La séance est ouverte.
La séance est ouverte à neuf heures trente.
La parole est à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement.
Monsieur le président, monsieur le rapporteur, madame la présidente de la commission des affaires économiques, mesdames et messieurs les députés, cette proposition de loi a été adoptée au Sénat. Le débat qui a eu lieu au Palais du Luxembourg a permis de discuter de la crise agricole et d’examiner les mesures que l’on pourrait adopter, les solutions que l’on pourrait trouver, de manière collective, à cette crise.
Il s’agit d’une crise de marché non seulement au niveau européen, mais au niveau mondial. Je rappelle qu’il y a un excès d’offre sur le marché du lait ; l’observatoire européen du marché du lait, mis en place à la demande de la France, a estimé que cette situation, à terme, n’est pas tenable. Alors que les perspectives d’exportation sont revues à la baisse, certains pays européens – et pas des moindres – continuent d’augmenter leur production de lait.
Cela ne va pas dans le sens d’une amélioration des prix !
Concernant la viande de porc, de la même manière, la consommation européenne est stable, voire en légère diminution. De plus, l’embargo russe prive les producteurs d’un certain nombre de débouchés, et les débouchés chinois sont moins élevés que ce que nous avions anticipé.
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
À cette crise du lait s’ajoute la crise de la viande bovine, qui y est pour partie liée : en effet, lorsque l’on essaye d’ajuster la production laitière, l’on abat des vaches de réforme, ce qui pèse sur le marché de la viande bovine.
Des crises sanitaires ont aggravé ces crises de marché. Certains peuvent considérer que la responsabilité du ministre est engagée, que ce soit sur la fièvre catarrhale ovine, ou sur l’influenza aviaire, qui s’est déclarée à la fin de l’année dernière, et que nous traitons avec le souci de maintenir les objectifs d’exportation. Des aides complémentaires – 34 millions d’euros pour la fièvre catarrhale ovine, 130 millions d’euros pour l’ influenza aviaire – visent à compenser les pertes de revenus occasionnées à nos agriculteurs par ces crises sanitaires.
Enfin, pour en terminer avec les éléments de contexte, il faut tenir compte de la sécheresse qui a sévi dans un certain nombre de départements, et contre laquelle se sont mobilisés les services de l’État et les organisations professionnelles. 140 millions d’euros sont d’ores et déjà débloqués pour venir en aide aux éleveurs touchés par la sécheresse. Un groupe d’experts a été missionné, et rendra ses conclusions le 15 février pour compléter ces aides – je sais qu’un certain nombre de demandes se sont fait jour sur ce sujet.
L’État doit assumer ses responsabilités dans cette crise. C’est ce qu’il fait avec le plan de soutien à l’élevage, qui représente 700 millions d’euros sur trois ans, auxquels il faut ajouter 63 millions d’euros de fonds européens. Je le rappelle à ceux qui l’auraient oublié que la crise a commencé au printemps dernier, que le conseil des ministres de l’Union européenne de juin a laissé la Commission européenne sans voix, puisque celle-ci considérait qu’il n’y avait pas de crise, et qu’il a fallu la mobilisation de la France – à ma demande – pour qu’un Conseil des ministres extraordinaire soit réuni en septembre. C’est cette dernière réunion du Conseil « Agriculture et pêche » qui a permis de débloquer 500 millions d’euros à l’échelle européenne, parmi lesquels 63 millions pour la France, qui s’ajoutent aux fonds que nous avions déjà débloqués.
La crise perdure à cause de la situation de marché que j’ai évoquée. Avec le Premier ministre, dans toutes les réunions interministérielles qui ont été organisées, nous avons décidé d’ajuster les plans d’aide, et d’augmenter leurs moyens de 125 millions d’euros. Cette augmentation passe par le fonds d’allègement de charges, doté de plus de 50 millions d’euros ; par la prise en charge de cotisations à la Mutuelle sociale agricole, pour 50 millions d’euros ; et par 25 millions d’euros supplémentaires pour couvrir ce que l’on appelle « l’année blanche. »
Cette dernière question est importante. Je lisais ce matin, dans un journal économique, que le Crédit agricole évalue les engagements sur l’année blanche à près de 150 ou 200 millions d’euros. Cette question est très importante pour les éleveurs qui ont investi et qui doivent rembourser. La date limite de dépôt des dossiers a été reportée de fin janvier à juin. De cette manière, tous les dossiers pourront être traités, que l’année blanche soit totale ou partielle. Les moyens supplémentaires seront adaptés en fonction de ce qui remontera du terrain.
Cet effort financier s’est d’ores et déjà concrétisé : le fonds d’allègement de charges a traité 16 000 dossiers, et près de 63 millions d’euros ont été versés. Mais il faut rapporter ces chiffres au total de 40 000 dossiers qui ont été déposés dans les cellules d’urgence : nous sommes loin du compte. Il faut à la fois poursuivre et adapter notre plan de soutien à l’élevage pour appuyer les éleveurs.
Des mesures structurelles ont été prises, notamment des allègements de charges, avec le CICE – le crédit d’impôt compétitivité emploi. Plus généralement, le pacte de responsabilité représente, pour l’ensemble du secteur agricole et agroalimentaire, plus de 4 milliards d’euros. Pour ce qui est de l’agriculture stricto sensu, ce montant s’élève aujourd’hui à 1,9 milliard d’euros. Ces baisses de charges sont absolument nécessaires : nous en avons débattu au cours de l’examen de la loi d’avenir pour l’agriculture – qui pourtant ne portait pas sur ce sujet. Depuis les années 2012-2013, le Gouvernement a consenti aux producteurs, via ces baisses de charges, une aide légitime et nécessaire, et dont on ne trouve pas d’équivalent sous les gouvernements précédents !
Comme je l’ai dit lors des débats sur la loi d’avenir pour l’agriculture, j’ai également cherché à poser les bases de mécanismes structurels pour améliorer la compétitivité à moyen et long terme. La protection de l’environnement ne doit plus être perçue comme une contrainte, comme une source de normes, mais comme un choix stratégique : il s’agit de combiner la performance économique et la performance environnementale.
Sur le terrain, des exemples montrent qu’il possible de modifier le rapport de l’agriculture et de l’environnement : c’est un changement culturel et administratif. La recherche de la performance vaut aussi bien pour l’économie que pour l’environnement, les deux étant liés. C’est le cas avec les groupements d’intérêt économique et environnemental, les GIEE, avec l’autonomie fourragère comme stratégie ; je rappelle à ce sujet que 160 millions d’euros sont disponibles, et doivent être employés. C’est le cas avec la structuration plus collective des exploitations, avec les groupements agricoles d’exploitation en commun, les GAEC.
À la demande de la FNSEA, nous avons décidé, avec le Président de la République et le Premier ministre, de soutenir, dès le début de la réforme de la PAC, les investissements de modernisation, en particulier dans les bâtiments d’élevage. C’est tout l’enjeu des plans pour la compétitivité et l’adaptation des exploitations agricoles, les PCAE, dans le cadre des régions. 350 millions d’euros y seront consacrés, pour un effet de levier d’un milliard d’euros sur les trois années à venir. Ces mesures ont déjà des effets concrets ; des discussions ont lieu, en particulier dans des régions telles que la Bretagne ou les Pays de la Loire.
Si tout va bien, pourquoi les agriculteurs descendent-ils dans la rue ?
Nous avons également pris des mesures concernant les industries agroalimentaires.
Les coopératives ne bénéficient pas du CICE, alors que Carrefour en profite largement !
À ce sujet, je rappelle que dans le secteur de la viande de porc, le maillon le plus touché est l’abattage. C’est pourquoi nous avons pris des dispositions, à hauteur de 50 millions d’euros, afin de soutenir les investissements de productivité dans ce secteur ; or seulement 12 millions d’euros ont été mobilisés.
Il s’agit, à la faveur de ces investissements, de rattraper le retard qui a été pris pendant près de dix ans. Il en va de la compétitivité de nos abattoirs, mais aussi de toute la filière. Il faut y ajouter les mécanismes d’amortissement accéléré de l’investissement. Les grands équilibres ont été respectés.
Dans le débat de cette proposition de loi,…
…je dois rappeler un certain nombre d’enjeux. Comment améliorer la visibilité des éleveurs à la fois pour les volumes vendus et pour les prix ? C’est toute la question de la contractualisation. Il y a des exemples sur le terrain, que ce soit pour la viande bovine ou pour la viande porcine. J’ai en tête, en particulier, un accord entre un industriel et un groupement de producteurs bretons, qui porte à la fois sur le prix et sur le volume. À cette contractualisation, nous avons ajouté des mécanismes spécifiques, avec des caisses de sécurisation qui permettent de constituer des provisions défiscalisées, et auxquelles les parties prenantes à des contrats peuvent recourir. Ces outils sont disponibles ; nous devons être capables, tous ensemble, d’aider les acteurs concernés à les employer.
Je soutiens la charte de valeurs de la filière du lait, qui va dans ce sens ; elle a été proposée par la fédération nationale des producteurs de lait, que je rencontrerai la semaine prochaine. Les dispositions de la loi du 27 juillet 2010 de modernisation de l’agriculture et de la pêche – dite loi LMAP – concernant les contrats laitiers seront modifiées après que j’aurai reçu, cette semaine, un rapport de l’inspection générale de l’agriculture.
J’évoquerai à présent les grandes questions liées aux logos, et à la traçabilité. Le logo « Viandes de France », que j’ai proposé aux filières, est utilisé depuis le début de l’année 2014. Il faut à présent amplifier ses effets.
Les consommateurs, plusieurs études le montrent, l’ont parfaitement repéré, et se montrent attachés à l’origine française des produits. Nous disposons ainsi, sur les viandes porcine et bovine comme sur l’ensemble des produits, d’un outil qu’il convient de développer, de façon volontaire – et je reviendrai sur la question qui m’a été posée sur l’obligation d’étiquetage pour les produits transformés.
Le logo « Viandes de France », je le répète, est un outil très utile ; lors du Salon de l’agriculture j’aurai l’occasion, avec le président du Centre national des expositions et concours agricoles, le CENECA, d’en reparler et de le valoriser.
En matière de contractualisation, il convient aussi de renforcer les organisations de producteurs dans le rapport de force des négociations commerciales. Le regroupement, en Bretagne, de cinq de ces organisations au sein d’une plate-forme commerciale est, à cet égard, une initiative que je salue.
Ainsi regroupée, l’offre pèse beaucoup plus sur les acheteurs, et les producteurs peuvent parler d’une voix plus forte.
En troisième lieu, des négociations commerciales ont lieu en ce moment même entre les industriels et la grande distribution. En la matière, la loi de modernisation de l’économie a fixé des règles, mais la pression doit être mise sur les acteurs pour que soit prise en compte la situation de l’élevage français ; à cette fin, l’an dernier – et même dès 2014 dans le secteur du lait –, j’ai organisé de nombreuses tables rondes et engagé des médiations.
S’agissant de la filière porcine – notamment bretonne –, qui suscite à juste titre l’intérêt de beaucoup, ce n’est pas le ministre qui a remis en cause l’accord issu de la médiation entre les acteurs du marché de Plérin pour revaloriser les prix d’achat, mais des opérateurs économiques, coopératifs et privés, dont le retrait visait à faire baisser les prix – et c’est ce qui s’est passé. Il est bon de le rappeler, quand on parle de la responsabilité de l’État et du ministre : au terme de la médiation, c’est aux acteurs économiques qu’il incombe d’appliquer l’accord.
Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Nous sommes dans une économie de marché, monsieur Le Fur, modèle que vous avez suffisamment défendu…
« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Dans cette économie-là, ce sont les acteurs économiques qui décident, même si l’État doit être là pour les accompagner.
Avec Emmanuel Macron et Martine Pinville, je mobiliserai la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la DGCCRF, pour vérifier le respect des règles légales en matière de négociation commerciale, de façon que toute demande abusive signalée par un acteur, par exemple industriel, soit condamnée. Nous maintenons donc la pression, et des contrôles sont en cours.
Au-delà du plan de soutien, les revendications des agriculteurs portent sur le niveau des prix ; mais ce n’est pas le ministre qui peut en décider.
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
L’opposition a défendu, ce qui est bien son droit, des positions sur la libéralisation des marchés, et ce sont ses représentants qui, sous l’ancienne législature, avaient voté la loi de modernisation de l’économie, la LME.
« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Je ne puis imaginer, chers députés de l’opposition, que votre position, aujourd’hui, est différente de celle que vous souteniez lorsque vous siégiez sur les bancs de la majorité...
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Sur les négociations commerciales, je vous proposerai de nouvelles dispositions législatives à l’occasion de la loi « Sapin 2 », qui sera soumise au Parlement dans les semaines qui viennent ; je les présenterai devant la commission des affaires économiques dans les quinze prochains jours.
Un accord a d’ailleurs été trouvé sur certaines propositions issues du Sénat, que le ministre a jugées recevables – j’y reviendrai. Encore faudra-t-il, après les annonces que je ferai, une discussion en commission pour assurer leur mise en oeuvre, notamment dans le cadre de la loi « Sapin 2 ».
Une référence sera faite aux prix payés aux producteurs dans les contrats relatifs aux produits laitiers passés entre les transformateurs et les distributeurs, les fameux « contrats LME ». La loi LME témoignait de louables intentions, mais cette référence fait aujourd’hui défaut.
C’est précisément cette lacune que comble l’article 1erde la proposition de loi !
Non, pas exactement : si je propose cette mesure, c’est précisément qu’elle n’y figure pas.
« Mais si ! » sur les bancs du groupe Les Républicains.
Aucune référence légale n’encadre les discussions entre grands distributeurs et industriels. Il s’agit, je le rappelle, de corriger la loi LME que vous aviez votée en 2008 :…
…si vous approuvez cette correction, c’est que vous avez changé d’avis, ce dont nous sommes très heureux.
Une clause équivalente sera également mise en place dans les contrats LMA pour la partie coopérative. Chacun doit bénéficier de cette référence aux prix, ces contrats devant prendre toute leur part dans le redressement de l’agriculture française, surtout vis-à-vis des éleveurs.
Les sanctions pour les entreprises qui refusent de publier leurs résultats seront également renforcées ; et dans beaucoup de domaines, il n’y a pas qu’un seul entrepreneur privé potentiellement concerné.
Le refus de publier ses résultats pose quand même problème dans les discussions : en l’absence de données chiffrées, il est toujours facile de dire que ça va mal…
Or les sanctions sont aujourd’hui si faibles que l’intérêt de chacun est plutôt de ne pas publier ces chiffres. Les renforcement des sanctions peut donc, me semble-t-il, faire consensus entre nous.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Nous devons, je l’ai dit, renforcer les outils relatifs à la contractualisation.
Sur la traçabilité, la proposition de loi donne aux consommateurs la possibilité de se tourner vers les industriels pour connaître l’origine des viandes. Je ne reviens pas sur le logo « Viandes de France », sauf pour préciser que, suite à l’affaire des lasagnes, j’avais entamé, au niveau européen, une négociation sur les questions de traçabilité. Le débat, tout en progressant, avait cependant fait apparaître que certains pays producteurs, et pas des moindres, ont une conception différente de cette origine. L’Allemagne, en particulier, l’associe au lieu d’abattage, non à la naissance, à l’élevage, à l’abattage et à la transformation de l’animal dans un même pays, selon la conception que nous défendons, et qui est aussi celle des professionnels : c’est d’ailleurs celle qui fut retenue pour le logo « Viandes de France ».
J’ai donc préféré promouvoir ce dernier instrument, plutôt que d’engager une négociation qui aurait abouti à une conception différente de la nôtre.
Mais, à la demande de la profession agricole, et sur la base de ce qui a été proposé au Sénat, je l’ai dit et je le répète, le Gouvernement prépare un décret visant à préciser l’obligation de la déclaration d’origine des viandes. Ce texte sera prêt dès la semaine prochaine. Nous aurons l’occasion d’en discuter en commission des affaires économiques ; il correspond en effet à une demande à laquelle je fais droit.
Ce texte sera notifié aux instances européennes, puisque c’est à cette échelle que se traitent des questions de ce genre : il est donc en cours d’élaboration et verra bien le jour, madame la députée.
Je suis prêt, je l’ai dit, à discuter de ce sujet qui fut mis sur la table après la création du logo « Viandes de France », et à vous soumettre un décret pour que nous le validions ensemble ; mais la question, je le répète, se traitera au niveau européen. Ce décret portera sur l’origine des viandes, mais aussi sur le lait, que je n’oublie pas.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Non, pas quatre ans ; mais si c’était une condition, il aurait fallu le faire le plus rapidement possible.
Sur les charges, je vous ai rappelé l’engagement du Gouvernement, avec la mise en oeuvre du pacte de responsabilité et du CICE.
Mais le pacte de responsabilité, oui. Pour les coopératives, de manière spécifique, le Gouvernement a anticipé la baisse de la contribution sociale de solidarité des sociétés, la C3S.
Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Sur les charges sociales, nous avons eu un débat au Sénat. Il s’agit donc de savoir pourquoi l’on ne peut accepter la proposition de loi qui en est issue. Le Sénat propose des baisses de cotisations qu’il gage sur une augmentation de la TVA et de la CSG, autrement dit sur une augmentation d’impôt. Nicolas Sarkozy, dans un grand journal économique paru ce matin, préconise une baisse des impôts : je n’y reviens pas.
« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen. – Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
On ne peut accepter, en tout état de cause, cette augmentation d’impôt : c’est là une divergence de fond entre nous.
J’ajoute que la baisse des cotisations s’appliquerait au secteur agricole, ce qui poserait problème au regard des règles européennes – dont on peut par ailleurs discuter –, lesquelles interdisent toute mesure de ce genre ciblée sur un seul secteur, les assimilant à des aides d’État.
Ces divergences, sur l’augmentation d’impôt comme sur l’application des règles européennes, justifient à nos yeux le rejet de la proposition de loi ; mais elles ne signifient pas que nous ne puissions nous accorder sur d’autres propositions.
Sur l’allégement des normes, combat traditionnel de M. Le Fur – qui avait défendu en ce sens un amendement rejeté par la précédente majorité –,…
…le Gouvernement a fait avancer les choses, en particulier au niveau des installations classées pour la protection de l’environnement – ICPE. Les premières mesures ont été mises en oeuvre dans la filière porcine, avec les règles de déclaration, d’enregistrement et d’autorisation.
La méthode d’enregistrement, selon les retours des préfets, n’a fait l’objet d’aucun recours en Bretagne. L’objectif, le respect des règles environnementales, est donc assuré, en même temps qu’ont été facilitées l’installation et la réalisation d’investissements dans le secteur porcin. Bref, cette méthode d’allégement des normes fonctionne, et elle a été étendue à la filière de la volaille.
Et je le dis ce matin, elle sera étendue à la filière bovine.
La proposition de loi, dans sa rédaction issue du Sénat, proposait d’ailleurs que les règles applicables intègrent l’annexe 2 de la directive-cadre sur l’eau. Je vous le dis : celle-ci serait plus restrictive et plus complexe à mettre en oeuvre en termes de simplification que les mesures d’enregistrement.
Donc, si nous partageons l’objectif de faciliter les investissements dans le domaine des installations classées, les procédures que nous proposons sont les plus efficaces et les mieux à même de répondre aux demandes des agriculteurs. Le contenu de la proposition de loi telle qu’elle a été adoptée par le Sénat était plus contraignant, en définitive, que celui de nos propositions.
Sur cette question, nous divergeons donc non sur l’objectif à atteindre mais sur les moyens et les outils. C’est pourquoi, je vous le rappelle, je suis favorable à la poursuite de la simplification que nous avons engagée au travers des procédures relatives aux installations classées pour la protection de l’environnement, les ICPE.
Approbation sur les bancs du groupe Les Républicains - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur Jacob, on m’a demandé d’intervenir, ce que je fais : pouvez-vous respecter le fait que le ministre s’exprime ?
Monsieur Jacob, mes chers collègues, je vous demande d’écouter M. le ministre.
Pouvez-vous accepter que le ministre parle ? Nous sommes tout de même au Parlement !
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Mes chers collègues, imaginez quelle sera la situation de M. Herth tout à l’heure si chacun s’amusait à l’interrompre de la sorte. Monsieur Jacob, vous avez été ministre, et vous savez combien il est important que le représentant du Gouvernement puisse s’exprimer librement et correctement dans cette assemblée.
Je vais donc – même si cela ne fait pas plaisir à M. Jacob – poursuivre. Chacun de ces thèmes, vous l’avez également noté, a une dimension européenne. La France a déposé aujourd’hui un mémorandum.
Monsieur Jacob, une politique agricole a été négociée début 2013.
Un certain nombre de sujets ont déjà été évoqués au niveau européen. Ce mémorandum contient plusieurs propositions, concernant notamment la viande porcine, qui seront débattues au moment du Conseil européen du 15 février prochain. L’une d’entre elles, en particulier, concerne la question laitière, car je vous rappelle qu’après avoir supprimé les quotas laitiers, rien – je dis bien rien –, n’a été mis en place la concernant.
Une partie des discussions que nous avons aujourd’hui, comme une partie des problèmes que nous rencontrons, nécessite tout de même que soient rediscuté à l’échelle européenne un minimum de régulation.
Je vous le dis : ces décisions ont été prises en 2008 sous présidence française, et, aujourd’hui, nous devons corriger ce qui a été fait.
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
J’en ai parfaitement conscience. Si vous êtes d’accord avec moi, je suis sûr que vous soutiendrez ce mémorandum afin de faire en sorte que la France puisse peser au niveau européen pour avancer tant dans les domaines laitier, porcin que bovin.
Un certain nombre de discussions vont s’engager, et je souhaiterais que sur cette question, afin de peser au niveau européen, nous ne donnions pas l’image d’un pays divisé, mais au contraire, cohérent.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Voilà ce que je voulais dire. En conclusion, je rappelle que nous débattons aujourd’hui d’une proposition de loi qui a été déposée au Sénat, et dont un certain nombre de propositions – sur des sujets consensuels, comme la non-cessibilité des contrats laitiers, que je considère comme un sujet majeur – seront reprises.
Si la rédaction de la proposition de loi avait été adoptée conforme, nous aurions été contredits par le Conseil d’État. Sur ce point également, nous ferons, dans le cadre de la commission des affaires économiques, des propositions qui, si elles préciseront les choses, vont dans le même sens.
Lors de l’examen du texte au Sénat, j’avais d’ailleurs dit que j’étais parfaitement d’accord avec cette proposition des sénateurs. L’amendement la contenant y avait été voté à l’unanimité : il n’y a donc pas de discussion ni de débat.
Mettons tout de même en place un dispositif efficace : si nous sommes d’accord sur l’objectif, faisons en sorte qu’il le soit légalement et législativement. Il faut éviter qu’il ne soit retoqué : c’est ce à quoi nous allons nous employer et ce que nous allons vous proposer.
En conclusion, ce qui nous différencie fondamentalement est la question posée en matière de baisse des cotisations, baisse qui avait gagée par l’augmentation de la taxe à la valeur ajoutée, la TVA et par celle de la contribution sociale généralisée, la CSG.
Le ciblage sur un seul secteur en fait une disposition contraire au droit européen. Là est la différence qui nous sépare : nous sommes, nous, tout à fait capables d’entendre, d’accepter et de faire – cela encore été le cas ce matin, et je ne m’arrêterai pas en si bon chemin – des propositions.
Car sur ces questions, il faut que nous trouvions des solutions d’abord pour les agriculteurs et les éleveurs : c’est bien là l’essentiel.
Applaudissements sur les bancs des groupe socialiste, républicain et citoyen et sur quelques bancs du groupe écologiste.
La parole est à M. Antoine Herth, rapporteur de la commission des affaires économiques.
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, monsieur le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, madame la présidente de la commission des affaires économiques, mes chers collègues, j’ai l’honneur de vous présenter la proposition de loi en faveur de la compétitivité de l’agriculture et de la filière agroalimentaire.
Inscrite à l’ordre du jour par le groupe Les Républicains, elle a été examinée par la commission des affaires économiques de notre assemblée le 27 janvier dernier. Monsieur le ministre, quand je vous écoute annoncer un nouveau train de mesures qui n’est finalement qu’un copier-coller de cette proposition de loi, je me demande s’il ne faudrait pas la rebaptiser. Pourquoi ne pas l’appeler la mouche du coche, ou encore proposition de loi pour que le Gouvernement sorte enfin de son immobilisme face à la crise agricole ?
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
Le hasard du calendrier nous amène à en débattre dans un contexte où le désespoir des agricultrices et des agriculteurs est plus vif que jamais, face à un effondrement des marchés des produits agricoles inédit et durable qui touche les productions végétales et, plus encore, les productions animales.
Mes chers collègues, nous avons le devoir d’entendre ces cris de détresse et pour mission de comprendre et d’analyser les causes de cet affaissement des prix agricoles.
Nous avons, en effet, j’en suis sûr, la volonté d’y répondre ensemble en votant des mesures efficaces et courageuses. La crise touche quasiment tous les secteurs de production. Et d’abord le secteur de l’élevage.
Les 6 000 producteurs spécialisés de porc français ont épuisé leurs réserves de trésorerie et s’enfoncent dans l’endettement. Sauf exception, les producteurs laitiers ne couvrent plus leurs charges : ils ont le sentiment d’être emportés par une lame de fond qui touche toute l’Europe et au-delà.
Les aviculteurs sont également dans la tourmente face à la menace de l’influenza aviaire. Quant aux éleveurs de bovins, qui sont réunis en congrès en ce moment, ils ont conscience de devoir faire des choix stratégiques s’ils veulent se donner une perspective d’avenir.
Mais je ne voudrais pas réduire mon propos aux productions animales car, bien qu’elles se trouvent de loin dans la plus mauvaise posture, les productions végétales sont également, et malheureusement, concernées.
Le marché des céréales est, lui aussi, touché par une baisse des cours sans précédent alors que l’industrie sucrière s’interroge face à la disparition programmée des quotas. Enfin, les producteurs de fruits et légumes, ainsi que les viticulteurs, constatent qu’en dépit de toutes les annonces, les coûts de main d’oeuvre font toujours l’objet de distorsions de la part de la concurrence européenne.
Face à cette situation, le Gouvernement, et vous-même, monsieur le ministre, avez le sentiment d’avoir fait le maximum, en attribuant des aides d’urgence pour sauver ce qui se peut. Le maximum ? Oui, peut-être. Mais êtes-vous certain, monsieur le ministre, d’avoir fait l’essentiel ?
Car vous énumérez des aides par millions, mais ce que demandent nos paysans, ce ne sont que quelques centimes de plus sur le prix du lait et du cochon. Ils n’attendent pas des millions !
Ils attendent, en revanche, d’être mieux armés face à la concurrence. Ils attendent que leurs projets soient soutenus par la nation et que celle-ci leur accorde, enfin, le respect et la reconnaissance qu’ils méritent.
Mes chers collègues, si nous tentons de résumer et d’analyser les causes qui provoquent autant de difficultés dans la ferme France, nous pouvons identifier plusieurs aspects de la crise qu’elle subit.
La conjoncture – vous l’avez rappelé, monsieur le ministre – est d’abord particulièrement défavorable.
Un changement complet de paradigme a, ensuite, eu lieu : il n’y a plus un marché mais des marchés, chaque débouché nécessitant une parfaite adaptation du produit en termes de gamme de qualité comme de prix. Pour le dire de façon abrupte : les agriculteurs et les filières agricoles doivent désormais vendre avant de produire. L’identification du produit devient désormais un élément clé de cette nouvelle approche du consommateur.
L’organisation des filières est, en outre, une des faiblesses de notre chaîne alimentaire. Malgré les lois et règlements successifs, la question de l’organisation des producteurs, celle de la contractualisation avec l’aval comme celle liée à la négociation des prix – qui reste marquée par un déséquilibre manifeste entre partenaires – restent posées. Tous ces sujets restent en chantier.
La capacité d’adaptation et de modernisation des filières agroalimentaires est, enfin, malheureusement entravée par un excès de réglementation et de surcoûts franco-français. C’est par exemple le cas de la transposition de certaines directives européennes. Résultat ? Faire abattre un porc dans un abattoir français coûte dix euros de plus que dans un abattoir étranger !
Enfin, dans un contexte de prix fluctuants et de marges tendues, le modèle actuel de financement, de couverture des risques et de transmission des exploitations agricoles trouve ses limites.
Tel est l’objet de cette proposition de loi qui s’articule autour de trois chapitres.
Le premier s’attache à instituer des relations plus justes et plus transparentes entre le producteur et le consommateur. Ainsi, l’article premier prévoit la prise en compte des coûts de production dans la contractualisation. Les articles 2, 2 bis et 2 ter s’attachent à rendre le dialogue entre acteurs des filières plus constructif.
Enfin, l’article 3 est certainement le plus important. Dans un marché qui se segmente, il est vital que le consommateur puisse différencier l’origine des produits.
Le second chapitre vise à faciliter l’investissement et à mieux gérer les risques financiers en agriculture. L’article 4 revient sur la question du report d’échéances pour les emprunts bancaires en cas de crise. Les articles 5 et 5 bis proposent la création de nouveaux supports de financement du développement des activités agricoles.
Les articles 6, 6 bis et 6 ter reviennent sur les dispositions fiscales permettant le développement des assurances contre les aléas. Comme sur les articles précédents, j’ai déposé, comme beaucoup de nos collègues, des amendements tenant compte des avancées qui ont d’ores et déjà, depuis l’examen du texte par le Sénat, été inscrites en loi de finances. Enfin, l’article 7 ouvre le sur-amortissement exceptionnel aux bâtiments qui en étaient jusque-là exclus.
Le troisième et dernier chapitre a pour vocation d’alléger les charges qui pèsent sur les entreprises agricoles. Les articles 8, 8 bis A et 8 bis, prévoient d’alléger les contraintes et les excès de la réglementation française pesant sur les installations classées pour la protection de l’environnement, les ICPE.
L’article 9 réinstaure l’exonération des charges patronales que votre majorité avait supprimé en 2012 et l’article 9 bis élargit le bénéfice du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, à l’ensemble des associés d’une société. L’article 10 améliore l’allégement des cotisations sociales pour les jeunes agriculteurs. Les articles 11 et 11 bis tendent à alléger la fiscalité des exploitations agricoles pour leur apporter une bouffée d’oxygène en ces temps de crise aigüe. L’article 12 prévoit que le Gouvernement présente un plan de simplification en faveur de l’agriculture et de l’agroalimentaire.
Un mot, pour conclure, de l’article 13. Contrairement à ce que vous avez prétendu, monsieur le ministre, il ne constitue pas un manifeste en faveur d’une hausse généralisée des impôts. Cet article de gage est en effet, vous le savez pertinemment, une figure imposée aux parlementaires par l’article 40 de la Constitution, le Gouvernement étant seul habilité à procéder à des redéploiements budgétaires.
La commission a examiné l’ensemble de ces articles ainsi que plusieurs amendements. Son vote a conduit à leur rejet, ce dont nous prenons acte. Mais je m’interroge, et j’interroge la majorité : est-ce bien le bon message que vous souhaitez adresser aux agriculteurs français et, plus généralement, à nos concitoyens ?
En abordant ce débat, je me suis rappelé les commentaires qui ont suivi le scrutin du 13 décembre dernier. Nombreux étaient ceux qui disaient que, face à une crise, en l’occurrence politique – celle dont nous traitons étant économique – il fallait sortir des visions partisanes et qu’au contraire les bonnes volontés de tous bords devaient se manifester pour apporter des solutions concrètes aux grandes difficultés que traverse notre pays. Tout cela semble aujourd’hui oublié.
Ce texte est cependant une opportunité que nous pouvons saisir pour faire la preuve de notre capacité à construire ensemble.
Mettons en chantier un projet pour l’agriculture française qui ne se réduise pas à la promotion des circuits courts – très importants au demeurant – et au développement des filières bio que nous encourageons tous et sur tous les bancs. Ainsi, qu’avons-nous à dire concernant les 80 % restants de la production agricole française ?
Qu’avons-nous à dire à ceux qui sont confrontés aux distorsions intra-européennes, aux pressions de la distribution et aux fluctuations des marchés d’export ? Il est, certes, plus facile d’enfoncer des portes ouvertes que d’explorer des sentiers en friche.
Mais un grand pays agricole comme la France, qui de surcroît possède la meilleure industrie agro-alimentaire au monde, se doit d’avoir une vision claire et une stratégie assumée pour espérer développer ses atouts.
Ne pas avoir une telle stratégie serait la première cause de distorsion de concurrence vis-à-vis de nos voisins européens.
Il nous appartient de redonner un cap à notre économie et de lui permettre de le suivre sans l’entraver en permanence avec des règlements et des interdits.
Cela dépendra de notre volonté de porter un regard lucide sur le monde réel, y compris en rénovant nos méthodes de travail grâce à une veille thématique telle qu’elle est pratiquée dans les Parlements voisins ou encore à des études d’impact enfin sérieuses mesurant plus précisément l’effet des lois sur l’économie et sur l’emploi marchand.
L’essentiel à mes yeux, c’est de délivrer une parole publique qui affirme notre volonté collective de faire face aux difficultés et d’encourager celles et ceux qui les vivent au quotidien.
Au-delà des aspects techniques de cette proposition de loi, il y a le débat d’orientation, et c’est pour moi le plus important.
Vous faites des annonces, monsieur le ministre : Vous voulez enfin avancer sur l’identification, les références au coût, la publication des résultats des entreprises, la simplification et d’autres mesures encore. Mais vous marchez sur une seule jambe, celle de votre seule majorité. Vous courez ainsi deux risques, celui de stériliser par avance le nécessaire débat que nous devons avoir, et, en cas d’échec, celui d’en assumer seul la responsabilité.
Vifs applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur de nombreux bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme beaucoup dans cet hémicycle, je suis allé ces derniers jours à la rencontre de nos agriculteurs, en particulier sur les barrages qu’ils organisaient. J’y ai vu un grand nombre de paysans, de visages jeunes, de visages graves.
Nous devons comprendre l’intensité de cette crise. Elle est générale, elle touche toutes les filières, en particulier celles de l’élevage, lait, bovins, porcs. Elle est d’une intensité considérable, et les perspectives de sortie ne sont pas immédiates. Un seul exemple : un éleveur perd 30 euros par cochon vendu, ce qui signifie, pour un éleveur moyen, qui a entre 100 et 150 truies, une perte annuelle comprise entre 100 000 et 150 000 euros. Nous devons être conscients de l’intensité de cette crise.
La question qui se pose, c’est si nous ne vivons pas dans l’agriculture ce qu’a vécu il y a quelques années la sidérurgie.
L’enjeu n’est-il pas la survie d’une filière d’élevage en France, en particulier dans le grand Ouest ?
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Cette crise est européenne, vous avez raison, monsieur le ministre, mais, avec une crise d’une telle nature, des bassins de production ne vont-ils pas à terme disparaître ? Le bassin de production qui est menacé aujourd’hui, c’est le bassin français, en particulier celui du grand Ouest.
Cette crise, je ne dis pas que vous n’essayez pas d’y répondre, mais vous donnez des réponses classiques, qui ne sont pas à la hauteur de son intensité.
« C’est vrai ! sur de nombreux bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Vous nous annoncez 700 millions d’euros sur trois ans. Petite comparaison, qui vaut ce qu’elle vaut mais qui est tout de même significative : il y a quelques jours, quelques heures, à l’occasion de la visite d’un chef d’État, nous venons d’abandonner la dette cubaine, qui était d’un montant de 4,3 milliards. Personne n’en parle, et vous insistez sur les 700 millions. Ce n’est pas à la hauteur de l’enjeu.
Oui, cette crise est considérable et je crois que nous pouvons y apporter des réponses.
Il y a des choses qui ne dépendent pas que de nous. La levée de l’embargo russe, cela ne dépend pas du Parlement. Il n’empêche que nous pouvons insister. Je vous rappelle que le début de cette crise est concomitant avec l’embargo russe. Les Russes nous achetaient en particulier beaucoup de viande porcine et beaucoup de légumes et la réouverture de ce marché est indispensable. M. Macron lui-même, à l’occasion d’un déplacement en Russie, l’a souligné. C’est à portée de main. N’attendons pas le consensus européen, on peut négocier de pays à pays. Nous sommes un grand pays. Nous pouvons négocier en direct avec les Russes sur ces questions.
Nous devons également, et cela dépend de nous, prendre des mesures qui nous concernent directement, et je voudrais insister sur la nécessaire baisse des charges.
Sachons dénoncer les pratiques d’un certain nombre de nos concurrents allemands. Sachons dénoncer les méthodes qu’utilisent les Allemands pour recycler la TVA à l’avantage de leurs agriculteurs. C’est pour eux un moyen d’allouer à l’agriculture entre 200 et 250 millions d’euros chaque année. Je n’entends rien sur ce point comme je n’avais pas entendu grand-chose sur le dumping social des Allemands alors que la Belgique, petit pays, l’avait dénoncé devant la Cour de justice européenne.
Sachons également dénoncer les charges qui pèsent sur nos entreprises. Vous avez mis en place le CICE. Très bien. Pourquoi pas ? Le seul problème, c’est qu’il ne s’applique pas aux coopératives agricoles et, de ce fait, la moitié environ de la transformation de nos produits est assurée par des coopératives qui n’en bénéficient pas. Le principal bénéficiaire, je le rappelle, c’est la grande distribution, autour de 600 millions étant alloués chaque année à Carrefour, à comparer avec vos 700 millions sur trois ans pour l’agriculture.
Il faut aussi réduire les contraintes. Je ne nie pas les efforts que vous avez pu faire, monsieur le ministre, mais, là encore, ils ne sont pas à la hauteur. À l’évidence, investir va plus vite en Allemagne et en Espagne, et la procédure coûte moins cher. Chez nous, c’est plus cher, c’est plus long. Sachons aussi encourager l’investissement.
Et puis abordons à l’occasion de ce texte la question de l’étiquetage. Je sais qu’il faut bousculer des intérêts privés, en particulier ceux des transformateurs, y compris français.
Je sais qu’il faut bousculer des règles européennes, mais vous pourrez dire à Bruxelles, monsieur le ministre, que vous avez derrière vous la représentation nationale, qui vous approuve dans ce souci qui est le vôtre, nous voulons bien l’admettre.
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Sachons le dire, mes chers collègues. Sur l’étiquetage, il est indispensable que nous agissions.
C’est le seul débat que nous aurons. Nous ne débattrons plus de l’agriculture dans cet hémicycle avant l’examen du projet de loi de finances. Une occasion nous est donnée, par un texte sénatorial, par une niche républicaine peut-être, mais oublions cela et sachons nous rassembler pour dire à nos agriculteurs que nous sommes là pour baisser leurs contraintes, baisser leurs charges et permettre l’étiquetage. C’est à portée de main.
Si vous ne le faites pas, votre majorité sera discréditée, mais c’est l’ensemble de nos institutions, y compris nos institutions parlementaires, qui ne seront pas à ce rendez-vous essentiel pour notre agriculture.
À un moment où l’enjeu, c’est la survie de toute une filière, sachons dire quelque chose ici dans cette assemblée.
Vifs applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, si nous sommes réunis aujourd’hui, c’est parce que les résultats que sont en droit d’attendre les agriculteurs ne sont pas là.
Au nom du groupe UDI, je me félicite de la qualité du travail de nos collègues sénateurs Les Républicains et UDI-Union centriste.
Cette proposition de loi, très bien construite, arrive à point nommé. Avec mes collègues du groupe UDI, monsieur le ministre, j’ai voté votre loi d’avenir pour l’agriculture, qui avait pour axe l’agro-écologie. Cette proposition en est le pendant, le versant qui lui manquait. Nous avions souligné en effet qu’il fallait des mesures plus fortes sur la compétitivité, la répartition de la valeur ajoutée entre les maillons de la chaîne. Nous y sommes, grâce au travail des sénateurs.
Loin d’être terminée, la crise agricole s’est aggravée. Nul ne peut rester indifférent, insensible, face au désespoir du monde agricole. Nous devons agir, agir ensemble, et agir vite.
Cette proposition de loi entend justement répondre à plusieurs problèmes qui affectent les filières de l’élevage et l’industrie agroalimentaire : un défaut de compétitivité, parce que nous sommes dans un marché européen mais aussi mondial ; un environnement fiscal défaillant et beaucoup trop compliqué ; un manque de transparence – il faut un meilleur étiquetage ; enfin, une inégale répartition de la valeur ajoutée tout au long de la chaîne de production.
Vous l’affirmiez hier à la même place, la crise agricole devrait être appréhendée dans un contexte global, européen. Nous ne pouvons, à cet égard que vous donner raison, mais contester les règles de l’Union européenne ne suffit pas. Dans le marché européen où le jeu est collectif, marqué par une concurrence exacerbée, il faut se battre, se battre pour convaincre nos partenaires sur des sujets qui engagent les intérêts vitaux de notre pays, et nul doute que l’agriculture en fait partie, se battre aussi, en Europe pour remporter la partie, pour arriver à la première place, et non à la deuxième, des pays agricoles européens.
Dans votre intervention d’hier, vous avez reconnu que cette proposition de loi comprenait des propositions intéressantes. Vous avez souligné qu’il y avait des points de convergence sur lesquels nous pouvions trouver un accord. Pourtant, lors de son examen en commission, tous les articles ont été rejetés par la majorité.
« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et du groupe Les Républicains.
Je vous pose donc la question, à vous et à tous mes collègues, pourquoi attendre, pourquoi différer à demain ce qui peut être fait aujourd’hui ?
Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et du groupe Les Républicains.
Cette proposition de loi est satisfaisante, et son adoption à l’unanimité au Sénat le confirme. Alors votons-la ! Et, de grâce, ne déposez pas une motion de procédure, rejet préalable ou renvoi en commission, qui serait clairement indigne de ce qu’attendent les Français.
Ce qu’on nous demande, c’est d’agir en responsabilité, au-delà des clivages partisans et des oppositions de principe. Les députés du groupe UDI ont voté votre loi d’avenir du 13 octobre 2014. Prouvez-nous, monsieur le ministre, mes chers collègues de la majorité présidentielle, que vous êtes prêts à servir l’intérêt général.
La loi d’avenir présentait des pistes intéressantes pour valoriser l’agro-écologie. Il lui manquait néanmoins un volet essentiel, sur la compétitivité. C’est précisément cette lacune que la proposition de loi entend combler.
Bien construite, elle propose des pistes vraiment utiles pour répondre à trois enjeux majeurs, la transparence, l’investissement et la compétitivité.
Premier enjeu, la transparence.
Cette transparence doit d’abord être effective dans la répartition de la valeur ajoutée entre producteurs, transformateurs et distributeurs. Peut-on décemment accepter d’avoir 125 000 éleveurs totalement désarmés face à quatre grandes centrales d’achat toutes puissantes ?
Si le droit de la concurrence doit s’appliquer, il ne doit pas être à géométrie variable, contraignant pour les uns, ultra-protecteur pour les autres. Je m’associe donc pleinement à la proposition d’instaurer des rendez-vous annuels de l’ensemble des filières afin de statuer sur des stratégies communes en matière de prix.
J’ai déposé avec mes collègues du groupe UDI des amendements pour renforcer les sanctions à l’encontre des distributeurs auteurs de pratiques commerciales abusives.
Nous devons rétablir une plus grande équité dans les rapports de force. Les efforts consentis par les agriculteurs pour s’adapter aux normes sanitaires, sociales et environnementales doivent se traduire, en contrepartie, par des prix plus justes et rémunérateurs.
L’exigence de transparence implique aussi une meilleure information des consommateurs sur les produits qu’ils consomment. C’est pourquoi la proposition de loi entend modifier les modalités d’étiquetage de la viande transformée et des produits laitiers.
Je propose, avec mes collègues du groupe UDI, d’aller encore plus loin encore en interdisant toute utilisation du logo « transformé en France », qui induit les consommateurs en erreur, et en prévoyant que l’affichage d’origine soit non seulement obligatoire mais aussi grand que celui qui est prévu pour le prix.
Deuxième enjeu, l’investissement et la gestion des risques financiers.
À cet égard, l’article 4 propose de moduler les prêts des agriculteurs afin de gagner en souplesse. La création d’un livret vert, envisagée à l’article 5, permettrait par ailleurs d’orienter l’épargne populaire vers l’investissement dans le secteur agricole et agroalimentaire.
Au nom du groupe UDI, je proposerai également de renforcer le système de dotation pour aléas, sans que celui-ci ne soit fiscalisé. Une telle mesure permettrait vraiment aux agriculteurs de se prémunir contre les aléas et les risques financiers. Osons également la mise en oeuvre, en Europe et en France, d’un mécanisme de sécurisation des marges et des revenus, à l’instar du Farm Bill américain.
Troisième enjeu : la compétitivité. Elle ne se décrète pas sur mesure, mais elle se construit et s’ajuste constamment. Elle suppose aussi d’agir en faveur d’un environnement fiscal et normatif beaucoup plus favorable, plus flexible, afin de libérer l’investissement et d’accompagner une montée en gamme de nos produits à l’export. Si Marc Le Fur l’a déjà rappelé tout à l’heure, je veux le marteler : il faut ajuster le crédit d’impôt compétitivité emploi et rendre les coopératives éligibles à ce dispositif.
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
On ne peut pas accepter qu’en 2016 le secteur de la grande distribution, qui n’est pas soumis à la même concurrence européenne et mondiale que les coopératives françaises, soit éligible à cet outil, alors qu’elles ne le sont pas.
Cette proposition de loi propose aussi d’assouplir, d’ajuster et d’harmoniser la réglementation sur les installations classées et d’alléger les charges sociales et fiscales s’appliquant aux agriculteurs.
Monsieur le ministre, dès que l’on parle d’agriculture, incontestablement, l’Europe est au coeur de notre préoccupation. Je souhaite que le ministre des affaires européennes s’empare beaucoup plus qu’il ne le fait de ce sujet.
Vous êtes mobilisé, monsieur le ministre, sur les questions agricoles et agroalimentaires en France et en Europe. Je souhaiterais que le Gouvernement, par la voix du ministre des affaires européennes, s’empare de ce dossier. Aujourd’hui, il y a une vraie lacune sur ce sujet. Nous avons plusieurs rendez-vous : la clause de revoyure de la politique agricole commune, qui constitue un vrai sujet.
La mobilisation des deux piliers de la politique agricole commune que sont la compétitivité agricole et le développement de l’agriculture en constitue un autre. Quelle agriculture souhaitons-nous en France ? Enfin, il faut dès maintenant anticiper et préparer la nouvelle politique agricole commune pour que notre modèle agricole français reste le fer de lance et le fleuron de la production agricole en Europe.
Avec mes collègues de groupe UDI, je proposerai deux autres amendements, visant à supprimer deux normes administratives pour toute nouvelle norme créée et à limiter les contrôles agricoles à un contrôle par an au maximum.
Nous rappelons également notre proposition, toujours réitérée, d’adopter en France la TVA sociale en solidarité avec les agriculteurs, afin de leur redonner de la compétitivité.
Vous l’aurez compris, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe UDI accueille favorablement cette proposition de loi, parce que nous avons contribué à l’enrichir au Sénat, prouvant ainsi l’importance du travail parlementaire, mais surtout parce qu’elle répond aux nombreuses attentes des agriculteurs, sur la simplification administrative, la compétitivité, la lourdeur des charges ou la volatilité des prix. J’espère que ce texte sera largement voté ce matin.
Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, chers collègues, la discussion de cette proposition de loi, au coeur de la crise devenue chronique de l’agriculture, donne aux écologistes l’opportunité de s’exprimer et de s’adresser aux agriculteurs qui manifestent.
Le vent de révolte qui souffle, suite au déclin croissant du nombre des exploitations en France, était, vous le savez, prévisible. Toutes les orientations prises depuis des années aux niveaux français et européen visaient deux objectifs : produire toujours plus à bas prix, avec moins d’agriculteurs. L’ancien gouvernement a accompagné la fin des quotas laitiers, laquelle permettrait aux marchés de réguler la production. Nous y sommes ! Il est clairement de la responsabilité des acteurs de la filière porcine, en crise depuis plus de dix ans, de ses dirigeants, des grands groupes et des syndicats de toujours repousser la conversion vers des pratiques d’élevage durables.
Chaque jour, de nouveaux foyers de contestation se créent. Les agriculteurs dénoncent la baisse de leurs revenus, due à un marché international dans lequel les productions de masse sont de moins en moins rémunérées. Le niveau de revenu auquel aspirent légitimement nos agriculteurs nécessite une politique économique et sociale européenne durable, respectueuse des hommes et de la nature. L’issue passera par une meilleure répartition et une meilleure valorisation des produits sur nos marchés intérieurs.
En ce sens, la proposition de loi pour favoriser l’ancrage territorial de l’alimentation, que nous avons adoptée à l’unanimité la semaine dernière, encourage la consommation française de produits locaux, à travers le levier puissant que constitue la restauration collective. Ce n’est pas une niche ! De fait, 11 millions de repas quotidiens sont majoritairement élaborés aujourd’hui par des multinationales à partir de denrées importées. Il n’y a aucun retour sur investissement pour nos territoires et nos paysans.
Sans rien remettre en cause sur ces pratiques productivistes, qui profitent à une poignée de multinationales de l’agro-industrie, vous nous soumettez un texte qui reprend les propositions balises du groupe Les Républicains sur l’agriculture. En premier lieu, vous demandez plus de transparence pour le consommateur, en lui permettant de connaître l’origine géographique des viandes dans les produits transformés. Je suis favorable à cet étiquetage, dès l’achat du produit.
Je suis également favorable à un étiquetage sur les modes de production, comme c’est le cas pour les oeufs, et à une information sur la présence d’OGM ou non dans la nourriture des animaux. Savez-vous qu’en France neuf animaux sur dix sont nourris avec des aliments importés comportant des OGM ? Il serait opportun d’avancer sur ce dossier pour enrayer la distorsion de concurrence avec les productions de qualité.
En second lieu, vous proposez plus d’interventionnisme dans les négociations interprofessionnelles. La répartition des marges et la guerre des prix ont fait l’objet de débats intenses depuis plusieurs mois à l’Assemblée et avec les professionnels. Le renforcement du rôle de l’observatoire des prix et des marges, prévu dans la loi relative à la consommation, n’a pas eu l’effet escompté. La médiation publique n’est plus crédible, quand les produits alimentaires sont surtout la base de spéculations intolérables. Les acteurs privés, dont la distribution et certains transformateurs en situation de quasi-monopole, ne respectent pas les accords. Il me paraîtrait donc plus efficace de rétablir une meilleure régulation des productions au niveau européen et d’augmenter le contrôle de concurrence sur l’oligopole de la grande distribution.
Alors que pour garder un milieu rural vivant, la présence de nombreux agriculteurs sur tout le territoire et le soutien à une agriculture diversifiée sont indispensables, le reste du texte constitue, à mon sens, la poursuite de la course à l’investissement et le renoncement pur et simple aux principes de solidarité mis en place depuis des années.
Le chapitre II propose, à nouveau, des déductions fiscales pour soutenir l’investissement et l’agrandissement, rengaine sans fin et sans issue. On doit la vérité aux agriculteurs : l’agrandissement des exploitations est incompatible avec une résolution de crise. L’augmentation des élevages renforce la dépendance des agriculteurs et cause la disparition de leurs voisins.
Le chapitre III pose une équation que je n’arrive toujours pas à résoudre. Les syndicats et les partis politiques de droite réclament de façon permanente la baisse des cotisations, d’une part, et l’augmentation des fonds d’indemnisation, de l’autre. N’est-ce pas une contradiction ?
Les écologistes ne soutiendront pas cette proposition de loi…
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains
Dieu nous en préserve ! C’est l’enfer vert que vous annoncez aux agriculteurs !
… parce qu’elle ne répond en rien aux crises agricoles. Au lieu de cela, soutenons plus fortement la transition vers l’agroécologie et une adaptation des exploitations avec moins d’intrants, plus d’autonomie et plus de valeur ajoutée.
Pour répondre à la crise agricole, des aides sociales et de trésorerie pour soutenir les agriculteurs en difficulté sont nécessaires, mais elles sont à fonds perdu si les modèles qui les génèrent sont maintenus.
Enfin, pour perdurer, ce beau métier que j’ai choisi devra impérativement répondre aux grands enjeux de notre siècle : la lutte contre le réchauffement climatique ; la protection des sols, de l’eau et de l’air pour diminuer son impact écologique ; le respect de la santé humaine et animale ; la répartition équitable du travail et des revenus.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des affaires économiques, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, dans un contexte de crise structurelle de notre agriculture, cette proposition de loi a pour objectif d’apporter des réponses aux attentes légitimes de nos paysans. Compte tenu de l’ampleur du désarroi, toutes les initiatives pour améliorer la situation sont bienvenues et méritent notre attention.
Cette proposition de loi est dense et structurée : treize articles au départ et vingt-trois dans la version issue des débats au Sénat. Elle témoigne d’une volonté indéniable pour trouver des solutions aux différents facteurs de déclin de notre agriculture. Les députés du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste – je salue mon collègue Alain Tourret présent dans l’hémicycle – l’accueillent avec bienveillance. Nous tenons à saluer l’effort des auteurs et le travail de notre rapporteur.
Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et du groupe Les Républicains
Nous devrions avoir des positions communes fortes et utiles pour la renforcer. Permettez-moi de former le voeu que nous puissions nous retrouver pour prendre en compte les doléances légitimes de nos paysans, car c’est ce qu’attendent de nous nos concitoyens.
La France est un pays fondamentalement rural. Elle est une puissante nation agricole. Cela était vrai dans le passé, et cela doit le rester pour l’avenir.
Que ce soient en termes de superficie, d’histoire et de savoir-faire, de vitalité de nos territoires ruraux, de croissance, d’emploi, de balance commerciale ou de sécurité de notre approvisionnement, l’agriculture est un sujet majeur. Nous avons tous hérité du modèle agricole français, nous sommes redevables du travail des paysans qui nous apportent au quotidien une alimentation saine et de qualité.
Aujourd’hui, le constat sur la crise est unanime : l’agriculture française décline de façon progressive et continue depuis dix à quinze ans. Production, surfaces cultivées, nombre d’agriculteurs, de salariés et d’exploitations, tous les chiffres démontrent un affaissement inquiétant. Cette crise agricole n’est pas homogène. Comme toutes les crises, elle touche durement les plus fragiles et la majorité de nos paysans souffrent. Nous devons entendre cette souffrance, liée à l’injustice dans les relations commerciales avec les grandes firmes agro-industrielles et la grande distribution, ainsi qu’à la concurrence faussée avec les compétiteurs étrangers.
Les conséquences de l’absence de réciprocité et d’équité dans les échanges sont ravageuses économiquement. Humainement, cette désespérance induit des situations dramatiques. Un agriculteur se suicide tous les deux jours en France. Selon l’Institut de veille sanitaire – INVS –, la catégorie sociale des agriculteurs exploitants est celle présentant la mortalité par suicide la plus élevée parmi toutes les catégories sociales.
Cette crise ne date pas d’hier, ni d’aujourd’hui. Elle est le résultat de profondes transformations de nos économies, et il ne s’agit pas de blâmer spécifiquement les précédents gouvernements ou la majorité actuelle. Monsieur le ministre, votre loi d’orientation a apporté des mesures utiles et fécondes. Mais force est de constater qu’aucune des lois passées ou présentes n’a pu contenir la crise ou résorber l’affaissement.
Dans la proposition de loi à l’ordre du jour, nous voyons beaucoup de bonnes intentions et plusieurs idées pertinentes. Mais il y a aussi des mesures fragiles juridiquement, d’autres dont le chiffrage est incertain, et des baisses de cotisations sociales qui posent des questions.
Ces baisses seraient financées par une hausse de TVA et de CSG, un choix lourd qui mérite une réflexion globale.
Le chapitre Ier vise à rendre plus justes et plus transparentes les relations existantes, du producteur jusqu’au consommateur. C’est un point essentiel, mais toutes les tentatives ont pour le moment échoué. L’article 1er propose que la contractualisation prenne en compte les coûts de production des agriculteurs pour mieux répartir les efforts à réaliser dans les filières et pour avoir des références sur l’évolution des coûts et des prix.
Nous soutenons cet article même si ces références existent déjà – notons que cela ne changerait pas grand-chose aux relations commerciales. Nous sommes très favorables à l’article 1er bis qui vise à mettre fin à la cessibilité à titre onéreux des contrats laitiers.
Une telle mesure est demandée par une grande partie des acteurs pour limiter les effets de la crise ; le Gouvernement y est favorable, même si la rédaction présente quelques risques juridiques. Cela ne doit pas empêcher de continuer l’amélioration de la filière et surtout la coordination européenne face aux chocs. L’article 2 instaure une conférence agricole annuelle pour réunir tous les acteurs de chaque filière, sous l’égide du médiateur des relations commerciales. Pour rapprocher les points de vue et les anticipations sur la situation des marchés, ce pourrait être intéressant et utile. Cela dit, aujourd’hui, rien n’interdit aux acteurs de se réunir sous ce format et cet article ne relève pas du domaine de la loi.
Voilà !
L’article 2 bis semble plus hasardeux dans son contenu en proposant un affichage public par les acteurs eux-mêmes de leurs manquements à l’obligation de réponse aux enquêtes statistiques réalisées par l’Observatoire des prix et des marges. Monsieur le rapporteur, vous avez eu l’honnêteté de le reconnaître et le courage de proposer sa suppression. L’Observatoire s’est amélioré, mais il lui reste de belles marges de progression. La priorité, c’est d’abord de lui donner les moyens d’analyser des chiffres non maquillés pour fournir une analyse plus juste. L’article 3 vise à ce que le consommateur puisse connaître l’origine des produits transformés à base de viande ou de lait. C’est une demande constante des acteurs de la production, combattue par les transformateurs. Les députés RRDP l’ont toujours, eux aussi, demandé. Mais le dispositif proposé présente un risque juridique et les industriels disent qu’il y aurait une hausse des prix allant jusqu’à 30 %. Les risques existent, mais il faut soutenir l’idée et le Gouvernement doit se battre pour cela à Bruxelles. Il faudrait convaincre l’Allemagne et au moins obtenir un étiquetage obligatoire des ingrédients principaux.
Sur le chapitre II, les mesures paraissent encore plus fragiles. La modulation automatique du remboursement du capital des emprunts souscrits par les agriculteurs pour financer l’investissement lorsqu’une crise intervient dans leur secteur d’activité est proposée à l’article 4. Cette modulation paraît utile, mais contestable juridiquement et, de toute façon, elle ne vaudrait que pour les futurs prêts. J’en viens directement à l’article 6 : il concerne la gestion des risques en agriculture. La déduction pour investissement serait étendue. De plus, il propose de modifier le mécanisme de la déduction pour aléas avec une réserve spéciale d’exploitation agricole d’utilisation simplifiée ; l’intention est bonne, mais cette réforme serait finalement assez proche de celle déjà votée dans le PLF 2016.
Concernant le chapitre III consacré à l’allégement des charges et des normes, nous sommes, là aussi, favorables aux intentions, mais les articles posent plusieurs problèmes. Tout d’abord, la simplification, notamment le classement des installations classées pour la protection de l’environnement – ICPE –, est d’ordre réglementaire. Il est vrai que la frontière entre l’article 34 et l’article 37 de la Constitution est souvent poreuse, et je confesse que notre groupe a souvent défendu des amendements d’ordre réglementaire. Nous sommes donc mal placés pour émettre cette critique. Monsieur le ministre, nous encourageons le Gouvernement à prendre des décrets rapidement concernant le classement ICPE, notamment pour le secteur des veaux de boucherie et pour celui des bovins à l’engraissement sur lequel un travail est en cours. Nous sommes convaincus de l’utilité des baisses des cotisations sociales dans le secteur agricole : certaines sont proposées aux articles 9, 9 bis et 10. L’efficience des baisses de cotisations sociales est l’objet d’un débat : celui sur la TVA sociale agricole.
Pour lutter contre la concurrence déloyale dans les secteurs intensifs en main-d’oeuvre, nous devons trouver des solutions pour redresser nos productions, notamment s’agissant des fruits et légumes. Il y a déjà eu des efforts sur le coût du travail avec le CICE mais, même si nous ne partageons pas son analyse, nous savons que le coût et l’efficacité sur l’emploi des allégements sur les saisonniers sont critiqués par la Cour des comptes. Au total, le montant des exonérations serait assez élevé : plusieurs centaines de millions – un chiffrage précis aurait été bienvenu. Mais, soyons réalistes, la Commission européenne pourrait s’opposer à de telles mesures. Il me semble par ailleurs impossible d’exonérer de cotisations sociales un secteur spécifique – c’est d’ailleurs la grande faiblesse du CICE, qui s’est heurté à ce mur. Il serait déloyal de ne pas rappeler que le Gouvernement a déjà fait des efforts sans précédents en termes d’allégements de cotisations : le total des allégements existants, c’est plus de quatre milliards et demi d’euros pour l’ensemble du secteur agricole avec le CICE et le Pacte de responsabilité.
En conclusion, nous considérons que cette proposition de loi est un travail parlementaire intéressant et que son examen aura son utilité. Nous soutenons ses bonnes intentions, ses bonnes idées, mais nous sommes plus réservés sur les mesures fragiles juridiquement, au chiffrage incertain et d’ailleurs parfois déjà mises en oeuvre. Vous l’avez compris, mes chers collègues : nous sommes donc globalement dans une attitude ouverte, constructive, et notre vote dépendra de l’examen des articles et du texte final qui sortira de nos débats.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.
Même avec leurs imperfections et leurs faiblesses, tous les articles de cette proposition de loi méritent notre considération. C’est pourquoi nous nous opposerons à toute motion de procédure qui viserait à éluder un débat sur ce texte.
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
Pour répondre au malaise paysan, on a le devoir d’examiner ensemble toutes les initiatives résultant d’un travail parlementaire de qualité visant à renforcer la compétitivité de l’agriculture française.
Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et sur les bancs du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, madame la présidente des affaires économiques, mes chers collègues, la crise agricole est extrêmement grave et les cris de détresse qui s’élèvent depuis des mois expriment une réalité : les agriculteurs souffrent et vivent un terrible drame. Il est donc nécessaire d’apporter des réponses, et tout travail législatif mené en lien avec la profession agricole mérite d’être salué et respecté,…
… même si nous avons des divergences de fond sur les solutions proposées. Ces divergences sont l’expression de visions distinctes de l’avenir de l’agriculture et plus largement du système économique. La vôtre, monsieur le rapporteur, c’est que l’objet essentiel de notre action devrait se fonder dans un intangible moule libéral en s’attaquant pour l’essentiel à la seule question de la compétitivité – le terme est d’ailleurs mentionné dans le titre de votre texte. Pourtant, c’est bien la guerre économique que mènent depuis trente ans les tenants du libéralisme et de la libre concurrence qui tue notre agriculture et sacrifie des centaines de milliers d’exploitations familiales à travers toute l’Europe ! C’est une erreur de croire que la course à la compétitivité et donc à une concurrence toujours plus féroce et moins-disante en matière économique, sociale, sanitaire et environnementale puisse apporter une réponse durable à la crise. Cela n’aboutira qu’à une fuite en avant continuelle qui ne résoudra pas fondamentalement le problème.
Pour sa part, le groupe de la Gauche démocrate et républicaine considère que notre agriculture est porteuse de valeurs, de missions, qui ne sont pas compatibles avec une économie de marché mondialisée où la concurrence est libre et non faussée. C’est sur le difficile combat pour une régulation à l’échelle mondiale, européenne et nationale que nous devons appuyer notre analyse afin de trouver des réponses à la crise agricole. L’ampleur de cette crise aurait dû finir de convaincre de la nécessité d’outils et de mesures fortes en matière de gestion des prix et des volumes. Si nous ne nous attaquons pas au problème de la répartition de la valeur ajoutée au sein des filières et aux prix d’achat aux agriculteurs, nous ne répondrons pas à leurs besoins et nous n’assurerons pas leur survie.
J’en viens directement au contenu du texte que vous nous présentez, monsieur le rapporteur, et à ces articles les plus structurants.
L’article 1er a une vertu : il aborde explicitement la problématique des prix d’achat aux agriculteurs. Mais il ne traite que d’une partie du problème : celui de la hausse des coûts de production et de la nécessité d’intégrer des éléments concernant ces coûts dans la définition des contrats. C’est bien sûr un élément important, je le reconnais bien que je ne sois pas un fervent adepte de la contractualisation. En effet, le seul recours au contrat, sans définition de prix d’achat minimum ou de prix plancher, ne permet pas de renverser les rapports de force entre producteurs, transformateurs et distributeurs. Il y a un constat que nous devrions partager : depuis l’adoption de la loi de modernisation de l’agriculture en 2010 et les balbutiements de la contractualisation, les prix d’achat n’ont-ils pas continué de dégringoler ?
De plus, la promotion de la contractualisation sert trop souvent à masquer l’enjeu de fond : celui d’une véritable politique publique en matière de prix qui s’attaquerait à la problématique centrale de la répartition de la valeur ajoutée entre les différents acteurs. Ma conviction profonde est que nous ne réglerons pas la question de la rémunération décente des agriculteurs par quelques mesurettes telles que la modification de l’article L. 631-24 du code rural précisant uniquement que la cession des produits agricoles destinés à la revente ou à la transformation « peut » être subordonnée à la conclusion de contrats.
Il est d’ailleurs étonnant que votre groupe, monsieur le rapporteur, veuille modifier, même à la marge, les garanties des prix de vente des produits agricoles par le biais des contrats après avoir contribué à défaire toute régulation en matière de conditions générales de vente. Je m’adresse plus particulièrement en disant cela à ceux qui votèrent la loi du 4 août 2008 relative à la modernisation de l’économie, dite « loi LME », autrement dit « loi Michel-Édouard » – Michel-Édouard Leclerc. Les plus anciens ici savent que je défends depuis longtemps l’idée d’un mécanisme beaucoup plus coercitif et incitatif dans la formation des prix d’achat pour les agriculteurs : un coefficient multiplicateur encadrant strictement les marges de la distribution au service des producteurs, en particulier en période de crise. Aussi, cet article 1er ne me paraît-il pas être à même de répondre aux enjeux actuels.
L’article 2 prévoit, quant à lui, une conférence de filière annuelle, sous l’égide du médiateur des relations commerciales agricoles crée par la loi d’avenir pour l’agriculture. Elle réunirait « les représentants des organisations de producteurs, des entreprises et des coopératives de transformation industrielle des produits concernés, de la distribution et de la restauration hors domicile ». Il s’agirait d’examiner « la situation et les perspectives d’évolution des marchés agricoles et agroalimentaires concernés au cours de l’année à venir ». Si cette proposition va dans le bon sens, elle me semble insuffisante, voire dérisoire au regard de l’absence d’objectif précis assigné à cette conférence dans le texte.
Je suis favorable moi aussi à une conférence interprofessionnelle annuelle sur les prix – par filière ou par production –, mais débouchant sur de véritables négociations sur la définition de prix plancher. Une négociation annuelle sur les prix ne doit pas avoir pour seul objectif d’observer, mais bien d’agir en faveur des prix d’achat aux agriculteurs. Nous devons malheureusement faire le constat aujourd’hui de l’inefficacité dans la durée des négociations ponctuelles, le plus souvent d’ailleurs à l’initiative du ministre chargé de l’agriculture, intervenant en période de baisses importantes des prix d’achat. Le monde agricole admet très largement la nécessité de mettre en place de véritables outils d’intervention sur la fixation des prix d’achat des productions agricoles. Ce devrait être l’objectif d’une telle conférence annuelle. Je constate aussi, monsieur le rapporteur, que vous proposez de limiter les participants à cette conférence de filière en excluant notamment les représentants syndicaux des premiers intéressés, à savoir les agriculteurs. Je pense au contraire que doivent y être associés non seulement les représentants des organisations de producteurs mais également l’ensemble des organisations syndicales agricoles sans restreindre le champ de leur représentativité.
L’article 3 me paraît tout aussi restrictif dans son ambition. On a du mal à comprendre son objectif : êtes-vous favorable comme moi à l’étiquetage obligatoire de l’origine sur tous les produits agricoles à l’état brut ou transformé pour le bienfait des agriculteurs et des consommateurs ou vous contentez-vous, comme on peut le penser à la lecture de cet article, de ménager la susceptibilité, voire l’extrême frilosité des transformateurs et du secteur de la distribution en avançant une mesure symbolique indiquant « que tout consommateur qui en fait la demande » peut avoir des précisions sur le contenu de l’ingrédient principal ?
L’étiquetage de l’origine n’est pas un enjeu secondaire à géométrie variable ! C’est un enjeu prioritaire dans la bataille que nous devons mener face à la libéralisation des échanges agricoles car les agriculteurs comme les consommateurs savent bien que les conditions sanitaires, sociales, économiques et environnementales de production du boeuf américain, argentin ou polonais ne sont pas les mêmes qu’en France !
En ce qui concerne le chapitre II du texte, vous proposez également des mesures qui, tout en abordant les problèmes de fond concernant le financement et l’investissement agricole, ne s’attaquent pas aux problèmes les plus fondamentaux. Pourquoi ne pas exiger que l’organisme bancaire ne puisse pas refuser le report de paiement demandé par l’exploitant agricole ? Pourquoi ne pas poser clairement le constat de la dérive financière du secteur bancaire, dont les conditions d’accès au crédit sont toujours plus strictes, et qui joue de moins en moins leur rôle de financement du développement agricole et d’établissements de crédit pour le secteur productif agricole ?
Enfin, les chapitres III et IV contiennent une série de dispositions qui portent en germe une refonte plus globale du système de Sécurité sociale, sous les dehors toujours séduisant de l’allégement des charges.
Je ne vous surprendrai pas, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, en vous répétant que l’héritier d’Ambroise Croizat que j’essaie modestement d’être est tout à fait opposé à la remise en cause des principes fondateurs de la Sécurité sociale, tout comme à la multiplication des allégements et exonérations de cotisations, notamment lorsqu’elles s’effectuent sans concertation préalable avec les partenaires sociaux et les gestionnaires des régimes.
En fait, votre mets manque de fraîcheur : il s’agit d’un réchauffé de la TVA sociale. À l’opposé, monsieur le rapporteur, pourquoi ne pas proposer que le revenu financier du secteur bancaire, de l’agroalimentaire et de la distribution soit mis à contribution pour élargir l’assiette des recettes au bénéfice des régimes sociaux des agriculteurs et des retraités agricoles, plutôt qu’ajouter cette charge aux consommateurs dont le pouvoir d’achat est de plus en plus contraint ? On sent bien, avec ces dispositions, que nous touchons là, comme je l’ai dit en introduction, à notre divergence de fond – dois-je dire idéologique, monsieur Falorni ? – quant aux mesures de soutien indispensables au maintien de notre agriculture.
C’est pour ces seules raisons, non pour afficher une quelconque posture, mes chers collègues, que, tout en saluant le travail de M. le rapporteur, nous ne voterons pas ce texte.
…je les présenterai d’ailleurs, avec les autres députés du Front de gauche, dans une proposition de loi visant à garantir les prix d’achat aux agriculteurs.
J’achèverai mon propos par une nouvelle citation de René Char :…
Sourires.
…« A chaque effondrement des preuves, le poète répond par une salve d’avenir ».
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui a pour objet la compétitivité de l’agriculture. Nous sommes tous ici conscients des difficultés auxquelles doit faire face le monde agricole,
« Ce n’est pas certain ! » sur les bancs du groupe Les Républicains
difficultés qui s’inscrivent dans la durée et qui touchent les différentes filières : crise de marché, sécheresse et crise sanitaire, auxquelles vient se rajouter la grippe aviaire.
Le Gouvernement a pris des mesures fortes, au travers du plan de soutien à l’élevage, adopté en juillet dernier, complété en septembre par la mobilisation de moyens complémentaires, pour soulager les trésoreries, restructurer les dettes, permettre des investissements dans les exploitations et les abattoirs.
Ces aides se sont rajoutées à la baisse des charges engendrées par le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi – CICE – et par le pacte de responsabilité et de solidarité.
Élue de l’Aveyron, territoire rural, je n’ignore rien des difficultés auxquelles sont confrontés les agriculteurs. Oui, être agriculteur, c’est difficile. Oui, être agriculteur dans une économie mondialisée et de plus en plus compétitive, c’est encore plus difficile ! Depuis janvier, le Grand Sud-Ouest est touché par une épidémie de grippe aviaire. Vous avez pris des mesures, monsieur le ministre, pour redresser cette filière le plus rapidement possible : plan d’assainissement et mobilisation de fonds à hauteur de 130 millions d’euros, pour indemniser les pertes de revenus des éleveurs et accouveurs. Nous restons bien sûr dans l’attente des mesures complémentaires pour les entreprises, avec une interrogation toute particulière pour les circuits courts. Je salue aussi les discussions engagées avec les régions pour l’aide à l’investissement et la formation professionnelle.
Le texte que nous examinons aujourd’hui et dont nous avons discuté en commission la semaine dernière fait l’objet d’un constat partagé.
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Sur la question de l’étiquetage, à l’article 3, je voudrais rappeler ici qu’il y a un an, lors de la remise du rapport d’information sur les signes d’identification de la qualité et de l’origine pour les produits agricoles et agroalimentaires, que j’ai corédigé avec Dino Cinieri, j’insistais sur le fait que le consommateur réclamait toujours plus de clarté sur les produits.
Aussi, je ne peux que reconnaître l’intérêt de cet article, qui vise à rendre obligatoire l’indication de l’origine des produits carnés et laitiers. L’on ne peut pourtant ignorer que les règles d’étiquetage sont fixées par le droit européen et, comme vous l’avez rappelé, monsieur le ministre, qu’un projet de décret est en cours.
Alors, pourquoi créer des clivages, là où il n’y en a pas ? Certains sujets peuvent nous rassembler. Ainsi, jeudi dernier, nous avons adopté à l’unanimité la proposition de loi visant à favoriser l’ancrage territorial de l’alimentation.
Chers collègues, la crise que traverse le monde agricole, ne date pas d’hier. Elle ne date pas, non plus, de 2012. Ce texte ne réglera pas les problèmes structurels des différentes filières.
Dans ce texte, je relève bon nombre de contradictions. Ainsi, dans l’article 11 bis, vous proposez d’exonérer l’ensemble des exploitants agricoles de la totalité de la taxe foncière dans la limite de 60 hectares de surface agricole utile. Faut-il vous rappeler que la taxe sur le foncier non bâti est une ressource pour les collectivités locales ? Comment allez-vous expliquer à un maire rural, que vous comptez supprimer cette ressource…
…alors que, dans le même temps, vous critiquez la baisse des dotations ?
Ensuite, je vous rappelle qu’aujourd’hui, l’exonération existe pour les jeunes agriculteurs, qui bénéficient de plein droit d’un dégrèvement de 50 % de la taxe foncière, pris en charge par l’État, pendant cinq ans à compter de leur installation.
Ce n’est pas votre majorité qui a pris cette mesure. Elle date de 1991 et a été prise conjointement par le ministre de l’économie d’alors, M. Pierre Bérégovoy, et par son collègue de l’agriculture, M. Louis Mermaz. Ce dispositif a été amélioré dans le projet de loi de finances rectificative – PLFR – pour 2015, afin de ne plus pénaliser le jeune agriculteur qui demandait avec retard l’exonération de cette taxe la première année. Avez-vous voté le PLFR pour 2015 qui permet cela ? Non.
Enfin, pour compenser ce dispositif d’exonération, vous proposez une hausse de TVA et de CSG, entraînant de facto, une hausse de fiscalité. Vous portez ainsi atteinte au pouvoir d’achat de nos concitoyens, fragilisant les plus modestes.
Ce texte détricote donc des dispositifs en leur substituant des mesures coûteuses pour nos concitoyens et dangereuses pour nos collectivités locales. Je rappellerai que ce n’est pas notre majorité qui a acté la fin des quotas laitiers.
Ce n’est pas notre majorité qui a voté la loi de modernisation de l’économie, avec les conséquences que nous connaissons aujourd’hui pour le monde agricole.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Mais c’est bien notre majorité qui a mis en place des outils législatifs et réglementaires pour soutenir l’agriculture, pour en soutenir les investissements et qui a introduit les allégements de charges et le plan de soutien à l’élevage, qui s’élève à 700 millions d’euros, dont 180 millions d’euros d’allégements de charges.
En conclusion, mes chers collègues, si nous pouvons être d’accord sur le diagnostic, je ne peux me satisfaire de cette proposition de loi quelque peu démagogique
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains
…entraînerait une baisse de pouvoir d’achat pour l’ensemble de nos concitoyens.
Pour toutes ces raisons, je ne soutiendrai pas cette proposition de loi.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, désespoir, résignation, colère envahissent tour à tour l’esprit de nos agriculteurs et de nos éleveurs. Dans nos territoires dédiés à l’élevage bovin, en ce moment, au vu du prix du lait, un tiers des producteurs disposent de 400 euros par mois pour vivre, moins que le revenu de solidarité active – RSA – mais en travaillant 60 heures par semaine.
Surtout : aucune lueur d’espoir ne point à l’horizon. Aucune ! Des mesures d’urgence s’imposent. C’est pourquoi, ce matin, notre groupe présente et soutient une proposition de loi, adoptée par le Sénat en première lecture, en faveur de la compétitivité de l’agriculture et de la filière agricole.
À l’Assemblée nationale, sous la conduite du rapporteur Antoine Herth, dont je tiens à saluer l’investissement,
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
les mesures contenues dans ce texte ont été retravaillées et complétées. Elles poursuivent un double objectif : d’abord, parce que c’est urgent, apporter des réponses aux difficultés conjoncturelles actuelles ; ensuite, parce qu’il y va de l’avenir, rétablir la compétitivité perdue de notre élevage et de la filière agroalimentaire française.
Aussi les dispositions qui nous sont soumises aujourd’hui ne sont-elles pas improvisées. Elles sont l’aboutissement d’une réflexion mûrie. Je pense par exemple à la modification du cadre législatif applicable à la contractualisation ; à l’instauration d’un dialogue annuel de filière ; à la mise en place d’un étiquetage précisant l’origine des produits carnés et laitiers ; à la création de nouvelles sources de financement, permettant de drainer l’épargne vers la filière agricole et agroalimentaire. Ce serait très utile. En effet, la France, encore première productrice européenne de produits agroalimentaires, il y a trois ans, n’est plus que troisième, aujourd’hui.
Ce n’est pas vrai !
Cela fait réfléchir à défaut de faire plaisir à entendre.
J’arrête là mon énumération. Sachez juste que ces mesures sont approuvées par les organisations professionnelles agricoles. Les repousser d’un revers de main serait une faute politique inacceptable dans le contexte actuel.
Faut-il rappeler que le secteur agricole représente, avec les emplois dérivés, 700 000 emplois non délocalisables ? Faut-il rappeler qu’une ferme d’élevage crée dix fois plus d’emplois qu’une ferme céréalière, que ces emplois sont l’essentiel de la vitalité des territoires ruraux ?
Le Gouvernement nous assure qu’il agit.
Certains disent qu’il s’agite. Je ne ferai pas un tel procès. En effet, lors des tables rondes organisées cet été, vous avez
proposé et soutenu des solutions, monsieur le ministre. Mais pour quel résultat ? On voit, en ce moment, des paysans manifester partout et de plus en plus !
Pourquoi ? Le porc, dont le prix ciblé lors de ces tables rondes était de 1,40 euro, est en fait payé 1,15 euro actuellement. Le lait, promis à 340 euros les 1 000 litres, se vend moins de 300 euros – 265 euros, dans certains endroits ! On ne peut que partager la déception et la colère des paysans. Ils estiment, à juste titre, que la gravité de la situation est mal évaluée par le Gouvernement.
Autre remarque : les solutions mises au point sous
votre égide, cet été, ne semblent pas plaire à Bruxelles
qui, comme vous le savez, monsieur le ministre, enquête. C’est un comble ! Si nous en sommes là, c’est précisément parce que l’Europe ne fait plus son travail de régulation des marchés.
Mais ce n’est pas elle qui devrait enquêter ici, c’est vous, monsieur le ministre, qui devriez la harceler là-bas, à Bruxelles !
« Très bien ! » sur les bancs du groupe Les Républicains.
Quand des milliers d’entreprises et des dizaines de milliers d’emplois sont en danger, le Gouvernement ne peut pas rester inerte, à rédiger un mémorandum en attendant que le vent tourne !
Notre proposition de loi arrive à point nommé. Ne perdons pas de temps, examinons-la attentivement : elle le mérite. Comme le soulignaient Marc Le Fur et Olivier Falorni, une telle occasion ne se représentera pas.
Si certains d’entre vous hésitent, qu’ils méditent ce terrible constat : en 2015, en France, le suicide a emporté plus de vies d’agriculteurs que l’État islamique n’a tué d’innocents le 13 novembre.
Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen, du groupe écologiste et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Pensez-y tout à l’heure, lorsque vous voterez pour ou contre la motion de rejet préalable !
« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des affaires économiques, monsieur le rapporteur, chers collègues, nous sommes réunis aujourd’hui dans un contexte particulièrement difficile pour nos éleveurs. Depuis maintenant trop longtemps, les prix sont bas, parfois en dessous du prix de revient. L’équilibre financier de certaines exploitations est irrémédiablement détérioré. Cette situation entraîne une impatience, une exaspération, une incompréhension ; les mesures positives prises depuis 2012 sont malheureusement oubliées ou minimisées – je ne reviendrai pas sur leur contenu, puisque M. le ministre l’a longuement décrit.
Venons-en plutôt à cette proposition de loi. Elle est de circonstance.
Elle n’est pas non plus sans arrière-pensées politiciennes. Cependant, la question qui nous occupe et qui taraude le monde de l’élevage est de savoir si elle serait de nature à régler les graves problèmes économiques qui touchent les filières d’élevage.
Je crois que nos agriculteurs ne sont pas dupes : ils savent bien que ce ne sont pas les politiques qui font les prix. Nous l’avons d’ailleurs bien vu l’été dernier : les prix du porc ont, par volonté politique, été maintenus, mais cela n’a duré qu’un trimestre, avec les conséquences que l’on sait. Dans la situation de désespoir qui touche les campagnes, les agriculteurs attendent de notre part des mesures supplémentaires dans nos domaines de compétence. Quand on perd des milliers d’euros par mois, les appels à la raison et à la rationalité se heurtent au mur du désespoir et peuvent engendrer la colère.
La présente proposition de loi ne sera bien évidemment pas suffisante pour sortir nos agriculteurs de la crise, tant le problème est ancien et profond.
Faut-il pour autant écarter ce texte d’un revers de la main et fustiger une opposition qui se complairait dans des propositions de pur affichage, dans un esprit de combines politiciennes ?
Irrespectueuse de l’opposition, qui est là pour interroger et aiguillonner la majorité que nous sommes. Irrespectueuse pour notre assemblée et notre travail : nous ne serions ainsi pas capables de nous pencher sur un texte de loi et de trouver collectivement les moyens d’avancer dans l’intérêt général ? Irrespectueuse, enfin, pour nos agriculteurs, car ce sont les premiers en cause. Le rejet pur et simple de la proposition de loi serait vécu comme un camouflet, du mépris. Nous avons aussi un rôle à jouer dans la paix sociale.
Alors, étudions cette proposition de loi en détail et faisons notre travail de parlementaire.
De circonstance, ce texte l’est incontestablement.
Les articles 1 et 2 reviennent sur des dispositions qui existent déjà et n’apportent pas vraiment de plus-value ; par exemple, mettre en place une conférence annuelle des prix alors qu’il existe déjà un comité de suivi des négociations commerciales n’a pas d’intérêt.
L’article 7 propose d’aider le stockage des céréales. Je rappelle que la crise est d’abord une crise de l’élevage, et vous aurez du mal à me faire croire que les céréaliers sont en crise !
L’article 6 vise à réformer la déduction pour aléas – DPA –, alors que nous venons de le faire dans la dernière loi de finances. Si l’on change les lois avant même qu’elles ne s’appliquent, je ne suis pas certain que l’on gagne en clarté et en simplification !
Enfin, deux articles me semblent totalement inacceptables. L’article 8 propose de porter le seuil d’autorisation des ICPE, les installations classées pour la protection de l’environnement, à plus de 800 bovins – la ferme aux mille vaches, en quelque sorte ! On peut effectivement défendre l’idée de fermes usines, mais ce serait placer les agriculteurs sous le joug de la finance et des grandes entreprises et leur ôter la maîtrise de leur outil de travail.
Je sais que la profession y est globalement très opposée. Il peut exister des formes sociétaires, mais l’agriculteur ne doit pas devenir un simple tâcheron au service de la finance. Cet article est choquant pour l’ancien agriculteur que je suis !
Enfin, l’article 13 propose d’augmenter le taux de la taxe sur la valeur ajoutée – TVA – et de la contribution sociale généralisée – CSG. Alors là, je ne comprends pas : aux questions au Gouvernement, l’opposition n’a pas de mots assez durs pour fustiger l’importance des prélèvements obligatoires et le poids de l’impôt, qui serait selon elle confiscatoire ; et pourtant, elle envisage de les augmenter ! Vous auriez proposé d’augmenter l’impôt sur le revenu par l’instauration d’une taxe à 75 %, j’aurais encore pu comprendre, mais là, franchement, si je ne vous connaissais pas, je croirais qu’il s’agit d’une provocation !
Sourires.
J’ai tout de même trouvé des propositions intéressantes susceptibles de faire avancer le débat :…
…par exemple, le principe de non-cession des contrats laitiers ou, bien sûr, l’article 3. Nous essayons d’introduire depuis plusieurs années l’étiquetage obligatoire de l’origine des produits transformés ; cela fait un an que le Parlement européen a enjoint la Commission de proposer des mesures qui permettraient d’indiquer, dans l’étiquetage, l’origine de la viande utilisée. On nous a assez fait attendre ! Prenons les choses en main : cela fera bouger la Commission.
L’article 4 concerne le report des prêts, qui devient un droit.
Enfin, l’article 5 permet de constituer un « livret vert ». Les Français sont les champions du bas de laine : pourquoi pas un livret vert ?
Au final, cette proposition de loi présente certaines avancées et je suis prêt à en discuter avec vous. Toutefois, je regrette que ce texte ne propose aucune évolution du modèle, ni une montée en gamme, ni une augmentation de la valeur ajoutée, ni un changement d’image. Une partie du problème est pourtant là !
Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des affaires économiques, monsieur le rapporteur, chers collègues, cette proposition de loi est examinée par notre assemblée au moment où s’exprime la profonde colère d’une partie du monde agricole. Il nous faut être responsables dans nos expressions pour à la fois prendre en compte l’inquiétude, voire la détresse qui s’exprime chez un certain nombre d’agriculteurs, mais aussi être suffisamment réalistes dans ce qui est proposé pour ne pas donner de faux espoirs qui ajouteraient une forme de confusion à la situation actuelle.
La crise que traverse l’agriculture touche en particulier le secteur de l’élevage. Pour ce qui concerne la production laitière, elle était pratiquement annoncée depuis plusieurs années, à la suite de l’abandon volontaire de la régulation qui avait été mise en place. Les quotas laitiers avaient pourtant fait leurs preuves pendant presque trente ans en réussissant à créer un équilibre dans l’ensemble de la filière. Leur suppression, qui ne permet plus de maîtriser la production à l’échelle européenne, provoque un déséquilibre qui, comme souvent, touche avant tout le secteur de la production.
Quant à la production de viande, en particulier de porcs et de bovins, la baisse des prix est liée à des causes diverses : concurrence européenne, saturation de certains marchés, concentration de certains secteurs de la transformation et de la distribution, qui font porter sur les producteurs l’essentiel des conséquences néfastes de la situation.
Comme pour la production laitière, on constate l’absence d’une politique européenne qui conduirait à une régulation des différents marchés et à l’organisation de la production. C’est ainsi que là où l’on devrait privilégier une coopération entre les États membres, qui exige une harmonisation des systèmes sociaux et fiscaux, en particulier les pays qui ont le même système monétaire, on instaure au contraire un système de concurrence, qui, automatiquement, a tendance à affaiblir plutôt qu’à conforter et faire progresser.
Il faut donc, monsieur le ministre, que la France continue à se battre à l’échelle européenne, avec ses alliés, pour que cette nécessaire harmonisation, préalable indispensable à une véritable coopération, redonne du sens et un avenir au projet européen. Ce projet est aujourd’hui quelque peu fragilisé ; or l’on sait la dépendance que peuvent avoir l’agriculture et un certain nombre de productions envers l’Europe.
Je voudrais saluer, monsieur le ministre, l’action que vous avez menée au sein du Gouvernement pour faire face à cette crise qui touche depuis maintenant plusieurs mois le secteur de l’élevage et pour y apporter des solutions. Vous avez agi pour que les filières du lait, du porc et de la viande bovine puissent s’organiser, et pour faire en sorte qu’une forme de solidarité puisse s’appliquer dans la répartition des marges et de la valeur ajoutée, tout en vous plaçant « sur le fil du rasoir » afin de respecter les règles de la sacro-sainte concurrence libre et non faussée –…
…règles qui, malheureusement, sont souvent en contradiction avec les intérêts des producteurs.
Il faut donc en appeler à la responsabilité de chacun des acteurs de chaque filière pour que les engagements qui ont été pris soient respectés. La concentration de certains secteurs de la transformation et de la distribution aurait dû faciliter le respect de ces engagements, mais les sociétés qui en résultent ont plutôt tendance à utiliser le rapport de forces pour défendre leurs propres intérêts. Afin de soutenir les producteurs et de faire face à la crise, le Gouvernement a aussi pris des mesures de soutien qui, même si l’on en connaît les limites, aideront à traverser cette période difficile – à condition qu’elle ne se prolonge pas trop.
Il faut aussi rappeler l’adoption de la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt. Ce texte prend en considération la grande mutation qui touche de nombreux secteurs de notre économie ; bien entendu, l’agriculture est l’un des plus concernés. L’agroécologie, l’ancrage territorial, mais aussi les nouvelles démarches et les priorités contractuelles répondent à une approche structurelle tout en fixant un cap. Il convient que l’agriculture, dans sa diversité, s’inscrive dans cette démarche et utilise tous les moyens donnés par la législation. Pour cela, la mobilisation de tous les acteurs concernés est nécessaire ; les organisations professionnelles, quelles qu’elles soient, doivent en être les garants.
Alors, faut-il encore légiférer, monsieur le rapporteur ? Je n’en suis pas convaincu. Même si ce texte, d’origine sénatoriale, aborde un certain nombre de problèmes réels, il n’apporte pas forcément les bonnes réponses. Quelquefois, il complexifie même les choses ; il contient en outre un certain nombre de contradictions.
Ainsi, comment comprendre qu’alors que le courant de pensée auquel vous adhérez réclame en permanence une réduction importante de la dépense publique pour pouvoir diminuer les contributions fiscales, vous proposiez d’augmenter la CSG et la TVA pour financer des mesures sur l’efficacité desquelles on peut par ailleurs s’interroger ? De plus, certaines dispositions risqueraient de se heurter aux exigences européennes et d’autres sont plutôt du domaine réglementaire.
Au cours des dernières décennies, l’agriculture a su relever de multiples défis, en particulier celui de son organisation collective, avec les GAEC, groupements agricoles d’exploitation en commun, les CUMA, coopératives d’utilisation de matériel agricole, les coopératives, le mutualisme. Cette organisation lui a permis de maîtriser une partie de la production et de la transformation, mais pas la distribution, sauf dans le cadre de certains circuits courts ; elle ne maîtrise donc pas la valeur ajoutée qui s’y attache. C’est vers cette structuration qu’il faut continuer d’aller, en travaillant à partir de la notion de « contractualisation », qui doit garantir le respect de chaque acteur et de chaque maillon de chaque filière, en s’inspirant du principe du « gagnantgagnant » afin de privilégier le dialogue plutôt que le rapport de force.
Plutôt que d’une loi supplémentaire, nous aurions surtout besoin que les pouvoirs publics continuent de créer les conditions d’une telle démarche et trouvent les moyens de la mettre en oeuvre, dans l’intérêt d’une agriculture indispensable à l’économie de nos territoires.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des affaires économiques, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, ce texte est bienvenu : que nous parlions tous ensemble de l’agriculture de notre pays dans ces moments difficiles est une très bonne chose ; et que nous en parlions avec attention et respect, comme nous le faisons aujourd’hui, est encourageant.
Je ne reviendrai pas sur la situation physique et morale de nos compatriotes agriculteurs : nombre de mes collègues l’ont déjà évoquée. L’état de souffrance extrême dans lequel ils se trouvent, vous le connaissez, monsieur le ministre – c’est votre pain quotidien. Moi, contrairement à nombre d’entre vous, je n’ai pas à aller bien loin pour l’observer : il suffit que je regarde mon propre frère effectuer, avec trois ans de moins que moi, ses vingt heures de travail quotidien, pour gagner au final quelque chose qui est très loin de ressembler au SMIC. Pourtant, avec son troupeau de brebis laitières – ce n’est donc pas le secteur le plus touché aujourd’hui –, il a essayé de franchir tous les caps de la modernité, comme cela lui avait été demandé.
Pour ma part, monsieur le ministre, je ne vous accablerai pas. Et même s’il est difficile à un député de comprendre un ministre,
Sourires
je sais ce que vous essayez de faire. Il le faut, bien que ce soit presque impossible aujourd’hui.
Comme nous tous ici, je souhaite de tout mon coeur que cette crise n’aille pas trop loin, qu’elle ne soit pas la crise de trop. Notre pays est fragilisé, il doute de lui-même, à tous les niveaux, et se revoit profondément remis en cause, jusque dans son ADN même : son agriculture, sa capacité à nourrir sa population et à entretenir son territoire.
La réponse viendra peut-être à l’occasion de la prochaine élection présidentielle, si par bonheur certains des candidats s’engagent à sauver l’agriculture de France. Nous n’avons pas réussi à sauver notre industrie. Nous aurions pu imaginer que c’était là le fait d’un équilibre bien réfléchi : aux Allemands, aux Néerlandais, à nos frères du centre de l’Europe, l’industrie ; à la France, à l’Italie et à l’Espagne, l’agriculture. Pourtant, l’agriculture vit exactement le même processus que celui qui a conduit à la perte de l’industrie. La moitié des fermes qui nous restaient il y a encore dix ans ont disparu, et il serait trop douloureux de rappeler qu’il y en avait presque deux millions en 1970 !
C’est bien le candidat qui s’engagera à sauver l’agriculture qui pourra remporter l’élection présidentielle. Comme je le rappelais récemment à cette tribune à propos de la pêche, nous nous sommes laissés prendre par la construction européenne. Nous aurions dû continuer de défendre, comme nous l’avions fait au début, notre singularité. Aujourd’hui, nous n’avons plus les moyens de le faire. Le prochain Président de la République devra engager toutes ses forces pour faire tomber la bureaucratie, dont le poids s’est alourdi par couches successives, y compris en France.
Il faut enfin prendre en compte le fait que l’agriculture est une globalité : il ne s’agit pas uniquement de produire, mais aussi d’entretenir un territoire. Or celui-ci est aujourd’hui déstructuré par une réforme absurde, qui signifie la fin des communes, la fin de toutes les organisations territoriales.
Pour l’unité collective, pour nos compatriotes qui souffrent tant, je voterai ce texte, en espérant qu’il sera le prélude à la grande réflexion que nous devons avoir.
La modernité ne doit pas être un fléau, mais un progrès. Pour l’instant, hélas, ce n’est pas le cas.
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous examinons cette proposition de loi dans un contexte très difficile. Il y a le feu au lac ! Colères sociales, déclassement économique, exaspérations en tout genre, désespérances territoriales : les campagnes grondent, et elles ont raison, tant le désarroi de nos agriculteurs est profond.
Monsieur le ministre, nous assistions ensemble hier au congrès national de la filière bovine, dans l’Ain, à Bourg-en-Bresse. Vous y avez essuyé un réquisitoire sans précédent du président de la fédération de la filière bovine, qui vous a reproché tout à la fois la politique du Gouvernement, l’action de votre administration et surtout votre incapacité à réagir et à apporter des réponses concrètes. Fortement chahuté, vous avez même reçu de la part des Jeunes Agriculteurs, en guise de gâteau d’anniversaire, un « millefeuille administratif » pour dénoncer ce qu’ils vivent – notamment dans l’Ain.
Mais face à un tel désarroi, la seule réponse que vous et votre majorité apportez, c’est : « Circulez, il n’y a rien à voir ! ».
Chers collègues de la majorité, on a le droit d’être pour ou contre un texte, on peut même l’amender. Mais il y a une chose que vous n’avez pas le droit de faire, c’est de refuser le débat en votant une motion de rejet, manière de dire : « il n’y a pas d’impact. »
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Vous ne pouvez dénoncer – à juste titre – un Parlement croupion et refuser un débat, qu’il soit proposé par la majorité ou par l’opposition, simplement parce qu’un ministre vous le demande au motif qu’il a besoin d’avoir les mains libres pour prendre ses décrets ! Ce n’est pas cela, le rôle du Parlement !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe Les Républicains.
Le désarroi et l’incompréhension sont forts face à des prix toujours plus bas, face à un embargo russe qui n’a que trop duré, face à une Europe parfois « à côté de ses pompes » et à un couple franco-allemand brisé, face à des contraintes administratives et bureaucratiques toujours plus lourdes et à des normes environnementales toujours plus nombreuses !
Là encore, les contradictions sont là. Comment pouvez-vous dans le même temps soutenir l’agriculture de proximité et voter la loi NOTRe, qui casse l’économie de proximité et empêche les départements d’agir en octroyant des aides agricoles, ainsi que nous le faisons dans l’Ain pour défendre une agriculture de qualité, nos AOC et nos AOP ?
Dans notre département, l’agriculture, à la deuxième place régionale, dégage un chiffre d’affaires de 730 millions d’euros et représente plus de 8 000 emplois. La filière bovine viande se hisse à la première place des productions carnées, et sa part dans la production agricole atteint 10 %.
Oui, nous avons besoin de tous les niveaux – département, région, État, Europe – pour agir de concert. Il est temps de replacer la valeur travail au coeur de la politique agricole comme de nos autres politiques, et de comprendre que l’enjeu numéro un n’est plus le montant des subventions, mais un prix qui soit suffisamment rémunérateur pour compenser les coûts de production.
Cette proposition de loi porte précisément sur la question des prix, puisqu’il s’agit d’intégrer les coûts de production dans la contractualisation, sur la question des charges sociales, que le président de la FNSEA a reprise en demandant leur baisse massive, sur la traçabilité et l’étiquetage des origines. Nous regrettons que ces propositions soient tout simplement balayées d’un revers de main par le Gouvernement, alors qu’il s’agit d’enjeux essentiels : les prix, la baisse des charges, l’étiquetage sont autrement plus importants que le bien-être animal ou le ré-étalement de dettes, qui ne sont que des rustines sur des ballons crevés !
Oui, nous attendons le décret sur l’étiquetage ! Je veux vous citer les propos que tenait Benoît Hamon, alors ministre, au moment des débats sur le projet de loi relatif à la consommation : « Dans la situation actuelle, je le répète, l’adoption de ces amendements affaiblirait la position que Stéphane Le Foll et moi-même tenons depuis plusieurs mois, sur laquelle nous avons formé une coalition de plusieurs pays et qui fait de la France un pays en pointe sur la question de la traçabilité ».
Monsieur le ministre, où est cette coalition de plusieurs pays ?
Je vais vous expliquer !
Où est cette majorité que vous demandiez dès septembre 2013 ? Où sont les avancées ? Où est la France en Europe ? Elle a disparu, et l’étiquetage en est le symbole flagrant !
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
Il y a urgence à agir pour que la France retrouve sa place en Europe, celle d’un grand pays agricole...
…un pays écouté et respecté par ses partenaires. La PAC doit être réorientée vers davantage de soutien à la production. Il faut imposer le principe de réciprocité dans nos accords internationaux et refuser l’importation sur le territoire européen de tout produit agricole qui ne respecterait pas les normes et les contraintes que nous imposons à nos propres producteurs ! Oui, nous devons attaquer la concurrence déloyale ! Oui, nous devons mettre en place une TVA sociale pour protéger notre modèle agricole !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe Les Républicains.
Monsieur le ministre, utiliser l’argument du gage pour refuser le débat, c’est méconnaître le rôle du Parlement et les pouvoirs du Gouvernement. Vous avez tout loisir pour modifier votre gage, le lever ou le changer. Ne rentrez donc pas dans de faux débats pour refuser le vrai débat !
Il est grand temps de renouer un pacte entre l’Allemagne et la France. Notre modèle agricole est déjà à l’agonie, avec des femmes et des hommes déboussolés, des territoires en jachère. Notre indépendance et notre sécurité alimentaires sont en jeu.
Je préside une mission d’information sur l’avenir des filières d’élevage. Nous sommes au coeur d’une agriculture de qualité. Notre pays, c’est celui des éleveurs qui souffrent, mais qui ne se résignent pas ; une France impatiente, qui attend des actes concrets, et non de belles promesses sans lendemain. Nous voulons une France qui soit encore une terre agricole, une terre d’élevage, où le bon sens paysan finirait enfin par triompher !
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, nul ne peut aujourd’hui douter que la crise agricole a atteint son paroxysme.
Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains.
De nombreux agriculteurs ne peuvent plus vivre de leur activité ; ils se posent la question de leur avenir quand certains perdent de l’argent en maintenant leur production. Nous sommes tous conscients que des solutions doivent être mises en oeuvre pour sauver l’élevage, le secteur agroalimentaire français, nos emplois et nos territoires.
La proposition de loi sur laquelle nous nous penchons aujourd’hui a été proposée par nos collègues de l’opposition et votée fin 2015 au Sénat…
…, peu de temps après la mise en place du plan de soutien. Cette contribution n’apporte pas les solutions pérennes au sujet complexe que sont les difficultés des filières d’élevage.
Certaines propositions relèvent du domaine réglementaire ; d’autres mesures ont été votées dans le projet de loi de finances pour 2016.
D’autres encore, comme l’incessibilité des contrats laitiers, le seront après expertise juridique.
Il y a bien la demande récurrente d’une obligation d’étiquetage de l’origine des produits agricoles en France, réclamée ici même, par nous tous, comme l’a rappelé Damien Abad, depuis des années. Le ministre présentera la semaine prochaine un projet de décret en Conseil d’État pour étendre l’étiquetage de l’origine aux produits transformés. L’objectif est d’envoyer une notification à Bruxelles et de renégocier un règlement européen, puisque l’euro-compatibilité est nécessaire.
Avec la même intention, les parlementaires bretons ont interpellé le commissaire européen à l’agriculture sur trois grands enjeux : l’étiquetage, la levée de l’embargo russe et les distorsions de concurrence.
Je me suis également déplacée à Bruxelles, dans le cadre de la mission d’information sur l’avenir des filières d’élevage, dont je suis co-rapporteure avec Thierry Benoit.
Depuis 2012, le Gouvernement a pris de nombreuses mesures pour soutenir notre agriculture.
Je pense au budget de la PAC, aux aides d’urgence, aux outils qui permettront de s’adapter aux défis à venir, comme le verdissement de la PAC, la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, le CICE, le Pacte de responsabilité. La France a d’ailleurs joué un rôle majeur pour préserver le budget de la nouvelle PAC. Il faut laisser un peu de temps à la loi d’avenir, adoptée en octobre 2014 : l’agro-écologie devrait à terme permettre aux agriculteurs de maîtriser leur modèle de production, et par là même de préserver leurs gains de productivité.
Aujourd’hui plus que jamais, les agriculteurs demandent avant toute chose de vivre décemment de leur travail, grâce à des prix rémunérateurs. Ce n’est pas le cas actuellement pour les éleveurs porcins et bovins – viande et lait – en France et en Europe.
J’ai rencontré de nombreux agriculteurs et éleveurs à l’Assemblée, comme dans ma circonscription, autour de sujets très divers – autant de problèmes concrets, qui doivent être résolus ensemble. Les agriculteurs eux-mêmes détiennent une partie des solutions. Les politiques et les pouvoirs publics sont là pour les accompagner.
La structuration des filières est un véritable enjeu pour sauver les producteurs. Des initiatives existent et méritent d’être évoquées. En Bretagne, des éleveurs, principalement porcins, revendiquent le regroupement des organisations de producteurs pour peser face aux autres maillons de la filière. Cinq groupements de producteurs ont d’ailleurs décidé d’unir leurs forces pour bâtir ensemble une offre collective capable de valoriser au mieux la production de leurs adhérents.
Dans le lait, une association d’organisations de producteurs vient de se mettre en place. Elle nous a d’ailleurs conviés, Thierry Benoit et moi-même, à son premier conseil d’administration.
Cette nouvelle AOP – association d’organisations de producteurs – Grand Ouest réunit près de 4 200 exploitations qui pourront, ensemble, renforcer le poids des producteurs dans la filière laitière et mettre en place des outils de prévention et de gestion des crises pour pallier les effets de la volatilité des marchés. Elle attend, me semble-t-il, d’être agréée, monsieur le ministre, et d’être rejointe par d’autres organisations de producteurs dont les Coop, par exemple.
Toutefois, la guerre des prix continue entre les enseignes de la distribution depuis la fameuse loi LME – loi de modernisation de l’économie – de 2008. Or à cette guerre des prix, il faut aujourd’hui ajouter la guerre des promotions, qui servent certes à écouler, par les temps qui courent, la production trop importante, mais qui est destructrice de valeur ajoutée et donc dangereuse pour tous : au premier rang se trouvent les éleveurs.
En ce moment se déroulent les négociations commerciales pour 2016. Or rien ne semble changer dans le rapport de forces très déséquilibré entre des milliers de fournisseurs et seulement quatre centrales d’achat.
À quand une prise de conscience collective de cette situation ? En tant que co-rapporteurs de la mission en cours sur l’avenir des filières d’élevage, Thierry Benoit et moi-même écoutons beaucoup, et entendons ce que le monde agricole – et celui de l’élevage en particulier – ont à dire. Nous comprenons leurs attentes. Nous rendrons nos conclusions, les plus opérationnelles possibles, début mars. Nous espérons, monsieur le ministre, qu’elles seront prises en compte.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, on ne pouvait imaginer contexte plus funeste pour ce texte, préparé par nos collègues sénateurs, que nous sommes nombreux à avoir essayé d’enrichir afin de répondre rapidement à quelques-unes des préoccupations les plus urgentes de nos agriculteurs, qui les crient depuis plusieurs semaines dans nos villages, nos villes, sur nos autoroutes, partout en France. On ne pouvait, disais-je, concevoir un climat plus funeste pour vous voir rejeter en bloc, comme vous l’avez fait la semaine dernière en commission, et comme, je le crains, vous vous apprêtez à le faire ce matin en séance publique, toutes les mesures que nous vous proposons.
Votre porte-parole en commission nous l’a expliqué de manière constante, presque pavlovienne, la semaine dernière : les problèmes de nos agriculteurs dont nous nous faisons l’écho sont imaginaires, ou presque. Ils ne sont pas réels.
Par exemple, les dossiers d’installations classées pour la protection de l’environnement – ICPE – ne rencontrent aucune difficulté, il n’y a aucun trop-plein de charges sociales, ni aucun dérapage dans les relations avec la distribution. C’est sûrement parce que tout va bien que nos agriculteurs manifestent.
Second argument : nos propositions ne servent à rien, toutes les réformes attendues sont déjà engagées. Vous prétendez avoir fait le maximum pour améliorer la situation économique de l’agriculture. Vous avez expliqué à l’instant avoir commandité des rapports sur la diminution du nombre de normes et de règlements. Vous nous assurez avoir pris la juste mesure de la situation économique dramatique d’un grand nombre d’exploitations. C’est sûrement parce que vous avez réglé tous les problèmes que nos campagnes hurlent de désespérance. C’est aussi parce qu’il n’y a plus de problème qu’à leur sortie de l’Élysée, les responsables agricoles nationaux déclarent qu’aucune issue favorable n’est à entrevoir. Que dire de cette posture ? Que penser de ce mépris ? Comment expliquer un tel entêtement ?
Au-delà des excellents apports du texte de nos collègues sénateurs, le débat de ce matin a l’immense mérite de nous permettre de poser clairement les jalons d’une approche nouvelle pour notre agriculture. C’est votre conception même de l’agriculture qui est aujourd’hui profondément remise en cause et vous devez l’entendre : l’agriculture n’est pas une activité agro-environnementale.
Si.
Ils ne sont pas voués à entretenir notre environnement dans le cadre toujours plus strict des normes et réglementations environnementales que vous durcissez un peu plus chaque jour. Notre agriculture est une activité économique à part entière. Vous nous répondrez que le Gouvernement ne peut pas tout, qu’il ne fixe pas les prix. Nous l’entendons, et le déplorons, mais ce que les agriculteurs attendent du pouvoir politique que vous incarnez, ce sont deux préalables indispensables.
II vous faut tout d’abord restaurer d’urgence leur compétitivité face à des marchés nationaux, européens et mondiaux de plus en plus concurrentiels, où le surpoids de notre appareil normatif, social et réglementaire plombe d’emblée nos producteurs. Du producteur de lait de vache à l’éleveur de gibier, en passant par le maraîcher et le céréalier – je peux tous les citer –, c’est partout le même écueil : nos charges de production nous pénalisent irrémédiablement. Adapter les normes, faciliter les procédures, lâcher l’étau réglementaire et normatif et diminuer les charges sociales, c’est maintenant ! II vous faut aussi garantir aux produits des agriculteurs une zone de chalandise suffisante et stable : l’embargo russe, que nous vous avons demandé cent fois ici de reconsidérer, a étranglé nos exportations.
Le retard incompréhensible pris dans la question de l’étiquetage a également fait perdre pied à nos productions. Votre mollesse dans les discussions européennes fait douter un tissu agricole fragile. Nos agriculteurs veulent que vous les considériez comme des entrepreneurs et que vous engagiez avec eux un dialogue constructif, qui leur laisse entrevoir des solutions pérennes d’amélioration de leur rentabilité. Ils ne se satisferont pas de votre énième plan d’aide d’urgence, fait de montagnes de paperasses, destiné à différer des échéances bancaires, reporter des cotisations ou obtenir des avances de trésorerie. Ils savent que ces mesures que vous proposez pour les faire rentrer dans leurs fermes les enterrent à petit feu et les conduisent au pire.
Faut-il aller jusqu’à rappeler, ici, le nombre de drames qui se nouent chaque jour dans des exploitations où l’on met fin à ses jours ? Peser dans les décisions européennes, s’impliquer vraiment dans le débat du rapport entre le prix de vente au consommateur et la part de ce prix réservée au producteur, associer le monde agricole aux décisions géopolitiques qui le frappent, c’est maintenant !
La prise de conscience doit aller plus loin encore, si l’on veut que l’électrochoc ait des effets. À travers ce changement d’optique sur l’agriculture, c’est toute une vision du monde rural et de l’aménagement du territoire français qu’il faut aujourd’hui renverser. Arrêtons de considérer que la démographie est la seule grille de lecture. Vous l’avez fait pour tout depuis quatre ans : la dotation globale de fonctionnement des collectivités territoriales, les gendarmeries, les postes, le numérique. Résultat : les territoires les moins densément peuplés sont exsangues et vous leur jetez des miettes dans des plans d’aide successifs.
Ce n’est pas ce que nous voulons. À l’instar des agriculteurs qui sont les premiers acteurs de ces territoires, nous voulons que vous mettiez les moyens permettant d’assurer un essor économique. Nous voulons que cessent les diktats staliniens des DREAL – directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement – et autres polices de l’eau, de l’air, de la faune, de la flore,
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen
qui interdisent d’installer un artisan, un commerçant, une PME, de co-construire avec la profession agricole des zones d’activités, de redynamiser la démographie et de faire vivre ces territoires. Nous ne demandons rien d’autre aujourd’hui.
S’agissant enfin des évolutions sociétales, la souffrance des agriculteurs et du monde rural en général est décuplée par l’abîme que vous creusez entre eux : ils se débattent, sur leurs terroirs, entre vos annonces fracassantes, incantatoires et surtout mensongères sur la France moderne du très haut débit pour tous, des RTT pour tous, de l’emploi pour tous, de l’accessibilité pour tous.
Nous ne pouvons plus accepter que vous nous accusiez d’opposer les métropoles aux espaces interstitiels.
C’est à vous de prendre la mesure de la situation, à vous de réconcilier ces deux mondes, à vous de vous rendre compte que le plus bel atout de la France, aujourd’hui, est sa diversité et l’attachement qu’ont les agriculteurs et les ruraux à leurs lieux de vie. C’est pourquoi je ne comprends pas que vous rejetiez ce texte en bloc.
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, la compétitivité de notre agriculture et de la filière agroalimentaire est un enjeu important. Comme vous le savez tous, la France fait toujours partie des puissances agricoles de la planète – premier producteur et deuxième exportateur agricole de l’Union européenne, huitième producteur et quatrième exportateur agricole du monde –, en dépit d’une concurrence européenne et internationale qui s’accroît.
Il est donc important de légiférer en conservant, comme le disent certains, l’or que nous avons dans les mains : c’est un enjeu crucial pour préserver le dynamisme et la compétitivité de notre agriculture. En effet, fragilisée face à l’ambition de pays comme les États-Unis ou le Brésil et les difficultés avec la Russie dans un environnement non régulé, la compétitivité doit être au coeur des priorités nationales et guider nos choix politiques à venir.
Au-delà de nos atouts géographiques et fonciers, la force de notre agriculture repose sur nos politiques qui favorisent l’innovation, la recherche agronomique et la stabilité des prix, qui sont le socle de la puissance agricole française. C’est tout le sens des engagements du Président de la République, qui sont aussi les vôtres, monsieur le ministre. Aujourd’hui, conscients comme nous le sommes des difficultés rencontrées par ce secteur, nous savons qu’il est urgent de le soutenir et de faire des propositions. Mais attention, pas à n’importe quel prix !
Or ce texte, rédigé en quelques semaines entre les élections départementales et régionales, propose des réformes pour régler des problèmes de fond dont les causes sont structurelles, et non pas conjoncturelles. Rappelez-vous la crise de 2009 : vous étiez au pouvoir. À l’époque, vous n’avez réalisé aucune réforme en la matière ! Faire miroiter des mesures difficilement réalisables malgré de bonnes intentions n’est pas acceptable ! Il en est ainsi de la question du prix. Les libéraux que vous êtes semblent découvrir qu’il faudrait que la loi fixe le prix : via ce texte, vous essayez de modifier un état de fait par des propositions artificielles, qui vous donnent bonne conscience alors que le prix dépend, nous le savons tous, de l’économie de marché, du libre-échange et d’une concurrence non faussée.
Nous le savons tous : depuis longtemps, sur l’ensemble de la chaîne, c’est toujours le producteur qui, in fine, souffre le plus des stratégies de la grande distribution et des transformateurs pour une course aux prix les plus bas. Toutes les propositions tendant à améliorer le secteur d’activité agricole sont évidemment importantes, et je sais que des tables rondes organisées dans certaines circonscriptions, est ressortie la même problématique majeure : la compétitivité de notre agriculture. Ce n’est pas, à mon sens, cette proposition de loi, qui n’apporte aucune innovation sérieuse permettant de répondre à la crise traversée par le monde agricole, qui résoudra ce problème.
Je voudrais également relever les incohérences de votre proposition, comme le dispositif visant à permettre des allégements de charges sur le travail permanent agricole prévu à l’article 9. Vous le savez, la précédente majorité, « la vôtre », l’avait déjà adopté sans jamais le mettre en oeuvre, car ce dispositif n’est pas conforme au droit européen et n’a donc jamais été appliqué.
En revanche, les choix du Gouvernement en direction des filières agricoles et agroalimentaires et les efforts qui ont été réalisés en leur faveur, dans le cadre du Pacte de responsabilité, du CICE et des allégements supplémentaires consacrés depuis 2012 au secteur de la production agricole, ont bien visé à améliorer la compétitivité.
Toutefois, comme tout modèle, celui de l’agriculture s’essouffle, en raison notamment de la segmentation de son marché. Il faut donc répondre à la multiplicité des demandes des consommateurs et valoriser notre agriculture. C’est le cas notamment avec les labellisations, qui renvoient une image très positive de chaque filière aux consommateurs et permettent à nos producteurs de revaloriser leurs prix.
Je déplore également que la proposition de loi n’évoque pas le plan de soutien à l’élevage proposé par le ministre.
Chers collègues, sans parler du contexte dans lequel cette proposition de loi a été préparée, comment ne pas voir que ce texte, que vous nous présentez comme la solution à tous les problèmes, ne fait que remettre en cause certaines des mesures prises depuis 2012, tout en faisant dans la surenchère s’agissant des dispositifs que nous avons adoptés dans les lois de finances 2015 ? C’est pourquoi, vous l’aurez compris, je voterai contre ce texte.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, chers collègues, je voudrais évoquer, dans cette discussion générale, la nécessité absolue d’adopter la proposition de loi que nous étudions aujourd’hui.
Monsieur le ministre, j’ai dénoncé à plusieurs reprises l’insuffisance du volet économique dans les différentes mesures que vous avez proposées depuis trois ans. Vous nous avez souvent accusés, à tort, de nous opposer sans apporter de propositions. Or, dois-je vous rappeler le nombre d’amendements que nous avons déposés sur le projet de loi d’avenir pour l’agriculture, sur les différentes lois de finances ou même sur le projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages ? Aujourd’hui, avec ce texte, nous apportons des réponses précises et souhaitées par le monde agricole qui n’en peut plus, se bat chaque jour pour préserver son activité et a le sentiment d’être oublié des politiques publiques.
Nous ne comprendrions pas, et les agriculteurs ne comprendraient pas non plus, que vous rejetiez cette proposition de loi qui répond à une grande partie de leurs souhaits, au motif qu’elle viendrait des Républicains : cela n’aurait pas de sens dans une conjoncture si difficile pour nos agriculteurs.
Depuis le début de mon engagement parlementaire, j’ai souvent dénoncé le fait qu’on néglige la soutenabilité économique des exigences que l’on impose aux agriculteurs.
Aujourd’hui, notre agriculture traverse une crise majeure : 30 000 exploitations sont au bord du gouffre, 80 000 emplois sont directement menacés et rien n’est réglé sur le fond ! Or, l’avenir de nombreux territoires ruraux est largement dépendant des productions animales. Nos filières demandent légitimement à pouvoir défendre leurs parts de marché dans les mêmes conditions que leurs collègues du reste de l’Europe, pour leurs filières, d’abord, mais aussi pour eux-mêmes. Les trésoreries sont à sec, les traites impossibles à honorer, et cette population continue de travailler encore et encore…
Les règles européennes qui régissent la concurrence ont été pensées pour l’industrie. Elles doivent être adaptées à l’agriculture, dont les marchés sont tellement différenciés. Par exemple, vous nous répétez que la traçabilité des produits transformés est impossible en raison de l’opposition de la Commission européenne. C’est pourtant un enjeu économique et citoyen. C’est le leadership de la France qui est ici directement mis en cause. L’influence de la France dans l’Union européenne s’est affaiblie, ainsi qu’en atteste un récent rapport parlementaire. C’est inquiétant.
On en arrive à des situations ubuesques : des producteurs de porcs ou d’endives ont été condamnés parce qu’ils réclamaient un prix minimum de vente. Que l’on empêche l’entente illicite, c’est normal, mais condamner des petits producteurs qui se battent pour des prix plus justement rémunérateurs, c’est une honte, c’est révoltant.
Nos agriculteurs sont des entrepreneurs et, à ce titre, ils sont aussi victimes des maux qui touchent toutes nos entreprises : des charges trop élevées, des contrôles de plus en plus stricts, des normes excessives. Les filières et les exploitations agricoles sont confrontées à une inflation normative toujours plus importante depuis une trentaine d’années. Cette inflation résulte aussi bien de normes et de réglementations nationales que de la surtransposition de directives européennes par les autorités françaises. La moitié de la production normative européenne se concentre sur le secteur agricole.
De plus, les agriculteurs ont le sentiment d’être stigmatisés. Tout fait polémique à leur détriment : la question des antibiotiques, les produits phytosanitaires, certains élevages, comme celui des porcs, ou encore le statut de l’animal. Or, par des pratiques vertueuses, ils adaptent quotidiennement leur métier aux attentes d’une société plus soucieuse que jamais, comme ils le sont eux-mêmes, du respect de l’environnement.
Chers collègues, il faut dès à présent jeter les bases d’un nouveau système de construction des prix dans les filières les plus exposées, en y associant l’ensemble des acteurs économiques.
Cette proposition de loi est pragmatique. En instituant de meilleures règles du jeu entre acteurs des filières agricoles et alimentaires, en facilitant l’investissement et la gestion des risques dans les exploitations, ou encore à travers l’allégement des contraintes qui pèsent sur nos producteurs, nous voulons permettre à la France de regagner son rang de première puissance agricole en Europe, qu’elle occupait il y a dix ans encore.
Chers collègues, nous avons le devoir de défendre l’agriculture de notre pays et d’encourager et de protéger ceux qui travaillent la terre. C’est fondamental, car il y va de notre autonomie alimentaire. Protéger le producteur, c’est protéger le consommateur.
Chers collègues, nous avons le devoir, pour nos agriculteurs, de voter en faveur de cette proposition de loi.
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Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous sommes réunis ce matin pour débattre d’un sujet qui nous concerne tous, l’agriculture, qui, comme souvent, se trouve à la croisée des chemins et des opinions. D’un côté, personne ne nie le malaise actuel d’une partie de la profession – je dis bien une partie de la profession. J’y reviendrai. De l’autre côté, l’indicateur de solvabilité alimentaire de la France, dévoilé fin janvier par l’agence de notation agricole Momagri, est excellent, puisque notre pays hérite d’un triple A, soit la meilleure évaluation possible. Cette notation objective nous conforte dans l’idée que la politique agricole menée par le gouvernement actuel est efficace…
Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
…et que nous pouvons et devons avoir confiance dans l’avenir de la profession. En effet, l’indicateur de solvabilité alimentaire détermine non seulement le niveau de puissance agricole d’un État, et donc sa capacité à satisfaire au quotidien sa sécurité alimentaire intérieure, mais également le potentiel de croissance de ses actifs.
Ces deux réalités engagent deux visions et deux manières opposées de traiter une question qui, au lieu de nous diviser, mes chers collègues, devrait nous rassembler. On peut choisir de se focaliser sur ce qui va mal : c’est ce que fait cette proposition de loi court-termiste
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qui prétend régler les difficultés par un arsenal de mesures, soit – je ne m’attarderai pas sur ce premier point, d’autres collègues l’ayant abordé – inapplicables au regard du droit de la concurrence européen …
…soit inconstitutionnelles – je pense à la proposition de refonte du système des installations classées pour la protection de l’environnement, les ICPE, qui relève de la compétence réglementaire –, soit déjà prises et entrées en vigueur dans le cadre de la loi d’avenir agricole ou, plus récemment, du projet de loi de finances rectificative pour 2015 et de la réforme de la DPA, travail réalisé par notre collègue François André, dont je tiens à souligner la pertinence et la qualité.
On peut également choisir d’aller de l’avant et de considérer objectivement ce qui va bien, sans pour autant, cela va de soi, passer sous silence les difficultés. Si celles-ci sont réelles, elles ne concernent pas, tant s’en faut, toute la profession. Je vous rappelle qu’en 2014, la balance commerciale agricole et agroalimentaire est restée largement positive, à 9,2 milliards d’euros. En outre, il convient de souligner la réactivité du ministre de l’agriculture et de rappeler les mesures qu’il a adoptées depuis l’été pour gérer la crise de l’élevage. Souvenons-nous, mes chers collègues, qu’en 2008, lors de la crise du lait, il avait fallu un an pour que les premières aides soient versées. Aujourd’hui, alors que le plan de soutien à l’élevage a été décidé en juin et révisé en septembre, 23 000 dossiers sur les 40 000 déposés dans les cellules d’urgence depuis le début de l’année ont d’ores et déjà été traités, et une première vague d’aides a été versée à 10 000 éleveurs en décembre.
Mes chers collègues, c’est parce que, pendant des décennies, nous n’avons pas accompli le travail structurel qui s’imposait – partage de la valeur ajoutée, équilibre et solidarité dans les filières, non remplacement des quotas laitiers par d’autres outils de régulation – que nous subissons aujourd’hui des crises conjoncturelles successives. Les responsabilités sont partagées entre organisations professionnelles agricoles, syndicats, politiques, coopératives, industriels, pour ne citer que ceux-ci.
Consciente de ces défaillances, la majorité gouvernementale actuelle s’est lancée dès 2012 dans des réformes de fond. Elles ont comme point commun de s’appuyer sur une large concertation des parties prenantes et une volonté de dialogue avec la profession. Cette confiance dans les ressources du monde agricole est sans doute ce qui différencie la gauche de la droite. Je m’explique et, pour cela, je quitte un moment mon habit de député pour endosser le bleu de travail de l’exploitant agricole que j’étais encore récemment.
Nous, agriculteurs, ne voulons pas être assistés mais souhaitons simplement vivre de notre métier et de notre passion, grâce à des prix rémunérateurs…
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains
Nous sommes d’accord, c’est l’objet du chapitre Ier de la proposition de loi !
…et être pris en considération lorsque se décident les évolutions qui nous concernent. De fait, l’agroécologie, que Stéphane Le Foll porte au quotidien – et je tiens à l’en remercier – est la formalisation de ce que nous expérimentons dans nos territoires et nos exploitations depuis des années. Je pense par exemple au réseau « Sentinelles de la terre », dans ma circonscription, mis en place par la coopérative Terrena, qui rassemble des agriculteurs volontaires pour tester, dans leurs exploitations, des technologies et des méthodes qui optimisent non seulement les rendements, mais aussi les résultats d’exploitation, tout en préservant l’environnement. Les agriculteurs engagés dans des pratiques innovantes et durables sont sans cesse plus nombreux, encouragés en cela par le Gouvernement : depuis la promulgation de la loi d’avenir, plus de 220 groupements d’intérêt économique et environnemental, les GIEE, ont été reconnus et plus de 7 000 groupements agricoles d’exploitation en commun, les GAEC, ont été créés. Cet appui sur les ressources existantes a également été constaté à l’occasion des concertations menées sur l’enseignement agricole. Le « produire autrement » est promu aujourd’hui dans l’une des neuf solutions – Alimentation intelligente – de la Nouvelle France industrielle.
Cette dernière me semble, par ailleurs, témoigner de la volonté gouvernementale partagée – puisque ce plan émane du ministère de l’économie – d’inscrire pleinement l’agriculture dans l’avenir de notre pays.
Mes chers collègues, ne nous trompons pas : cette proposition de loi de circonstance…
…se contente de palliatifs court-termistes, voire démodés et viendrait conforter un modèle d’agriculture dont nous ne connaissons que trop – écoutez, mes chers collègues – les conséquences désastreuses.
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Oui, nous sommes pour la compétitivité, mais une compétitivité fondée sur la diversité des systèmes, la richesse des expériences locales…
…et non pas sur une course mortifère aux volumes et à l’agrandissement des exploitations.
En votant cette motion de rejet, c’est une agriculture d’avenir que nous défendons, respectueuse des hommes et de l’environnement. Mes chers collègues…
Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Vous avez entendu le témoignage d’un député paysan, éleveur laitier et porcin bio…
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains ; applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Merci, monsieur Daniel. Madame Vautrin, je vous rappelle que j’ai laissé du temps aux autres orateurs.
Monsieur Le Fur, faisant preuve de beaucoup de délicatesse, est venu m’en remercier à l’instant.
La discussion générale est close.
La parole est à M. le ministre.
Mesdames, messieurs les députés, j’ai abordé ce débat avec le souci de répondre aux demandes et à la souffrance des agriculteurs. Cela ne peut faire l’objet de discussions : on ne saurait opposer ceux qui prendraient la mesure de cette souffrance à ceux qui ne la percevraient pas. Chacun, ici, a parfaitement conscience de la situation.
Oui, mais il y a ceux qui en tirent les conséquences et ceux qui ne le font pas !
Je veux tout d’abord répondre à M. Abad au sujet de l’étiquetage des produits alimentaires. Je me souviens du débat qui a eu lieu sur cette question en 2011 : au Parlement européen, le groupe du parti populaire européen, le PPE, – auquel votre parti, Les Républicains, appartient – a voté contre la traçabilité de l’étiquetage – si mes souvenirs sont exacts, la rapporteure était alors allemande. Les mesures en cause ne sont donc pas décidées par l’Europe, considérée abstraitement : elles résultent de choix politiques, que l’on assume ou que l’on corrige. Il est important d’être précis ; on ne peut pas donner de leçons à cette tribune quand on connaît les décisions qui ont été prises.
De la même manière, je l’ai dit, sous la présidence française de 2008, des questions essentielles ont été débattues. Je pense à la suppression des droits de plantation de vignes, que l’on a restaurés, ou aux droits à produire et aux quotas laitiers, qui constituent actuellement un enjeu important. Je souhaite donc que l’on soit honnête et sincère lorsqu’on évoque le débat européen. Si l’on veut faire bouger l’Europe, il faut savoir sur quel sujet on s’y emploie !
Certains l’ont fait évoluer il y a quelques années dans un sens, ce qui nous conduit aujourd’hui à apporter des corrections. J’ai déposé un mémorandum sur les quotas laitiers pour disposer d’un « post-quotas », pour essayer de mieux réguler la production laitière. J’ai fait des propositions sur les questions porcines et bovines. Je souhaite que, dans ce débat européen, on ne se renvoie pas simplement la balle en disant qu’il suffit d’aller à Bruxelles.
Au préalable, il faut que l’on soit tous d’accord sur les objectifs politiques que l’on poursuit.
Par ailleurs, vous avez évoqué des mesures qui ne suscitent aucun désaccord.
« Pourquoi ne les votez-vous pas ? » sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.
Je vous invite au calme, mesdames, messieurs du groupe Les Républicains.
S’agissant des contrats laitiers, je vous le dis très simplement : il n’existait pas de cessibilité des quotas laitiers, il ne doit pas exister de cessibilité des contrats laitiers. Par ailleurs, j’observe que ce sujet relève du domaine réglementaire. Je soutiens les mesures que le Sénat a adoptées en ce sens et que vous défendez, mais nous devons nous mettre d’accord sur la rédaction qui permettra d’éviter que des contrats négociés entre les agriculteurs et les industries laitières soient ensuite marchandisés.
Ces dispositions, sur lesquelles il me semble que l’on est d’accord, doivent faire l’objet d’un décret. Je vous ai proposé d’en discuter dans le cadre de la commission des affaires économiques : je ne puis dire mieux.
S’agissant des ICPE, et en ce qui concerne en particulier les viandes bovines, les propositions sont simples.
Jusqu’à 400 bovins s’applique le régime de la déclaration ; de 400 à 800 bovins, il faut procéder à un enregistrement ; au-delà de 800 bovins, une autorisation sera nécessaire. Les choses sont claires. Ce que l’on a fait pour le porc et la volaille, on le fera pour l’élevage bovin. Cela nécessite-t-il une mesure législative ? Non. Cela doit-il être discuté ? Oui. Je suis parfaitement d’accord avec vous ! Il suffit simplement que l’on travaille et que l’on se mette en ordre.
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
À ce propos, je voudrais signaler une petite erreur dans ce qui a été écrit par le Sénat au sujet des ICPE : l’objectif consistant à éviter la surtransposition en renvoyant à une annexe de la directive-cadre, en particulier sur l’eau, aboutit à un résultat plus contraignant : c’est ce que l’on appelle la clause filet.
Je vous déconseille de mettre en place une clause filet pour les ICPE, car ce sera plus contraignant et normatif que le dispositif que nous proposons, lequel, grâce à l’enregistrement, donne aux préfets la possibilité d’ajuster les mesures aux objectifs environnementaux. C’est mieux, c’est plus simple et ça va plus vite.
Puisque nous sommes tous d’accord sur ce point, il suffit d’aller dans ce sens. C’est pourquoi je vous propose, une fois encore, un travail en commun.
J’en viens à la question de l’embargo russe. Je me suis rendu en Russie. Je rappelle que la négociation européenne avec la Russie est conduite par l’Europe.
L’Europe n’est pas désincarnée ! Qui, en Europe, conduit la négociation ?
Il est faux de dire qu’elle se déroule de façon bilatérale, d’État à État. Cependant, dans le mémorandum que j’ai déposé, il est clairement demandé que l’Europe renégocie en particulier la levée de l’embargo sanitaire qui avait été mis en place en février 2014, avant même d’ailleurs les sanctions liées aux problèmes diplomatiques entre la Russie et l’Ukraine.
Sur ce point, nous sommes donc totalement d’accord, et il faut que nous soyons capables d’avancer.
Il y a toutefois une divergence sur une question de fond : dans cette proposition de loi sont inscrites des baisses de charges, des baisses de cotisations importantes dont l’impact n’est pas évalué. Elles représentent plusieurs centaines de millions d’euros – mais cela ne fait pas avancer le débat – et sont gagées sur des augmentations de CSG et de TVA que vous n’avez pas détaillées ; je ne sais d’ailleurs pas à qui vous laissez le soin de le faire. Comment peut-on discuter d’une proposition de loi qui, sur un sujet aussi essentiel que la hausse d’impôts, n’apporte aucune précision de cet ordre ?
En outre, l’application des baisses que vous avez proposées est ciblée sur le secteur agricole.
Ce ne sont pas des règlements que j’ai négociés en personne : les aides ciblées par secteur sont contraires aux règles de concurrence et à l’organisation du marché à l’échelle européenne, car elles sont considérées comme des aides d’État.
Sur le fond, je ne vois donc pas pourquoi nous discuterions de ce sujet ; la proposition doit être revue dans sa totalité.
Il faut s’interroger sur le moyen de parvenir à baisser les cotisations, et débattre en particulier du CICE, qui a été évoqué à de nombreuses reprises, et qu’il conviendrait de faire évoluer de façon que les professions indépendantes en bénéficient sous forme d’allégements de cotisations.
C’est une piste, mais ce n’est pas du tout ce qui est proposé dans votre texte. Je suis dans un état d’esprit tout à fait constructif, et je ne donne de leçon à personne. Je viens de faire précisément le point sur les propositions qui pouvaient être reprises et sur celles qui n’étaient pas acceptables. C’est sur ces bases que nous devons trouver les moyens à inscrire dans le décret, en particulier concernant l’étiquetage. Ce texte, non pas législatif mais réglementaire, sera proposé à la commission des affaires économiques. Il aura à répondre également à la question de la traçabilité des produits, une exigence à laquelle nous tenons autant que vous.
Permettez-moi de faire un petit rappel au sujet de la signature Viandes de France. Jusqu’en 2013, les logos étaient dispersés entre la viande porcine de France, la viande bovine de France et d’autres encore ; nous avons réorganisé le système d’étiquetage, et cela fonctionne aujourd’hui. Cette signature a été présentée au Salon de l’agriculture par l’interprofession en 2014.
Reconnaissez que cela vient de l’interprofession ; vous n’y êtes pour rien !
On commence à la voir sur les étiquettes dans les supermarchés. Le Salon de l’agriculture sera l’occasion à nouveau de renforcer cette démarche. Nous sommes parfaitement cohérents, et parfaitement d’accord pour que la production française soit identifiable par le consommateur. Je rappelle l’engagement que Benoît Hamon et moi-même avions pris, M. Abad l’a évoqué. Je vous ai expliqué pourquoi les négociations à l’échelle européenne avaient été interrompues à l’époque où nous avions engagé le débat : pour un certain nombre de pays, en particulier l’Allemagne, l’origine du produit était le lieu d’abattage. Or, la France est un pays où les animaux abattus sont nés et ont été engraissés sur place, à l’inverse d’autres pays qui achètent des porcelets à l’extérieur de leurs frontières pour les engraisser et les abattre chez eux. Pour notre part, nous avons une filière entière à défendre.
Tel est le message que je voulais faire passer ce matin.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Dans ce texte, nous évoquons à de nombreuses reprises la concurrence entre le décret et la loi concernant l’étiquetage. Notre proposition est très concrète : l’étiquetage doit comprendre les différents éléments que sont la naissance, l’élevage, l’abattage et la transformation. Il se trouve que je me suis procuré le fameux projet de décret dont il est question. Vous pourriez d’ailleurs le distribuer à l’ensemble de nos collègues, monsieur le ministre, cela permettrait d’éclairer le débat. Tel est l’objet de mon rappel au règlement : pour opposer un décret à une proposition de loi, il faut en distribuer le texte.
J’ai entre les mains le brouillon de ce décret. Or il n’évoque absolument pas le critère de l’origine, c’est-à-dire né, élevé, abattu, transformé, et vous le savez très bien, monsieur le ministre !
C’est faux, monsieur Le Fur ! Il n’y a pas de brouillon !
Faites distribuer ce décret à l’ensemble de nos collègues ! Ils constateront que vous ne définissez pas l’origine des produits, ce qui pose problème.
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Monsieur Le Fur, si vous êtes honnête, vous distribuerez ce document. Sachez toutefois que j’en conteste l’origine, tout comme je conteste l’idée qu’il y aurait un brouillon de décret. Ce décret sera finalisé la semaine prochaine…
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains
Il y a donc bien un texte !
Laissez-moi terminer, monsieur Le Fur ! Nous discutons avec la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes pour inclure la production laitière. Je me suis engagé à le présenter devant la commission des affaires économiques. Monsieur Le Fur, employer ce genre de méthode au cours d’un débat sérieux n’est pas acceptable !
Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Mes chers collègues, je vous demande de garder votre calme. Monsieur Le Fur, s’il vous plaît !
La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires économiques.
Nous devons nous garder de toute caricature, et c’est ce que nous avons fait au cours des travaux en commission. Personne n’a dit, ni en commission ni en séance, que tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes ; jamais personne ne l’a prétendu.
Nous avons débattu de ce texte plus de trois heures en commission. M. le rapporteur a fait le travail qui lui était dévolu. La parole a été donnée à tous les députés présents qui souhaitaient s’exprimer.
Puis la majorité a rejeté le texte. Nous discutons donc aujourd’hui de la proposition de M. le ministre, qui, tout à l’heure à la tribune, a évoqué la possibilité de se présenter devant la commission des affaires économiques,…
Permettez-moi de terminer mon propos, cher collègue ! Il a proposé, disais-je, d’associer tous les parlementaires qui y siègent pour avancer sur les sujets pour lesquels nous avons un intérêt commun. Si nous acceptons la proposition du ministre, les dispositions que nous mettrons au point avec lui seront appliquées beaucoup plus vite que ne le serait une proposition de loi. Celle que vous proposez présente en outre un risque d’inconstitutionnalité et est incompatible avec les normes européennes.
Par ailleurs, les rapporteurs de la mission d’information sur l’avenir des filières d’élevage, qui se sont exprimés, devraient présenter leurs propositions au mois de mars.
Tous ces éléments nous permettront très rapidement, dans les semaines qui viennent, de trouver des solutions aux problèmes posés.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
J’ai reçu de M. Bruno Le Roux et des membres du groupe socialiste, républicain et citoyen une motion de rejet préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 10, du règlement.
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
La parole est à M. Yves Blein. Veuillez laisser l’orateur s’exprimer, chers collègues du groupe Les Républicains ; vous pourrez prendre la parole au moment des explications de vote sur la motion.
Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, aimer l’agriculture française, ceux qui font vivre notre terre avec amour,…
… celles et ceux qui font germer le blé ou qui élèvent les animaux qui nous nourrissent, ceux qui cueillent et qui labourent, soutenir les agriculteurs, leurs produits,…
C’est une oraison funèbre à l’agriculture que vous prononcez !
Aimer l’agriculture française, mes chers collègues, ce ne peut être tromper ou tenter de tromper les agriculteurs.
À un moment de crise aiguë, alors que bien des paysans et des entrepreneurs ne savent pas de quoi demain sera fait, ce sujet mérite d’être traité avec sérieux et gravité.
Le diagnostic, nous l’avons déjà dit et répété, est partagé. Notre agriculture est confrontée à trois crises d’origine différente qui appellent des réponses différentes. La crise de l’élevage, tout d’abord, en particulier de la filière porcine, du fait de la saturation du marché européen, aggravée par l’embargo russe, se combine à celle de la filière laitière, provoquée par des prix exagérément bas résultant de la dérégulation voulue par la loi de modernisation de l’économie adoptée par la précédente majorité et de la malheureuse suppression, acceptée, des quotas.
Une seconde crise, structurelle, sur fond de crise mondiale, s’ajoute aux effets conjoncturels que je viens de décrire : structure des coûts de revient, insuffisamment pris en compte, répartition inéquitable de la chaîne de valeur liée à des rapports de force qui ne s’exercent pas par le fait d’un trop grand émiettement des acteurs, en particulier du côté de la production. À cet égard, je remercie le précédent ministre de l’agriculture d’avoir mis en place la contractualisation individuelle, qui affaiblit considérablement la pression que les agriculteurs devraient pouvoir exercer collectivement sur les acteurs de l’aval.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Quand M. Bruno Le Maire, auteur de ces dispositions catastrophiques, claironne que l’agriculture se meurt, il devrait d’abord se demander qui en est le fossoyeur !
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Ce que nous proposons, c’est une deuxième étape de la contractualisation !
Une troisième crise, sanitaire, aviaire et climatique, compte tenu d’un épisode de sécheresse exceptionnel, se superpose aux deux précédentes. Tous ces sujets lourds, conjoncturels comme structurels, non pas les uns après les autres, mais simultanément, de front, sont traités par le Gouvernement et la majorité.
C’est de volonté, de combativité, d’opiniâtreté que notre agriculture a besoin,…
… et non pas d’un énième texte de loi qui, s’il était adopté, ne réglerait rien, mettrait des mois à produire ses effets, brouillerait les exigences que nous formulons auprès de Bruxelles, ajouterait de nouvelles réglementations et, cerise sur le gâteau, augmenterait les impôts des Français.
Venant de ceux qui, dans cet hémicycle, ne cessent de dénoncer le « matraquage fiscal » et réclament à cor et à cri moins d’impôts, il s’agit non pas d’une simple contradiction, mais d’un reniement pur et simple.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La crise de l’élevage, cette majorité la traite : le ministre Stéphane Le Foll a annoncé un plan de soutien le 22 juillet dernier, puis le 3 septembre et le 26 janvier.
Près de 800 millions d’euros sont investis par la nation pour aider les éleveurs au travers d’allégements de charges et d’allégements de cotisations, notamment celles de la MSA, la mutualité sociale agricole.
Au total, depuis 2012, CICE, allégements de charges et C3S – contribution sociale de solidarité des sociétés – ont représenté pour l’ensemble du monde agricole 4 milliards d’euros par an de baisses de charges, l’équivalent du budget du ministère de l’agriculture. Ce n’est peut-être pas suffisant, mais ce n’est pas rien : c’est même déjà considérable. Cela donne la mesure du besoin et du chemin parcouru.
Les crises sectorielles sont traitées : 130 millions d’euros de crédits permettront de compenser les pertes de revenus des éleveurs touchés par la grippe aviaire dans le Sud-Ouest et 35 millions d’euros doivent indemniser les éleveurs et marchands de bestiaux touchés par la fièvre catarrhale ovine.
Les sujets structurels sont traités ; tous, bien sûr, ne sont pas résolus, mais ce n’est sans aucun doute pas par le retour à l’économie administrée que cette proposition de loi réclame qu’ils se régleront.
Croyez-vous sincèrement que la question des prix, bien entendu trop bas aujourd’hui, se réglera comme vous le laissez entendre par une forme de définition administrée alors que vous-mêmes, chers collègues du groupe Les Républicains, les avez dérégulés massivement dans le passé et avez conduit une réforme de la PAC qui a notamment supprimé les quotas laitiers, lesquels contribuaient à la régulation du prix du lait ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Nous avons répondu à la question de la structuration des coûts par de multiples initiatives. Nous agissons sur le coût de l’énergie, sur la contractualisation pour mieux répartir la chaîne de valeur entre les différents acteurs, sur la transparence des contrats, notamment pour que les prix de revient à la production figurent comme tels dans les contrats entre industriels, transformateurs et distributeurs.
C’est ce qui est fait au travers de la mise en place de labels pour promouvoir l’origine France. Nous savons que celle-ci est appréciée de nos compatriotes, qui choisissent des produits français quand la possibilité leur en est offerte.
Le ministre de l’agriculture a annoncé qu’il prendrait un décret en ce sens pour consolider cette signature et faire en sorte qu’elle recouvre tous les produits, sur toute la chaîne, nés, élevés, abattus, transformés en France ; et je ne parle pas d’un prétendu brouillon, monsieur Le Fur.
Alors pourquoi vouloir adopter une loi alors qu’un décret notifié à Bruxelles est sur le point d’être publié et sera immédiatement efficace ? Quelle serait l’utilité de cette nouvelle loi, si ce n’est d’offrir à nos interlocuteurs une occasion de différer ou de repousser leur réponse à notre légitime demande ?
La simplification, nécessité absolue, est engagée grâce à l’assouplissement et la simplification de la DPA, la simplification du forfait agricole, l’allégement du régime des ICPE et la simplification des études d’impact. Certes, il faut simplifier plus encore, mais cela suppose-t-il le vote d’une nouvelle loi ? À l’évidence non, vous le savez bien, chers collègues de l’opposition ! Par nature, la loi génère du règlement et accroît donc la complexité. Pourquoi accroître la complexité ? Pourquoi allonger les délais ? Pourquoi ajouter des risques juridiques évidents ? Pourquoi, sinon pour proclamer ici, à la tribune de notre assemblée, le soutien d’une partie de la représentation nationale aux agriculteurs ?
Mais ce soutien, nous le revendiquons tous !
Certains en témoignent par l’action, conscients et soucieux de la gravité de la situation qui interdit d’attendre. D’autres le font par la gesticulation. Vous aurez compris que telle n’est pas la voie choisie par la majorité, car telle n’est la demande de nos agriculteurs. Derrière les bonnes intentions de votre texte se cache pour eux l’enfer réglementaire.
Vous proposez en effet dès l’article 1er d’introduire des critères d’élaboration des coûts de production. À des agriculteurs qui réclament justement moins de règles et moins de paperasse, vous demanderez demain d’isoler dans la production d’un litre de lait le coût de l’élevage de la vache, celui de l’entretien de l’herbage, le montant des amortissements des bâtiments de stabulation ou de traite, celui des amortissements des installations mécanisées, le coût du temps de main-d’oeuvre nécessaire et l’impact sur la productivité des aléas climatiques ou de la région de production ? Et cela dans chaque filière agricole et pour chaque produit auxquels devront correspondre des critères susceptibles d’être croisés, cumulatifs, facultatifs ou impératifs ?
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Heureusement que les agriculteurs savent tout cela ! Ces propos sont scandaleux !
Il existe des chemins plus courts que celui que vous proposez, et certainement moins tortueux !
S’il est une chose dont les agriculteurs n’ont pas besoin, ce sont de nouvelles usines à gaz telles que celle que vous proposez. J’ai bien noté que la mention des coûts de revient dans tous les contrats sera prévue par la loi Sapin 2, annoncée au printemps, et préalablement débattue en commission des affaires économiques.
Vos bonnes intentions sont vouées à un échec certain, et vous en avez fait vous-mêmes la cuisante démonstration au cours de la législature précédente. En effet, vous proposez à l’article 9 du texte des baisses de charges ciblées, dont vous savez bien qu’elles sont incompatibles avec le droit communautaire. Alors pourquoi promettre ? Pourquoi promettre si à l’évidence la promesse est une impasse ? Pourquoi faire naître un espoir en ouvrant une voie dont on sait parfaitement par avance qu’elle est la voie de l’échec ?
Des baisses importantes ont été engagées par la mise en place du Pacte de responsabilité, avec l’année blanche, avec la suppression de la C3S.
Vous ne savez pas de quoi vous parlez ! L’année blanche, quasiment aucun agriculteur n’en a bénéficié !
Votre texte ne permet rien de nouveau en la matière, vous le savez, à moins d’annoncer aux Français une augmentation de leurs impôts par le biais de la TVA et la CSG ! La belle affaire, quand on se fait les chantres de la baisse des prélèvements obligatoires ! Vous comprendrez, monsieur Le Fur, que votre appel vibrant à l’unité nationale pour augmenter les impôts a peu de chances d’aboutir, même dans vos rangs !
La solidarité nationale avec nos agriculteurs passe déjà par la mobilisation du budget de l’État. Pour être encore plus et mieux solidaires avec eux, facilitons le geste solidaire de l’achat français – nos compatriotes n’attendent que cela ! Vous conviendrez avec moi, chers collègues, qu’une telle mesure est autrement plus valorisante pour le monde agricole, qui peut ainsi mettre en valeur la qualité de ses productions, que d’assumer l’opprobre que suscite inévitablement un nouvel impôt !
Je vous ferai grâce des articles par lesquels vous demandez la création d’une énième commission nationale et la rédaction d’un énième rapport, alors que ce n’est franchement pas ce qui est attendu ni espéré. Le travail d’investigation, évidemment nécessaire, est en cours. Il est mené par nos collègues Annick Le Loch et Thierry Benoît, qui ont été chargés de faire des propositions sur ce qu’il convient d’entreprendre en plus de ce qui l’est déjà pour réformer l’élevage et redonner des perspectives positives à nos éleveurs. Le texte aborde enfin un sujet important, la cessibilité des contrats. Vous avez adressé sur ce point une réponse précise à la représentation nationale, monsieur le ministre.
Nous savons qu’elle relève de la loi, mais ne peut être traitée comme le texte propose de le faire. Telle qu’elle est rédigée, la mesure serait vouée à l’échec. Elle n’en est pas moins importante et doit être considérée comme telle par le Gouvernement, car nous tenons, pour notre part, à ce que les cessions à titre onéreux soient interdites, au moins temporairement, afin d’éviter la spéculation à laquelle nous assistons. J’ai pris bonne note qu’une telle mesure sera prise très rapidement dans un texte annoncé au printemps. Si nous présentons une motion de rejet préalable, c’est qu’il nous semble que le texte qui nous est présenté ne comporte au fond rien de vraiment utile ou bon, ni rien qui ne soit vraiment attendu.
Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Que penser d’un texte qui ajoute des règles et des normes là où il y en a trop, alors que l’énergie disponible devrait plutôt être consacrée à en supprimer ? Que penser d’un texte qui ajoute un impôt là où des allégements de charges sont déjà engagés et doivent être amplifiés ?
Que penser d’un texte qui entend renforcer la traçabilité des produits français alors que ce n’est pas à une proposition de loi d’y procéder, mais à la volonté politique, que M. le ministre a manifestée devant nous et que la majorité parlementaire soutient ? Nous y parviendrons vite, sans faire un énième détour par un énième texte dont la seule vertu serait de faire perdre du temps.
Que penser, enfin, d’un texte qui par-dessus tout fait perdre un temps précieux, alors que nous sommes confrontés à l’urgence de la décision ?
Ce texte a été examiné au Sénat en décembre dernier. À l’évidence, nous ne l’adopterions pas conforme. Il devrait alors faire l’objet d’une seconde lecture, d’une navette, d’une commission mixte paritaire. Imaginons qu’il soit partiellement adopté : il faudrait encore compter les délais de publication des décrets et sa traduction en loi de finances. Croyez-vous que le délai de six mois minimum requis est un délai sérieux et responsable prenant en compte la gravité de la situation ?
L’agriculture mérite mieux qu’un texte en trompe l’oeil voué à l’échec tant il est approximatif et embrouillé, relevant tantôt du régime réglementaire, tantôt du droit européen et tantôt de nos textes financiers. Tous nos agriculteurs, dans toutes les filières, veulent sentir un gouvernement déterminé et des parlementaires décidés, parce qu’ils aiment les produits du terroir et sont attachés au rôle nourricier de la terre et de ceux qui la cultivent ! Nos agriculteurs ne veulent pas d’un énième texte, ils veulent se sentir soutenus, appréciés et reconnus utiles dans leur rôle et dans leur travail.
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Ils veulent voir traduites en actes et en engagements concrets cette volonté et cette détermination. Ce texte de loi n’offre rien de tout cela, mes chers collègues, c’est pourquoi je vous appelle à le rejeter.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.- Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
J’aimerais faire quelques remarques sur le discours de M. Blein. Bien entendu, je regrette qu’il suggère de ne pas aborder l’examen des articles.
Je vous interromps un bref instant, monsieur le rapporteur.
Sur la motion de rejet préalable, je suis saisi par le groupe Les Républicains d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
M. Blein a relevé un certain nombre d’imperfections du texte, et j’ai moi-même souligné lors des débats en commission qu’il y avait matière à améliorations. Mais allons-y ! Chacun ici a la capacité d’amender. C’est d’ailleurs ce qui me choque le plus dans vos propos, monsieur Blein, comme dans ceux tenus par M. le ministre et d’autres orateurs au sujet du gage. Comme nous le savons tous, un parlementaire doit déposer un gage dès lors que l’amendement qu’il propose risque d’entraîner une dépense supplémentaire ou une perte de recettes. C’est l’article 40 de la Constitution. Critiquer cette disposition, monsieur Blein, c’est dire que nous devrions tous renoncer à notre capacité d’amender un texte de loi. De tels propos me choquent profondément, et je regrette que vous les teniez.
Au sujet des coûts de production, vous savez parfaitement qu’ils constituent une revendication très forte des agriculteurs et qu’il faut réfléchir à la façon de les prendre en compte. Cette revendication soulève d’ailleurs une deuxième question : dans nos travaux comme dans les décisions du Gouvernement, les conséquences éventuelles sur les coûts de production de nos agriculteurs sont-elles toujours prises en compte ? Examinons une à une ces mesures : j’aimerais bien savoir, et les agriculteurs aussi, quelles seront leurs éventuelles conséquences en termes d’augmentation des coûts de production, tant les directives environnementales et la façon dont elles sont mises en application chez nous que certaines réglementations sur le travail, le compte pénibilité par exemple ! Telle est la question qui est soulevée et qu’il nous faudra aborder un jour ou l’autre.
Selon vous, monsieur Blein, ce texte n’apporte rien.
Avec une telle affirmation, comme chacun sait, vous apportez votre soutien au Gouvernement, ce qui est votre droit. Je vous fais néanmoins observer que depuis que ce texte est à l’étude au Sénat et à présent ici, le Gouvernement n’a de cesse de démentir vos propos par ses actes ! Il a pris des dispositions – que vous avez votées – dans le projet de loi de finances rectificative, notamment en matière d’amélioration de la déduction pour aléas. Vous le savez parfaitement ! Aujourd’hui même, M. le ministre a évoqué un décret sur l’étiquetage et la loi Sapin 2 à venir, ce qui démontre le bien-fondé de cette proposition de loi et la possibilité de continuer à améliorer l’offre gouvernementale en travaillant sur ce sujet.
Enfin, je regrette que vous ayez jugé bon d’attaquer un ancien ministre de l’agriculture.
Polémiquer est certes votre droit, et chacun choisit les armes qui lui conviennent. Je vous fais néanmoins observer que vous ne savez pas ce qu’on dira un jour du travail de M. Le Foll, ni comment l’histoire analysera son oeuvre.
Pour ma part, sachez que j’y trouve parfois de l’intérêt, et qu’il m’arrive même de le dire. Il faut, me semble-t-il, toujours juger du travail de nos gouvernants objectivement.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.
Nous en venons aux explications de vote. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour le groupe Les Républicains.
Nous sommes un peu consternés de cette tentative de débat. La ferme Manche, la ferme normande, la ferme France brûlent et la majorité en est à déposer une motion de rejet, pas même une motion de renvoi en commission. Véritablement, on botte en touche, considérant que tout va très bien, madame la marquise !
Nous avons entendu certains orateurs se gargariser de l’attribution de quelques millions d’euros ici ou là, et un ministre affirmer qu’il a pris la pleine mesure du problème en rapportant en France de Bruxelles, dès l’an dernier, 63 millions d’euros sur les 500 alloués par le plan européen. Est-ce vraiment à la hauteur des enjeux ?
Nous sommes face à une crise légumière, une crise laitière, une crise porcine, et de plus en plus d’agriculteurs, malheureusement, se suicident – deux suicides dans la Manche en début de semaine, deux suicides d’agriculteurs âgés de trente-trois et de cinquante ans. Et le Gouvernement balaie d’un revers de main nos propositions au motif qu’il va prendre des mesures, mais qu’il attend, car il ne sait pas si elles doivent relever du réglementaire ou du législatif !
Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
C’est précisément pourquoi il aurait été intéressant que nous puissions nous expliquer. C’est une occasion manquée. Et c’était sans doute la dernière que nous avions, dans le cadre de ce quinquennat, de ce mandat législatif, de poser un ensemble de problèmes sur la table.
C’est vrai, monsieur le ministre, vous n’avez pas toutes les cartes en main.
L’État ne peut pas tout, c’est vrai, et nous n’allons pas crier avec les loups.
Vous ne pouvez pas tout faire, mais vous pouvez au moins entendre un certain nombre de propositions qui ont été étudiées et validées par le Sénat – où, d’ailleurs, elles n’ont pas été rejetées par les socialistes et les écologistes : ils se sont abstenus, eux, après avoir rencontré les professionnels.
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
Je conclus, monsieur le président. L’agriculture n’est ni de droite, ni de gauche. Elle est l’un des fleurons de la nation, et c’est ensemble que nous devons la défendre !
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
La parole est à M. Thierry Benoit, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Je commencerai par qualifier l’exercice oratoire de M. Blein.
Vous vous êtes livré, cher collègue, à un exercice oratoire purement politique. En commission, vous avez rejeté l’intégralité des articles en tentant de trouver des arguments pour défendre votre position. Mais j’ai bien observé que les députés, eux, étaient très attentifs au contenu de cette proposition de loi, et ne se sont livrés à aucun commentaire parce que, comme chacun d’entre nous ici, ils sont convaincus qu’il y a urgence si nous voulons sauver l’agriculture française.
Aujourd’hui, les agriculteurs nous regardent, parce qu’ils ont mis de l’espoir dans cette proposition de loi, qui est l’émanation des travaux du Sénat. Le président Gérard Larcher, Jean-Claude Lenoir, président de la commission des affaires économiques, François Zocchetto et un certain nombre de sénateurs se sont déplacés sur le terrain et ont mobilisé l’administration pour rédiger une proposition de loi digne d’intérêt.
Monsieur Blein, vous affirmez qu’on ne peut accorder de crédit à un texte de loi qui ne contient rien de vraiment utile. C’est l’inverse de ce que dit le ministre de l’agriculture, qui parlait de convergences possibles. J’aurais aimé que l’on puisse en discuter au fond.
Monsieur le ministre, je ne vous jette pas la pierre, je ne dis pas que vous êtes inerte. Mais je constate que depuis 2012, les résultats ne sont pas au rendez-vous pour notre agriculture.
L’urgence, c’est l’étiquetage et la traçabilité, la baisse des charges, la compétitivité, la transparence et une meilleure répartition de la valeur ajoutée. On ne peut pas accepter, quoi qu’on en dise, qu’en 2016, dans la chaîne qui va de l’amont à l’aval, c’est-à-dire qui commence par les agriculteurs, se poursuit avec les transformateurs et les industriels, que vous connaissez bien pour les avoir mobilisés sur cette question, et se termine avec la grande distribution, des gens soient corvéables à merci, sans tirer le moindre revenu de leur travail, pendant que certains tirent leur épingle du jeu. Il faut instaurer de la solidarité dans cette chaîne.
Je regrette que vous choisissiez de renvoyer cette proposition de loi dans les cordes sans que nous puissions discuter des articles sur le fond. Le groupe de l’Union des démocrates et indépendants rejettera donc la motion de rejet préalable.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.
La parole est à M. Alain Tourret, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Monsieur le ministre, vous êtes un homme de qualité et ma confiance vous est acquise, mais nous nous devons, entre véritables alliés, de nous dire certaines vérités.
La démocratie, ce sont d’abord les droits de l’opposition, monsieur le ministre.
Une motion de procédure, surtout dans un domaine comme l’agriculture, où l’on doit s’écouter et se respecter, est inconcevable en démocratie.
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
Le radicalisme que je représente, c’est l’humanisme, c’est placer l’homme, ici l’agriculteur, au centre de toute chose.
Hier, la droite, si peu motivée, opposait à la gauche des motions de procédure. Aujourd’hui la gauche utilise les mêmes artifices. C’est regrettable, et seule la démocratie en souffre.
Au moment où toute la France doit se retrouver sur des majorités d’idées avec ses agriculteurs, ses paysans, avec ses ruraux, ne pas discuter, monsieur le ministre, c’est plus qu’un crime, c’est une faute !
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
La parole est à M. Dominique Potier, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur Tourret, j’ai beaucoup de respect pour vous et je vais essayer de vous démontrer que la position du groupe socialiste, républicain et citoyen n’est pas une posture, mais le fruit d’un discernement.
C’est peut-être mon attachement viscéral à l’agriculture qui me vaut ce discernement radical, qui fait fi de tout jeu partisan.
Nous avons une passion commune pour l’agriculture. Il nous faut aujourd’hui en faire une fierté collective, une fierté française.
Au-delà de la vitalité du milieu rural et de l’économie, l’agriculture contribue à la paix du monde et à la santé de notre République.
Nous avons également une passion, au sens littéral, pour la souffrance de ces hommes et de ces femmes qui voient aujourd’hui leurs efforts ruinés.
Je voulais enfin vous dire que, pour ma part, j’ai ressenti du respect pour cette proposition de loi, pour son origine – elle vient de la société civile – et pour le travail des sénateurs. Son rejet n’est pas une posture, monsieur Tourret, mais une position politique.
Nous la rejetons, parce qu’elle fait illusion et que les solutions proposées ne sont pas à la hauteur des attentes.
Ou bien ces solutions sont en cours de mise en oeuvre, ou bien elles sont réglementaires, ou bien elles se heurtent à des réglementations européennes indépassables à court terme.
Nous la rejetons, parce qu’elle nous distrait de vos propres responsabilités, vous qui avez laissé faire, voire accéléré la dérégulation.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Enfin, monsieur Tourret, nous pouvons la rejeter avec dignité, puisque le débat démocratique a déjà eu lieu à plusieurs reprises, lorsque nous avons examiné le projet de loi d’avenir pour l’agriculture, les projets de loi de finances et le projet de loi Macron.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen. - Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains.
C’est faux ! Le débat que nous aurions eu aujourd’hui n’a jamais eu lieu !
Cette motion de rejet nous oblige aujourd’hui à cinq rendez-vous. Le premier pour approfondir le plan de soutien à l’élevage. Le deuxième pour engager un travail accéléré de concertation, autour de vous et dans l’unité de l’hémicycle, sur les aspects réglementaires.
Le troisième rendez-vous, qui devra intervenir à très court terme, sera la préparation d’un véhicule législatif…
…qui permettra de reconnaître les coûts de la production et de rendre aux producteurs leur dignité. Je sais que vous vous y employez, monsieur le ministre, et que ces rendez-vous auront lieu au cours du trimestre.
Quatrième rendez-vous : il nous faut ouvrir des champs nouveaux que la loi d’avenir n’a pas assez approfondis, en tenant compte de certaines réalités : l’absence de régulation foncière est une perte de compétitivité ; l’absence d’agriculture de groupe aboutit au surendettement des producteurs ; l’agroécologie, si elle est bien pensée, n’est pas un problème, mais fait partie des solutions. Enfin, nous avons un dernier chantier. Les régulations portent sur les marchés et sur les aides. Il faut dès aujourd’hui ouvrir le chantier d’une PAC qui nous rassemble…
…d’une PAC qui reconnaisse tous les actifs, prenne en compte la production intégrée et envisage une « contracyclicité » permettant de faire face aux aléas et aux dégâts du libéralisme.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants: 91 Nombre de suffrages exprimés: 90 Majorité absolue: 46 Pour l’adoption: 53 contre: 37 (La motion de rejet préalable est adoptée.)
Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :
Discussion de la proposition de loi visant à élargir les capacités d’intervention des forces de l’ordre
Discussion de la proposition de loi renforçant la lutte contre le hooliganisme
Discussion de la proposition de loi favorisant le développement régional de l’apprentissage.
La séance est levée.
La séance est levée à douze heures cinquante-cinq.
La Directrice du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Catherine Joly