…lesquels se trouvent en première ligne pour lutter contre la menace terroriste à laquelle nous sommes aujourd’hui confrontés. C’est la raison pour laquelle, comme vous le savez, le Gouvernement s’est lui-même déjà saisi de cette question.
Par-delà la lutte antiterroriste, les femmes et les hommes qui composent les forces de l’ordre, confrontés à de nouvelles formes de criminalité, risquent leur vie pour protéger nos concitoyens et faire respecter les lois de la République. Chacun d’entre nous ici connaît le prix que, trop souvent, ils paient dans l’accomplissement de leurs missions.
Il est donc nécessaire que, dans le contexte actuel, nous nous efforcions de clarifier le cadre juridique dans lequel interviennent – et notamment font usage de leurs armes – les policiers et les gendarmes. Néanmoins, nous devons le faire dans un double souci d’efficacité opérationnelle et de respect du droit. Telle est la boussole qui doit nous guider.
Or la proposition que vous faites, monsieur M. Ciotti, semble davantage traduire une intention – que nous partageons –, qu’une détermination à aboutir et je vais vous le démontrer.
Dans son article 1er, votre proposition prévoit une extension du cadre légal de l’usage des armes pour les forces de l’ordre. À cet égard, la rédaction proposée vise à aligner les conditions de la légitime défense des policiers sur celles des gendarmes, dans une démarche louable, très largement théorique – vous avez échangé à de nombreuses reprises sur cette question avec le Gouvernement – et adresse un message dénué de portée réelle.
Que dit le droit en vigueur ? Il prévoit que les policiers, hors opérations de maintien de l’ordre et intervention en milieu carcéral, ne peuvent utiliser leur arme de service qu’en situation de légitime défense. Selon la jurisprudence, celle-ci, pour être constatée, suppose que trois conditions impératives soient réunies. Le danger doit d’abord être réel et actuel. Ensuite, la riposte doit relever d’une absolue nécessité. Enfin, elle doit être proportionnée à la menace. Je relève que ces conditions ont été tout à fait intériorisées par les agents des forces de l’ordre.
Concernant les gendarmes, le fondement juridique est distinct, mais les conclusions opérationnelles sont parfaitement similaires. Le code de la défense prévoit qu’ils peuvent recourir à leurs armes non seulement en ripostant à une agression qui met leur vie en danger – tout comme les policiers –, mais aussi après sommations verbales, et ce dans deux cas de figure :
En cas de voies de fait, pour défendre leur terrain quand il n’existe pas d’autres moyens pour contraindre une personne qui cherche à échapper à leur garde à s’arrêter, ou encore pour immobiliser un véhicule ;
Dans le cadre de leurs missions militaires, pour défendre une zone de défense hautement sensible.
Mais la réalité est que l’usage des armes, qu’il soit le fait d’un policier ou d’un gendarme, est subordonné par la jurisprudence aux conditions de nécessité absolue et de proportionnalité définies par l’article 2 de la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales garantissant le droit à la vie. La Cour européenne des droits de l’homme considère ainsi qu’un contrôle de cette double condition s’impose, contrôle qu’elle applique de la même façon et avec la même rigueur à tous les représentants des forces de l’ordre.
La Cour de cassation elle-même considère que l’usage d’une arme ne peut être justifié que lorsqu’il est « absolument nécessaire » au regard de la situation. C’est pourquoi elle apprécie au cas par cas, quand des policiers ou des gendarmes ont eu recours à leurs armes de service, si ces derniers étaient ou non en situation de légitime défense, sans distinguer entre les uns et les autres.
Par conséquent, au vu de cette jurisprudence convergente et constante, nationale aussi bien qu’européenne, on peut dire que les conditions d’usage des armes par les policiers et les gendarmes sont déjà harmonisées.