Intervention de Alain Vidalies

Séance en hémicycle du 2 février 2016 à 15h00
Économie bleue — Présentation

Alain Vidalies, secrétaire d’état chargé des transports, de la mer et de la pêche :

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission, mesdames et messieurs les députés, la proposition de loi relative à l’économie bleue que nous examinons aujourd’hui est le fruit d’un travail important réalisé par le rapporteur depuis plusieurs mois, et qui s’inscrit dans une dynamique plus générale impulsée par le Gouvernement pour une politique maritime ambitieuse au service de notre pays.

Les événements de ces derniers jours concernant le cargo Modern Express ont porté l’attention sur la mer, formidable vecteur de croissance et de potentialités nouvelles mais aussi espace fragile, nécessitant des règles modernes et adaptées au service des hommes et des femmes qui composent la communauté des marins et des gens de mer. Je veux d’ailleurs, comme je l’ai fait lors des questions d’actualité, profiter de cette tribune pour saluer l’action professionnelle et courageuse de nos services dans le traitement de l’événement de mer du Modern Express et vous assurer de la détermination du Gouvernement pour continuer à prendre toutes les dispositions et actions nécessaires afin de protéger notre environnement marin et littoral.

La croissance bleue que d’aucuns appellent de leurs voeux est, à l’évidence, un formidable vivier de création de valeur, d’emploi et d’attractivité. Reste à lui donner corps et à rendre tangibles et concrètes ces orientations en accompagnant ce potentiel tout en veillant à ne pas affaiblir le modèle social auquel nos marins sont légitimement attachés et à assurer la nécessaire protection de notre environnement.

C’est dans cet esprit d’équilibre que le Gouvernement conduit une politique maritime ambitieuse et intégrée, prenant en compte toutes les composantes de l’économie maritime. Concrètement, le dernier comité interministériel de la mer, tenu sous la présidence du Premier ministre, a permis d’avancer et de tracer une feuille de route sur plusieurs sujets importants rappelés par le rapporteur : le renforcement de la compétitivité des grands ports maritimes ; le renouvellement de la flotte de commerce pour s’adapter aux conditions du marché mondial ; un soutien renforcé au secteur de la pêche maritime, pour préparer l’avenir et installer des jeunes ; l’affirmation d’une ambition aquacole pour la France ; une ambition réaffirmée sur les grands fonds marins ; le renforcement de nos capacités de contrôle pour protéger l’environnement marin ; ou encore, et c’est un point majeur, des dispositions permettant de valoriser le potentiel considérable des espaces maritimes ultramarins, qui forment, ne l’oublions pas, l’essentiel des espaces placés sous souveraineté ou juridiction française.

Comme l’a réaffirmé le Président de la République lors de son déplacement au Havre en octobre dernier, notre espace maritime représente une force considérable si nous savons le mettre au service de l’emploi, de l’activité, du développement durable, du respect de l’environnement, des énergies nouvelles. La mer, dans cette perspective de croissance bleue, est donc à la fois une ressource, un investissement et un domaine à protéger.

Nombre de ces éléments trouvent logiquement une déclinaison législative dans le texte proposé par Arnaud Leroy, dont je veux saluer ici l’engagement et la maîtrise au service de ces sujets de l’économie bleue, qui intéressent de plus en plus nos concitoyens. La proposition de loi, ambitieuse dans son objet, couvre un large champ, avec des propositions concernant les gens de mer, les ports, la flotte de commerce, la pêche maritime, l’aquaculture, les énergies marines renouvelables, ou encore la modernisation de nos services.

Les échanges très constructifs qui se sont tenus en commission en octobre dernier ont permis de progresser sur nombre de ces points. Des avancées importantes ont été introduites dans le texte qui vous est soumis, concernant notamment la francisation et le jaugeage des navires, ainsi que le rôle d’équipage, outil remontant au début de notre marine et bien connu des marins mais qui, au fil du temps, avait perdu en cohérence et en efficacité. Derrière ces sujets, ce sont d’importantes modernisations administratives qui sont à l’oeuvre. Je vous demande donc d’appuyer la démarche de la proposition de loi.

Ce texte comporte aussi des dispositions visant à poursuivre la modernisation de la gouvernance de nos ports, sans bouleverser toutefois les équilibres issus de la dernière réforme portuaire. Je suis d’ailleurs heureux de vous annoncer que le Premier ministre vient de mandater six parlementaires en mission, répartis également entre majorité et opposition, pour élaborer au cours des six prochains mois des propositions concrètes en faveur du développement des axes situés dans l’hinterland de nos trois principales places portuaires : Le Havre, Marseille et Dunkerque. Dans le prolongement des projets stratégiques adoptés par les plus grands ports français, il s’agit de poursuivre le développement de la massification des flux, nécessaire pour que nos ports trouvent une place de premier plan dans le commerce mondial.

Permettez-moi d’insister sur cet aspect. Il serait très réducteur de n’envisager la question que sous l’angle du rapport des ports avec la mer. Car c’est le rapport des ports avec la terre, avec l’hinterland, qui est un des problèmes majeurs de la France. Nous devons garder à l’esprit la question des transports et de la massification. Depuis des décennies, on a trop souvent considéré les ports comme s’ils étaient des culs-de-sac, si vous me passez l’expression, et cette approche n’a pas permis leur développement. Pour s’en convaincre, il n’est que de considérer l’essor de certains ports de pays voisins. C’est tout l’enjeu des investissements importants que notre pays va effectuer.

D’autres dispositions visent à moderniser le régime d’emploi de nos marins et gens de mer. J’y suis favorable si elles permettent de donner un signal positif en termes d’emploi, ce qui ne doit toutefois pas conduire à dégrader le modèle social dont bénéficient nos marins. Il s’agit d’un point de vigilance essentiel à mes yeux.

Je relève également toutes les dispositions visant à moderniser notre droit à la lumière des nouveaux usages et des nouvelles pratiques. Il s’agit souvent d’évolutions nécessaires à propos desquelles le législateur se trouve légitimement interpellé.

Je n’oublie pas pour autant les usages dits traditionnels du milieu marin, au premier rang desquels les secteurs de la pêche et de l’aquaculture, qui participent de l’identité de nos territoires et de nos ports.

En matière de pêche, nous connaissons une période de transition avec les réformes importantes menées depuis 2012 au niveau européen. Nous en sommes à la phase de mise en oeuvre concrète et opérationnelle de la réforme de la politique commune de la pêche dans toutes ses composantes : interdiction des rejets, nouvelle organisation commune des marchés, adoption du programme opérationnel du FEAMP – fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche –, qui fixe la stratégie d’intervention des fonds publics jusqu’en 2020.

Cette période de transition se déroule dans une conjoncture globalement favorable pour la pêche. Les chiffres des criées pour 2015 confirment une forme d’embellie pour le secteur. La valorisation des productions est en hausse, en lien avec une amélioration globale de l’état des stocks dans les eaux européennes de l’Atlantique. Les mesures de gestion actuelles, associées aux efforts constants des professionnels de la pêche, portent ainsi leur fruit.

Des efforts restent néanmoins à accomplir en faveur de certains stocks importants pour nos littoraux – je pense notamment à la sole et au bar. La profession a démontré qu’elle savait faire preuve de responsabilité et s’impliquer dans la mise en oeuvre de mesures de gestion pour reconstituer ces stocks. J’en ai été le témoin lorsqu’il a fallu prendre certaines décisions difficiles. Je crois que nous devons porter une image renouvelée du secteur de la pêche, celle d’un secteur responsable, durable, qui embauche et crée des emplois.

Comme le rapporteur, je crois aussi au développement d’une aquaculture durable pour notre pays. C’est d’ailleurs une piste forte dégagée par le Premier ministre durant le comité interministériel de la mer. La proposition de loi comporte un certain nombre de dispositions favorables. Il faut désormais mettre en oeuvre de manière concrète ces engagements, dans le respect de l’environnement, pour une aquaculture de qualité. Faut-il rappeler que nous importons plus de 50 % des produits aquacoles que nous consommons et que la marge de progression est considérable ? L’objectif est de conforter les sites existants, mais aussi de favoriser les implantations nouvelles par le biais de sites pilotes propices.

Les nombreux amendements déposés à l’occasion de ce débat sont le signe d’un profond intérêt de la représentation nationale pour l’économie bleue considérée au sens large, ce dont je me félicite.

Je lis beaucoup de commentaires qui en appellent à une grande loi, à une grande ambition, considérant parfois que les propositions, prises séparément, ne sont pas à la hauteur de cette ambition. Pourtant, là aussi, « il n’y a pas d’amour, il n’y a que des preuves d’amour ». Ce ne sont pas les déclarations d’ambition pour la mer qui changeront la réalité, ce sont les mesures pour la mer ! Je préfère donc que l’on aborde la discussion en examinant les dispositifs qui répondront aux exigences que le Gouvernement partage avec le rapporteur, et non en s’en tenant au déclaratif.

Votre présentation, monsieur le rapporteur, évoque la question institutionnelle. Celle-ci n’est pas nouvelle, j’en veux pour preuve une anecdote qui pourra nourrir notre réflexion. À quelqu’un qui lui suggérait de créer un ministère de la mer, le général de Gaulle répondit : « Et pourquoi pas un ministère de la terre ? » Vous le voyez, la question est ancienne. Mais elle est légitime et elle reste d’actualité !

Je souhaite que nos débats répondent à des attentes. Je ne voudrais pas qu’ils constituent une forme de discussion en appel ou de deuxième lecture de textes que nous avons déjà examinés dans cet hémicycle, telles la loi relative à la transition énergétique ou la loi relative à la biodiversité. Nous devons nous concentrer sur le sujet du texte, qui marquera notre ambition. Connaissant la valeur des intervenants, je suis certain que la qualité du débat sera au rendez-vous. Ainsi, tous ceux qui attendent un texte prolongeant l’ambition du Gouvernement pour la croissance bleue constateront que nous avons accompli un travail sérieux et franchi une étape importante dans le retour de la France vers ce qui aurait toujours dû être son avenir : la mer.

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