Comment briser le soutien populaire ? En offrant aux populations qui ont cru en Daech une autre politique viable. Je le répète, les populations sunnites – irakiennes d'abord, syriennes ensuite – ont été placées dans une position de faiblesse qui les a conduites à accepter le contrat offert puis imposé par Daech : elles avaient le sentiment d'être marginalisées dans leur propre pays ou dans la reconfiguration de leur propre État. Autrement dit, la solution est politique et d'ordre interne : les Syriens et les Irakiens doivent définir entre eux ce nouveau contrat qui permettra de mieux répartir le pouvoir, de sortir de la marginalité des populations qui, sinon, basculeront à nouveau dans la radicalisation. L'équation est implacable, très éloignée des solutions militaires qui sont elles-mêmes complexes. En fait, le chemin à suivre est assez clair.
En ce qui concerne l'unité et la gouvernance de Daech, je me permets de parler de l'intelligence d'une créature monstrueuse. En l'occurrence, j'associe l'intelligence à la rationalité – les Français sont ainsi faits… L'organisation est pyramidale mais il existe une forme de décentralisation qui consiste à donner du pouvoir aux tribus qui étaient auparavant privées de toute capacité à s'autogérer. Daech adresse ainsi un message politique aux tribus – nous gérons ce territoire mais vous n'êtes plus marginalisés comme vous l'étiez sous les États précédents – et démontre sa capacité à gouverner de manière rationnelle, efficace et relativement classique, en déployant une administration. Cette façon de faire parle aux Français, attachés que nous sommes à l'appareil administratif et aux services publics. La transposition d'un modèle qui nous est proche peut paraître stupéfiante mais, en réalité, on retrouve le logiciel baasiste au coeur de Daech. Cette hybridation nous permet au moins de comprendre un peu comment fonctionne la machine djihadiste – il y a de la rationalité étatique derrière la vitrine irrationnelle – alors que l'idéologie est de nature à nous dépasser.