Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je voterai bien entendu sans aucune difficulté tout ce qui permet de limiter le rôle des trafiquants d’armes dans les guerres civiles et massacres de la Sierra Leone, du Liberia, de l’Angola, du Soudan et autres, et je partage très largement les grandes lignes du projet qui, comme le rappelait Mme la rapporteure pour avis, a le mérite de voir le jour puisqu’il y a dix ans qu’on en parle sans qu’il y ait eu de conclusion.
Je profite de l’occasion pour me demander s’il ne faudrait pas engager un autre débat au Parlement, sur la place des armes dans le monde et le rôle des États. Quel type de politique conduisons-nous ? La politique que nous affichons officiellement ressemble-t-elle à la vraie politique ? Au-delà du secret défense, y a-t-il ne serait-ce qu’un semblant de ressemblance entre nos déclarations et la réalité qui est la nôtre tous les jours ?
Je suis de ceux qui s’interrogent un peu, pas uniquement aujourd’hui, depuis une bonne vingtaine d’années, mais aujourd’hui précisément quand je vois que le responsable de l’Iran est reçu par le chef de l’État. Nous sommes bien placés les uns et les autres pour savoir ce qu’il est de ce régime. Certains d’entre nous le combattent même très activement auprès d’opposants.
Il m’a semblé entendre que l’un des enjeux de cette rencontre, c’était de lui vendre une petite centaine de Rafale, peut-être même un peu plus. Remarquez, il ne serait pas le premier dans cette partie très troublée du monde. Nous en vendons beaucoup, et je ne suis pas sûr d’ailleurs que ceux à qui nous les vendons sachent vers qui ils vont les orienter. Je me demande même parfois si ce ne sera pas vers nos propres soldats...
C’est un petit peu exagéré, j’en conviens, mais la question que je me pose, monsieur le secrétaire d’État, c’est au fond une question que se pose tout bas, je crois, une grande partie d’un peuple averti de la politique, qui s’est déclaré souverain il y a longtemps déjà et qui ne comprend plus très bien, je veux parler du peuple français. Où est en effet la cohérence ? Sauf dans des moments tragiques, et nous n’avons pas été épargnés dans notre histoire, l’an dernier par exemple, nous avons un peu de mal à parler clairement de notre pays, de la France, de notre capacité à décider de notre destin, alors que nous y sommes très largement encouragés par le peuple tout entier.
Il y a ensuite notre politique à l’égard des États-Unis. Nous préparons de façon très confidentielle le fameux traité des traités entre continents, sans que je puisse obtenir la moindre réponse pour savoir de quoi il en retourne et sans que l’on sache aujourd’hui si l’Europe a un vrai pouvoir ou pas.
Je me demande si ce pays, qui a tout de même tant donné à la politique, qui a tant permis d’avoir conscience d’une certaine idée de la civilisation, n’est pas à la croisée des chemins et s’il sait lui-même où il en est. Moi, en tout cas, je ne le sais pas.
D’accord pour tous les textes que vous voudrez, mais j’aimerais qu’un jour, monsieur le secrétaire d’État – ce n’est pas à votre niveau que ce serait organisé mais vous pouvez faire remonter ma demande –, nous ayons un vrai débat pour qu’on fasse la lumière là-dessus. Lorsque l’on vient frapper à l’intérieur de Paris, nous avons certes les réactions et l’attitude qu’il convient d’avoir, et cela a été mon cas, sans état d’âme, mais cela mériterait, je pense, que nous allions un peu plus loin dans le questionnement pour savoir où nous en sommes et qui nous sommes.