Intervention de Patrick Devedjian

Réunion du 28 janvier 2016 à 9h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatrick Devedjian :

Il est tout de même paradoxal de discuter d'un texte cosigné par Mme Taubira alors qu'elle a démissionné en exprimant son désaccord majeur avec ce dernier. Il est pour le moins singulier de nous faire délibérer sur un texte désavoué publiquement et totalement par l'ancienne garde des sceaux.

La contradiction ne s'arrête pas là. On la retrouve en rapprochant l'exposé des motifs des déclarations de notre collègue Patrick Mennucci. L'exposé des motifs indique en effet que l'article 2 « insère, à l'article 34 de la Constitution, une disposition permettant de déchoir de la nationalité française une personne qui, née française et ayant également une autre nationalité, aura été condamnée pour un crime constituant une atteinte grave à la vie de la Nation ». Or, aujourd'hui, on nous annonce le contraire : aux dires de M. Mennucci, une personne née française ne pourra pas être déchue de la nationalité. Un minimum de cohérence entre le projet de loi déposé et le discours de la majorité serait bienvenu : plus que d'un amendement, il s'agit d'un reniement du projet de loi initial. L'amendement proposé par le Gouvernement en dit long sur l'improvisation qui a présidé à l'élaboration du texte modifiant rien moins que la loi fondamentale. Nous ne débattons pas d'une petite loi à la sauvette mais de la Constitution !

Ce projet de loi est à ce point improvisé que son signataire l'a renié et qu'à peine déposé, il est modifié. Il serait plus conforme aux convenances que le Gouvernement retire le texte pour en présenter un nouveau au Conseil des ministres.

Je souligne à mon tour l'hypocrisie que tout le monde a relevée. La modification annoncée par le Premier ministre ne change rien au fond : les binationaux continueront à être les seuls citoyens à pouvoir être déchus de la nationalité française ; la discrimination demeure ; on ne le dit pas mais la règle demeure.

Vous vous apprêtez donc à inscrire dans notre Constitution une inégalité fondamentale, contraire à la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, aux termes de laquelle « les hommes naissent libres et égaux en droit ». Ce n'est plus vrai : ceux qui naissent binationaux pourront être déchus de la nationalité, ceux qui naissent « mononationaux » ne pourront pas l'être. Il s'agit d'écrire dans notre Constitution que les hommes ne naissent plus libres et égaux en droit. Ce n'est pas rien comme symbole !

Ce symbole aurait pour objet de répondre au terrorisme. Il m'apparaît plutôt comme une grande victoire pour les terroristes. Ces derniers nous obligent non seulement à modifier la loi fondamentale, mais aussi à réduire nos libertés alors même que ceux-ci nous reprochent d'abord d'être une société de liberté, ce qui leur est insupportable. Nous allons leur donner raison. Nous accédons, en partie, à leur demande en commençant à réduire les libertés.

Ce n'est décidément pas un bon texte.

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