Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous sommes invités à examiner un projet de loi visant à appliquer le protocole ratifié par la France en 2003, et entré en vigueur en 2004.
Depuis plus d’un demi-siècle, la société internationale cherche à encadrer le risque particulier que les armes nucléaires entraînent par nature. Nous devons, en effet, tout mettre en oeuvre pour que l’énergie nucléaire ne soit pas détournée de ses utilisations pacifiques.
Au niveau interne, la France est, depuis 1981, partie à un accord tripartite avec la CEEA et l’AIEA, lui permettant de participer au système de garanties international, mis en oeuvre par l’Agence. Par cet accord, la France doit fournir à l’Agence des informations comptables sur la détention de matières nucléaires, contrôlées dans le cadre d’inspections.
La France a conclu, en 1998, un protocole additionnel, objet du présent projet de loi. Ce protocole vise à renforcer l’efficience du système de garanties international par la fourniture d’informations supplémentaires à l’Agence. L’objectif est donc d’accroître la capacité de l’Agence à détecter d’éventuelles activités nucléaires clandestines menées dans un État non doté de l’arme nucléaire.
Il s’inscrit ainsi dans une démarche globale, celle qui consiste à permettre à l’Agence de vérifier que l’exécution des obligations souscrites par les États non dotés de l’arme nucléaire – les ENDAN – et membres du Traité de non-prolifération nucléaire – TNP – soit pleinement respectée.
Le protocole est entré en vigueur en 2004. En conséquence, la France fournit depuis cette date les renseignements requis par celui-ci. Néanmoins, la nature et la portée des informations qui sont depuis communiquées par la France, ainsi que l’octroi aux représentants de l’Agence d’un droit de vérification élargi requièrent de compléter notre droit interne.
En un demi-siècle, la menace que représentent les armes nucléaires n’a pas disparu. Elle a simplement changé de forme : le risque contemporain du nucléaire militaire constitue avant tout un risque de prolifération. Lorsque le nucléaire civil entre en jeu, la question de la prolifération se pose alors en ces termes : comment aider un État à se développer sur le plan économique grâce à l’énergie nucléaire civile, s’il peut ensuite la détourner pour développer un programme d’armement militaire ? Comment assurer la coexistence des deux piliers essentiels d’un régime de contrôle des armements, à savoir la lutte contre la prolifération et la coopération internationale ? Les puissances nucléaires se voient confrontées à ce dilemme.
Notre position de puissance nucléaire civile et militaire nous oblige à assumer notre responsabilité, quant aux outils que nous avons à notre disposition pour lutter contre la prolifération.
Alors que nous assistons à l’émergence d’un deuxième âge nucléaire, dans lequel certains États entretiennent des relations avec des groupes terroristes, ou autres, les États dotés de l’arme nucléaire et ceux dotés d’un programme nucléaire civil doivent faire preuve d’une attention renouvelée.
Si l’ordre juridique international ne laisse pas les puissances nucléaires seules face à leurs responsabilités, il est néanmoins nécessaire de compléter périodiquement le TNP par des protocoles permettant aux États d’adapter leurs moyens d’action aux nouveaux visages de la prolifération.
Le protocole, dont ce projet de loi vise à assurer le respect par la France, complète utilement le mécanisme de garanties internationales prévu par l’accord avec l’ex-Euratom et l’AIEA, et mis en oeuvre dans le cadre du traité de non-prolifération de 1968.
Il cible en premier lieu les États non dotés de l’arme nucléaire, afin qu’ils ne détournent pas les matériaux à usage civil à des fins militaires. Il fixe, en outre, de manière plus précise et plus prescriptive, le rôle des inspecteurs, ce qui marquera assurément un progrès.
Ce projet de loi est nécessaire, car c’est en permettant à l’AIEA de devenir véritablement un gardien du nucléaire civil et une police de la prolifération que nous parviendrons à dépasser le conflit entre les puissances nucléaires et celles qui cherchent à développer leurs programmes civils.
Dans un contexte de tensions internationales quant au risque de prolifération, nous devons compléter notre dispositif législatif interne et préciser les modalités d’application du protocole. Aussi le groupe de l’Union des démocrates et indépendants votera-t-il en faveur de ce projet de loi, qui devrait donner sa pleine effectivité au renforcement de l’efficacité des outils mis à la disposition de l’Agence, dans le cadre du protocole. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants, du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)