Intervention de Brigitte Allain

Séance en hémicycle du 4 février 2016 à 9h30
Compétitivité de l'agriculture et de la filière agroalimentaire — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBrigitte Allain :

Le vent de révolte qui souffle, suite au déclin croissant du nombre des exploitations en France, était, vous le savez, prévisible. Toutes les orientations prises depuis des années aux niveaux français et européen visaient deux objectifs : produire toujours plus à bas prix, avec moins d’agriculteurs. L’ancien gouvernement a accompagné la fin des quotas laitiers, laquelle permettrait aux marchés de réguler la production. Nous y sommes ! Il est clairement de la responsabilité des acteurs de la filière porcine, en crise depuis plus de dix ans, de ses dirigeants, des grands groupes et des syndicats de toujours repousser la conversion vers des pratiques d’élevage durables.

Chaque jour, de nouveaux foyers de contestation se créent. Les agriculteurs dénoncent la baisse de leurs revenus, due à un marché international dans lequel les productions de masse sont de moins en moins rémunérées. Le niveau de revenu auquel aspirent légitimement nos agriculteurs nécessite une politique économique et sociale européenne durable, respectueuse des hommes et de la nature. L’issue passera par une meilleure répartition et une meilleure valorisation des produits sur nos marchés intérieurs.

En ce sens, la proposition de loi pour favoriser l’ancrage territorial de l’alimentation, que nous avons adoptée à l’unanimité la semaine dernière, encourage la consommation française de produits locaux, à travers le levier puissant que constitue la restauration collective. Ce n’est pas une niche ! De fait, 11 millions de repas quotidiens sont majoritairement élaborés aujourd’hui par des multinationales à partir de denrées importées. Il n’y a aucun retour sur investissement pour nos territoires et nos paysans.

Sans rien remettre en cause sur ces pratiques productivistes, qui profitent à une poignée de multinationales de l’agro-industrie, vous nous soumettez un texte qui reprend les propositions balises du groupe Les Républicains sur l’agriculture. En premier lieu, vous demandez plus de transparence pour le consommateur, en lui permettant de connaître l’origine géographique des viandes dans les produits transformés. Je suis favorable à cet étiquetage, dès l’achat du produit.

Je suis également favorable à un étiquetage sur les modes de production, comme c’est le cas pour les oeufs, et à une information sur la présence d’OGM ou non dans la nourriture des animaux. Savez-vous qu’en France neuf animaux sur dix sont nourris avec des aliments importés comportant des OGM ? Il serait opportun d’avancer sur ce dossier pour enrayer la distorsion de concurrence avec les productions de qualité.

En second lieu, vous proposez plus d’interventionnisme dans les négociations interprofessionnelles. La répartition des marges et la guerre des prix ont fait l’objet de débats intenses depuis plusieurs mois à l’Assemblée et avec les professionnels. Le renforcement du rôle de l’observatoire des prix et des marges, prévu dans la loi relative à la consommation, n’a pas eu l’effet escompté. La médiation publique n’est plus crédible, quand les produits alimentaires sont surtout la base de spéculations intolérables. Les acteurs privés, dont la distribution et certains transformateurs en situation de quasi-monopole, ne respectent pas les accords. Il me paraîtrait donc plus efficace de rétablir une meilleure régulation des productions au niveau européen et d’augmenter le contrôle de concurrence sur l’oligopole de la grande distribution.

Alors que pour garder un milieu rural vivant, la présence de nombreux agriculteurs sur tout le territoire et le soutien à une agriculture diversifiée sont indispensables, le reste du texte constitue, à mon sens, la poursuite de la course à l’investissement et le renoncement pur et simple aux principes de solidarité mis en place depuis des années.

Le chapitre II propose, à nouveau, des déductions fiscales pour soutenir l’investissement et l’agrandissement, rengaine sans fin et sans issue. On doit la vérité aux agriculteurs : l’agrandissement des exploitations est incompatible avec une résolution de crise. L’augmentation des élevages renforce la dépendance des agriculteurs et cause la disparition de leurs voisins.

Le chapitre III pose une équation que je n’arrive toujours pas à résoudre. Les syndicats et les partis politiques de droite réclament de façon permanente la baisse des cotisations, d’une part, et l’augmentation des fonds d’indemnisation, de l’autre. N’est-ce pas une contradiction ?

Les écologistes ne soutiendront pas cette proposition de loi…

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