Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État aux affaires européennes, madame la présidente de la commission des affaires étrangères, monsieur le rapporteur, madame la rapporteure pour avis, mes chers collègues, ces dernières décennies, nous avons assisté à un changement de forme de la menace.
En conséquence, les mesures de rétorsion ont évolué. On dénombre désormais de nombreux embargos, ou autres mesures restrictives, édictés soit par le Conseil de sécurité des Nations Unies, soit par le Conseil de l’Union européenne. Ils contiennent des interdictions ou des restrictions ne se bornant plus exclusivement aux matériels de guerre.
Les embargos peuvent, notamment, concerner les activités de nature commerciale, économique ou financière, mais aussi des actions de formation, de conseil ou d’assistance technique menées auprès d’un État, d’une entité, ou de personnes physiques ou morales.
Cette mesure, en interdisant, temporairement ou non, l’exportation ou la libre circulation de certaines marchandises, constitue une arme politique pour les démocraties tout autant qu’une alternative pacifique à des opérations militaires qui ne sont pas toujours possibles ou souhaitables.
On connaît, par exemple, le rôle qu’a joué dans la fin de l’apartheid l’embargo imposé à l’Afrique du Sud en 1977 concernant le commerce des armes, les nouveaux investissements ou les exportations de pétrole.
Il est donc essentiel, lorsqu’un embargo est décidé par les institutions internationales, de tout mettre en oeuvre pour le faire respecter. Cela n’est possible, bien évidemment, que si des sanctions adéquates sont prévues en cas de violation. En outre, chaque pays membre de l’Organisation des Nations Unies a l’obligation de respecter les embargos imposés par le Conseil de sécurité.
Il est donc nécessaire d’adapter notre législation. En effet, les dispositions répressives françaises, actuellement prévues par le code de la défense ou par le code des douanes, ne sont pertinentes que s’agissant de matériels de guerre et en matière douanière.
Afin de permettre la répression pénale de la violation de tous les embargos et de toutes les mesures restrictives, le projet de loi vise donc à créer une nouvelle incrimination inscrite dans le code pénal et permettant de couvrir tous les cas de figure.
Il était initialement prévu que la violation des embargos ou des mesures restrictives soit punie d’une peine de sept ans d’emprisonnement et de 750 000 euros d’amende.
Lors de l’examen du projet de loi en commission, il a été décidé de punir plus sévèrement cette violation lorsque celle-ci est commise en bande organisée, en fixant le quantum des peines prévues à dix ans d’emprisonnement et 1,5 million d’euros d’amende.
Ont également été prévues des peines applicables aux personnes morales reconnues coupables d’une violation d’embargo ou de mesures restrictives. Ces peines, comme cela existe pour ce qui concerne l’exportation sans licence de matériels de guerre, pourront aller de la dissolution de la société, dans les cas les plus graves, à l’exclusion des marchés publics. Ces personnes morales pourront également se voir frappées d’une interdiction de percevoir des aides publiques ainsi que de celle d’opérer des émissions sur les marchés financiers.
Nous soutenons ces évolutions qui nous semblent tout à fait pertinentes. Précision importante : le projet de loi prévoit que les délinquants pourront être poursuivis et jugés, même après la levée d’un embargo, pour des faits commis quand cet embargo était en vigueur. En effet, même si la norme d’appui mettant en oeuvre l’embargo a disparu, l’incrimination de violation d’embargo, elle, subsiste.
Enfin, comme pour tout délit de droit commun, la prescription est de trois ans. Elle court non pas à compter du jour où les faits ont été commis, mais à compter du dernier acte de poursuite judiciaire, pour autant, bien entendu, que l’enquête ait été ouverte dans le délai de trois ans à compter de la commission des faits.
Mes chers collègues, ce texte est attendu par la communauté internationale. À ce titre, nous regrettons que son parcours législatif ait été aussi lent, comme cela a déjà été dit par les orateurs précédents ainsi que par les rapporteurs. En effet, le Conseil de sécurité des Nations Unies, dans sa résolution 1196 adoptée le 16 septembre 1998, a encouragé chaque État membre à adopter des mesures législatives érigeant en infraction pénale la violation de tout embargo imposé par le Conseil.
Il aura fallu neuf années avant que le texte ne soit adopté par le Sénat, et neuf années supplémentaires pour que notre assemblée débute son examen. Pourtant, ce projet de loi va dans le sens du respect des engagements internationaux de la France et de la promotion des droits de l’homme chers à notre histoire, à notre tradition et à nos valeurs.
Il témoigne de la volonté politique de notre pays de mieux faire respecter les embargos de toute sorte prononcés par les institutions internationales. Il s’agit d’un texte bref et clair, qui a recueilli un large assentiment au sein de nos deux assemblées, puisqu’il a été adopté à l’unanimité par le Sénat, ainsi que, la semaine dernière, par la commission de la défense et la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale.
Nous devons donc l’adopter sans plus tarder afin de renforcer notre arsenal législatif. Nous devons également, au-delà du respect des embargos, assurer une évaluation transparente de ces derniers, sur le plan humanitaire comme économique.