisons sur la base d’une interrogation du type : « Y a-t-il concordance ou non ? », que lorsque chaque législation nationale l’autorise et selon le principe de réciprocité.
C’est ainsi qu’en France, le point de contact américain pourra consulter le fichier national automatisé des empreintes génétiques pour les profils ADN et le fichier automatisé des empreintes digitales, dont la finalité est exclusivement judiciaire. Il en ira de même pour le point de contact français, qui pourra consulter les fichiers américains correspondants.
À ce stade, cette information ne constitue pas une donnée à caractère personnel. La seule information qui parvient alors à l’État à l’origine de l’interrogation est la confirmation – ou non – que l’empreinte de l’individu figure dans la base de données interrogée. Cette information ne permet pas l’identification directe de la personne concernée. En effet, cette identification n’est en aucun cas automatique et n’intervient qu’à une seconde étape. C’est un point essentiel pour nous.
L’accord prévoit aussi, en application de la législation nationale de chaque État, la possibilité d’échanger des informations en l’absence de requête lorsque certains faits laissent présumer que des personnes sont susceptibles de commettre des infractions.
Je veux insister sur ce point qui me paraît essentiel : cet accord concilie les exigences sécuritaires et la garantie des droits fondamentaux.
Absolument.
Nous avons veillé en effet à ce qu’il contienne des garanties substantielles en matière de protection des données personnelles – il y a de ce point de vue une continuité –, notamment en termes de durée de conservation des données, d’encadrement de leur transmission et de recours, voire de suspension ou de dénonciation de l’accord.
En outre, cet accord circonscrit les droits de consultation aux seules fins de prévention et de détection des infractions qui entrent dans son champ d’application – la prévention et la lutte contre la criminalité grave et le terrorisme – et aux enquêtes exclusivement menées dans ce cadre.
Enfin, il s’inscrit dans un contexte politique américain qui s’est beaucoup renforcé sur le plan sécuritaire depuis 2001, mais aussi depuis les attentats commis l’année dernière à Paris et à San Bernardino. Sous une forte pression politique intérieure, le Congrès américain a renforcé, le 18 décembre dernier, les conditions d’application du programme d’exemption de visa – le « Visa Waiver Program » –, qui datait de 1986 et facilitait l’accès au territoire américain pour les ressortissants des pays participant au programme, dont la France, pour des séjours n’excédant pas trois mois.
Après 2001, les conditions de maintien du programme d’exemption de visa avaient été une première fois durcies, les États-Unis en conditionnant le bénéfice à des échanges d’informations pour la prévention et la lutte contre la criminalité grave et le terrorisme. Comme je l’ai dit, vingt-trois États membres de l’Union européenne bénéficiant du programme d’exemption de visa ont signé de tels accords pour continuer d’en bénéficier. Il est donc de l’intérêt de la France et des Français que nous signions à notre tour un accord d’échange d’informations avec les États-Unis.
Mesdames et messieurs les députés, cet accord, si vous l’approuvez, représentera une avancée importante dans notre coopération opérationnelle avec les États-Unis en matière de lutte contre la criminalité grave et le terrorisme. Dans le contexte sécuritaire actuel, il contribuera au nécessaire renforcement de la coopération transatlantique en conciliant les exigences sécuritaires avec la garantie des droits fondamentaux. Il contribuera ainsi à un espace plus sûr pour nos concitoyens, tout en leur permettant de continuer à voyager et à faire des affaires aux États-Unis. C’est pourquoi il vous est proposé de voter ce projet de loi d’approbation.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen, du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
La parole est à M. Philippe Baumel, rapporteur de la commission des affaires étrangères.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des affaires étrangères, mes chers collègues, à la suite des attentats du 11 septembre 2001, les États-Unis ont souhaité renforcer leur sécurité et leur arsenal préventif et répressif de lutte contre le terrorisme. Ils ont alors relevé le niveau des exigences liées au maintien de leur programme d’exemptions de visa – dont bénéficie la France – et ont notamment posé comme contrepartie l’accroissement des échanges d’informations.
Les États partenaires dans la lutte contre la criminalité transnationale et le terrorisme ont un besoin accru de traiter et d’échanger des données à des fins préventives et répressives. La coopération judiciaire et opérationnelle est déjà très intense avec les États-Unis, particulièrement dans les domaines du trafic de stupéfiants, du blanchiment et de la cybercriminalité. Toutefois, au-delà du canal d’Interpol, la coopération opérationnelle n’est pas institutionnalisée par le biais d’un service centralisé du côté américain, en raison d’une multiplicité d’acteurs fédéraux appartenant à différents ministères. Aucun accord de coopération policière ne lie nos deux pays.
L’accord soumis à votre approbation offre un cadre nouveau à la coopération opérationnelle. Il institue des procédures de consultation pour les données dactyloscopiques et génétiques, ainsi que pour des échanges spontanés en matière de prévention des actes de terrorisme et des crimes graves.
En termes d’efficacité, les empreintes sont souvent seules à permettre d’assurer l’identification des individus et la capacité à tracer leur parcours Or, à ce jour, les échanges de données génétiques ou dactyloscopiques entre nos deux pays sont très restreints et se limitent à quelques dizaines de demandes par an. L’accord répond donc pleinement à un besoin aigu de nos services de police d’avoir des échanges fluides, aussi rapides que pertinents.
Avant d’en présenter les clauses, j’évoquerai le délai de négociation. C’est en effet dès 2008 que les États-Unis ont engagé avec la France une négociation qui s’est révélée assez ardue, notamment à propos des garanties en matière de protection des données que le gouvernement français estimait indispensable de voir figurer dans l’accord, et ce d’autant plus qu’il s’agit principalement d’échanger des données d’une sensibilité particulière. L’accord qui a finalement été signé en 2012 est assez remarquable de ce point de vue.
Sans être aussi prescriptif que l’accord dont il s’inspire et qui lie les États de l’Union européenne – le traité de Prüm –, il comporte des garanties fortes et prévoit particulièrement, en termes précis et stricts, les principes essentiels de la protection des données et la manière d’en assurer le respect.
À ce jour, les États-Unis ne présentent pas un niveau jugé satisfaisant de protection des données. Des améliorations sont heureusement en cours. Un projet de loi a ainsi été déposé, qui accorde des voies de recours devant les juridictions américaines aux ressortissants de pays tiers ne résidant pas aux États-Unis en cas de violation par les autorités de police américaines de leurs droits en matière de protection des données personnelles.
Le texte été adopté le 20 octobre 2015 par la Chambre des représentants. La date relative à l’adoption par le Sénat n’est pas encore fixée mais le département d’État assure tout mettre en oeuvre pour inciter à une adoption rapide, dans la lignée des annonces faites par le Président Obama en janvier 2014 pour rétablir la confiance sur la scène internationale.
Par ailleurs un accord dit « parapluie » est en cours de négociation entre l’Union européenne et les États-Unis en matière de protection des données pour les besoins de la prévention, de l’enquête, de la détection ou de la poursuite des infractions de nature criminelle et notamment les infractions terroristes.
Disons-le clairement : même si l’adoption de la loi américaine ouvrant un droit de recours aux non-résidents a été posée comme une condition non négociable de sa signature, d’autres points demeurent à examiner. Je souhaite donc que les négociateurs de cet « accord parapluie » fassent preuve de la même vigilance que ceux qui ont élaboré l’accord que nous examinons aujourd’hui.
Ce dernier, qui comporte seize articles, vise à renforcer la coopération dans le cadre de la justice pénale, principalement par l’échange d’informations relatives aux empreintes génétiques et dactyloscopiques, en vue de prévenir, d’enquêter, de détecter et de poursuivre les infractions liées à la criminalité grave et en particulier au terrorisme. Son champ d’application correspond à la définition de « crime grave » visée par la décision-cadre relative au mandat d’arrêt européen. C’est une spécificité de l’accord signé avec la France que d’avoir ainsi limité les consultations à des crimes d’une particulière gravité.
L’accord institue une procédure de consultation automatisée des fichiers par des points de contacts nationaux, sur laquelle je ne reviens pas sauf pour insister sur un point : une concordance ne se traduit pas par la transmission automatique des données personnelles. C’est seulement dans un deuxième temps que l’État requis transfère des informations complémentaires qui permettent l’identification, sur demande et selon sa législation. Il est également institué une procédure d’échanges spontanés permettant de transmettre le même type d’informations que dans le cadre européen.
Quatre types de dispositions encadrent strictement les consultations et échanges autorisés.
Premièrement, la consultation doit s’inscrire dans le cadre d’une enquête clairement délimitée en vue de poursuivre des infractions pénales.
Deuxièmement, la consultation ne peut s’opérer qu’au cas par cas et dans le respect du droit national.
Troisièmement, si la comparaison automatisée fait ressortir des concordances, l’échange de données à caractère personnel doit intervenir selon les dispositions du droit national et l’accord ne peut limiter ou porter atteinte aux relations existantes entre les États-Unis et la France. Ainsi la possibilité qu’un échange d’informations puisse constituer une preuve conduisant aux Etats-Unis à une condamnation à la peine capitale est exclue, conformément à l’accord d’entraide judiciaire.
Quatrième et dernier point, quand elle adresse spontanément des informations, l’autorité peut, en vertu du droit national, fixer au cas par cas des conditions relatives à leur utilisation par l’autorité destinataire et cette dernière est liée par ces conditions.
Concernant spécifiquement la protection des données personnelles, l’accord contient un article 10 dédié, long et précis. Il reprend la plupart des principes essentiels de protection des données de la législation française, à savoir la finalité, l’utilisation cantonnée à ces seules fins sauf accord de l’autre partie, la durée de conservation limitée au nécessaire, le respect des droits des personnes concernées et des mesures de sécurité des données. On rappellera utilement que toute utilisation de données dans le cadre d’un procès pénal nécessitera que son origine, directe ou indirecte, soit légale et donc conforme à l’accord, ce qui donne force aux dispositions de l’article 10.
Les parties garantissent l’existence de procédures qui permettent à toute personne concernée d’avoir accès à un recours approprié pour violation de ses droits à la protection des données à caractère personnel, indépendamment de la nationalité ou du pays de résidence de l’intéressé. Dans les faits, ce droit effectif suppose l’adaptation de la législation américaine, laquelle, je l’ai dit, est en cours. À défaut, la partie française serait fondée à invoquer l’article 14. Cet article prévoit que l’accord peut être suspendu par l’une des Parties en cas de manquement substantiel aux obligations de l’accord. L’accord peut par ailleurs être dénoncé avec un préavis écrit de trois mois.
L’accord prévoit des modalités de suivi, ce qui est là aussi assez remarquable. Chaque partie doit tenir un registre afin d’assurer la traçabilité des données, de suivre la mise en oeuvre correcte des législations respectives et de garantir la sécurité des données. Une autorité de contrôle doit être désignée dans le cadre d’arrangements administratifs. En outre, un an après la mise en oeuvre de l’accord, les parties devront se consulter pour dresser un bilan de son application, en prêtant particulièrement attention à la protection des données à caractère personnel. Enfin, une consultation est expressément prévue en cas d’évolution des négociations de l’accord « parapluie » précité.
L’entrée en vigueur des articles relatifs à la consultation des données est subordonnée à la conclusion des arrangements qui doivent préciser les modalités techniques. Cela prendra plusieurs mois pour que les accès puissent effectivement être ouverts. Je précise que dans un premier temps, seul les fichiers d’empreintes dactyloscopiques seraient concernés par une consultation automatisée, compte tenu de la législation américaine actuelle et de la gestion par chaque État fédéré la gestion de son propre fichier génétique. L’article 7 de l’accord permettra à chaque partie d’effectuer une consultation de son propre fichier ADN à la demande de l’autre partie.
Si la consultation automatisée des fichiers génétiques ne pourra être mise en oeuvre dans un avenir proche, la consultation des fichiers d’empreintes digitales ainsi que la possibilité, dans le cadre de la prévention de la criminalité grave et du terrorisme, de procéder à des échanges spontanés, pourra s’avérer d’une très grande utilité au regard de la rapidité et de l’efficacité requises dans les enquêtes, notamment en matière de lutte contre le terrorisme.
Parmi les pays de l’Espace économique européen pratiquant l’exemption de visa, tous disposent d’un accord de cette nature avec les États-Unis ou d’une base alternative autorisant l’échange de données. Plusieurs autres pays qui ne sont pas membres du Programme d’exemption de visa, dont les cinq pays de l’Union européenne entrant dans cette catégorie, ont négocié un tel accord et quatre l’ont signé.
Compte tenu des délais de rédaction de l’arrangement administratif à conclure et des délais techniques nécessaires à l’ouverture d’accès distants, j’ai le sentiment qu’il serait hautement souhaitable que la procédure de ratification s’achève très rapidement et que la phase de mise en oeuvre puisse s’engager.
Le projet de loi a été voté en juin 2015 par le Sénat. La commission des affaires étrangères l’a adopté à l’unanimité hier. Je vous invite, mes chers collègues, à faire de même.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le Président, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des affaires étrangères, monsieur le rapporteur, chers collègues, en 2008, les États-Unis ont exprimé le souhait d’entrer en négociation avec la France en vue d’un accord de coopération policière sur l’échange de données génétiques et d’empreintes digitales, afin de lutter contre la criminalité organisée.
Après une première proposition de protocole d’accord présentée en juillet 2009 les négociations aboutissaient, trois ans plus tard, à un accord signé en mai 2012.
La coopération d’entraide en matière pénale entre la France et les Etats-Unis est ancienne puisque deux accords ont déjà été conclus, le premier relatif à l’extradition, en avril 1996, et le second, relatif à l’entraide judiciaire, en décembre 1998.
Ainsi depuis 2007, près de 500 demandes d’entraides ont été adressées aux États-Unis par les autorités françaises, dont 48 en matière de terrorisme, et plus de 200 par les autorités américaines à la France, dont 37 en matière de terrorisme.
Cependant, la lutte contre le terrorisme, tout comme celle engagée contre la grande criminalité, s’étant globalisée, elle rend nécessaire l’intensification de la coopération de part et d’autre de l’Atlantique.
En effet, depuis les attentats du 11 septembre 2001 à New York et ceux de Boston en 2013, le Gouvernement américain a fait de la sécurité intérieure une priorité absolue, puisque pour la première fois, les États-Unis étaient touchés directement sur leur territoire.
Par la suite, les pays européens ont eux aussi malheureusement été victimes du terrorisme lors des attentats de Madrid en mars 2004, de Londres en juillet 2005 et, plus récemment, de Paris en janvier et novembre 2015. Tous ont mis en lumière l’apparition de nouvelles menaces avec des actes terroristes venant « de l’intérieur » commis par des individus radicalisés, rendant ainsi nécessaire l’intensification de la lutte contre le terrorisme et l’adaptation à son évolution.
Le caractère international des mouvements terroristes et des réseaux du crime organisé, l’extrême mobilité de leurs membres, leur remarquable capacité à contourner les techniques d’investigation des services d’enquêtes – même les plus nouvelles – justifient le renforcement de la coopération transatlantique et le partage des informations. L’objectif est de pouvoir identifier des individus qui utilisent de multiples identités, au moyen de données dactyloscopiques et génétiques.
A l’heure actuelle, les échanges de données biométriques entre la France et les États-Unis se font dans le cadre de lettres d’entraide internationale via l’Organisation internationale de police criminelle, OIPC-Interpol. Mais, en l’absence d’un outil adapté, ils sont très limités du fait d’un petit nombre de demandes de part et d’autre.
Pour mettre en place cette nécessaire coopération, l’accord qui nous est soumis vise principalement à faciliter des échanges d’informations concernant les profils ADN et les données relatives aux empreintes digitales et palmaires, afin d’identifier des membres des réseaux terroristes et criminels.
Toutefois, si la sécurité collective a un prix, elle ne peut pas être assurée au préjudice de la protection des droits et libertés individuelles. En conséquence, cet instrument offre des garanties en matière de protection des données personnelles.
En premier lieu, l’accès entre les parties aux bases de données d’empreintes génétiques et dactyloscopiques est assuré via des points de contact nationaux, désignés par les parties qui les autorisent, dans un premier temps, à procéder à des vérifications. Ce n’est qu’une fois la vérification établie définitivement que la transmission de données à caractère personnel est effectuée, selon la législation nationale de la partie requise. C’est à ce stade que devra être précisément justifiée l’inscription de la demande de transmission des données personnelles dans un cadre de police judiciaire. Pour que ces données puissent, ultérieurement, être valablement utilisées comme preuve, leur transmission sera encore souvent assurée par le biais d’une demande d’entraide judiciaire.
En France, le point de contact devrait être la sous-direction de la police technique et scientifique de la direction centrale de la police judiciaire.
Ces droits de consultation sont strictement encadrés. Ainsi, ils doivent être exclusivement exercés dans le cadre d’une procédure judiciaire ou d’une procédure d’enquête relative à des crimes graves et visant une ou plusieurs personnes déterminées. Sont concernées les infractions relatives à la criminalité grave et au terrorisme, définies en annexe, ainsi que les autres faits passibles d’une peine privative de liberté égale ou supérieure à trois ans.
Les fichiers automatisés susceptibles d’être consultés à la demande des États-Unis sont le fichier national automatisé des empreintes génétiques – FNAEG – pour les profils ADN, et le fichier automatisé des empreintes digitales, le FAED.
En cas d’urgence ou de péril imminent, l’accord ouvre la possibilité d’une transmission spontanée de données personnelles, à titre préventif, au vu de circonstances particulières laissant présumer qu’une personne est susceptible de commettre des infractions terroristes ou liées à la grande criminalité. Cette transmission est opérée par l’intermédiaire des points de contact désignés et peut être assortie de conditions d’utilisation.
En France, c’est l’unité de coordination de la lutte anti-terroriste, l’UCLAT, rattachée au directeur général de la police nationale, qui devrait être le point de contact.
Par ailleurs, il est important de noter qu’au titre des échanges d’information, les États-Unis, grâce à cet accord, maintiendront pour nos compatriotes le bénéfice de l’exemption de visa s’agissant des séjours de moins de trois mois.
Le deuxième volet important de l’accord est la garantie de protection des données à caractère personnel.
Les États-Unis n’étant pas considérés dans notre législation comme un État assurant « un niveau de protection suffisant de la vie privée et des libertés et droits fondamentaux », la France a exigé, dans les négociations, que des garanties soient fixées en la matière. Ces dernières, détaillées à l’article 10 de l’accord, érigent en principe le respect de la confidentialité et la protection appropriée des données à caractère personnel transférées.
En conséquence, les parties s’engagent à ne transmettre que les données à caractère personnel, « adéquates, pertinentes et non excessives par rapport aux finalités pour lesquelles elles sont communiquées ». Elles s’engagent aussi à s’assurer que toute erreur constatée sera signalée à la partie destinataire en vue de sa rectification et à conserver les données transmises pendant la seule durée d’utilisation nécessaire à la procédure judiciaire pour lesquelles elles ont été demandées.
S’y ajoute une garantie supplémentaire : la transmission des données obtenues en provenance d’un État tiers est soumise à l’autorisation de ce dernier. La tenue d’un registre des données reçues ou transmises permet d’assurer la traçabilité des échanges, la sécurité des données et le contrôle effectif des dispositions de l’accord.
La France peut ainsi refuser d’exécuter une demande d’entraide judiciaire si l’exécution de celle-ci risque de porter atteinte à sa souveraineté, à sa sécurité, à son ordre juridique ou à d’autres intérêts essentiels. Elle refusera notamment – il faut le rappeler – toute entraide dans une affaire judiciaire pouvant conduire à une condamnation à la peine de mort aux États-Unis.
L’accord comporte également des engagements de la partie américaine à assurer la protection des données communiquées et prévoit un mécanisme de contrôle par une autorité indépendante. Cette dernière peut être l’autorité compétente en la matière, comme, en France, la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL. La transparence et l’information des personnes concernées sont par ailleurs exigées.
En outre, un droit de recours approprié est garanti à toute victime d’une violation de ses droits ainsi que la protection des données à caractère personnel, indépendamment de la nationalité ou du pays de résidence de l’intéressé.
Un suivi et des consultations entre les parties au sujet de la mise en oeuvre de l’accord sont prévus, particulièrement en cas d’évolution des négociations sur l’accord dit « parapluie » entre l’Union européenne et les États-Unis relatif à la protection des données personnelles lors de leur transfert et de leur traitement aux fins de prévenir les infractions pénales, dont les actes terroristes.
Il importe de souligner que toutes les données conservées en contravention avec les dispositions de l’accord pourront être écartées en tant qu’éléments de preuve et leur pertinence réexaminée.
Par ailleurs, l’accord peut être suspendu en cas de manquement substantiel et après consultation bilatérale des parties.
Cet accord, tout en assurant de solides garanties tant en ce qui concerne les échanges d’informations que le niveau de protection des données personnelles, facilitera la coopération judiciaire entre la France et les États-Unis à un moment où l’échange rapide des données dans des conditions techniques et juridiques sûres est indispensable.
Par conséquent, le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste soutient le projet de loi autorisant l’approbation de l’accord sous forme d’échange de lettres entre les gouvernements français et américain relatif au renforcement de la coopération en matière d’enquêtes judiciaires en vue de prévenir et de lutter contre la criminalité grave et le terrorisme.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Je souhaite tout d’abord protester en ce qui concerne les conditions d’accès à l’Assemblée nationale. Il importe certes de protéger nos visiteurs prestigieux et l’état d’urgence implique des mesures particulières mais ce dernier ne doit pas empêcher le libre fonctionnement du Parlement. Je suis arrivé de justesse et j’aurais très bien pu manquer notre débat !
Je souhaite, monsieur le président, que vous portiez ce message à la connaissance de M. le président de l’Assemblée nationale et de la Conférence des présidents.
Mes chers collègues, nous sommes amenés aujourd’hui à nous prononcer sur le projet de loi visant au renforcement de la coopération judiciaire entre la France et les États-Unis, essentiellement en matière de lutte contre le terrorisme mais, aussi, contre la criminalité.
La coopération en matière d’entraide pénale est ancienne entre nos deux pays puisqu’elle date de la fin des années quatre-vingt-dix, avec la conclusion de deux accords relatifs à l’extradition et à l’entraide judiciaire.
En 2008, l’administration américaine nous a demandé d’étendre notre coopération et a proposé de négocier un accord de coopération policière sur l’échange de données génétiques et d’empreintes digitales.
Le texte signé en 2012 se résume principalement à l’échange réciproque d’informations relatives aux empreintes génétiques et dactyloscopiques.
Entendons-nous bien sur un point : il est nécessaire de renforcer la coopération interétatique dans notre lutte contre le terrorisme. Les attentats des mois de janvier et novembre 2015 ont mis en lumière le développement d’un djihadisme mondialisé qui s’affranchit des frontières nationales.
Il est donc nécessaire de développer de nouveaux outils pour nous donner les moyens de lutter avec efficacité contre ce terrorisme organisé et mobile.
Le travail de négociation a été long. Pour autant, de nombreuses zones d’ombre demeurent dans le projet présenté par M. le ministre des affaires étrangères.
Ainsi, la CNIL, gardien du respect de la vie privée en matière de données personnelles et de fichiers, n’a pas été associée à la rédaction de l’accord. Cette absence envoie un signal pour le moins négatif. Comment imaginer un haut niveau d’exigence dans la protection des données personnelles si l’institution compétente est exclue des négociations ?
L’accord prévoit par ailleurs un accès pour les États-Unis au fichier national automatisé des empreintes génétiques et au fichier automatisé des empreintes digitales. Or, l’organisation fédérale des États-Unis implique que nous n’ayons pas accès aux fichiers correspondants, chaque État disposant, en l’absence d’un fichier fédéral, de son propre fichier automatisé des empreintes génétiques. Un accès réciproque sera ainsi rendu possible sans que nos législations aient été harmonisées.
De même, si l’article 10 du projet de loi instaure un contrôle des règles par des autorités indépendantes en charge de la protection des données, les États-Unis ne disposent pas pour l’heure d’une telle autorité. Nous sommes donc sceptiques quant à l’efficacité des mécanismes de contrôle prévus par le texte.
En outre, le dispositif de recours prévu par le projet de loi reste très flou. Garanti à toute victime d’une violation de ses droits à la protection des données à caractère personnel, il doit pouvoir s’appliquer indépendamment de la nationalité ou du pays de résidence. Or là encore, l’effectivité de ce droit suppose une adaptation de la législation américaine.
Un droit de recours est certes prévu par le droit américain mais il est uniquement réservé à leurs seuls citoyens. Quid des citoyens français ? Les annonces de Barack Obama et d’Eric Holden, ministre de la justice, ne sont pas encore suivies d’effet et ne sont pas de nature à nous rassurer.
Ce point me semble d’autant plus important que l’article 9 du projet de loi prévoit un cadre de transmission à titre préventif des données personnelles en cas d’urgence et de péril imminent. En cas d’erreur, quelle place y aurait-il pour le recours d’un citoyen français ?
Le contexte actuel ne nous rassure pas davantage sur la volonté des deux États en matière de protection des données personnelles.
En France, le projet de loi relatif au renseignement a affaibli les procédures de contrôles des libertés.
Aux États-Unis, l’adoption de l’« USA Freedom Act » limite certains pouvoirs de collecte d’informations de la National Security Agency aux États-Unis mais ne changera rien à la surveillance pratiquée par l’agence à l’étranger – surveillance offensive dont la France a déjà fait les frais.
La NSA a procédé à de nombreuses écoutes ayant visé des citoyens, des entreprises et des chefs d’États. Le programme Prism, dénoncé par Edward Snowden en 2013, lui a permis de collecter un très large champ de données personnelles indifférenciées.
Depuis les attentats du 11 septembre 2001, les États-Unis pratiquent une politique de surveillance mondiale et il ne faut pas éluder la question de leur conception particulière de la protection des données personnelles.
Je reste convaincu de la nécessité de renforcer la coopération interétatique pour lutter plus efficacement contre le terrorisme mondialisé. Toutefois, cette coopération ne peut pas se faire au détriment de notre État de droit.
Les dispositions actuelles de cette loi restent trop floues pour être votées en l’état. La coopération en matière de lutte contre le terrorisme ne doit pas s’effectuer de façon déséquilibrée, en fonction des exigences propres des États-Unis.
Pour l’ensemble de ces raisons, les députés du Front de Gauche ne voteront pas ce projet de loi.
Je prie M. le secrétaire d’État et M. le rapporteur de m’excuser pour ne pas avoir pu assister à leurs interventions.
Monsieur le secrétaire d’État, pourriez-vous faire savoir au ministre de l’intérieur – dont nous saluons le travail – qu’en tant que parlementaires nous devons pouvoir accéder aisément à l’Assemblée ? Je ne suis pas le seul, me dit-on, mais j’ai été bloqué pendant quinze minutes. Impossible d’avancer ! C’est assez délicat…
M. le président de séance pourrait aussi faire passer le message…
Plusieurs collègues se sont déjà exprimés à ce propos. J’en ferai état à la Conférence des présidents.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la nécessité de travailler à une coopération renforcée dans la lutte contre le terrorisme n’est plus à prouver. La menace est internationale, mobile et organisée ; la réponse doit l’être tout autant.
L’accord relatif au renforcement de la coopération judiciaire qu’il nous est proposé d’approuver participe de ce combat que mènent nos deux pays : celui de la lutte contre le terrorisme.
Il complète efficacement deux accords précédents, le premier concernant l’extradition et le second l’entraide judiciaire.
L’échange d’informations et la coordination des enquêtes sont la pierre angulaire d’une coopération effective. Grâce aux échanges d’informations concernant les profils ADN et les échanges d’empreintes digitales et génétiques, cet accord permettra de localiser et d’identifier plus facilement, à l’échelle internationale, des personnes suspectées de préparer un attentat ou d’appartenir à une organisation criminelle.
Gageons qu’il sera d’une grande utilité pour mener à bien des enquêtes très difficiles et délicates, ce dont je me félicite.
Ce texte concerne un domaine très sensible, celui du recueil et de l’analyse des données personnelles.
En tant que législateurs, nous devons toujours veiller à ce que l’équilibre soit respecté entre droits humains, libertés fondamentales et nécessité d’assurer la sécurité des personnes en luttant contre le terrorisme.
À ce stade, monsieur le secrétaire d’État, je voudrais faire part de mon regret que la CNIL n’ait pas été consultée alors qu’à l’instar de mon collègue Asensi, je crois qu’il était important qu’elle le soit – même si, en définitive, je pense que ce texte respecte les principes de la loi « informatique et libertés ».
Je sais que ce n’est ni une obligation, ni une habitude de saisir cette instance pour des accords de sécurité. Pourtant, son avis aurait fourni une garantie supplémentaire et renforcé la confiance des citoyens envers cette procédure.
Nous savons tous que la France et les États-Unis n’ont pas les mêmes exigences en en matière de protection des données personnelles. Les dispositions du Patriot Act, qui permettent la collecte massive et indiscriminée des données, en sont un exemple. Le récent USA Freedom Act va quant à lui dans le bon sens mais n’est pas encore suffisant.
L’avis motivé de la CNIL aurait permis de fournir, je crois, un éclairage intéressant.
Alors, pour contrecarrer la politique générale appliquée outre-Atlantique en matière de recueil des données, il était nécessaire de prévoir un certain nombre de garanties au sein de cet accord afin de protéger les libertés publiques. Je crois que nous pouvons nous retrouver sur le fait que ces dispositions sont bien présentes.
Parmi elles, nous pouvons souligner la limitation dans le temps de la transmission des données et leur conservation dans un registre permettant leur traçabilité ainsi que la limitation de leur transmission à l’objet de l’enquête ; les données, de surcroît, doivent être pertinentes, adéquates et non excessives. Un mécanisme de contrôle est également prévu mais par quel organisme ce contrôle sera-t-il exercé ? Nous l’ignorons. Un éclairage sur ce point serait bienvenu, monsieur le secrétaire d’État.
J’ajoute qu’en cas de très graves dysfonctionnements, l’accord peut être suspendu et que le droit à la transparence s’impose pour les personnes concernées, lesquelles doivent être informées du contenu et de la raison du contrôle subi.
Enfin, si de graves manquements étaient mis à jour, les personnes concernées pourront intenter un recours. Il faut le souligner, le droit américain est lacunaire à cet égard puisqu’il réserve cette possibilité à leurs seuls ressortissants et aux résidents. Nous devons donc être vigilants sur ce point.
Bien sûr, en cas d’urgence, l’échange sera accéléré mais cela ne peut se faire qu’au cas par cas, sous le contrôle de l’UCLAT, l’unité de coordination de la lutte anti-terroriste.
Cet accord est également limité : un État tiers ne recevra pas de données personnelles. Elles ne pourront donc en aucun cas être utilisées dans un procès à l’étranger. Un tel cadre, bien défini, ne souffrira d’aucun abus de la part d’entités extérieures.
Cet accord est pragmatique et concret. Il présente des garanties sérieuses et devrait permettre de réaliser des progrès en matière de lutte contre le terrorisme et contre les organisations criminelles qui déstabilisent actuellement des régions entières de notre planète.
En le ratifiant, la France ne verse pas dans le « tout sécuritaire ». Il s’agit de renforcer les moyens d’assurer notre sécurité grâce à la nécessaire coopération policière.
Avec le groupe socialiste, je voterai ce texte, garant des échanges indispensables qui doivent s’opérer entre nos pays : c’est d’une lutte collective et coordonnée dont nous avons besoin, dont la mise en oeuvre ne peut se faire que grâce à ce type d’accord.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, chers collègues, l’accord dont nous débattons aujourd’hui vise à renforcer la coopération entre la France et les États-Unis en matière d’enquêtes judiciaires en vue de prévenir la criminalité grave et le terrorisme et de lutter contre eux.
Il faut d’ores et déjà souligner que la coopération opérationnelle entre la France et les États-Unis dans ce domaine est par ailleurs active et efficace.
La collaboration de nos deux pays est en effet ancienne puisque deux accords nous lient déjà : le premier, signé en avril 1996, est relatif à l’extradition ; le second, adopté en décembre 1999, est relatif à l’entraide judiciaire.
Quels sont les objectifs et les raisons d’être de cet accord ?
Depuis 2001 nos pays – comme d’autres en Europe – comptent parmi les cibles du terrorisme – comme en témoigne hélas une actualité tragique – et les ramifications internationales de ces organisations criminelles sont extrêmement difficiles à arrêter.
En effet, le caractère international des mouvements terroristes et des réseaux du crime organisé, l’extrême mobilité de leurs membres, leur capacité à contourner les techniques d’investigation des services d’enquêtes rendent nécessaire l’intensification de la coopération de part et d’autre de l’Atlantique. Cette dernière, nous l’avons constaté, est en effet décisive et implique un échange d’informations utiles et exploitables par les services chargés de la sécurité des citoyens.
Ainsi, le présent accord permettra de faciliter des échanges d’informations concernant les profils ADN et les empreintes digitales.
Le but est de pouvoir identifier de manière incontestable, avec l’aide de données dactyloscopiques et génétiques, des personnes qui utilisent des identités multiples – le nombre de vols de passeport au Moyen-Orient montre en effet qu’un certain nombre de pièces administratives ne signifient plus rien.
Entamées en 2009, les négociations pour un accord de coopération policière sur ces échanges de données ont abouti, en mai 2012, à l’accord examiné aujourd’hui par notre assemblée.
L’échange d’informations de ce type peut légitimement soulever des inquiétudes. Il a donc été déterminé que ces échanges seront encadrés et effectués dans des conditions particulières. Ainsi, le champ du présent accord est un peu moins étendu que celui du texte européen dont il est inspiré – le traité dit de Prüm, de mai 2005 – puisqu’il encadre plus fortement les conditions d’envoi des données personnelles et n’en implique pas une transmission automatique. Par ailleurs, le système d’échange d’informations mis en place par cet accord ne concerne que les infractions relatives à la criminalité grave et au terrorisme. Ces droits de consultation devront donc être exclusivement employés dans le cadre d’une procédure judiciaire ou d’une procédure d’enquête relatives à des crimes graves, visant une ou plusieurs personnes déterminées.
S’agissant des libertés individuelles, cet accord offre des garanties en matière de protection des données personnelles. Ces garanties sont détaillées à l’article 10, lequel érige en principes le respect de la confidentialité et la protection appropriée des données à caractère personnel transférées. En conséquence, les parties s’engagent à ne transmettre que les données à caractère personnel « adéquates, pertinentes et non excessives par rapport aux finalités pour lesquelles elles sont communiquées ». Elles doivent aussi s’assurer que toute erreur constatée soit signalée à la partie destinataire, en vue de sa rectification ; elles doivent, enfin, conserver les données transmises pendant la seule durée d’utilisation nécessaire à la procédure judiciaire.
Par ailleurs, il semble essentiel de souligner que la France refusera toute entraide dans une affaire judiciaire pouvant conduire à une condamnation à la peine de mort aux États-Unis. Ainsi, la France a le pouvoir de refuser de répondre positivement à une demande d’entraide judiciaire, si l’accomplissement de cette dernière peut porter atteinte à sa souveraineté, à sa sécurité, à son ordre juridique ou à d’autres intérêts essentiels. Les États-Unis se sont également engagés à assurer la protection des données communiquées. Notre pays devra être vigilant quant à la réalité de sa mise en oeuvre. Un droit de recours adapté sera garanti à toute victime d’une violation de ses droits.
En outre, il a été décidé la mise en place d’un suivi et de consultations entre les parties au sujet de l’application de l’accord. Un an après sa mise en oeuvre, il est prévu que les parties se consulteront pour dresser un bilan de son exécution. L’accord pourra être suspendu en cas de manquement substantiel, et après consultation bilatérale des parties.
Je ne peux que saluer la conclusion de cet accord, qui a le mérite d’être fondé sur la réciprocité. Mon collègue Jacques Myard a souligné en commission combien nous tenions à cette réciprocité, qui fait défaut à d’autres accords conclus avec les États-Unis – je songe notamment à certains accords fiscaux. Il facilitera la coopération judiciaire entre la France et les États-Unis, dans une période où les services de police français et américains ont de plus en plus besoin d’échanger rapidement. Il paraît donc opportun que l’Assemblée nationale donne aux hommes qui oeuvrent pour garantir la sécurité nationale et internationale l’ensemble des moyens dont ils ont besoin. Le terrorisme ne connaissant pas de frontières, nous devons nous adapter. Enfin, cet accord permettra à nos compatriotes de garder le bénéfice de l’exemption de visa pour des séjours de moins de trois mois.
Pour toutes ces raisons, monsieur le secrétaire d’État, le groupe Les Républicains votera en faveur de cet accord.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la globalisation de la lutte contre le terrorisme et la grande criminalité ont rendu nécessaire l’intensification de la coopération, de part et d’autre de l’Atlantique.
Bien évidemment, la France et les États-Unis n’ont pas attendu ces dernières années pour mettre en place une coopération judiciaire. En matière pénale, deux accords, l’un relatif à l’extradition, l’autre à l’entraide judiciaire, ont été conclus en 1996 et 1998. À cette coopération judiciaire s’est ajoutée une coopération opérationnelle, notamment avec le ministère de la sécurité intérieure américain et les agences fédérales.
La nécessité d’intensifier cette coopération s’est particulièrement fait ressentir lors des attentats du 11 septembre 2001. C’est alors que nous avons considérablement renforcé les moyens à notre disposition pour combattre la grande criminalité, et essentiellement le terrorisme. Ces dernières années ont vu naître de nouvelles formes de terrorisme, venant parfois de l’intérieur, commis par des individus radicalisés. Le caractère international des mouvements terroristes et des réseaux du crime organisé, la mobilité de leurs membres et leur capacité à contourner les techniques d’investigation des services d’enquête nous imposent d’adapter notre législation et notre coopération.
Dans son rapport, notre collègue sénatrice Joëlle Garriaud-Maylam évoque notamment le recours, par les organisations terroristes et criminelles, à des hommes « support », chargés d’organiser l’accueil et la logistique des membres du réseau lorsqu’ils sont « en mission » – entre guillemets, naturellement. Ces nouveaux procédés rendent indispensable le partage d’informations, afin d’identifier, au moyen de données dactyloscopiques et génétiques, les personnes qui utilisent de multiples identités. Dans ce contexte, nous ne pouvons qu’être favorables à un accord qui a pour ambition de faciliter ces échanges.
Les principales mesures sur l’entraide judiciaire, l’extradition, la surveillance des données de vol ou des échanges financiers, sont autant de dispositifs qui amélioreront notre capacité de renseignement, d’enquête et de protection de nos concitoyens. Actuellement, les échanges de données biométriques entre nos deux pays se font dans le cadre de lettres d’entraide internationale via l’OIPC-Interpol. Ils sont très limités car, en l’absence d’un outil adapté, les demandes faites de part et d’autre restent très peu nombreuses.
La coopération policière prévue par cet accord devrait permettre la facilitation et l’intensification de ces échanges. Nous devons néanmoins nous assurer que cet accord préserve un certain équilibre entre liberté et sécurité et qu’il offre des garanties en matière de protection des données personnelles. En effet, à quelques mois du scandale des écoutes massives de la NSA, ce texte pourrait, au premier abord, inquiéter nombre de nos concitoyens.
Or les articles 3 et 5 précisent bien que l’échange d’information se fait au cas par cas, en s’assurant d’une concordance entre le profil demandé et le profil requis. Cette concordance, vérifiée par un point de contact unique entre nos deux pays, assure le sérieux du processus prévu par cet accord. En France, c’est à l’Unité de coordination de la lutte antiterroriste que reviendra cette mission. S’agissant de la peine de mort, ce texte respecte les accords bilatéraux précédents, puisque la France peut refuser de transmettre des informations sur un individu encourant la peine capitale. Rien ne doit remettre en question l’abolition de la peine de mort, qui fait désormais partie de l’ADN de notre République.
Cet accord apporte également, à l’article 10, un certain nombre de limitations à la transmission de données à caractère personnel. Cette disposition est importante, puisqu’elle permet de sécuriser l’échange des données avec des standards élevés de protection, et prévoit un recours possible pour les personnes dont la protection des données aurait été violée. En outre, l’article 12 permet à chacune des parties d’organiser un suivi de la bonne application de cet accord.
La grande criminalité internationale sait s’adapter aux obstacles que nous dressons devant elle. Il est important, pour cette raison, d’être en mesure d’améliorer et de faire évoluer les outils utilisés. Par ailleurs, les États-Unis ont donné en 2015 de nouvelles garanties sur la sécurité des données, lors de l’adoption par le Sénat américain du USA Freedom Act, qui a posé des limites aux écoutes téléphoniques décriées de la NSA. En effet, les métadonnées téléphoniques sont désormais stockées chez les opérateurs et n’ont plus l’obligation d’être transmises aux autorités. Cela se fait désormais au cas par cas. Toutefois, nous attendons que les autorités américaines avancent sur cette question au niveau international, afin d’améliorer la confiance, sur ce point, entre nos deux pays et l’ensemble de l’Union européenne.
Enfin, cet accord permet de maintenir le Visa Waiver Program, élaboré en 1986 afin de faciliter les voyages d’affaires ou le tourisme pour des séjours n’excédant pas trois mois. Sans une meilleure coopération franco-américaine, ce programme n’aurait pu être maintenu.
Mes chers collègues, vous l’aurez compris, les garanties de ce texte sur la sécurisation de la transmission des données et sur la concordance des informations entre le pays demandeur et le pays requis, dans le respect du droit national de chaque pays, nous semblent très satisfaisantes. Pour autant, un accord avec les seuls États-Unis sera insuffisant. Nous devrions, monsieur le secrétaire d’État, réfléchir à l’amélioration d’une telle coopération au niveau européen.
J’ai bien dit « européen », monsieur Myard !
Les récents événements ont démontré certaines défaillances dans la coopération judiciaire et policière européenne, puisqu’un terroriste a pu franchir plusieurs frontières sans être arrêté. Dans le cadre de la lutte antiterroriste, nous devons sortir des logiques purement nationales.
Des exemples de coopération réussie existent. Je pense notamment au programme de surveillance du financement terroriste signé en 2010 par l’Union européenne et les États-Unis, qui avait pour but de traquer les mouvements financiers suspects. Je pense également au Passenger Name Record – PNR – qui permet l’échange de données relatives aux passagers des compagnies aériennes, en vue de déceler les mouvements suspects.
Nous devrions, dans cette même logique, approfondir la coopération destinée à lutter contre le terrorisme et la criminalité organisée, à l’échelon européen. En outre, nous devrons veiller à une bonne articulation de l’application de cet accord avec les dispositions contenues dans la loi relative au renseignement, afin qu’elle trouve sa pleine application et toute sa force.
Mes chers collègues, cet accord, qui entend donner toute son effectivité à la coopération en matière antiterroriste, nous semble équilibré. Il présente les garanties nécessaires à la protection des données, dans le respect du traitement qu’en fait la législation de chacun des deux pays. Aussi, vous l’aurez compris, le groupe de l’Union des démocrates et indépendants le votera. Nous resterons néanmoins vigilants quant à la mise en oeuvre de cet accord.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, qui êtes très nombreux ce matin (Sourires), la chute du mur de Berlin a été interprétée par beaucoup comme l’annonce d’un monde sans peur, sans conflit majeur, d’un monde sans mort guerrière. La fin de la guerre froide et du risque de destruction nucléaire ouvrait une période d’optimisme. Hélas, il n’a pas fallu attendre longtemps pour que tous ces espoirs soient douchés, la guerre froide ayant rapidement été balayée par une guerre fourbe.
Quinze ans, voici maintenant quinze ans que le terrorisme pèse sur le cours de nos vies. Le 11 septembre 2001 a ouvert une nouvelle ère : une ère d’inquiétude et de méfiance ; une ère de combat entre des États et des groupes non-étatiques. Des groupes qui rebattent les cartes du monopole de la violence et provoquent une situation de conflit asymétrique, face à laquelle les États sont fortement déstabilisés. Des groupes qui se revendiquent de l’islamisme radical et qui frappent aveuglément – des civils, de préférence – en jouant sur la terreur diffuse pour mieux atteindre la solidité des États, voire leurs fondements démocratiques.
Les bombardements répondent aux attentats. Les guerres de conquêtes disparaissent, au profit du choc du terrorisme, amplifié par les chaînes d’information en continu, internet et la globalisation. Tout va plus vite, les distances s’estompent. La peur et la violence s’affranchissent des barrières. Ces groupes se jouent des frontières, ils se dissimulent et circulent parmi les sociétés civiles, et ils sont même parvenus à créer une menace interne, en recrutant directement sur les territoires qu’ils visent. Des groupes agiles et meurtriers : c’est de cela qu’il est question dans ce texte.
Le terrorisme se nourrit de la criminalité grave – pour reprendre le titre de ce projet de loi – car, au nom de sa cause, certains sont prêts à s’allier aux trafiquants d’êtres humains, de drogues, d’armes, pour assouvir financièrement et matériellement leur volonté de destruction et leur quête de puissance, comme nous l’avons amèrement constaté au Mali. Ces convergences mondiales, qui se nourrissent, s’enrichissent, et gangrènent une grande partie du monde, c’est aussi de cela qu’il est question dans cet accord franco-américain. Car, sur les deux rives de l’Atlantique, malgré nos différences, et même nos divergences, parfois, nous oeuvrons ensemble contre cette menace globale.
Frappés sur leur sol – une première depuis Pearl Harbor – les Américains ont réagi avec force, peut-être même avec excès, en Irak, mais aussi en interne, avec le Patriot Act. Ces décisions d’utiliser la force militaire et l’autorité, avant le pouvoir politique et diplomatique, ont infléchi le cours du monde pour l’Irak et ont rendu complexes les relations sécuritaires entre nos deux pays. Frappée à son tour, en cette sinistre année 2015, la France a elle aussi une réaction forte, puissante, qui l’amène à mener la guerre au Proche-Orient, comme au Sahel, et à proposer des mesures faisant débat dans notre pays.
Car nous ne sommes pas n’importe quel pays. Nous sommes la France, la terre non seulement de la liberté mais aussi de l’égalité, la terre qui veut que les hommes naissent libres et égaux en droits, et ce quelles que soient les menaces. Cette proclamation n’est pas que sémantique. Elle est consubstantielle au pays. Elle doit s’exprimer dans nos textes comme dans nos accords internationaux, avec encore plus de force quand nous sommes dans l’adversité, car la farouche défense de nos valeurs et de nos droits est la meilleure protection contre ces agressions. C’est ce prisme de lecture que nous avons utilisé pour l’approbation de cet accord international.
En effet faut-il, face à un tel accord, au nom de la lutte contre le terrorisme, mettre en péril nos libertés ? Non, à l’évidence. C’est pourquoi cet accord a été travaillé en respectant un cadre strict qui ne met pas en danger les droits fondamentaux des citoyens américains et français, auquel cas nous, la France, n’aurions pu accepter de le signer.
Le texte garantit, à toutes les étapes de la procédure, un contrôle judiciaire strict, qui s’inscrit dans le cadre des précédents accords de coopération policière et judiciaire passés entre nos deux pays. Ils garantissent un transfert de données selon la législation nationale de la partie requise, donnant à la France la possibilité de refuser de coopérer, par exemple, si le transfert de données peut conduire à une condamnation à la peine de mort aux États-Unis. Le processus, découpé en étapes, n’autorisera le transfert de données personnelles qu’après vérification de concordance des données dactyloscopiques ou génétiques. Des cas d’urgence pourront évidemment être envisagés mais le transfert direct de données personnelles, à caractère exceptionnel, sera également soumis à un cadre légal strict, ici filtré par l’UCLAT.
Il est important de noter que la négociation a, de fait, beaucoup porté sur les exigences de la France relatives à la garantie de la protection des droits fondamentaux et aux libertés individuelles. Les États-Unis étant considérés comme un pays qui ne garantit pas suffisamment la vie privée et les droits fondamentaux des individus, l’appréciation du niveau de protection se fera au cas par cas. La France garantira ainsi la tenue d’un registre de données reçues ou transmises, permettant la traçabilité des échanges ainsi qu’un droit de recours et la possibilité de suspendre l’accord en cas de manquement aux obligations fixées. La France devra donc rester vigilante sur ce point, notamment sur la possibilité accordée de droit de recours à des ressortissants français.
Cet accord, qui semble donc équilibré, et dont les conditions de la bonne application dans le respect des droits et libertés individuelles seront strictement encadrées par des accords signés auparavant, est d’autant plus important qu’il est nécessaire.
En outre, compte tenu de la forte mobilité des groupes terroristes, nous devons prendre les mesures nécessaires à une meilleure coopération policière et judiciaire, afin de garantir la sécurité nationale de nos deux pays. C’est ce que nous avons fait au sein de l’Union européenne avec la création des agences Europol et Eurojust. Il ne s’agit pas, bien sûr, de considérer ici les Etats-Unis à la même échelle que nos pays partenaires de l’espace Schengen. Néanmoins, les États-Unis sont un partenaire majeur et la facilité de circulation implique une révision de notre coopération afin d’assurer une plus grande sécurité à nos deux États.
Renforçant une coopération ancienne, la France et les États-Unis répondent par cet accord à la nécessité de travailler ensemble contre ces réseaux de nature mafieuse que sont les groupes terroristes. C’est pourquoi, avec le groupe socialiste, je voterai ce texte non seulement au nom de la sécurité, mais, surtout, au nom de la garantie de nos libertés et des valeurs qui ont façonné la République et que nous continuerons de défendre.
Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et sur les bancs du groupe Les Républicains.
La discussion générale est close.
La parole est à M. le secrétaire d’État.
Je tiens non seulement à remercier le rapporteur et tous les orateurs mais également à répondre à deux questions précises, la première posée par Mme Guittet et, la seconde, par Mme Guittet et M. Asensi.
La première concerne l’autorité administrative qui, du côté américain, sera notre interlocuteur. Le 4. du d) de l’article 10 de l’accord prévoit un arrangement administratif avec les États-Unis relatif à « la désignation de la ou des autorités indépendantes compétentes ». Nous n’avons pas formulé l’exigence d’une seule autorité. Il se trouve en effet qu’il n’existe pas aux États-Unis d’autorité unique de contrôle en matière de données personnelles – cela a été rappelé. L’autorité compétente dépend du secteur concerné et du texte qui s’applique au niveau fédéral ou à celui des États. La Federal Trade Commission, l’agence fédérale indépendante, est assez largement compétente.
La législation nationale française exige donc non pas une autorité unique mais des autorités compétentes et indépendantes. Si les États-Unis ne désignaient pas clairement ces autorités, l’accord pourrait être suspendu. Celui-ci offre donc une garantie en la matière et les termes de l’arrangement sont très clairs : les États-Unis devront désigner ces autorités.
La seconde question visait à savoir pourquoi la CNIL n’a pas été associée ou saisie préalablement. Tel n’a pas été en effet le cas, bien que la possibilité en soit prévue au d) du 4° de l’article 11 de la loi de 1978. Ce n’est pas une obligation en cas de projet de loi d’approbation des accords de sécurité intérieure. L’accord ayant déjà été négocié entre la France et les États-Unis, l’avis de la CNIL ne pouvait pas entraîner de modification sur le fond. En revanche – ce point est très important –, la CNIL sera l’autorité compétente française pour le contrôle du respect des règles de protection des données dans le cadre du transfert des données établi par l’accord. Celui-ci ne contourne dont pas la CNIL, qui conserve toute sa compétence dans la mise en oeuvre de l’accord. Nous avons évidemment veillé dans la négociation de l’accord – cela a été souligné – à assurer l’équilibre entre les objectifs de sécurité et la protection des libertés fondamentales et des données personnelles, telle que nous l’avons établie en France de longue date, notamment dans la loi de 1978.
J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, l’article unique du projet de loi.
Monsieur le secrétaire d’État, tous les orateurs et vous-même avez souligné l’équilibre de cet accord qui a été, comme chacun sait, négocié dans la réciprocité et dans le respect des lois nationales. Vous avez rappelé à l’instant qu’il serait suspendu en cas de manquement.
La réciprocité dans l’ordre international est, à mes yeux, la sagesse même. La respecter est une nécessité. Or tel n’a pas été le cas du fameux accord entre la France et les États-Unis du 14 novembre 2013, accord asymétrique qui a des conséquences désastreuses dans les relations entre nos deux pays.
Cet accord, qui avait donné lieu – Mme Guigou pourrait vous le confirmer – à de fortes discussions au sein de la commission des affaires étrangères, a toutefois été ratifié par mimétisme, sous prétexte que certains de nos partenaires européens l’avaient approuvé. Nous avons suivi, ce que je regrette profondément. En effet, cet accord asymétrique, qui est un copier-coller de la loi FATCA – Foreign Account Tax Compliance Act – américaine, place dans les faits les établissements financiers français sous le droit fiscal américain, et ce, sans réciprocité, ce qui n’est pas acceptable, d’autant qu’il a des conséquences désastreuses non seulement pour des Américains qui vivent à Paris mais également pour des résidents français aux États-Unis qui gardent des attaches avec le sol français et qui, notamment, y ont un compte bancaire.
C’est ainsi que – vous le savez peut-être – 3 000 expatriés citoyens américains, qui vivent chez nous, ont renoncé à leur nationalité américaine de peur d’être pris en otage par un droit fiscal américain extraterritorial et véritablement hors norme.
Monsieur le secrétaire d’État, il convient de corriger cet aspect inacceptable de cet accord en le renégociant totalement ou en prévoyant un protocole qui lui donnera le caractère réciproque qui lui fait actuellement défaut. C’est la raison pour laquelle je profite de l’examen de l’accord de coopération judiciaire en matière de lutte contre le terrorisme, qui me semble parfait – dans un monde imparfait, j’en conviens –, pour affirmer qu’il convient de renégocier l’accord dit « loi FATCA », qui a été très critiqué et qui pose de nombreuses difficultés à nos concitoyens dans les rapports franco-américains, qui devraient être beaucoup plus sereins qu’ils ne le sont.
L’article unique est adopté, ainsi que l’ensemble du projet de loi.
La séance, suspendue à dix heures quarante, est reprise à onze heures cinq.
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des affaires européennes.
Monsieur le président, madame la présidente et monsieur le rapporteur de la commission des affaires étrangères, madame la rapporteure pour avis de la commission de la défense et des forces armées, mesdames et messieurs les députés, le projet de loi soumis à votre adoption aujourd’hui est particulièrement important et attendu. Il vise à renforcer la législation française en vue d’assurer plus efficacement le respect des embargos ou des mesures restrictives que la France met en oeuvre dans le cadre de sa politique étrangère.
Ce projet de loi a été déposé au Sénat en février 2006 et adopté par lui le 10 octobre 2007. Transmis en 2007 à l’Assemblée nationale, il n’avait pas été inscrit à l’ordre du jour sous la précédente législature. Compte tenu de l’importance de ce sujet mais également de nos engagements internationaux, le Gouvernement a décidé de relancer la procédure.
En effet, la France est aujourd’hui tenue d’appliquer des embargos ou des mesures restrictives à l’égard de près d’une vingtaine de pays ou entités, le plus souvent sur la base de résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies et de décisions prises dans le cadre de l’Union européenne.
Les sanctions prises par les Nations unies ou l’Union européenne visent à priver les États ou entités visés de leurs moyens d’action ou de leurs ressources. Elles peuvent aller d’un embargo sur les armes dans le cadre d’un conflit à une interdiction des transactions liées à la non-prolifération nucléaire, en passant par le gel des avoirs dans le cadre de la lutte antiterroriste ou un embargo contre les ressources servant à financer les parties à un conflit. Ces sanctions sont utiles pour faire pression sur un État, afin de l’inciter à coopérer à un processus de règlement politique en cours. Elles sont utilisées de manière croissante, aussi bien par le Conseil de sécurité que par l’Union européenne.
Or, en l’état actuel de la législation française, la répression des violations d’embargos ne relève d’aucune disposition du droit pénal général. Le juge doit s’appuyer sur le droit pénal spécial relatif aux armes et matériels de guerre ou aux infractions à la réglementation douanière. Dès lors qu’elles touchent au commerce ou à l’exportation de matériels de guerre, les violations de ces embargos ou mesures restrictives peuvent être poursuivies sur la base de dispositions du code de la défense. Quant au code des douanes, il permet de sanctionner le transfert frauduleux de biens à double usage ou de nature civile.
Malheureusement, en matière de commerce d’armes et de matériels de guerre, statistiquement le plus concerné par les décisions d’embargos ou autres mesures restrictives, la législation ne permet pas de traiter de manière satisfaisante toutes les situations de violation. Par exemple, le transport de matériels de guerre entre un pays tiers et un pays soumis à un embargo ne peut pas être sanctionné pénalement. En outre, les opérations d’assistance technique et de formation, de plus en plus fréquemment visées dans les embargos internationaux, ne sont que très imparfaitement couvertes. Par ailleurs, les embargos ou autres mesures restrictives édictés par le Conseil de sécurité des Nations unies ou par le Conseil de l’Union européenne peuvent prévoir des interdictions ou des restrictions sur des biens ou des services ne relevant pas de la législation sur les matériels de guerre, dont la violation échappe donc largement à toute possibilité de sanctions pénales.
J’ajoute que le Conseil de sécurité des Nations unies, dans sa résolution 1196 adoptée le 16 septembre 1998, encourage chaque État membre à adopter des mesures législatives érigeant en infraction pénale la violation des embargos imposés par le Conseil.
Le présent projet de loi vise donc à créer une nouvelle incrimination, qui fera l’objet de l’article 437-1 du code pénal. Ce nouvel article donne une définition de ce qu’il faut entendre en droit interne par « embargo ou autres mesures restrictives ». Ce texte vise aussi à couvrir de manière exhaustive l’ensemble des cas de violation d’embargo, quelle qu’en soit la nature et quel que soit le domaine d’activité concerné. Il propose ainsi d’instituer une incrimination générale de nature à permettre, dans tous les cas, la poursuite et le jugement des infractions.
L’extension de la notion d’embargo ou de mesure restrictive à des activités autres que commerciales ou financières permettra de couvrir tout un pan d’activités qui ne pouvaient jusqu’à présent faire l’objet de sanctions pénales. Elle concernera désormais également les actions de formation, de conseil ou d’assistance technique qui ne peuvent pas toujours être considérées comme des activités commerciales ou financières, notamment lorsqu’elles n’entraînent pas de contrepartie financière immédiate.
Ce projet de loi vise donc à nous conformer à nos obligations internationales, mais également à rendre l’un des outils de notre politique étrangère plus robuste et efficace afin de mieux lutter contre les trafics.
Compte tenu du rôle de la France dans ce domaine, notamment à travers l’adoption et la promotion du traité sur le commerce des armes, il est essentiel de mettre notre système législatif en cohérence avec les instruments que nous avons adoptés. C’est un impératif de sécurité internationale.
Ce texte nous donne aussi un outil supplémentaire pour inciter au respect du droit international, qui est facteur de paix et de résolution des conflits. Les embargos sur les armes et autres mesures restrictives ne sont certes pas des outils magiques, mais des instruments de pression dont l’histoire, notamment l’histoire récente, a montré…
…qu’ils permettaient de faire revenir des parties à un conflit à la table des négociations…
…ou de rappeler à leurs engagements internationaux des États qui ne s’y conformaient pas. L’accord historique conclu avec l’Iran sur la non-prolifération est un exemple.
Les sanctions sont toujours douloureuses et difficiles, pour le pays qui les subit comme pour ceux qui les décident, mais elles constituent aussi une alternative à la confrontation armée. Elles sont évidemment encadrées par le droit international. Cela nous engage donc à prendre, dans notre droit national, toute mesure visant à combattre et à faire poursuivre et condamner ceux qui violent les décisions que nous prenons, dans le cadre international, pour faire respecter le droit international. C’est pourquoi je vous demande, mesdames et messieurs les députés, de bien vouloir adopter le présent projet de loi.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
La parole est à M. Pouria Amirshahi, rapporteur de la commission des affaires étrangères.
Monsieur le secrétaire d’État, vous avez dit l’essentiel sur la genèse de ce projet de loi, sur son état d’esprit général et sur son enjeu majeur, à savoir la pénalisation, qui n’est pas prévue aujourd’hui dans notre droit interne, de toutes les violations d’embargos – pas seulement ceux sur les armes. Ce projet de loi, que vous nous invitez à adopter, a été adopté par la commission des affaires étrangères, enrichi de quelques amendements que je vais vous présenter.
On observe effectivement une nouveauté dans les relations internationales contemporaines. Certes, les embargos ne sont pas nouveaux : on sait que les blocus existent depuis Hannibal, et même bien avant, mais ils étaient alors utilisés directement comme une arme de guerre, comme un moyen d’organiser un siège. La grande nouveauté, c’est que ces embargos constituent désormais un outil pour éviter la guerre, et même parfois un instrument de négociation diplomatique. Ils ont d’ailleurs des effets divers, qu’il nous faut régulièrement évaluer : c’est pourquoi la commission des affaires étrangères a proposé de créer une commission chargée de la coordination et de l’évaluation des régimes d’embargo. J’y reviendrai tout à l’heure.
Ainsi, l’embargo est devenu un outil moderne de notre diplomatie contemporaine. Depuis le début du XXe siècle, 200 régimes de sanctions économiques ont été décidés. La moitié l’ont été au cours des vingt dernières années. C’est dire combien ces embargos constituent un élément très important de l’actualité géopolitique !
J’ai évoqué les régimes de sanctions économiques mais, comme l’a rappelé M. le secrétaire d’État, le point de départ de la réflexion était le contrôle et la pénalisation de toutes les violations d’embargos sur les armes. En 1998, le Conseil de sécurité de l’ONU nous a invités à prendre des mesures en la matière. Contrairement à d’autres États, la France a beaucoup tardé à transcrire ces dispositions dans son droit interne. Depuis cette date, elle a enrichi sa réflexion en ratifiant, en 2014, le traité sur le commerce des armes, mais aussi en étendant le champ des embargos aux activités économiques et financières.
L’alinéa 4 de l’article 1er me semble d’ailleurs très important, car il définit pour la première fois ce qu’est un embargo : « Constitue un embargo ou une mesure restrictive au sens du présent chapitre le fait d’interdire ou de restreindre des activités commerciales, économiques ou financières ou des actions de formation, de conseil ou d’assistance technique en relation avec une puissance étrangère, une entreprise ou une organisation étrangère ou sous contrôle étranger ou avec leurs agents ou toute autre personne », en application de notre loi nationale, d’accords internationaux ou de résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies.
J’ai mentionné la loi nationale car l’une des nouveautés du projet de loi est d’autoriser la France – même si cela pouvait aller de soi – à décréter un embargo sur tel ou tel pays considérant qu’il peut s’agir d’une arme diplomatique potentielle.
Les embargos sur les armes sont loin d’être une question mineure : 875 millions d’armes à feu, 500 000 morts par an dont 80 % de civils. Elle mérite que nous y réfléchissions sérieusement, en conscience, d’autant que les appréciations peuvent être diverses. On peut avoir le sentiment que vis-à-vis de l’Iran – alors que le président Rohani est en France – il y a eu des effets permettant de détendre une situation géopolitique internationale et de contraindre l’Iran à renoncer à se doter de l’arme nucléaire. Mais est-il certain que les sanctions à l’égard de la Russie soient à l’origine du ralentissement de son économie ? Cela n’est pas établi. En tout cas, il y a des effets humanitaires catastrophiques, je pense aux centaines de milliers de morts en Irak du fait des embargos successifs qui ont été imposés à ce pays.
Nous devons ouvrir sur le sujet un débat national dont j’espère que l’opinion publique, pour peu que nous y contribuions, s’en saisisse. Car l’on observe de plus en plus, ici ou en Europe – il suffit de lire les médias – que les gouvernements sont enclins à gouverner par la peur, ce qui donne à penser que la guerre, le chaos géopolitique du monde nous fragilisent en permanence, figent les démocraties et empêchent les sociétés civiles de s’approprier des débats essentiels, et de s’interroger sur la politique étrangère.
Or, dès lors que notre diplomatie recoure de plus en plus aux embargos, à la fois comme des armes de paix, mais également comme des armes de contrainte, avec des conséquences qui peuvent être lourdes, nous devons, pour des raisons de transparence et d’éducation populaire, informer régulièrement nos compatriotes des contenus et des effets des embargos, ainsi que de la nécessité de mener des évaluations régulières pour éventuellement les remettre en cause, les prolonger ou encore les renégocier.
La commission des affaires étrangères a, parfois en suivant des propositions de la commission de la défense, adopté plusieurs amendements relatifs à la condamnation pénale des personnes morales. Elle a également adopté une forme de réévaluation des peines en fonction de la valeur des biens plutôt que des sommes, nous en reparlerons au cours du débat. Elle a aussi intégré la condamnation pénale des personnes morales. En outre, elle s’aligne sur le régime des douanes puisqu’elle permet désormais les saisies et destructions de biens dans le cadre de la violation des embargos. Elle permet par ailleurs aux douanes de se référer à cette nouvelle dimension du code pénal, si la loi est adoptée, pour agir avec plus de cohérence dans l’interpellation et les saisies.
Une commission d’évaluation présenterait l’avantage de coordonner l’action du Gouvernement au niveau interministériel. Car sont concernées la justice, l’économie, les affaires étrangères et la défense. La transmission des informations serait ainsi facilitée ainsi que l’appropriation par les parlementaires et nos compatriotes des enjeux liés aux embargos, dans leur principe et leurs effets. Cela contribuerait à une meilleure évaluation des actions entreprises par notre pays.
Ce texte constitue une adaptation éminemment moderne de notre droit pénal aux nécessités diplomatiques de notre temps. Il est indispensable en effet de réfléchir à nombre de questions géopolitiques et stratégiques quand on parle d’embargos. Ils sont non seulement variés et divers, mais posent des questions lourdes de temporalité : on sait toujours quand débute un embargo, rarement quand il prendra fin, ainsi que le dit notre collègue Myard.
En tout état de cause, il est plus que jamais nécessaire de se poser régulièrement des questions sur la pertinence d’un tel levier d’action diplomatique et stratégique. Aussi, je vous invite à voter en faveur de cette adaptation dans notre droit national, en faveur de ce projet de loi qui ne fera que doter notre pays d’un outil pénal supplémentaire, de le renforcer, de le moderniser et de le mettre en phase avec la modernité de notre action diplomatique.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La parole est à Mme Nathalie Chabanne, rapporteure pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des affaires étrangères, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, on reproche souvent au Parlement de légiférer dans l’urgence.
Manifestement, tel n’est pas le cas pour le texte que nous examinons aujourd’hui.
En l’espèce, nous sommes même collectivement tombés dans l’excès inverse, Parlement comme Gouvernement : déposé en février 2006 au Sénat, le projet de loi a été adopté par ce dernier en octobre 2007. Transmis à l’Assemblée nationale, le texte n’a cependant pas été examiné, faute d’une inscription à l’ordre du jour. Redéposé en février 2013 – car nous avions entre-temps changé de législature – le projet de loi va finalement être examiné par notre Assemblée en ce début d’année 2016, soit dix ans après la date de son premier dépôt !
Toutefois, bien qu’arrivant tardivement, le texte proposé n’en est pas moins utile et nécessaire. Il vise en effet à compléter notre arsenal juridique afin de poursuivre et de réprimer plus efficacement les violations d’embargos et de mesures restrictives.
Il s’inscrit en outre dans une certaine actualité. Dans le cadre de la mise en oeuvre de l’accord sur le nucléaire iranien, les États-Unis et l’Union européenne ont récemment décidé la levée progressive des sanctions pesant sur l’Iran, dans les domaines économiques et financiers.
Je ne reviendrai pas en détail sur les dispositions du projet de loi, qui ont déjà été présentées. Je souhaiterais simplement évoquer quelques sujets.
Le premier concerne le régime applicable aux exportations d’armement, sujet qui intéresse au premier chef la commission de la défense, mais qui est également le domaine qui, statistiquement, est le plus concerné par les décisions d’embargo.
Je rappelle que la France dispose d’un régime juridique complet d’autorisation et de contrôle, codifié dans le code de la défense. Le contrôle des exportations d’armement repose sur un principe fondamental de prohibition : seules peuvent être réalisées les opérations expressément autorisées par le Gouvernement, via la commission interministérielle pour l’étude des exportations de matériels de guerre, la CIEEMG.
Dans ce cadre, la France respecte rigoureusement les régimes de sanctions édictés par les différentes institutions compétentes. Par ailleurs, notre pays applique strictement les stipulations de la Position commune 2008944PESC – Politique étrangère et de sécurité commune – qui régit le contrôle des exportations d’équipements et de technologies militaires.
Une exportation de matériels de guerre ne peut être réalisée sans autorisation préalable. Or cette autorisation ne peut être délivrée en présence d’un embargo ou de mesures restrictives. Par ailleurs, une autorisation en cours peut être suspendue, modifiée, abrogée ou retirée, notamment pour tenir compte de telles mesures.
De tels rappels me semblaient nécessaires car le commerce des armes reste une activité assez méconnue.
Toutefois, et c’est normal, des dispositions existent qui permettent de poursuivre et de réprimer les exportations réalisées en violation de la réglementation, qu’il existe ou non un embargo ou des mesures restrictives. Elles sont prévues par le code de la défense.
Mais le projet de loi va plus loin en créant une incrimination de portée générale permettant de réprimer toute violation d’embargo ou de mesure restrictive, quel que soit le domaine d’activité concerné.
Par ailleurs, en visant explicitement les prestations de service, le texte permet de compléter utilement notre arsenal juridique.
Si le projet de loi constitue un incontestable progrès, les commissions saisies ont néanmoins estimé que, pour le rendre pleinement opérant, il convenait de le compléter.
Je tiens à cet égard à remercier les membres de la commission de la défense qui, à l’unanimité, ont accepté les amendements que j’avais présentés. La plupart avaient été élaborés avec le rapporteur de la commission saisie au fond. Je remercie également les membres de la commission des affaires étrangères qui ont confirmé les modifications apportées au texte. Quelles sont-elles ?
Tout d’abord, il a semblé nécessaire de réprimer plus sévèrement la violation des embargos lorsqu’elle est commise en bande organisée, ce qui constitue évidemment une circonstance aggravante au regard du droit pénal.
Par ailleurs, il convenait de préciser les peines applicables aux personnes morales reconnues coupables d’une violation d’embargo.
Enfin, il a semblé utile de prévoir une possibilité de confiscation de l’objet de la violation de l’embargo, des éléments qui ont permis la commission du délit, ainsi que des biens et avoirs qui en sont le produit.
Je regrette donc que le Gouvernement ait déposé des amendements de suppression de ces dispositions qui, j’en suis convaincue, améliorent substantiellement le texte.
Notre rôle en tant que législateurs n’est pas d’adopter la loi le plus vite possible. Il est déjà trop tard pour cela : ce texte attend depuis dix ans. En revanche, notre rôle est d’élaborer la loi la plus complète et la plus efficace possible afin de sanctionner un maximum de comportements délictueux. À cet égard il n’est pas trop tard. L’adoption du texte peut encore attendre quelques semaines de plus et un nouvel examen au Sénat si le but est de le rendre non pas parfait, mais le plus abouti possible. Car il s’agit de la loi et pas de n’importe laquelle : il s’agit d’une loi qui vise à sanctionner la violation de la légalité internationale. Mais nous reviendrons sur ces sujets dans quelques instants.
Je terminerai mon intervention en formulant un voeu à destination du Gouvernement. Dans le cadre d’un récent rapport d’information élaboré avec mon collègue Yves Foulon, nous avions proposé qu’un député et un sénateur soient nommés en qualité de membres observateurs au sein de la CIEEMG. Une telle décision, qui relève du pouvoir exécutif, présenterait plusieurs avantages. Elle aurait pour vertu d’associer davantage le Parlement à la politique d’exportation d’armement sans méconnaître les prérogatives de l’exécutif en la matière. La présence de parlementaires permettrait également de dissiper certains fantasmes qui entourent cette activité.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des affaires étrangères, madame, monsieur les rapporteurs, ce projet de loi vise à combler un vide juridique et s’inscrit dans un esprit de bon aloi, celui d’un État de droit qui se veut exhaustif et efficace.
En cela, nous ne pouvons que souscrire au texte qui nous est proposé. Permettez-moi de préciser les termes de cette conviction, mais aussi d’exprimer quelques interrogations pour placer ce texte dans une perspective plus large.
Notre adhésion au projet de loi part d’un constat simple. En l’état actuel de notre législation, la répression des violations d’embargo par le juge se fonde sur le seul droit pénal spécial relatif aux armes et matériels de guerre ou aux infractions à la réglementation douanière. Un champ de compétence matériel limité, qui ne couvre pas de manière satisfaisante toutes les situations de violation d’embargo en matière d’armes et matériels de guerre. Le projet de loi vise précisément à donner une définition légale particulièrement large de l’embargo et des autres mesures restrictives, et à mieux réprimer leur violation.
Le commerce des armes est meurtrier : selon Amnesty International, 500 000 personnes seraient tuées chaque année, que ce soit sur les champs de bataille ou suite à des répressions, de la part d’États ou d’organisations criminelles.
Nous figurons parmi les toutes premières puissances qui fabriquent et exportent des armes et du matériel de guerre ; il est donc normal que nous montrions l’exemple en nous appliquant à nous-mêmes les règles de morale internationale.
Notre pays siège au Conseil de sécurité des Nations Unies et prend une part active dans la mise en place de comités de sanctions et d’organes subsidiaires chargés de veiller à l’application des embargos sur les armes. Or la France fait preuve, au niveau national, d’un manque de volonté politique, notamment quand il s’agit d’en sanctionner la violation.
À cette heure elle ne dispose en effet d’aucun cadre juridique propre à sanctionner, de façon spécifique, toute violation constatée aux embargos sur les armes. Dans un rapport de mars 2006, Amnesty International et plusieurs organisations non gouvernementales – ONG – ont ainsi dénoncé l’impunité dont bénéficient les auteurs de violations de ces embargos. Son constat est édifiant. Parmi les trafiquants d’armes les plus célèbres, Leonid Minin était toujours en liberté, et il l’est toujours en 2016. Il en va de même pour Robert Montoya, qui n’a jamais été poursuivi pour la fourniture, en violation de l’embargo, de matériels de guerre à la Côte d’Ivoire.
Comme cela a été rappelé, les embargos ou « autres mesures restrictives » édictés par des institutions internationales comme le Conseil de sécurité ou l’Union européenne englobent, depuis quelques décennies, un champ beaucoup plus large que le secteur de l’armement. Ils prévoient désormais des restrictions ou des interdictions ne relevant pas de la législation sur les matériels de guerre : ils peuvent non seulement porter sur des activités commerciales et financières, mais aussi sur des actions de formation et d’assistance technique, d’ailleurs souvent utilisées, dans le passé, pour contourner les embargos. Notre législation ne vise pas ces nouvelles activités et ne permet pas de les sanctionner pénalement lorsqu’elles revêtent un caractère illicite, puisque seuls le Code de la défense et le code des douanes peuvent offrir un fondement juridique auxdites sanctions.
C’est donc tout naturellement que nous approuvons ce projet de loi qui donne une nouvelle définition de l’embargo et de la mesure restrictive en créant une nouvelle incrimination pénale ; il est même un bon exemple d’adaptation de notre droit à la réalité de la société internationale.
Pour autant, je me dois de le souligner à ce stade, notre adhésion de principe ne vaut pas caution aveugle aux mesures coercitives dont nous parlons. Parfois nécessaires, les embargos peuvent aussi s’avérer inutiles et désastreux : je pense aux embargos emblématiques qui, imposés à Cuba ou à l’Irak, ont plongé ces pays dans la pénurie et provoqué des conséquences catastrophiques sur la santé des populations et la mort de milliers d’enfants. Certaines associations ont même été contraintes de se placer en situation de « désobéissance civile internationale » pour apporter, en Irak, une aide humanitaire.
Du reste, nous nous interrogeons sur le retard que nous avons pris à satisfaire la recommandation du Conseil de sécurité, ainsi que sur le peu d’empressement des gouvernements successifs à faire venir en discussion un projet de loi qui, rappelons-le, date du mois de février 2006. Ce décalage de dix ans entre les paroles et les actes ne laisse pas de surprendre, de la part d’un pays qui se veut à la pointe du combat mené par la communauté internationale pour maintenir la paix et sanctionner ceux qui la menacent. Ce retard ne masque-t-il pas une priorité donnée à certains contrats d’armement officiels ou officieux ?
De même, l’établissement d’une législation répressive adéquate ne saurait suffire à elle seule pour garantir le respect des mesures d’embargos. Il faut aussi des moyens humains et matériels considérables en matière de renseignement, mais aussi de contrôle aux frontières. La réduction des effectifs des douanes, depuis de nombreuses années, prouve à quel point nous sommes loin de nous donner les moyens d’atteindre les objectifs visés.
Je souhaite enfin évoquer une question d’actualité qui n’est pas sans lien avec le texte. Il s’agit de la différenciation de régime juridique entre les embargos décidés par l’État et les boycotts lancés par des initiatives citoyennes. Deux arrêts de la Cour de cassation, rendus le 20 octobre 2015, font de la France l’un des rares pays du monde, et la seule démocratie, où l’appel au boycott par un mouvement associatif ou citoyen pour critiquer la politique d’un État tiers est interdit. Ce combat, lancé au nom de valeurs de justice et de respect du droit international, s’inscrit pourtant dans le droit fil du boycott organisé, à l’époque, contre l’apartheid sud-africain, boycott qui fut l’un des facteurs essentiels pour abolir celui-ci. Les sanctions peuvent être la meilleure ou la pire des choses : tout est affaire de bonne foi et de volonté politique.
Les députés du Front de gauche voteront ce texte ainsi mis en perspective, tout en restant lucides sur les conditions concrètes de son application.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, madame la rapporteure pour avis, mes chers collègues, ce projet de loi, longtemps attendu, arrive enfin à l’Assemblée. Je m’en réjouis. Il était en effet urgent que le sujet soit débattu sur nos bancs. Déposé en 2006, le texte aura mis dix ans avant de parvenir jusqu’à nous, ce qui ne manque pas de nous surprendre.
L’absence de contrôle véritable du commerce des armes a en effet des conséquences dramatiques : 500 000 morts par arme à feu tous les ans, de nombreuses victimes des conflits – des civils, pour 80 % d’entre elles – et 875 millions d’armes à feu en libre circulation dans le monde.
Ce projet de loi présente plusieurs avantages, et en premier lieu celui de pallier une insuffisance juridique internationale. Le traité sur le commerce des armes, adopté en 2013, était un premier marqueur de la détermination internationale dans la lutte contre les comportements inacceptables d’États ou d’organisations ; il oblige les États signataires à mettre en place des régimes de contrôle, sans toutefois prévoir de sanctions.
En créant, au sein du code pénal, une incrimination de violation des embargos ou des mesures restrictives, le projet de loi apporte de l’efficacité à la répression des actes contraires aux mesures décidées dans un cadre multilatéral et, le plus souvent, sur la base d’une résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies ou des décisions prises à l’échelon de l’Union européenne.
Permettez-moi d’insister sur ce point, qui me semble fondamental : il s’agit de faire respecter des décisions collectives, l’embargo devant toujours résulter d’un acte multilatéral. En la matière, toute décision unilatérale me paraît vouée à l’échec.
Vous savez bien que nous ne sommes pas d’accord, monsieur Myard…
Les amendements votés en commission rendent le texte plus opérant : je pense notamment à la répression plus sévère de la violation commise en bande organisée.
En deuxième lieu, le texte donne une définition claire, large et générale de l’embargo et des mesures restrictives. Cette définition recouvre l’ensemble des activités potentiellement concernées, quelle que soit leur nature, qui permettent de faciliter la réalisation d’un transfert d’armes – transports, courtage, assurance ou financement – ou d’une assistance technique. Elle inclut ainsi l’ensemble des activités économiques, y compris les services, et permet des sanctions contre des activités qui, jusqu’à présent, y échappaient.
Je salue le travail effectué au sein des deux commissions et par nos deux rapporteurs, qui renforce considérablement la portée du texte. Je soulignerai notamment la création d’une commission consultative mixte, dont la composition peut être peaufinée ; dédiée à la mise en oeuvre des embargos et à leur suivi, elle réunirait des parlementaires et des membres du Gouvernement. Elle permettra d’améliorer la transparence sur les ventes d’armes et la tenue d’un débat public, aujourd’hui trop absent.
Si ce texte est une réelle avancée, je regrette que l’on ne saisisse pas l’occasion qu’il nous donne d’élargir la compétence du juge français. Aux termes de l’article 113-6, alinéa 2, du code pénal, la loi pénale française « est applicable aux délits commis par des Français hors du territoire de la République si les faits sont punis par la législation du pays où ils ont été commis ».
Il suffit donc à un Français de sortir du territoire national pour exercer ses activités délictuelles à moindre risque, puisqu’il ne pourra être poursuivi que si les faits qui lui sont reprochés sont également punis dans le pays où il les aura commis.
Le fait de restreindre la compétence du juge français vis-à-vis des Français agissant à l’étranger vient donc notablement affaiblir l’engagement pris par la France, avec la ratification du TCA – traité sur le commerce des armes – 7, de respecter les buts pour lesquels il a été établi, à savoir « contribuer à la paix, la sécurité et la stabilité internationales et régionales ; réduire la souffrance humaine ; promouvoir la coopération, la transparence et l’action responsable des États parties dans le commerce international des armes classiques et bâtir ainsi la confiance entre ces États ». La restriction envisagée pourrait affaiblir l’universalisation du TCA, qui à ce jour couvre un peu plus de 35 % du marché de l’armement.
De même, on peut regretter le manque d’encadrement du contrôle du courtage en armement. En 2003, l’Union européenne a adopté, en ce domaine, une position commune que nous sommes fortement encouragés à suivre. En 2010, le Gouvernement, interpellé sur la question, ne semblait pas pressé de mettre le texte à l’ordre du jour.
Le projet de loi que nous allons voter tend à mieux adapter notre riposte au développement des différentes formes et méthodes de violation de l’embargo. Il est nécessaire car il permettra la répression pénale de la violation de tous les embargos et pratiques restrictives, au-delà du seul cas des matériels de guerre, et il est également utile en ce qu’il rendra plus efficace la répression des actes contraires aux embargos ou aux mesures restrictives.
Pour ces deux raisons, je le voterai, comme l’ensemble du groupe SRC. Nous resterons aussi vigilants quant à son suivi et à ses éventuels aménagements connexes.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, madame la rapporteure pour avis, mes chers collègues, nous examinons enfin le projet de loi, modifié par le Sénat, relatif à la violation des embargos et autres mesures restrictives. Le texte qui nous est proposé vise à renforcer notre arsenal juridique en vue d’assurer le respect des embargos et des mesures restrictives.
La France applique des embargos ou des mesures restrictives à l’égard de certains pays, le plus souvent sur la base d’une résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies ou de décisions prises dans le cadre de l’Union européenne.
S’agissant de la violation de ces mesures par une organisation tierce, la France dispose aujourd’hui de deux instruments pour poursuivre les contrevenants. Le code de la défense traite les entorses aux mesures et embargos pour ce qui est du matériel de guerre et, pour ce qui est du commerce illégal de technologies et marchandises duales ou civiles, le code des douanes sanctionne les transferts frauduleux. Pour résumer, la répression des infractions s’appuie, pour l’instant, sur des dispositions particulières du code de la défense et du code des douanes.
En matière de violation d’embargo, le Conseil de sécurité des Nations Unies a expressément souhaité, à travers une résolution du 16 septembre 1998, l’introduction d’une incrimination spécifique pour les violations d’embargos dans les législations pénales des États membres.
Par ailleurs, il est apparu que notre législation, en son état actuel, ne permettait pas de couvrir de manière exhaustive l’ensemble des cas de violation d’embargo : on mentionnera en particulier les programmes de formation technique et d’assistance à des acteurs sous embargo.
Pour ces raisons, un texte de portée plus générale, couvrant l’ensemble des champs d’activité – transport et financement –, est apparu nécessaire. Celui qui nous est soumis s’inscrit dans l’actualité puisque, il y a moins de deux semaines, à la suite d’une déclaration de l’Agence internationale de l’énergie atomique, l’AIEA, les États-Unis et l’Union européenne ont décidé une levée progressive des mesures pesant sur l’Iran dans les domaines économique et financier.
Le projet de loi, sur les détails duquel je ne reviens pas, s’attache en particulier à définir les embargos et à pénaliser leur violation ; il affirme par ailleurs qu’en cas de violation d’un embargo ou d’une mesure restrictive, les poursuites resteront possibles même après la levée de ceux-ci. D’une manière générale, il mettra notre droit en conformité avec la résolution no 1196 du 16 septembre 1998 du Conseil de sécurité de l’ONU, et renforcera donc notre arsenal législatif.
Néanmoins, sans remettre en cause le bien-fondé de ce texte que nous voterons, je formulerai certaines réserves quant à la politique de l’embargo en matière de relations internationales.
Si l’embargo est un instrument de géopolitique majeur, il n’en reste pas moins que, dans certaines situations, il peut nous conduire à une impasse. Permettez-moi d’évoquer, à ce sujet, un souvenir personnel. Lorsque j’étais ministre des transports, la Birmanie subissait un embargo applicable aux pièces de rechange que nous devions livrer pour des avions civils et touristiques ; or la majeure partie des touristes véhiculés dans ces avions étaient français. Si on livre ces pièces, on est donc condamné pour avoir violé l’embargo ; si on ne les livre pas et qu’un avion transportant certains de nos concitoyens s’écrase quelques semaines plus tard, on est coupable de n’avoir pas assuré son bon entretien.
Bref, il est important de souligner que les embargos ne peuvent constituer l’alpha et l’oméga de toute politique étrangère.
La France accepte parfois les embargos de l’Union européenne sous la pression d’un certain nombre de ses partenaires. Aussi ces embargos peuvent-ils nous conduire clairement dans des impasses, notamment lorsque ces sanctions nuisent à nos intérêts.
J’en veux pour preuve la politique de sanctions menée par l’Union Européenne à l’encontre de la Russie, qui ne donne strictement aucun résultat. Aujourd’hui, elle a en effet, d’un point de vue politique – je pense à l’Ukraine –, un résultat totalement nul. En revanche, ce sont nos agriculteurs qui en payent le coût : or cette politique est conduite depuis plusieurs années sans le moindre vote ni la moindre expression du Parlement français !
En effet, la politique de sanction menée par l’Union Européenne interdit à une liste de responsables, et d’entités qui leur sont associées, de pénétrer sur le territoire de l’Union Européenne, et impose un gel des avoirs détenus dans l’Union.
Je le répète : ces sanctions, décidées en mars 2014, devaient expirer fin juillet 2015. Elles ont depuis été prolongées une première fois jusqu’à fin janvier 2016, puis une nouvelle fois, en décembre dernier, jusqu’en juillet 2016, sans que notre assemblée ou le Sénat aient pu débattre du bien-fondé de ces sanctions.
J’ai appris que M. Macron, qui est toujours membre du Gouvernement, avait, à Moscou, il y a quelques jours, devant la chambre de commerce franco-russe, expliqué que ces sanctions étaient totalement stupides et infondées. Il a indiqué à cette occasion qu’il militerait personnellement en faveur leur levée dans quelques mois : j’espère qu’il ne s’agit pas, une fois de plus, d’une position isolée mais bien de celle du Gouvernement. Nous en jugerons dans quelques semaines.
Alors que notre assemblée s’apprête à donner à l’État les moyens de contrôler le respect des embargos et des mesures restrictives, je regrette, à titre personnel, que nous ne puissions débattre au sein du Parlement – je l’ai dit – de certaines mesures restrictives.
Ces remarques faites, le groupe UMP,
Sourires.
pardon Les Républicains, mais ce sont les mêmes, je vous rassure (Nouveaux sourires.), approuve le projet de loi relatif à la violation des embargos et autres mesures restrictives.
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État aux affaires européennes, madame la présidente de la commission des affaires étrangères, monsieur le rapporteur, madame la rapporteure pour avis, mes chers collègues, ces dernières décennies, nous avons assisté à un changement de forme de la menace.
En conséquence, les mesures de rétorsion ont évolué. On dénombre désormais de nombreux embargos, ou autres mesures restrictives, édictés soit par le Conseil de sécurité des Nations Unies, soit par le Conseil de l’Union européenne. Ils contiennent des interdictions ou des restrictions ne se bornant plus exclusivement aux matériels de guerre.
Les embargos peuvent, notamment, concerner les activités de nature commerciale, économique ou financière, mais aussi des actions de formation, de conseil ou d’assistance technique menées auprès d’un État, d’une entité, ou de personnes physiques ou morales.
Cette mesure, en interdisant, temporairement ou non, l’exportation ou la libre circulation de certaines marchandises, constitue une arme politique pour les démocraties tout autant qu’une alternative pacifique à des opérations militaires qui ne sont pas toujours possibles ou souhaitables.
On connaît, par exemple, le rôle qu’a joué dans la fin de l’apartheid l’embargo imposé à l’Afrique du Sud en 1977 concernant le commerce des armes, les nouveaux investissements ou les exportations de pétrole.
Il est donc essentiel, lorsqu’un embargo est décidé par les institutions internationales, de tout mettre en oeuvre pour le faire respecter. Cela n’est possible, bien évidemment, que si des sanctions adéquates sont prévues en cas de violation. En outre, chaque pays membre de l’Organisation des Nations Unies a l’obligation de respecter les embargos imposés par le Conseil de sécurité.
Il est donc nécessaire d’adapter notre législation. En effet, les dispositions répressives françaises, actuellement prévues par le code de la défense ou par le code des douanes, ne sont pertinentes que s’agissant de matériels de guerre et en matière douanière.
Afin de permettre la répression pénale de la violation de tous les embargos et de toutes les mesures restrictives, le projet de loi vise donc à créer une nouvelle incrimination inscrite dans le code pénal et permettant de couvrir tous les cas de figure.
Il était initialement prévu que la violation des embargos ou des mesures restrictives soit punie d’une peine de sept ans d’emprisonnement et de 750 000 euros d’amende.
Lors de l’examen du projet de loi en commission, il a été décidé de punir plus sévèrement cette violation lorsque celle-ci est commise en bande organisée, en fixant le quantum des peines prévues à dix ans d’emprisonnement et 1,5 million d’euros d’amende.
Ont également été prévues des peines applicables aux personnes morales reconnues coupables d’une violation d’embargo ou de mesures restrictives. Ces peines, comme cela existe pour ce qui concerne l’exportation sans licence de matériels de guerre, pourront aller de la dissolution de la société, dans les cas les plus graves, à l’exclusion des marchés publics. Ces personnes morales pourront également se voir frappées d’une interdiction de percevoir des aides publiques ainsi que de celle d’opérer des émissions sur les marchés financiers.
Nous soutenons ces évolutions qui nous semblent tout à fait pertinentes. Précision importante : le projet de loi prévoit que les délinquants pourront être poursuivis et jugés, même après la levée d’un embargo, pour des faits commis quand cet embargo était en vigueur. En effet, même si la norme d’appui mettant en oeuvre l’embargo a disparu, l’incrimination de violation d’embargo, elle, subsiste.
Enfin, comme pour tout délit de droit commun, la prescription est de trois ans. Elle court non pas à compter du jour où les faits ont été commis, mais à compter du dernier acte de poursuite judiciaire, pour autant, bien entendu, que l’enquête ait été ouverte dans le délai de trois ans à compter de la commission des faits.
Mes chers collègues, ce texte est attendu par la communauté internationale. À ce titre, nous regrettons que son parcours législatif ait été aussi lent, comme cela a déjà été dit par les orateurs précédents ainsi que par les rapporteurs. En effet, le Conseil de sécurité des Nations Unies, dans sa résolution 1196 adoptée le 16 septembre 1998, a encouragé chaque État membre à adopter des mesures législatives érigeant en infraction pénale la violation de tout embargo imposé par le Conseil.
Il aura fallu neuf années avant que le texte ne soit adopté par le Sénat, et neuf années supplémentaires pour que notre assemblée débute son examen. Pourtant, ce projet de loi va dans le sens du respect des engagements internationaux de la France et de la promotion des droits de l’homme chers à notre histoire, à notre tradition et à nos valeurs.
Il témoigne de la volonté politique de notre pays de mieux faire respecter les embargos de toute sorte prononcés par les institutions internationales. Il s’agit d’un texte bref et clair, qui a recueilli un large assentiment au sein de nos deux assemblées, puisqu’il a été adopté à l’unanimité par le Sénat, ainsi que, la semaine dernière, par la commission de la défense et la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale.
Nous devons donc l’adopter sans plus tarder afin de renforcer notre arsenal législatif. Nous devons également, au-delà du respect des embargos, assurer une évaluation transparente de ces derniers, sur le plan humanitaire comme économique.
À ce titre, nous saluons l’amendement adopté en commission qui prévoit d’instituer une commission nationale consultative chargée du suivi des régimes d’embargo ou de restrictions économiques.
Cette commission, qui comprendra notamment des représentants du Parlement, des administrations concernées, des entreprises et de la société civile, permettra d’assurer un suivi efficace des embargos en vigueur, suivi aujourd’hui relativement faible et insuffisamment coordonné.
Les parlementaires ne représentent donc pas la société civile ? C’est scandaleux !
Mes chers collègues, Plus de 200 régimes de sanctions économiques ont été identifiés au XXe siècle dans le monde. À l’heure actuelle, la France est tenue d’appliquer des embargos ou des mesures restrictives à l’égard de vingt-trois États ou entités, parmi lesquels la Corée du Nord, la Syrie ou encore l’État islamique.
Qui pourrait s’opposer à la mise en place de mesures de rétorsion envers ces entités, qui représentent, sans aucun doute, une menace pour la paix et qui bafouent le droit international ? Qui, a fortiori, pourrait s’opposer à la répression pénale de ceux qui violent ces embargos ?
Même s’il est exact que la mise en oeuvre des embargos se heurte souvent à de grandes difficultés pratiques, notamment en raison de leur contournement, il nous semble primordial qu’une législation nationale répressive et adéquate existe, la prévention des conflits et le respect des règles internationales devant être efficacement garantis par les États au nom de la communauté internationale, qu’elle soit onusienne ou européenne, cher Jacques Myard.
La lutte pour une paix durable est à ce prix. Aussi, vous l’aurez compris, les députés du groupe de l’Union des démocrates et indépendants voteront en faveur de ce projet de loi.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État aux affaires européennes, madame la présidente de la commission des affaires étrangères, monsieur le rapporteur, madame la rapporteure pour avis, mes chers collègues, la France est aujourd’hui tenue d’appliquer des embargos ou des mesures restrictives à l’égard d’une vingtaine de pays, le plus souvent sur la base d’une résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies et de décisions prises dans le cadre de l’Union européenne.
Dès lors qu’elles touchent au commerce ou à l’exportation de matériels de guerre, les violations de ces embargos ou de ces mesures restrictives peuvent être poursuivies sur la base de dispositions du code de la défense. En outre, le code des douanes permet de sanctionner le transfert frauduleux de biens à double usage ou de nature civile. Toutefois, le cadre juridique existant ne permet pas de réprimer l’ensemble des actes contraires aux embargos et aux mesures restrictives.
En effet, il n’existe pas, dans notre législation, de dispositif juridique particulier pour appréhender, de façon spécifique, les violations des embargos sur les armes, dans le champ du droit pénal général. Ce vide juridique n’est pas comblé par l’existence des seules dispositions applicables du code de la défense sur le régime de contrôle des importations et exportations de matériels de guerre ou encore du code des douanes.
Par ailleurs, les embargos sur les armes sont toujours plus complexes et étendus dans leur portée. Ils couvrent en effet les agissements d’un grand nombre d’acteurs pouvant intervenir dans une chaîne de transferts d’armes – industriels, courtiers, transporteurs, affréteurs, financeurs – qui ne sont pas pris en compte par le droit existant.
Dès lors, le projet de loi relatif à la violation des embargos et autres mesures restrictives, dont nous discutons aujourd’hui, est, à plus d’un titre, nécessaire. Tout d’abord parce qu’il définit, en droit français, la notion d’embargo ou de mesure restrictive. Ces dernières s’entendent comme « le fait d’interdire ou restreindre des activités commerciales, économiques ou financières ou des actions de formation, de conseil ou d’assistance technique en relation avec une puissance étrangère, une entreprise ou une organisation étrangère ou sous contrôle étranger ou avec leurs agents ou toute autre personne ».
Cette définition, en ne visant pas des champs particuliers ou des domaines d’activité précis, permettra de poursuivre efficacement l’ensemble des faits délictueux, quelle que soit la nature des activités commerciales, économiques ou financières visées par les embargos et par les mesures restrictives.
Par ailleurs, le fait de viser explicitement les prestations de service – c’est-à-dire les « actions de formation, de conseil ou d’assistance technique » – permet de compléter utilement notre arsenal juridique.
Ensuite, le projet de loi crée, au sein du code pénal, une incrimination pénale de violation des embargos ou des mesures restrictives qui peut être punie d’une peine de sept ans d’emprisonnement et de 750 000 euros d’amende ou de dix ans d’emprisonnement et de 1,5 million d’euros d’amende lorsque le délit est commis en bande organisée.
En outre, il convient de préciser les peines applicables aux personnes morales qui se rendraient coupables d’un tel délit : exclusion des marchés publics, interdiction d’opérer des émissions sur les marchés financiers ou encore interdiction de percevoir des aides publiques.
Le projet de loi vient ainsi combler un vide juridique en faisant des violations des embargos en France des infractions pénales. Par ailleurs, il met fin à une zone grise : la responsabilité des acteurs privés intervenant dans un transfert d’armes. Actuellement en effet, les transporteurs ou les financeurs, c’est-à-dire les intermédiaires au sens du courtage, ne sont pas soumis à un contrôle spécifique et ne font l’objet que d’un contrôle a posteriori.
Il est à noter aussi que le projet de loi renforce la réglementation en matière d’exportation et de transfert d’armement en introduisant un contrôle a posteriori, sur pièces et sur place, en contrepartie d’un allégement du contrôle a priori.
L’absence de loi érigeant en infraction la violation des embargos fragilise le contrôle a posteriori, privant les enquêteurs et la justice d’un instrument législatif essentiel à la réalisation de leur mission.
Enfin, le dispositif contenu dans ce texte permettra de répondre à la nécessité d’une meilleure transparence publique sur les questions d’embargo et de sanctions puisqu’il est prévu d’instituer une commission nationale consultative chargée du suivi des régimes d’embargo ou de restrictions économiques à l’encontre de puissances ou d’entités étrangères.
Cette dernière comprendra des représentants du Parlement, des administrations concernées, des entreprises et de la société civile, en particulier des organisations à but non lucratif qui défendent au plan international les droits humains fondamentaux et les grandes causes humanitaires.
Le Gouvernement devra en recueillir l’avis dès lors qu’il sera envisagé d’établir, de modifier, de suspendre ou de reconduire un régime d’embargo, soit dans le cadre national, soit par une décision du Conseil de l’Union européenne, soit par une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies, soit dans tout autre cadre international.
Avec l’adoption de ce texte, la France mettra sa législation en conformité avec la recommandation du Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations unies, puisque, dans une résolution de septembre 1998, il invitait les États membres à adopter des mesures législatives ou autres mesures juridiques érigeant en infraction pénale la violation des embargos sur les armes imposés par le Conseil.
Ainsi, la France, qui prône régulièrement le respect du droit international et qui a ratifié le traité sur le commerce des armes en avril 2014, sera en pleine adéquation avec ses engagements internationaux.
Par conséquent, le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste soutient le présent projet de loi qui, en renforçant notre législation, assurera plus efficacement le respect des embargos ou des mesures restrictives que la France se doit de mettre en oeuvre.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ce projet de loi, à l’évidence, est de nature à clarifier notre législation. J’en accepte l’augure.
Il prévoit dès le premier article que l’embargo sera décidé par la loi. Est-ce à dire, monsieur le secrétaire d’État, que, dans chaque cas, nous devrons décider, et je m’en réjouirai ? Si l’embargo est décidé par la loi, cela signifie que nous sommes dans le domaine de l’article 34, et toutes les décisions, y compris celles qui seraient prises de manière multilatérale, devraient être sanctionnées par une loi.
Personnellement, cela ne me gêne pas.
J’entends souvent dire, et cela a été expliqué aussi par le rapporteur, que les embargos, finalement, ce serait une technique de substitution à la guerre et que mieux vaut avoir des embargos que des tensions multiples et variées. Est-ce bien certain ? J’ai rencontré un jour à Washington des représentants d’un certain nombre d’entreprises américaines, qui ont fustigé la politique étrangère américaine comme jamais je ne l’avais entendu même de la part de votre serviteur. C’est tout dire. Ils m’ont dit qu’il y avait plus de soixante-dix embargos américains de par le monde. On arrive à des situations ubuesques, la multiplicité des embargos créant des tensions sans favoriser en quoi que soit la sérénité indispensable dans les relations internationales.
Je voudrais évoquer devant vous le cas de deux embargos, contre la Russie et l’Iran, qui sont des embargos multilatéraux. Ce que l’on constate, c’est qu’ils sont très difficilement modifiables, et on voit bien qu’ils aggravent parfois les tensions internationales plus qu’ils n’amènent à résipiscence un certain nombre d’États. D’ailleurs, croire qu’on va faire plier la Russie par un embargo, cela relève de l’illusion utopique. C’est tout le contraire Quant à l’Iran, je ne suis pas du tout certain que cela l’ait amené à négocier sur le nucléaire. Il est possible aussi que cela ait retardé le dénouement heureux parce que cela a renforcé le camp des durs à Téhéran.
On voit donc très bien que cette histoire d’embargo, ce n’est pas aussi simple qu’on veut bien nous le décrire et qu’il faut se garder d’avoir des certitudes.
C’est la raison pour laquelle, sans paraphraser Montesquieu, selon lequel il ne faut toucher aux lois que d’une main tremblante, j’ai un conseil à donner à celles et ceux qui dirigent notre politique étrangère, c’est d’utiliser avec une très grande parcimonie cette arme, qui peut se retourner contre nos intérêts, c’est le cas notamment des embargos multilatéraux européens contre la Russie.
Monsieur le secrétaire d’État, nous devons rapidement lever ces embargos, qui sont directement contraires à nos intérêts parce que nous avons suivi de manière aveugle les ultra-européens, qui n’ont vu que leurs relations bilatérales. Nous n’avons pas à nous aligner sur les ultra-européens dans cette affaire. C’est avec prudence qu’il faut utiliser cette technique de l’embargo, qui peut dans un certain nombre de cas se retourner contre notre intérêt.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je voterai bien entendu sans aucune difficulté tout ce qui permet de limiter le rôle des trafiquants d’armes dans les guerres civiles et massacres de la Sierra Leone, du Liberia, de l’Angola, du Soudan et autres, et je partage très largement les grandes lignes du projet qui, comme le rappelait Mme la rapporteure pour avis, a le mérite de voir le jour puisqu’il y a dix ans qu’on en parle sans qu’il y ait eu de conclusion.
Je profite de l’occasion pour me demander s’il ne faudrait pas engager un autre débat au Parlement, sur la place des armes dans le monde et le rôle des États. Quel type de politique conduisons-nous ? La politique que nous affichons officiellement ressemble-t-elle à la vraie politique ? Au-delà du secret défense, y a-t-il ne serait-ce qu’un semblant de ressemblance entre nos déclarations et la réalité qui est la nôtre tous les jours ?
Je suis de ceux qui s’interrogent un peu, pas uniquement aujourd’hui, depuis une bonne vingtaine d’années, mais aujourd’hui précisément quand je vois que le responsable de l’Iran est reçu par le chef de l’État. Nous sommes bien placés les uns et les autres pour savoir ce qu’il est de ce régime. Certains d’entre nous le combattent même très activement auprès d’opposants.
Il m’a semblé entendre que l’un des enjeux de cette rencontre, c’était de lui vendre une petite centaine de Rafale, peut-être même un peu plus. Remarquez, il ne serait pas le premier dans cette partie très troublée du monde. Nous en vendons beaucoup, et je ne suis pas sûr d’ailleurs que ceux à qui nous les vendons sachent vers qui ils vont les orienter. Je me demande même parfois si ce ne sera pas vers nos propres soldats...
C’est un petit peu exagéré, j’en conviens, mais la question que je me pose, monsieur le secrétaire d’État, c’est au fond une question que se pose tout bas, je crois, une grande partie d’un peuple averti de la politique, qui s’est déclaré souverain il y a longtemps déjà et qui ne comprend plus très bien, je veux parler du peuple français. Où est en effet la cohérence ? Sauf dans des moments tragiques, et nous n’avons pas été épargnés dans notre histoire, l’an dernier par exemple, nous avons un peu de mal à parler clairement de notre pays, de la France, de notre capacité à décider de notre destin, alors que nous y sommes très largement encouragés par le peuple tout entier.
Il y a ensuite notre politique à l’égard des États-Unis. Nous préparons de façon très confidentielle le fameux traité des traités entre continents, sans que je puisse obtenir la moindre réponse pour savoir de quoi il en retourne et sans que l’on sache aujourd’hui si l’Europe a un vrai pouvoir ou pas.
Je me demande si ce pays, qui a tout de même tant donné à la politique, qui a tant permis d’avoir conscience d’une certaine idée de la civilisation, n’est pas à la croisée des chemins et s’il sait lui-même où il en est. Moi, en tout cas, je ne le sais pas.
D’accord pour tous les textes que vous voudrez, mais j’aimerais qu’un jour, monsieur le secrétaire d’État – ce n’est pas à votre niveau que ce serait organisé mais vous pouvez faire remonter ma demande –, nous ayons un vrai débat pour qu’on fasse la lumière là-dessus. Lorsque l’on vient frapper à l’intérieur de Paris, nous avons certes les réactions et l’attitude qu’il convient d’avoir, et cela a été mon cas, sans état d’âme, mais cela mériterait, je pense, que nous allions un peu plus loin dans le questionnement pour savoir où nous en sommes et qui nous sommes.
Mesdames, messieurs, je remercie tous les orateurs qui ont expliqué l’importance de ce projet et je vais répondre à certaines questions plus précises qui ont été soulevées.
Monsieur Myard vous voulez déduire de la rédaction du texte que les embargos doivent être décidés par la loi. Il faut être plus précis. Les embargos ou les mesures restrictives qui entraînent des sanctions à l’encontre de ceux qui les violent peuvent être décidés par la loi, mais il y a trois autres possibilités qui sont mentionnées : un acte pris sur le fondement du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ou du traité sur l’Union européenne, un accord international régulièrement ratifié ou approuvé, et une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies.
Il se trouve qu’en France, les mesures de sécurité que nous avons eues à prendre relèvent de décisions de l’Union européenne ou de décisions prises dans le cadre du Conseil de sécurité des Nations unies. Nous n’adoptons pas de loi tout seuls, nous agissons dans un cadre multilatéral, ou plurilatéral.
Le texte que vous allez adopter ne va pas nous obliger à tout prix à faire voter des lois sur des embargos.
Sourires.
Ces embargos, évidemment, Pouria Amirshahi comme Nathalie Chabanne l’avaient souligné, et je réponds aussi à M. Mariani, il faut à chaque étape en évaluer l’efficacité et la pertinence.
Ce n’est jamais un but en soi de prendre des sanctions internationales, qu’elles soient de nature économique, qu’il s’agisse de restrictions, sur du matériel à usage dual ou strictement militaire, ou de sanctions individuelles, qui jouent aussi un rôle important, comme la restriction au droit de voyager ou la saisie des avoirs. Les restrictions sur le plan européen sont en général prises pour une durée délimitée et reconductible autant que nécessaire. Il ne s’agit pas de prendre des mesures pour isoler un pays sans s’interroger par la suite sur la nécessité de lever ou non les sanctions.
Pour beaucoup de pays, heureusement, la pression exercée permet de réengager une négociation internationale, afin de faire revenir le pays dans le respect de ses engagements internationaux, des règles internationales ou des libertés qu’il avait violées. C’est ainsi que des embargos ou des mesures de restriction sont levées. Cela a été le cas d’une grande partie des sanctions pour l’Iran, je l’ai déjà rappelé. Ce sera très rapidement le cas également de la Côte d’Ivoire, concernée depuis plusieurs années par des sanctions. Cela a été le cas pour la Biélorussie, dont une partie des sanctions ont été reconduites sur le plan juridique, mais suspendues dans leur application, compte tenu d’un certain nombre d’évolutions favorables, comme la libération de prisonniers.
Vous avez mentionné, monsieur Myard, avec Thierry Mariani, la situation de la Russie. Les sanctions sont liées à la mise en oeuvre des accords de Minsk, mais elles ne sont pas une fin en soi. Nous l’avons toujours dit, et cela est très clair dans le cadre de l’Union européenne et du format Normandie, au sein duquel la France et l’Allemagne aident la Russie et l’Ukraine à négocier : le respect des accords de Minsk, soit le rétablissement de relations normales de bon voisinage entre la Russie et l’Ukraine et l’apaisement de la situation dans l’est de l’Ukraine permettront de lever les sanctions.
Elles ont été reconduites pour une durée de six mois, jusqu’au mois de juillet. Mais l’objectif très clair de l’Union européenne, en particulier de la France, c’est le respect des accords de Minsk. Nous serons d’accord pour dire que les sanctions ne sont pas une fin en soi.
J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles du projet de loi.
Contrairement à ce que certains pourraient croire, mon amendement ne répète pas le texte de l’article. Préciser « par les États réunis en Conseil dans le cadre du traité sur l’Union européenne » permet de souligner le fait que les décisions d’embargo, prises au niveau de l’Union européenne, sont des décisions éminemment politiques qui relèvent quasi exclusivement de la compétence des États. Si elles ont, comme nous le savons, des conséquences commerciales, la décision est en elle-même politique. À mon sens, elle échappe d’ailleurs au jugement de la Cour de justice. Je propose cette nouvelle rédaction afin que cela soit plus clair.
Jacques Myard souhaite spécifier que les décisions européennes sur les embargos et les sanctions économiques sont prises par les États réunis en Conseil. Cet amendement cache un débat de fond sur l’identité des acteurs auxquels les décisions doivent revenir dans l’Union européenne. Vous savez bien, monsieur Myard, que nous pourrions trouver des points de convergence sur cette question de la meilleure articulation possible entre la perspective européenne et la place et le respect des décisions des États membres, mais ce n’est pas par le biais de cet amendement que nous allons l’aborder, puisque nous traitons aujourd’hui de droit pénal.
Par ailleurs, pour que les avocats ne tirent pas des arguments plus ou moins spécieux, nous devons être précis. Or, j’ai examiné et fait examiner votre amendement au regard des traités européens et nous avons constaté qu’il était satisfait dans la grande majorité des cas, si ce n’est dans tous. Les décisions d’embargo et les sanctions sont prises selon l’article 275 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, dont je propose que nous ne débattions pas aujourd’hui,
Sourires.
dans le cadre de la politique étrangère et de la sécurité commune – PESC –, soit en conseil des ministres des affaires étrangères et avec une simple information du Parlement européen – c’est la première voie.
Mais l’article 75 du traité, vous le savez aussi bien sinon mieux que moi, prévoit un autre cas de figure, à savoir que l’Union peut décider du gel d’avoirs et de restrictions financières au nom de la lutte contre le terrorisme – on est bien là dans le cadre prévu par l’alinéa 4 de l’article 1er du présent projet. Dans ce cas, les décisions sont coproduites par le Conseil et le Parlement européen. Afin de couvrir tous les cas prévus par les traités, nous avons, d’un strict point de vue juridique, l’obligation de donner un avis défavorable à votre amendement, qui ne soulève pas moins un débat passionnant.
Sourires.
Le Gouvernement a également émis un avis défavorable. Je rejoins l’analyse faite par le rapporteur. Pour une raison juridique très précise, ce changement de formulation induit une confusion.
Sur le fondement du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, un acte est pris par le Conseil de l’Union et non pas par les États membres réunis en Conseil. La formule, reprise par M. Myard dans son amendement, se rapproche d’une formule existante dans les textes européens : « les États membres réunis au sein du Conseil ». Mais cette dernière a un sens précis en droit de l’Union : elle renvoie aux situations dans lesquelles les États membres adoptent un acte au titre de leur compétence nationale, et non dans le cadre de l’Union.
Il en va ainsi lorsque, pour autoriser l’ouverture d’une négociation, le Conseil adopte et confie à la Commission un mandat au nom de l’Union. Les États membres réunis au sein du Conseil adoptent et confient à la Commission un mandat pour ce qui concerne leur propre compétence. Cet amendement pourrait être une source de confusion, puisqu’il suggère que l’acte en cause est pris hors du champ du droit de l’Union, alors qu’il est en réalité une décision ou un règlement du Conseil adopté sur le fondement des traités.
Je ne vais pas épiloguer, car c’est un vieux débat que je rouvrirai, comme vous pouvez l’imaginer. Je ne suis pas d’accord avec vous, monsieur le secrétaire d’État. Initialement, il s’agit d’une position commune en matière de politique étrangère et de sécurité. Dans ce cas, il s’agit d’une décision éminemment politique prise par les États qui agissent bien sûr au sein du Conseil. L’argument que le rapporteur me faisait valoir, en avançant l’article 75 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, vaut pour les conséquences et la mise en oeuvre. C’est en quelque sorte la cuisine interne pour affiner et prendre des décisions en matière commerciale.
Ce qui est capital, c’est qu’il s’agit d’une décision éminemment politique qui ne relève pas de la Cour de justice. À ce titre, il faut souligner que les États qui ont la compétence de la compétence décident par eux-mêmes, en dehors des propositions de la Commission.
L’amendement no 2 n’est pas adopté.
La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement no 7 .
Cet amendement vise à supprimer l’alinéa 10, afin de revenir au texte initial du projet de loi. La rédaction de cet alinéa pose un problème de nécessité et de proportionnalité. La violation d’embargo est une infraction nécessairement complexe qui suppose une organisation structurée, une logistique, des moyens et fort vraisemblablement une pluralité d’auteurs. Dès lors que ces notions sont intégrées dans la définition de la violation d’embargo simple, il n’apparaît pas opportun de créer une notion d’embargo en bande organisée.
Par ailleurs, le projet de loi prend en compte ces éléments, puisque la répression est fixée à sept ans d’emprisonnement, ce qui est dans la tranche supérieure de répression des délits. Enfin, cette aggravation de peine de sept à dix ans n’aurait que peu d’effets pratiques, car il est peu probable que les juridictions répressives aillent au-delà d’une peine de sept ans d’emprisonnement ferme pour la commission d’un tel délit. C’est pourquoi je propose la suppression de l’alinéa prévoyant de porter à dix ans d’emprisonnement et à 1,5 million d’euros la sanction de la violation d’embargo commise en bande organisée.
Je serai bref, afin de laisser à Mme la rapporteure pour avis le soin de développer l’argumentaire défavorable à l’amendement du Gouvernement. Il soulève un vrai débat, tout comme l’amendement no 11 qui fait également référence à la notion de bande organisée. Cet amendement supprime tous les apports de la commission des affaires étrangères concernant la répression du délit d’embargo commis en bande organisée. Il ne faut sans doute pas exagérer les enjeux de ce débat, car, selon le principe d’individualisation des peines, l’éventuelle aggravation des peines maximales ne signifie pas forcément des peines individuelles plus sévères. J’entends l’argument qui a été donné.
Quant aux pouvoirs d’enquête et d’instruction en matière de délinquance en bande organisée, ils sont en général augmentés, ce qui peut poser des questions de libertés publiques, avec la prolongation de la garde à vue ou les écoutes. Mais il faut rappeler, surtout dans la période actuelle, que l’on reste toujours sous le contrôle d’un juge judiciaire, ce qui est important. Par ailleurs, les règles applicables à la bande organisée sont d’ores et déjà réservées et existent dans le code de procédure pénale pour des crimes et des délits très graves, tels que le trafic de stupéfiants, les enlèvements, les braquages, la traite des êtres humains, le terrorisme ou le trafic d’armes.
Le Conseil constitutionnel a considéré dans une question prioritaire de constitutionnalité récente que ces règles ne pouvaient être appliquées au cas de l’escroquerie, en l’absence d’atteinte aux personnes. Il s’avère, en l’occurrence, que dans le cas de la violation des embargos sur le commerce des armes ou sur toute autre restriction aux échanges commerciaux et aux affaires économiques, on entre dans la catégorie des crimes et délits graves pouvant justifier une telle disposition. Il revient, quoi qu’il en soit, au juge de décider et l’objet de l’incrimination et la peine qu’il convient d’appliquer.
Le Gouvernement s’interroge sur la nécessité de la mesure que nous avons inscrite en commission. Si l’amendement était adopté, la même peine s’appliquerait aux auteurs d’une violation simple et à ceux qui commettraient le délit en bande organisée. Je rappelle que la bande organisée constitue une circonstance aggravante au regard du droit pénal. Il faut donc être logique : soit les peines prévues dans le projet de loi ont vocation à s’appliquer aux délits simples, auquel cas il faut prévoir des peines plus lourdes pour les délits commis en bande organisée, soit ces peines ont vocation à s’appliquer aux délits commis en bande organisée, auquel cas il faut prévoir des sanctions plus clémentes pour les auteurs de délits simples. On ne peut pas confondre les deux comportements délictueux, en leur appliquant la même sanction.
Par ailleurs, il n’est pas exact non plus de dire que les éléments constitutifs de la bande organisée sont par nature intégrés dans la notion d’embargo. Un transfert frauduleux de munitions de petit calibre peut s’effectuer sans organisation structurée. Cela est encore plus vrai pour les biens ne relevant pas du champ des armes et du matériel de guerre. Or, je rappelle que le projet de loi vise à réprimer toutes les violations d’embargo commises dans tous les domaines, y compris dans celui du courtage qui pose problème. Cela est encore plus vrai pour les prestations de service et tout ce qui concerne le conseil et l’assistance, qui n’impliquent pas un flux physique et qui sont précisément visés par le projet de loi. Dans ce cas, un individu seul peut parfaitement proposer de tels services et, par conséquent, être l’unique auteur de la violation d’un embargo, en toute autonomie et sans l’aide d’une quelconque organisation structurée.
Enfin, s’agissant de la proportionnalité, le Gouvernement estime que l’aggravation de la peine n’aurait pas d’effet pratique. Cela revient à nier la spécificité de la notion de bande organisée. C’est également ignorer le nombre d’exemples similaires que l’on retrouve dans le droit pénal actuel, comme c’est le cas de l’article L. 2339-2 du code de la défense, qui sanctionne la fabrication et le commerce illicite des armes. Il porte précisément de sept à dix ans la peine, lorsque le délit est commis en bande organisée. L’amendement adopté par les deux commissions respecte la même échelle de peine, la même proportionnalité et, d’une certaine manière, la même philosophie.
Pour l’ensemble de ces raisons, j’invite nos collègues à ne pas voter l’amendement du Gouvernement, mais à conserver le texte adopté à l’unanimité par les deux commissions.
La notion de bande organisée englobe tout ce qui n’est pas visible directement, notamment conseil, assistance, formation, éléments de plus en plus importants dans les contournements d’embargo. Il faut envoyer un message fort, montrer que le Parlement français a compris qu’il y avait des angles morts et qu’il fallait les traiter. C’est pourquoi je soutiens tout à fait la position de nos deux rapporteurs.
L’amendement no 7 n’est pas adopté.
C’est un amendement de clarification complétant ce que l’on vient de préciser à l’instant. Il doit être clair que la possibilité de porter l’amende à deux fois la valeur des sommes en jeu ou de la valeur des biens et services ayant été l’objet de la transaction illicite vaut que le délit ait été ou non commis en bande organisée. On y reviendra car un amendement du Gouvernement soulève la question de l’évaluation de la valeur desdits biens et services.
L’avis est défavorable par cohérence avec l’amendement précédent.
L’amendement no 4 est adopté.
La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement no 8 .
La précision apportée par le texte de la commission n’apparaît pas utile au Gouvernement. En effet, la disposition permettant au juge de fixer l’amende au double de la somme sur laquelle l’infraction a porté est déjà de nature à offrir une large manoeuvre aux juridictions pour porter l’amende à un niveau suffisant. Aussi, une nouvelle possibilité d’augmentation du montant de l’amende pourrait constituer une entorse au principe de proportionnalité des délits et des peines. C’est pourquoi la suppression de la référence à la « valeur des biens et services, objets de la transaction » est proposée.
La commission est défavorable à cet amendement. Je rappelle tout d’abord que la saisie ne portant pas que sur des sommes, il faut prendre en compte la difficulté d’évaluer la valeur des biens et des services concernés – nous verrons tout à l’heure les prérogatives accordées à l’administration, à l’instar de ce qui est prévu dans le code des douanes. Les motifs de cet amendement que vient de résumer le secrétaire d’État paraissent quelque peu contradictoires. En effet, l’exposé sommaire explique que la précision apportée par la fin de l’alinéa 11 serait inutile car elle ne vaudrait que dans les rares cas où le paiement effectué ne correspondrait pas à la totalité de la valeur de la transaction illicite tout en mettant en exergue un risque d’atteinte au principe de la proportionnalité des peines. Or, la rédaction de la commission visant à bien préciser les choses pour régler quelques cas particuliers, comment y voir un risque d’atteinte à un principe constitutionnel d’application très générale ? Je conclurai par un exemple : si un trafiquant qui a livré pour un million d’euros d’armes au mépris d’un embargo et a été payé intégralement est passible à ce titre d’une amende de 2 millions d’euros, pourquoi son confrère qui n’aurait perçu qu’un acompte de 200 000 euros pour une livraison de valeur identique ne serait-il condamnable qu’à 200 000 euros d’amende ? L’équité implique évidemment que l’amende puisse être la même, d’autant plus que celui qui n’aurait perçu qu’un acompte serait ainsi favorisé puisque l’amende porterait sur une somme moindre, le délit étant pourtant identique.
Une fois n’est pas coutume, je suis assez d’accord avec le Gouvernement.
Sourires.
Je crois que le juge aura suffisamment de latitude pour apprécier l’ensemble de l’infraction et pour la sanctionner en fonction de ce qu’il aura constaté.
L’amendement no 8 n’est pas adopté.
La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement no 9 .
Cet amendement vise à supprimer les alinéas 13 et 14. En effet, ces deux ajouts – confiscation de l’objet du délit et des biens et avoirs qui en sont le produit – semblent au Gouvernement inutiles et surabondants. L’article L. 131-21 du code pénal prévoit déjà que la peine complémentaire de confiscation est de droit pour tous les délits – et aussi évidemment les crimes – punis de plus d’un an d’emprisonnement –, ce qui sera le cas de la violation des embargos. En outre, les juges répressifs tiennent compte du bénéfice dégagé par les délinquants dans la personnalisation des peines, l’amende pouvant en l’espèce atteindre jusqu’à 1 500 000 euros. Enfin, le délit de recel pourra toujours servir de base juridique pour sanctionner les personnes qui bénéficieraient directement des fruits du délit de violation d’embargo.
Elle a repoussé cet amendement. Pour justifier la suppression de la peine de confiscation prévue par la commission, le Gouvernement met en exergue l’article L. 131-21 du code pénal selon lequel la confiscation est de plein droit pour les crimes et pour les délits punis d’une peine d’emprisonnement d’une durée supérieure à un an et s’appliquerait donc automatiquement aux cas de violation d’embargo. C’est parfaitement exact. Cependant, le code pénal mentionne aussi la peine de confiscation dans une douzaine d’autres articles pour des faits punissables de plus d’un an de prison.
Non pour le coup, mon cher collègue, car ce sont des articles assez lapidaires et qui traitent de sujets différents : crimes contre l’humanité, eugénisme, trafic de stupéfiants, traite des êtres humains et proxénétisme, pédopornographie, blanchiment, terrorisme, faux monnayage, association de malfaiteurs, crimes de guerre, etc. Je considère que la violation des embargos, notamment s’agissant du commerce illicite des armes, s’inscrit pleinement dans les crimes qui méritent une qualification particulière. Une telle mention explicite aura de plus un intérêt pédagogique, les juges comme les justiciables étant ainsi bien conscients des peines encourues. Pour conclure, je dirai que les mentions explicites permettent d’adapter la rédaction des clauses de confiscation au cas particulier de l’infraction en cause.
L’amendement no 9 n’est pas adopté.
La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement no 10 .
Cet amendement vise à supprimer l’alinéa 15 qui propose trois peines complémentaires à l’encontre des personnes morales car elles n’apparaissent pas devoir recevoir une application pratique et sont donc inopportunes. En effet, si une personne morale devait être un jour condamnée pour violation d’embargo, la justice pénale aurait sans doute recours à sa dissolution ou à l’exclusion des marchés publics. Le placement sous surveillance judiciaire n’est jamais utilisé, pas plus que l’interdiction d’opérer des émissions sur les marchés financiers – sans objet pour une entreprise qui violerait un ou plusieurs embargos. Enfin, l’interdiction de percevoir des aides publiques pourra déjà être appliquée par l’État, qui veillera à ce qu’une société qui viole un embargo ne bénéficie pas de telles aides.
Elle a repoussé l’amendement. Mme Guittet a montré clairement dans son intervention dans la discussion générale que les personnes morales ne sauraient s’exonérer de leurs responsabilités. Il en est de même bien sûr pour leurs dirigeants, conformément au principe même de ce projet de loi, mais il faut aussi prévoir des sanctions exemplaires pour les personnes morales, en particulier l’exclusion des marchés publics des entreprises mêlées à une violation d’embargo.
Contrairement à ce qui est indiqué dans l’exposé sommaire de l’amendement, l’alinéa 15 ne prévoit pas exclusivement trois peines complémentaires à l’encontre des personnes morales. Nous avons bien pris soin de viser l’article L. 131-39 du code pénal dans sa globalité afin de permettre au juge de déterminer, en fonction des cas d’espèce, les peines complémentaires qui lui sembleront les plus appropriées. Il est par ailleurs nécessaire de prévoir explicitement dans le texte les peines applicables aux personnes morales, l’article L. 131-37 précisant clairement que les peines correctionnelles ou criminelles qu’elles encourent sont « dans les cas prévus par la loi, les peines énumérées à l’article L. 131-39 ».
Par ailleurs, Je m’étonne de l’argument selon lequel l’interdiction d’opérer des émissions sur les marchés financiers serait sans objet dans le cadre de la violation des embargos. Je rappelle que la loi vise toutes les violations d’embargo, dans tous les domaines, y compris les relations financières entretenues avec le pays soumis à des mesures restrictives. Il est donc au contraire évident qu’une telle sanction aurait tout son intérêt dans l’hypothèse où une entreprise du secteur financier se rendrait coupable d’une violation d’embargo, par exemple en accordant des prêts ou en assurant des prestations de conseil. Il est inutile de rappeler que les exemples abondent en la matière. De plus, l’interdiction de percevoir des aides publiques ne viserait pas seulement celles accordées par l’État mais aussi celles accordées par les collectivités locales et toute aide financière versée par une personne privée chargée d’une mission de service public. Il serait en outre beaucoup plus sécurisant qu’une telle sanction ait pour fondement une décision exprès du juge et non pas soumise à la plus ou moins bonne volonté du créancier.
L’amendement n’ayant pas été examiné par la commission de la défense, j’émets un avis défavorable à titre personnel.
Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je ne sais pas ce qu’est la responsabilité pénale d’une personne morale. Le droit pénal suppose l’intention de nuire, que ce soit par un délit ou un crime. Je n’ignore pas qu’on a fait entrer cette notion dans notre code pénal pour, par exemple, substituer la responsabilité de la commune à celle du maire, mais cela n’a pas de sens. Et là on en remet une couche. Derrière les personnes morales, il y a des individus et ce sont eux qui commettent une infraction pénale, pas la collectivité en elle-même. La personne morale est condamnée à mort si sa dissolution est décidée pour la sanctionner. Il ne s’agit pas de lui faire de surcroît endosser une responsabilité pénale. C’est pourquoi le Gouvernement a raison : cet alinéa n’a pas de sens.
M. Myard affirme ne pas savoir – c’est bien rare – le sens d’un délit pénal pour une personne morale.
Je le renvoie à l’article L. 131-39 du code pénal, qui dispose que « lorsque la loi le prévoit à l’encontre d’une personne morale, un crime ou un délit peut être sanctionné d’une ou de plusieurs des peines suivantes […] ». Il peut s’agir de la dissolution, interdiction d’activité, placement sous surveillance judiciaire, etc.
On pourra sans doute revoir toute cette problématique dans son ensemble, si vous le souhaitez,…
…à l’occasion d’un débat spécifique sur notre code pénal. Mais toujours est-il que cette qualification existe…
…et qu’elle a d’ailleurs déjà servi de base juridique à des décisions de justice.
L’amendement no 10 n’est pas adopté.
L’amendement vient compléter ce dispositif relatif à la violation des embargos qu’il était urgent de mettre en place. En effet, son inscription dans le code pénal était une nécessité à laquelle va répondre le vote de ce projet de loi. Mais il faut aller plus loin en matière de trafic d’armements. Nous proposons donc ici une dérogation au droit pénal commun qui a pour objectif d’augmenter les possibilités de poursuites des ressortissants français en retirant l’exigence d’une double incrimination. Il ne serait ainsi plus nécessaire que l’embargo soit déclaré dans le pays où le fait a été commis.
Il rend au demeurant inutile une plainte préalable de la victime ou de ses ayants droit, ou une dénonciation officielle par l’autorité du pays où le fait a été commis, pour que des poursuites soient engagées.
En l’état actuel du droit – ce constat a souvent été fait, avec regret, dans cet hémicycle –, les revendeurs d’armes français, identifiés, opérant dans des États sous embargo, peuvent difficilement être poursuivis. Toutefois, l’extension extraterritoriale de la compétence pénale de la France doit être circonscrite aux ventes d’armes. Il serait difficile d’introduire une telle dérogation au droit commun s’agissant des biens et services de consommation courante. Ainsi, chers collègues, le vote de cet amendement renforcerait la portée du dispositif relatif à la violation des embargos, que nous nous apprêtons à voter.
C’est avec une grande prudence que la commission a donné un avis favorable à cet amendement. Elle a pris en compte la restriction de l’extension aux seuls cas de violations des embargos sur les armes et matériels de répression.
L’exposé sommaire de cet amendement, que j’approuve même si je n’en partage pas tous les arguments, stipule d’ailleurs que « l’extension extraterritoriale de la compétence des juges français sur la base de la compétence personnelle doit être envisagée avec une certaine prudence, afin d’éviter les dérives qui caractérisent notamment le système américain, pour lequel la seule présence d’un citoyen américain dans la chaîne de décision d’une entreprise étrangère suffit à fonder une incrimination de cette société et, à titre personnel, de ce salarié américain pour violation d’un embargo américain. »
Comme vous l’avez rappelé, madame Attard, cette dérogation existe déjà dans d’autres dispositions. Nous entendons parfaitement qu’un compatriote agissant à l’étranger puisse parfois ne pas avoir connaissance de toutes les lois françaises. Mais il est peu probable qu’il n’ait pas conscience de la gravité de son agissement, lorsqu’il est directement impliqué dans le commerce illicite d’armes.
Ainsi, compte tenu de la restriction explicite aux seuls cas de violations des embargos sur les armes et matériels de répression, la commission a accepté l’amendement, en application de l’article 88 du règlement. Il pourra faire l’objet de discussions ultérieures.
Nous l’avons compris, monsieur le rapporteur. Et quel est l’avis du Gouvernement ?
Le Gouvernement propose le retrait de cet amendement qui concerne l’intermédiation et l’exception d’extraterritorialité. À défaut, il émettra un avis défavorable.
Les violations d’embargos sur les armes, qui sont commises par des Français établis à l’étranger, sont, le plus souvent, le fait d’intermédiaires. Nous partageons la volonté des auteurs de cet amendement de faire cesser les agissements de ces individus. La France doit encore mettre en cohérence son système législatif avec ses engagements internationaux, en particulier avec le traité sur le commerce des armes ainsi que la position commune de l’Union européenne de 2003 sur le contrôle du courtage en armes. Ces domaines font tous deux l’objet d’un projet de loi : il s’agit d’une part du projet de loi relatif à la violation des embargos et autres mesures restrictives, et d’autre part du projet de loi relatif à la répression des activités d’intermédiation, que le Gouvernement présentera prochainement. Il est important que ce dernier domaine fasse l’objet d’une loi propre : nous ne pensons donc pas qu’il doive être traité dans ce projet de loi.
Le texte du Gouvernement permettra de contrôler les activités d’intermédiation portant sur la fourniture ou la mise à disposition en provenance d’un État tiers d’un matériel de guerre ou assimilé. Il permettra de soumettre à un régime d’autorisation les intermédiaires de nationalité française ainsi que ceux d’une autre nationalité, établis ou résidents sur le territoire national.
Le champ d’application du projet de loi devra être conforme aux exigences minimales de la position commune de l’Union européenne sur le courtage en armement et à d’autres engagements internationaux. En effet, la France est l’un des derniers États membres à ne pas avoir adapté sa législation nationale, en application de la position commune de l’Union européenne.
En novembre 2015, le cabinet du Premier ministre a chargé le secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale d’achever, avec le ministère de la justice et celui de la défense, l’élaboration d’un tel projet de loi. Le ministère de la défense en proposera prochainement une nouvelle version, qui sera discutée et consolidée lors d’une réunion interministérielle en février 2016.
Le problème que vous soulevez, madame Attard, est donc tout à fait réel. Il doit être traité rapidement car nous avons pris du retard en la matière. Cependant, c’est un autre véhicule législatif qu’il convient de choisir.
Non, monsieur le secrétaire d’État, nous n’attendrons pas une hypothétique nouvelle loi sur le sujet : cela fait dix ans que cet ouvrage est sur le métier des députés ! Aussi, il est grand temps de prendre notre courage à deux mains et de sanctionner des pratiques illicites de ventes et de trafic d’armes, et de violation des embargos.
Nous avons récemment voté en urgence le projet de loi pour une République numérique, alors que rien ne justifiait l’engagement de la procédure accélérée – du moins, aucun argument ne nous a été présenté pour le justifier. Dans le cas qui nous occupe, nous disposons du véhicule législatif adéquat. Je vous demande donc, chers collègues, d’avoir le courage de prendre cette responsabilité et de voter une disposition que nous attendons tous depuis dix ans : nous n’avons aucune raison d’attendre davantage.
Alors que nous allons prochainement discuter d’une révision de la Constitution et que chacun se préoccupe de lutte contre le terrorisme, je vous propose ici un acte fort, visible par nos concitoyens, qui consiste à sanctionner les trafics d’armes illicites. Cette disposition montrera aussi aux autres pays du monde la position de la France sur ce sujet d’actualité : elle n’a pas à être reportée à un an ou dix-huit mois.
L’amendement no 6 est adopté.
L’article 1er, amendé, est adopté.
L’article 2 est adopté.
Article 2
La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement de suppression no 11.
L’article 706-73 du code de procédure pénale détermine, parmi les infractions existantes, celles qui relèvent de la criminalité et de la délinquance organisée, afin de leur appliquer des règles de procédure spécifiques.
Cependant, les mesures d’enquête classiques, hors bande organisée, paraissent suffisantes en l’état pour rechercher et poursuivre les violations d’embargo. En effet, les dispositions spécifiques introduites par la loi no 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, pour répondre aux infractions commises en bande organisée, ont institué des règles procédurales dérogatoires au droit commun, qui sont susceptibles d’avoir des répercussions majeures en matière de droits et libertés fondamentaux.
Dans ces conditions, l’ajout de nouvelles infractions à la liste de celles permettant d’appliquer la législation relative à la délinquance organisée doit préalablement être étudié au regard du principe de nécessité des délits et des peines. En outre, le délit de violation d’un embargo ou d’une mesure restrictive prévu à l’article L. 437-1 du code pénal ne saurait y figurer « que s’il présente des éléments de gravité suffisants pour justifier les mesures dérogatoires en matière de procédure pénale prévues à l’article 1er de la loi portant adaptation de la justice à l’évolution de la criminalité. Dans le cas contraire, ces procédures spéciales imposeraient une rigueur non nécessaire, au sens de l’article 9 de la Déclaration de 1789 ». Telles sont les raisons qui nous conduisent à demander la suppression de cet article.
Par souci de cohérence, nous émettons le même avis défavorable sur cet amendement que sur celui relatif aux actions en bande organisée.
L’amendement no 11 n’est pas adopté.
L’article 2 bis est adopté.
L’article 3 est adopté.
En droit pénal, un juge confronté à des faits qui peuvent être sanctionnés par plusieurs incriminations pénales doit choisir la plus spécifique. Ainsi, un contrevenant pris à la frontière en train d’importer ou d’exporter un produit avec un pays soumis à embargo tombe sous le délit douanier de contrebande, ce qu’un intervenant a rappelé, en se référant au code des douanes. Ce délit couvre tout import ou export de marchandises prohibées, pour quelques raisons que ce soit, notamment un embargo international. La création du nouveau délit de violation des embargos, qui, comme nous l’avons dit tout à l’heure, introduit une sanction pénale, conduit à une incrimination plus spécifique.
Le paragraphe 1 bis de l’article L. 459 du code des douanes peut cependant poser problème : en sa rédaction actuelle, il peut laisser penser, tant qu’il n’existe pas, sauf exception, de sanctions économiques décidée sur une base purement nationale, que l’article couvre de fait un champ identique à la nouvelle incrimination de l’article L. 437-1 du code pénal, dont la rédaction est un peu différente.
Or les peines prévues par le code des douanes et par le présent projet ne sont pas identiques. Dès lors, il faudra choisir entre deux incriminations. En cas de concours illégal d’infractions, tout d’abord, la jurisprudence permet de retenir la qualification passible de la peine la plus élevée. C’est donc le nouvel article L. 437-1 du code pénal, qui, je le rappelle, prévoit une sanction allant jusqu’à sept années d’emprisonnement, qui devrait s’imposer, parce qu’il est un peu plus sévère. Mais si, a contrario et par habitude, les juges continuaient à n’invoquer que le code des douanes, ce nouvel article serait privé de toute portée. Le projet de loi, dans son ensemble, n’aurait alors pas grand sens. Il faut donc trancher.
Le basculement proposé vers le code pénal, qui est aussi une référence pour les douanes, a des conséquences, notamment parce qu’il remet en cause le primat de la transaction et le monopole de la plainte à la seule administration, en vertu des articles L. 350 et L. 458 du code des douanes. Les procédures seront donc moins discrètes mais la publicité de la justice et des sanctions est, après tout, un principe démocratique de base.
Quant à l’argumentation sur le préjudice de réputation porté aux entreprises par la publicité donnée à leurs errements, il vaut sans doute s’agissant d’intérêts à court terme – évolution du cours de bourse, maintien en poste de dirigeants, des arguments souvent évoqués par ces derniers –, mais il est discutable à plus long terme. Il n’est pas avéré que les pays du Nord de l’Europe ou les États-Unis, qui pratiquent davantage la transparence lorsqu’ils sanctionnent leurs entreprises, aient des économies moins dynamiques pour cette raison-là.
En revanche, le sentiment de collusion qu’a parfois, souvent à tort, l’opinion sur les relations entre l’administration, la justice et les grandes entreprises prises en défaut, entretient un certain mécontentement et tient à prolonger indéfiniment les soupçons.
C’est pourquoi nous avons proposé cet amendement, que la commission a adopté.
Avis défavorable. Cet amendement vise à supprimer un article du code des douanes et ainsi à dessaisir cette administration s’agissant des violations des embargos.
Le paragraphe 1 bis de l’article L. 459 du code des douanes sanctionne la violation des embargos économiques et financiers, conformément aux résolutions de l’Organisation des Nations unies et à la réglementation de l’Union européenne, à l’exclusion des dispositions des règlements relatifs aux embargos portant sur l’interdiction d’importation et d’exportation de marchandises, lesquelles sont sanctionnées par l’article L. 414 du même code.
La spécificité de cette infraction réside dans sa nature car elle vise certaines opérations financières s’intéressant avant tout à des mouvements internationaux de valeurs ou à des transferts invisibles la plupart du temps. L’abrogation du 1 bis de l’article L. 459 du code des douanes aura donc pour effet de supprimer toute compétence de l’administration des douanes, y compris en ce qui concerne la douane judiciaire, pour la recherche et la constatation de ces infractions.
Or l’administration des douanes est l’instrument privilégié de la recherche et de la répression des infractions auxquelles les opérations financières avec l’étranger peuvent donner lieu.
Enfin, le Conseil constitutionnel n’interdit pas une double incrimination, qu’il a admise dans le code pénal et le code de travail s’agissant du harcèlement sexuel, sous réserve du principe de proportionnalité des peines, qui implique que, lorsque plusieurs dispositions pénales sont susceptibles de fonder la condamnation d’un seul fait, les sanctions subies ne peuvent excéder le maximum légal le plus élevé. Ainsi, dans sa décision récente no 2014-453454 et 2015-462 QPC du 18 mars 2015, le Conseil constitutionnel a censuré le cumul des poursuites pour délit d’initié, sans sanctionner pénalement le manquement d’initié, auquel des sanctions administratives sont applicables, lesquelles sont prononcées par l’Autorité des marchés financiers – AMF. Ainsi, les sanctions prévues par l’article L. 459 du code des douanes ont un caractère pénal, de sorte que le cumul d’incriminations peut être maintenu, dès lors que le principe de proportionnalité est respecté.
En conséquence, le Gouvernement vous demande, monsieur le rapporteur, de retirer votre amendement. À défaut, il émettra un avis défavorable.
Cette disposition n’empêche nullement les douanes d’agir puisque, de toute façon, elles doivent se référer au code pénal et au code de procédure pénale.
Par ailleurs, on peut réfléchir à une autre formulation qui lèverait toute ambiguïté quant à l’incapacité d’agir qui serait faite aux douanes. Encore une fois, cependant, je doute que celle-ci soit inscrite dans le texte.
Les sénateurs, qui discuteront du projet de loi, pourront faire d’autres propositions, dont nous débattrons en retour, pour trouver une formulation efficace sur le plan pénal et qui n’empêcherait pas les douanes d’agir.
Voilà ce que je propose. Encore une fois, cet article n’empêche pas les douanes d’agir puisqu’elles ont l’obligation de se référer au code pénal et au code de procédure pénale.
L’amendement no 5 n’est pas adopté.
L’article 3 bis crée une Commission nationale consultative chargée du suivi des régimes d’embargo. Cette commission aurait pour fonction de rendre un avis préalable aux décisions du Gouvernement en la matière, ce à quoi nous ne sommes pas favorables. C’est la raison pour laquelle nous proposons de supprimer cet article.
Les décisions d’embargo sont généralement prises au niveau international, dans des délais qui ne sont pas compatibles avec la consultation formelle d’une commission telle qu’elle est envisagée dans l’article. Je l’ai rappelé à plusieurs reprises, nous ne prenons une décision d’embargo que dans le cadre de l’Union européenne ou des Nations unies, aux termes d’une négociation internationale. Si la France y joue un rôle très actif, il s’agit bien d’une négociation entre les vingt-huit pays membres ou avec le Conseil de sécurité.
De plus, la traduction concrète de certains embargos nécessite l’adoption de mesures législatives. Par exemple, l’embargo sur les fonds à destination de l’Irak a été traduit en droit interne par l’article 204 de la loi de finances rectificative pour 2009.
S’agissant du rôle d’évaluation et de suivi qui serait dévolu à cette commission nationale, un rapport du Gouvernement sur les exportations de matériel de guerre rend compte chaque année au Parlement des ventes d’armes de la France mais également de l’état des embargos et autres mesures restrictives. Ce rapport, qui est public, est disponible sur les sites des assemblées, ce qui permet aux acteurs de la société civile intéressés de bénéficier du même niveau d’information. Sur ces points, l’objet de l’article paraît donc satisfait.
Toutefois, le Gouvernement, soucieux d’écouter tous les acteurs concernés – ONG, entreprises, parlementaires – pourra, dans un cadre moins formel, consulter chacun d’entre eux.
Par ailleurs, le Gouvernement n’est pas favorable à la création de nouvelles commissions consultatives. Dans le cadre de la modernisation de l’action publique, il travaille à en réduire le nombre et à les rationaliser. Pour rappel, l’objectif de ces démarches est de « mettre un terme à l’inflation du nombre de commissions consultatives qui nuit à la lisibilité et à l’efficacité de l’action publique », mais également de réformer les pratiques de consultation préalable, qui alourdissent la prise de décision et en allongent parfois excessivement les délais, au profit de méthodes de consultation innovantes et plus souples, comme les consultations en ligne.
Pour toutes ces raisons, notamment parce que, sur la base de ce rapport, le Gouvernement et le Parlement engagent un débat sur la mise en oeuvre des embargos et des mesures restrictives et sur leur évaluation, et que le Gouvernement est à la totale disposition de l’Assemblée nationale et du Sénat pour en débattre régulièrement, nous vous proposons de supprimer l’article 3 bis.
Je ne peux pas admettre un article qui place au même niveau les ONG et les parlementaires. Cela ne peut pas fonctionner de cette manière.
Nul doute que les ONG se feront entendre et qu’elles n’ont pas besoin d’un comité Théodule pour le faire. Elles le font très directement et nous le savons très bien. La seule commission qui doit être consultée, c’est la commission des affaires étrangères ! Pourquoi vouloir créer un comité Théodule extérieur, et sans doute inconstitutionnel puisqu’il met sur un pied d’égalité les parlementaires et les ONG ?
Il est clair que c’est à la commission des affaires étrangères de donner son avis. Et surtout, comme l’a indiqué M. le secrétaire d’État – cela devient pour moi une manie que de soutenir le Gouvernement – n’ajoutons pas un comité qui ne fera qu’accroître la confusion, avec le risque, lié au manège médiatique, de brouiller l’écoute !
Il y a des arguments que nous contestons et d’autres que nous pouvons parfaitement entendre. Ainsi j’entends parfaitement l’intention du Gouvernement de refuser la création de toute nouvelle commission et de tout nouveau conseil. Pourtant, depuis 2012, le Gouvernement en a créé douze…
…le Conseil de la simplification pour les entreprises, la Conférence nationale de l’administration territoriale de l’État, le Conseil national pour le développement et la solidarité internationale, qui regroupe des parlementaires et des ONG…
…la Commission des téléphériques, le Conseil d’orientation et d’appui scientifique et technique du Service central d’hydrométéorologie et d’appui à la prévision des inondations, la Commission nationale des études de maïeutique, etc…
Je tenais à les citer, monsieur le président, pour que chacun apprécie leur diversité et sache que certains regroupent en leur sein des parlementaires et la société civile.
Monsieur Myard, j’entends votre argument concernant le rapprochement de la société civile et des parlementaires, mais cet argument n’a pas été repris par le Gouvernement qui préfère s’engager à informer les parlementaires et la société civile, alors mis sur un même plan.
J’entends bien votre argument, mais je voudrais en venir au fond et faire une proposition. J’ai indiqué dans mon rapport que, pour plusieurs raisons, nous avons besoin d’une meilleure coordination. Or en auditionnant les différents ministères concernés, j’ai pu constater qu’elle était aujourd’hui assez ténue.
C’est pourquoi il est important de prévoir une évaluation et un débat public sur les embargos et autres sanctions. Car vous l’avez dit tout à l’heure, monsieur Myard, et je l’ai moi-même signalé dans mon propos introductif, les embargos ne sont pas une finalité en soi, ni même un moyen satisfaisant dans tous les cas. Certains embargos peuvent poser des problèmes, d’où la nécessité de les évaluer…
…ce que, vous en conviendrez, nous faisons assez peu. Nous disposons d’informations qui nous sont transmises, mais peu d’évaluations émanent des parlementaires, donc de la société civile que nous représentons en tant que représentants de la Nation. Il apparaît que les dispositifs conduisant à un embargo méritent d’être observés, évalués et renforcés.
Au nom de la commission, je vais vous présenter deux amendements qui visent, pour l’un à placer cette commission sous l’autorité du Premier ministre, pour l’autre à retirer à la commission la mission d’avis préalable à toute décision d’embargo.
On peut certes considérer, pour les raisons que vous avez invoquées, monsieur le secrétaire d’État, en rappelant que ces décisions sont souvent prises au niveau international, qu’elles ne nécessitent pas l’avis d’une commission, a fortiori si celle-ci est consultative. Mais ce serait une erreur, avant que le débat ait lieu au Sénat – qui sans doute modifiera le texte et tiendra compte de nos arguments lorsqu’il aura lu le compte rendu de notre débat et comprendra nos intentions – de ne pas proposer la création d’une commission consultative qui, comme M. Rochebloine l’a indiqué fort justement, serait très utile.
La commission est donc défavorable aux amendements visant à supprimer l’article 3 bis. J’ajoute que j’entends bien reformuler cet article lorsque le texte reviendra devant nous.
L’article 3 bis, amendé, est adopté.
La parole est à M. Pouria Amirshahi, rapporteur, pour soutenir l’amendement no 3 .
L’amendement no 3 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L’article 4, amendé, est adopté.
Le projet de loi est adopté.
Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :
Examen du projet de loi portant application de l’accord entre la France, la Communauté européenne de l’énergie atomique et l’Agence internationale de l’énergie atomique.
La séance est levée.
La séance est levée à treize heures dix.
La Directrice du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Catherine Joly