Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, chers collègues, si les négociations internationales avec l’Iran concernant le développement de son programme nucléaire ont abouti récemment à un accord historique, des incertitudes demeurent sur l’état d’avancement de la maîtrise des technologies nucléaires d’autres pays, tels que la République populaire démocratique de Corée. Aussi le texte que nous examinons aujourd’hui a-t-il pour objectif de rendre opposables aux personnes publiques ou privées concernées les obligations du protocole additionnel et d’instaurer un régime de sanctions pénales en cas de non-respect de ces obligations.
Au sein du régime de garanties de l’Agence internationale de l’énergie atomique, le protocole additionnel, dont le modèle a été adopté en 1997 à l’issue d’une réflexion lancée en 1991 après la découverte en Irak d’un programme nucléaire militaire clandestin, vient renforcer l’efficacité des accords de garanties existants. Il vise à accroître la capacité de cette agence à détecter des activités nucléaires clandestines dans les États non dotés de l’arme nucléaire, les ENDAN. Il permet à l’AIEA d’obtenir de la part des États des informations supplémentaires, notamment sur les activités de ces derniers dans le domaine minier, le développement du cycle du combustible nucléaire et l’acquisition de certains équipements pouvant constituer des indices quant à la mise en place d’un programme nucléaire militaire. Il permet également de mener des vérifications plus étendues sur le territoire des États concernés via un dispositif d’accès complémentaire.
Conçu à l’origine pour les États non dotés de l’arme nucléaire, le modèle de protocole additionnel adopté en 1997 a également servi de base pour la négociation de protocoles additionnels spécifiques aux États dotés de l’arme nucléaire. C’est alors que la France, qui figure parmi les cinq États officiellement dotés de l’arme nucléaire, a souhaité conclure un tel accord sur une base volontaire pour participer à la démarche internationale de non-prolifération. Elle a donc signé avec l’AIEA en 1998 un protocole additionnel à l’accord qui a été ratifié en 2003. Ce nouvel instrument permet de détecter de manière plus efficace d’éventuelles activités nucléaires militaires clandestines menées dans un État non doté de l’arme nucléaire. Ainsi impose-t-il la transmission à l’AIEA de renseignements supplémentaires sur les activités menées avec les ENDAN bien au-delà de la seule transmission d’informations sur la comptabilisation des matières nucléaires prévue par l’accord et qui est déjà dépassée.
En effet, le mécanisme déclaratif des matières nucléaires par les États a véritablement atteint ses limites. Il s’est révélé insuffisant pour détecter certains programmes militaires clandestins. Il importe de pouvoir croiser les informations provenant de différentes sources, dont la France, avec les renseignements fournis parallèlement par les ENDAN. Cela permet non seulement de vérifier la sincérité des déclarations faites par ces États, mais également d’identifier la nature des technologies que ceux-ci cherchent à acquérir, ainsi que leur niveau de maturité. Pour ce faire, il faut donc déclarer davantage que les matières nucléaires.
C’est pourquoi les nouvelles obligations imposées par le protocole sont de deux ordres : en premier lieu, fournir une large gamme d’informations supplémentaires portant sur les activités menées par des personnes publiques ou privées en coopération avec des ENDAN concernant tous les aspects du cycle du combustible nucléaire, ainsi que sur les exportations de certains équipements et de matières non nucléaires vers de tels États ; en second lieu, accorder un droit d’accès plus étendu aux inspecteurs de l’AIEA. Il s’agit d’un droit d’accès dit « complémentaire » à des emplacements indiqués par la France, afin de résoudre une question concernant l’exactitude ou l’exhaustivité des informations fournies au titre du protocole ou pour résoudre certaines contradictions concernant ces informations. De même, l’AIEA peut avoir accès à d’autres emplacements afin de prélever des échantillons pour recueillir d’éventuels indices quant à des activités nucléaires clandestines menées par des États non dotés de l’arme nucléaire ou avec eux. Par ailleurs, cet accès peut, à la demande de la France, être réglementé pour empêcher la diffusion d’informations sensibles du point de vue de la prolifération, respecter les prescriptions de sécurité ou de protection physique ou protéger des informations sensibles du point de vue commercial.
D’une manière générale, les obligations inscrites dans le protocole couvrent donc un champ d’application plus large que celui de l’accord. Il s’agit de permettre à l’AIEA d’avoir une vision d’ensemble du cycle du combustible nucléaire – des minerais aux déchets –, d’avoir ainsi connaissance non seulement de la détention par un État non doté de l’arme nucléaire de ces matières nucléaires brutes, mais également de la production et de la transformation de ces matières pour des applications nucléaires et non nucléaires, aux différents stades du cycle.
Par ailleurs, l’application du protocole additionnel est nécessaire pour rendre opposables aux personnes publiques ou privées concernées les obligations de cet instrument international et instaurer un régime de sanctions pénales en cas de non-respect. Plus précisément, il définit l’obligation pesant sur les personnes physiques ou morales de transmettre des informations à l’autorité administrative compétente, ainsi que la nature des informations à transmettre. Il comporte également des dispositions visant à organiser le déroulement des vérifications internationales en France. Enfin, il donne aux autorités françaises les moyens juridiques adaptés pour résoudre les difficultés éventuelles de mise en oeuvre du protocole additionnel. Ainsi, des sanctions pénales sont prévues en cas de défaut de déclaration par les exploitants des renseignements demandés ou en cas de refus opposé par toute personne à la venue des inspecteurs chargés d’effectuer des contrôles internationaux.
L’adoption de ce projet de loi permettra donc la finalisation du dispositif légal national visant à aider l’AIEA à détecter des activités nucléaires clandestines dans un ENDAN et contribuera ainsi au renforcement du régime international de lutte contre la prolifération des armes nucléaires.
En conclusion, le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste soutient ce projet de loi portant application du protocole additionnel à l’accord entre la France, la Communauté européenne de l’énergie atomique et l’Agence internationale de l’énergie atomique relatif à l’application de garanties en France.