Des États, même fédéraux, peuvent représenter des nations plurielles, mais les États irakien et syrien, du fait de leur genèse mandataire, ont toujours été minés par les groupes confessionnels. En Irak, on ne voit pas d'issue citoyenne où chacun pourrait se présenter dans un parti politique indépendamment de son appartenance communautaire. Il n'y a plus de parti politique en Irak ! Un très grand chercheur irakien a fait sa thèse dans les années 1960 sur les mouvements d'avenir en Irak dans laquelle il n'étudiait que les partis laïques comme les partis communiste, Baas et nassérien ; il avait simplement écrit deux lignes sur le mouvement religieux, pour mémoire. Cet exemple montre bien à quel point nous sommes aveugles : cette cécité découle de notre volonté de voir les autres tels que l'on voudrait qu'ils soient et non tels qu'ils sont.
Les institutions des États irakien et syrien ne sont pas réformables et ne revivront pas, si bien que plus longue sera la crise et plus les États voisins se trouveront fragilisés. La Turquie est déjà contaminée par la question kurde, qui ne se résoudra pas dans un proche avenir. Les Kurdes d'Irak passent la Turquie pour aider leurs compatriotes de Syrie, et l'intensité de ces évolutions ne permettra pas de revenir en arrière. En outre, se pose la question de savoir qui est Turc : la force a inventé l'identité turque au XXe siècle, mais si on peut être Kurde ou non sunnite – comme les alévis qui défendent des revendications confessionnelles – et rester Turc, le bouleversement s'avérerait profond. La Turquie se trouve menacée car son identité repose sur un fondement rigide et artificiel. Quant aux dirigeants saoudiens, ils ont très bien pris la mesure de la menace que représente l'opposition chiite au Yémen et salafiste en Irak et en Syrie. L'Iran reste le moins menacé des États de la région.
En Turquie, certaines personnes affirment que la politique de Recep Tayyip Erdoğan s'avère un fiasco et que le pays doit s'extraire de la ligne fixée par Ahmet Davutoğlu et le parti de la justice et du développement (AKP). La solution passe en effet par un accord avec les pays voisins que sont la Turquie, l'Iran et l'Arabie saoudite, car aucune intervention au sol ne peut se déployer sans leur accord. Cependant, les soldats turcs, iraniens ou arabes ne pourront pas apporter la paix, puisqu'ils se trouvent, par communautés interposées, parties prenantes au conflit.