Intervention de Véronique Louwagie

Réunion du 27 janvier 2016 à 16h15
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaVéronique Louwagie :

Je ne crois pas, monsieur le secrétaire d'État, que l'on puisse se réjouir comme vous l'avez fait. Les chiffres doivent être relativisés et, oui, monsieur Lefebvre, le déficit budgétaire de l'État est bien supérieur, en 2015, à ce qu'il était en 2014.

Les chiffres permettent certes de constater un effort de maîtrise des finances publiques, mais l'État a opéré des prélèvements sur un certain nombre de fonds extérieurs – tels les 255 millions d'euros sur le FNGRA –, et a bénéficié de 1 milliard d'économies de constatation sur le prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne et de l'évolution favorable des comptes spéciaux, à hauteur de 1,8 milliard d'euros. Ce sont là des économies qui ne résultent pas de réformes structurelles, et la réduction des déficits est beaucoup trop lente : 3,8 % du PIB, c'est très largement supérieur aux 3 % que nous devrions respecter. Comment se réjouir de la situation quand notre déficit est supérieur à 70 milliards d'euros tandis que l'Allemagne affiche un excédent budgétaire record de 12 milliards d'euros ? Comparée à celle des autres pays, notre situation est vraiment très mauvaise. En fait de maîtrise de la dépense publique, c'est essentiellement la hausse des recettes fiscales qui fait que notre solde budgétaire s'améliore, et nous ne pouvons que déplorer le niveau atteint par les prélèvements obligatoires : 44,9 % du PIB en 2014, contre 42,6 % du PIB en 2011. C'est autant d'argent qui est pris aux entreprises, aux ménages, aux Français.

Ces chiffres nous inquiètent d'autant plus que de nouvelles dépenses ont été promises par le Président de la République au cours de ce mois de voeux. Le programme d'économies de 50 milliards d'euros sur la période 2015-2017 reste a priori inchangé, or l'ensemble des promesses faites par François Hollande représente près de 10 milliards d'euros : 2 milliards pour le plan d'urgence pour l'emploi ; 3 milliards pour les grands travaux de rénovation énergétique ; 2,2 milliards pour l'armée ; 750 millions pour la lutte contre le terrorisme ; 2,3 milliards pour la généralisation du service civique. Tout cela ne peut que nous inquiéter, et il n'y a pas de quoi se féliciter avec ces chiffres, d'autant qu'il n'y a pas, derrière, de réformes structurelles décisives pour la reprise économique.

L'écart des recettes fiscales par rapport aux prévisions a été rappelé par le président de notre commission : 200 millions de moins-value pour l'impôt sur les sociétés, 400 millions de moins-value pour l'ISF, mais aussi 800 millions de moins-value au titre de la TVA. C'est tout à fait révélateur de la richesse économique de notre pays : s'il y a moins de TVA, c'est qu'il y a moins d'activité économique. Dans le même temps, le niveau de nos dépenses publiques est très élevé par rapport à celui des autres membres de l'Union européenne : 57,5 % du PIB contre 49,4 % dans la zone euro. Finalement, nous nous plaçons au deuxième rang, derrière les 58,3 % de la Finlande. C'est très mauvais.

Compte tenu des perspectives économiques, notre pays est en position risquée. La charge de la dette a reculé, dites-vous, de 2,8 milliards d'euros, mais c'est grâce aux taux d'intérêt effectivement bas. Nous ne savons pas du tout comment la situation va évoluer, et cela pourrait mettre le pays en péril. Il y a quelques semaines, M. Michel Sapin affirmait que la France était sortie de cette trop longue période de croissance extrêmement faible et maintenait une prévision de croissance de 1,6 % du PIB pour 2016. Or, en cette rentrée 2016, entre l'effondrement du pétrole et le fort ralentissement de la Chine, qui aura probablement un impact sur notre pays et sur l'Europe en général, nous ne pouvons qu'être inquiets. Ce sont autant de facteurs qui menacent de faire dérailler l'économie mondiale, l'économie européenne et l'économie française. L'année sera cruciale.

Les chiffres que vient de publier l'INSEE donnent, pour la première fois depuis 1953, une inflation nulle. L'hypothèse d'une inflation de 1 % retenue pour la loi de finances initiales de 2016 est encore un motif d'inquiétude : déjà, au mois de janvier, elle paraît complètement surestimée. En conséquence, votre prévision de 1,5 % de croissance en 2016 n'est plus à jour. Le FMI a d'ailleurs abaissé de 0,2 point sa propre prévision de croissance pour la France, la ramenant à 1,3 %.

Alors, maîtrise des dépenses certes, mais en partie artificielle. N'oublions pas la contribution des collectivités locales, dont la diminution sensible des dotations affecte les budgets, les décisions, les investissements et, finalement, notre économie. Si vous vous targuez de votre résultat d'exécution, l'examen précis de la réalité ne laisse pas d'inquiéter.

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