Je ne peux que me réjouir de voir que les recettes fiscales se sont tenues par rapport aux prévisions. Je rappelle qu'en 2013 et 2014, nous avons connu une hémorragie se traduisant par un écart de 10 milliards d'euros. Cependant, le faible rendement de l'impôt sur les sociétés et de l'impôt sur le revenu m'inquiète. Comme le disait sous forme de boutade notre collègue Karine Berger, il y a quelques mois : à ce rythme, l'IS va disparaître. Le CICE montant en charge, ce sont près de 30 milliards qui risquent de manquer. Je suis, par ailleurs, très déçu du montant en exécution de l'impôt sur le revenu qui se situe en dessous de 70 milliards. Compte tenu des augmentations considérables d'assiette, avec le plafonnement du quotient familial et la réintégration de non-déductibilité, et, malgré la baisse de 3 milliards de 2015, j'ai le sentiment que nous n'irons pas plus loin.
Il me semble que nous sommes aux prises avec une double stagnation : celle des recettes fiscales qui n'évoluent plus, et celle d'un niveau de déficit de près de quatre points de PIB – en raisonnant en chiffres consolidés – dans lequel nous sommes englués. De son côté, l'exécution du budget de l'État, d'exercice en exercice, ne montre aucune diminution du déficit entre 2014 et 2015. Certes, il y a tout un ensemble de retraitements à faire, parce que des recettes ont été affectées à la sécurité sociale et qu'il faut traiter correctement le programme d'investissements d'avenir. Ce programme a d'ailleurs donné lieu à un vigoureux débat entre le Premier président de la Cour des comptes et le rapporteur du groupe Socialiste, républicain et citoyen au sein de notre commission : les méthodes de calcul doivent être clarifiées. À cet égard, je propose, monsieur le secrétaire d'État, que, dans un contexte de comptabilité budgétaire, on adopte pour le PIA une comptabilité qui consisterait à prendre en compte soit les décaissements de l'année des opérateurs, soit les intérêts versés au titre des dotations non consommables.
En exécution, de 2014 à 2015, le déficit n'évolue pas considérablement, alors même que l'année 2015 fut marquée par des événements très favorables : un prélèvement social européen réduit de plus de 1 milliard d'euros par rapport à la prévision ; 2 milliards d'euros de bonus sur les intérêts de la dette ; une amélioration de 1,8 milliard par rapport à la prévision des comptes spéciaux du trésor. Il serait intéressant d'avoir des détails à ce propos, car ces comptes spéciaux couvrent sans doute des événements non récurrents. Me vient à l'esprit le prélèvement de plus de 250 millions d'euros sur le Fonds national de garantie des risques en agriculture (FNGRA). Je ne suis pas de nature pessimiste mais la question se pose : en 2016, sans ces événements non récurrents, la marche de 0,5 point de PIB qui devrait permettre aux déficits publics de passer de 3,8 % à 3,3 % ne sera-t-elle pas beaucoup plus difficile à franchir ?
Nourrit également mon inquiétude le fait que, en 2015, la maîtrise des dépenses a essentiellement tenu à la régulation budgétaire. À peine le Parlement a-t-il voté des crédits que 8 % étaient mis en réserve de précaution, puis le décret d'annulation du mois de juin et la loi de finances rectificative en fin d'année venaient annuler ce qu'il fallait annuler, mais de façon subie. Des crédits pilotables, souvent d'investissement, ont été annulés à cause de débordements dans les dépenses d'allocations logement, d'allocation adulte handicapé, de centres d'hébergement d'urgence ou d'aide médicale de l'État. Cette méthode est quand même très frustrante.
Aussi, quoique je me félicite que les recettes n'aient pas été moindres que prévu, contrairement à vous, monsieur le secrétaire d'État, je ne verserai pas dans l'optimisme.