Non, pour 2014, vous parliez de 10,7 milliards en considérant que le déficit était reparti à la hausse. Vous exprimiez vos angoisses, ce qui peut être libérateur. Vous faisiez d'ailleurs part des mêmes inquiétudes s'agissant des dépenses. Mais elles n'ont pas été supérieures à la norme, même avec les dépenses imprévues entraînées par les mesures prises pour la lutte contre le terrorisme, objets desdites inquiétudes. La peur ne supprimant pas le danger et la confiance n'excluant pas le contrôle, vous doutiez des résultats au mois de juin 2015, et vous n'étiez pas le seul. Vous voilà donc rassuré ! Le temps où les projections étaient qualifiées de trop volontaristes est loin. La prudence de nos prévisions et la tenue de nos engagements sont les piliers de notre gestion, elles témoignent de notre crédibilité comme de celle des acteurs publics.
Les résultats détaillés de l'exécution du budget montrent que nous avons respecté l'objectif de dépenses fixé par le Parlement pour 2015, après réintégration dans le budget général des dépenses militaires sous forme de crédits, alors qu'elles étaient classiquement financées par des recettes exceptionnelles. Ces recettes ont bien été réalisées en 2015, pour un montant de 2,8 milliards d'euros. Pas de chance pour les détracteurs ! Les dépenses sont inférieures de 83 millions d'euros à l'objectif de dépenses de la loi de finances rectificative de fin d'année. Les dépenses sous norme s'établissent à 283,9 milliards d'euros, en baisse de 1,4 milliard d'euros par rapport à l'exécution 2014. Il s'agit bien d'une diminution de la dépense de l'État d'exécution à exécution qui vient s'ajouter à la baisse de 3,3 milliards d'euros constatée en 2014. Cette diminution est encore plus importante sur le champ plus large de la norme en volume, qui prend en compte la charge de la dette et les pensions, puisque les dépenses sont alors en baisse de 1,8 milliard d'euros par rapport à 2014, à périmètre constant. Il n'y a, par ailleurs, pas eu de dépense exceptionnelle en 2015, ce qui explique que les chiffres de diminution totale de la dépense de l'État dans la loi de règlement seront encore meilleurs.
J'indique, car ce point est légitimement surveillé par le Parlement, que la dette de l'État envers la sécurité sociale, qui se situait déjà à un niveau faible fin 2014, va encore se réduire et être proche de zéro à la fin de l'année 2015 ; nous y avons été très attentifs en fin de gestion. Je rappelle que l'objectif de dépenses a été restreint en cours d'année puisque, sur les 4 milliards de mesures de redressement adoptées au printemps, le budget de l'État a apporté 700 millions. Tout en respectant cet objectif de dépenses, nous avons été capables de redéployer nos moyens, notamment pour apporter les crédits supplémentaires nécessaires à la sécurité des Français. Ainsi, près de 800 millions d'euros ont été redéployés en cours d'année afin de financer les mesures de lutte contre le terrorisme. En fin d'année, nous avons pu faire face, par redéploiements, aux besoins de nos armées opérant sur les théâtres extérieurs, aux politiques prioritaires de l'emploi et à l'hébergement d'urgence. À cela, il faut ajouter plus de 800 millions d'euros d'ajustements communautaires agricoles. En un mot, nous avons fait la preuve de notre capacité à prendre en charge les priorités dans un contexte où les économies supplémentaires ont été nécessaires à la réalisation de notre objectif de 50 milliards d'économies sur trois ans.
Ces résultats sur la dépense de l'État ne datent pas d'hier ni d'avant-hier, ils sont constatés depuis le début de la législature. Depuis 2013, les dépenses sous norme zéro valeur, hors charges de la dette et des pensions – puisque vous prétendez régulièrement que cela provient d'économies de constatation ou réalisées sur les taux d'intérêt –, ont diminué de 4,6 milliards d'euros. Compte tenu de la modération des taux d'intérêt, imputable à la situation économique mais aussi à la crédibilité de notre stratégie de finances publiques, la charge de la dette a reculé de 2,8 milliards d'euros. Pour mémoire, entre 2007 et 2011, les dépenses, sous un périmètre similaire, avaient augmenté de 6 milliards.
La prévision de recettes de l'État a été révisée à la marge entre la loi de finances initiale et la loi de finances rectificative de fin d'année, les recettes fiscales nettes ont été ajustées afin de prendre en compte une inflation plus faible qu'anticipé, l'appropriation du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) par les entreprises, mais aussi la réévaluation à la hausse du service de traitement des déclarations rectificatives (STDR) qui a pour mission d'imposer les avoirs jusque-là dissimulés à l'étranger.
L'exécution est légèrement meilleure que prévu, malgré les prédictions alarmistes que j'évoquais tout à l'heure à propos de l'interview, dans laquelle vous disiez que les 10 milliards qui allaient manquer seraient le fait de la migration fiscale. Ce n'est pas le cas. Par rapport à la loi de finances initiale, les recettes fiscales nettes sont en plus-value de 1 milliard d'euros, dont 400 milliards au titre de l'impôt sur le revenu (IR), 1,1 milliard au titre des droits de mutation à titre gratuit – c'est-à-dire les recettes liées aux donations et aux successions, notamment soutenues par les recettes du STDR. Les recettes d'impôt sur les sociétés (IS) sont inférieures de 200 millions d'euros à la prévision initiale ; la consommation plus importante du CICE et la mise en place de mesures de suramortissement seraient notamment compensées par un bénéfice fiscal plus dynamique qu'escompté, en raison d'un environnement macroéconomique plus favorable et de la faiblesse des taux d'intérêt.
Les recettes de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) seraient inférieures de 800 millions à la prévision initiale, mais, malgré la faible inflation, la TVA s'est bien tenue tout au long de l'année et l'écart avec la LFI est surtout imputable au remboursement de la dette de l'État envers la sécurité sociale voté en LFR de fin d'année. Les recettes de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) sont inférieures de 400 millions d'euros à la prévision initiale. La plus grande partie de l'écart est due à la révision à la baisse du rendement du STDR dans ce domaine, car, s'il a été globalement supérieur à nos attentes, cela provenait de plus d'IR et de droits de mutation à titre gratuit que d'ISF.
Les plus-values que nous constatons doivent nous conduire à relativiser les débats que nous avons pu avoir sur l'exil fiscal. Par ailleurs, les recettes ont été soutenues par le rendement des mesures prises contre la fraude, avec le renforcement des effectifs du STDR et la création de pôles déconcentrés. Ces décisions ont permis d'augmenter de 700 millions d'euros les recettes perçues à ce titre.
La dépense est donc tenue, les économies annoncées lors de l'examen du PLF ont été réalisées – ce qui vaut mieux, me semble-t-il, que de les voir « documentées » comme vous le réclamez souvent –, les impôts sont rentrés normalement dans les caisses de l'État, la lutte contre la fraude et l'évasion fiscale produit des résultats, et le déficit de l'État est bien inférieur de près de 3,9 milliards d'euros à la prévision de la LFI. C'est sur cette base que nous entamerons l'année 2016.
Au-delà de la gestion proprement dite, nous poursuivrons les réformes, avec la préparation du prélèvement à la source de l'IR, mais aussi, du côté des dépenses, avec des réformes concernant la politique des achats ou la politique immobilière de l'État. Tout cela devra contribuer à accroître les économies, comme la deuxième vague de revues des dépenses qui est lancée et dont je compte bien que le Parlement s'empare. Quel que soit le référentiel – exécution, LFI ou LFR –, les faits sont là, le déficit se réduit. Vous pourrez toujours dire que cela est insuffisant, qu'il faudrait aller plus vite et plus loin, j'attends vos propositions, et nous aurons à réfléchir ensemble à la question du déficit. Je n'irai pas plus loin dans le chiffrage, toutefois, les premiers résultats relatifs à l'exécution de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) – élément important des dépenses de la sphère sociale – sont conformes à nos prévisions.
Les chiffres des collectivités territoriales ne sont pas encore connus de façon définitive, mais il semble que, comme je l'ai toujours pensé, malgré la baisse de la dotation globale de fonctionnement (DGF) – qui représente entre un cinquième et un quart des ressources des collectivités territoriales –, les recettes réelles de fonctionnement continuent de progresser significativement. Cette évolution se poursuit, à un rythme légèrement inférieur aux années précédentes, avec une maîtrise plus resserrée de la masse salariale et les recettes de fonctionnement progressent plus que les dépenses. En outre, les capacités d'autofinancement brut des collectivités territoriales augmentent significativement, ce dernier point étant variable en fonction du type de collectivité considéré, le cas des départements étant différent de celui des communes ou des régions. Les recettes des départements augmentent, la cotisation sur la valeur ajoutée (CVAE), la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), perçue par les régions, connaissent des progressions très importantes.