Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le développement de l’apprentissage et de l’alternance sont au coeur de notre actualité. Tout le monde en convient sur les bancs fournis de cet hémicycle : la formation alternée est un rempart contre le chômage et l’exclusion, et permet de doter nos entreprises de compétences adaptées à leurs besoins. C’est une voie d’excellence pour apprendre la quintessence d’un métier. Cette méthode a fait ses preuves dès le Moyen Âge, dans le compagnonnage, et donne depuis longtemps des résultats probants chez nos voisins européens.
En France, les chiffres n’incitent guère à l’optimisme : le taux d’emploi des jeunes est de 28 % tandis que leur taux de chômage atteint 25 %. L’évolution de l’apprentissage est tout aussi préoccupante puisque seuls 402 900 jeunes étaient en formation en alternance à la fin de l’année 2015.
Pire, avec l’arrivée au pouvoir de cette majorité, au demeurant fort sympathique, le nombre de contrats en alternance a diminué de 11 %.
Depuis 2012, les entreprises ont subi une accumulation de décisions gouvernementales dramatiques : la baisse de 16 % – soit 550 millions d’euros – des crédits alloués à l’apprentissage en 2014 ; la suppression de l’aide à l’embauche d’un alternant supplémentaire ; la réduction du crédit d’impôt et de l’indemnité compensatrice forfaitaire en 2013. Autant de mesures qui ont brisé le développement de l’apprentissage.
Cette tendance à la baisse, tempérée par les derniers chiffres, est la triste conséquence des mesures contradictoires prises par cette majorité.
L’apprentissage est un secteur sensible aux mesures législatives et réglementaires et les faits parlent d’eux-mêmes : qu’il s’agisse du financement ou de la gouvernance, les textes n’ont cessé d’évoluer ces dernières années.
Il y a quelques jours à peine, le Président de la République proclamait l’état d’urgence économique et sociale. Il n’est que temps, alors que la France compte 26 000 chômeurs de plus chaque mois depuis 2012 !
À cette occasion, le Président a fait de l’apprentissage une de ses priorités et a annoncé un énième plan d’urgence en faveur de l’emploi : certainement le plan de la dernière chance.
Nous craignons, non sans regret, que ce nouvel élan ne soit à la hauteur des défis et que l’engagement de 500 000 apprentis en 2017 ne soit pas tenu.
Alors que la cohésion sociale de notre pays est en jeu, il est crucial que nous redonnions des perspectives, de l’enthousiasme, à celles et ceux qui n’en ont plus. Mes chers collègues, face aux difficultés que rencontrent les jeunes pour accéder à l’emploi, toutes les initiatives en faveur du développement de l’apprentissage sont les bienvenues. Je vous ferai quelques propositions extrêmement opérationnelles, madame la ministre : autoriser la création de centres de formation d’apprentis, CFA, si la branche le demande et si le financement est acquis ; ouvrir les titres professionnels à l’apprentissage ; valider l’année même en l’absence de patron, comme Gérard Cherpion vous l’a proposé. Voilà pour l’administratif.
Vous l’avez dit, madame la ministre, la saisonnalité scolaire n’est pas adaptée. Il nous faut une entrée en flux permanent et non de septembre à décembre. Les formations théoriques sont parfois trop difficiles. Enfin le contenu théorique devrait être validé par les branches, et non par la seule éducation nationale.
En ce qui concerne la pratique, il faut adapter l’offre aux besoins des entreprises via de nouvelles formations. Il faut une articulation entre les lycées professionnels et les CFA pour permettre des réorientations. Enfin il faut revoir de façon très pragmatique la répartition trois semaines, une semaine, qui est souvent chez les compagnons une formation théorique en dehors des heures de boulot.
Il est vrai, madame la ministre, que vous avez fait quelques avancées, que j’ai appréciées. Il faut croire que notre réunion de mardi a amené les membres du Gouvernement à se montrer un peu plus ouverts aux propositions de l’opposition, surtout quand elles viennent d’un honorable président de région. J’ai trouvé que la tonalité de votre discours sur ce sujet était bien plus supportable que par le passé, quand il donnait lieu à des combats d’arrière-garde, très idéologiques, alors que seules des mesures très opérationnelles comme celles que je vous propose sont de nature à sauver l’apprentissage.
On ne peut que regretter que la position de la majorité ne soit pas celle du Gouvernement et du Président de la République et que vous vous apprêtiez, chers collègues, à défendre une motion de rejet de ce texte. La proposition de loi de nos collègues du groupe Les Républicains va dans le bon sens et mérite mieux que d’être rejetée au détour d’une motion de procédure. Je suis certain que même notre collègue écologiste partage ce point de vue.
De ce texte, nous retenons le repositionnement de la région comme chef de file du système de l’apprentissage. La gestion par la région des lycées professionnels et des CFA devrait permettre de rationaliser et surtout de décentraliser leur pilotage, tout en apportant davantage de cohérence à l’ensemble de la formation professionnelle initiale.
L’offre de formation serait plus adaptée aux besoins économiques locaux. L’organisation et la fameuse carte des formations seraient optimisées. Par ailleurs, ces regroupements permettraient de réaliser des économies budgétaires substantielles.
L’article 2 prévoit d’inciter les régions à créer une banque régionale d’apprentissage. Certes, cela a été dit lors des débats en commission, cette mesure est déjà possible à mettre en place. Le président de région peut dès à présent organiser comme il l’entend et avec qui il l’entend la mise en relation entre l’entreprise et l’apprenti. Cependant il nous paraît important d’encourager l’ensemble des outils permettant une meilleure adéquation entre les besoins et les demandes de chacun des acteurs.
Il existe aujourd’hui de nombreuses ressources pour l’alternance et l’apprentissage mais il nous faut décentraliser la mise en relation des jeunes avec les centres d’apprentis et les entreprises. Les exemples de réussite ne manquent pas en Allemagne ou en Autriche. Telle qu’elle est rédigée, la proposition de loi devrait permettre à la région de mieux appréhender les besoins des territoires et de développer une offre d’apprentissage cohérente.
Enfin vous me permettrez d’ajouter quelques mots sur l’orientation et la préparation des jeunes à l’univers de l’apprentissage, un défi plus que jamais majeur au regard du taux élevé de rupture du contrat.
L’abaissement de l’âge d’entrée dans l’apprentissage, proposé à l’article 3, est devenu, j’en conviens aisément, un véritable marronnier de la classe politique. Sa mise en place devrait cependant permettre à l’apprentissage de toucher un public plus large et de prendre en charge les élèves avant d’éventuelles situations de décrochage.
Lors des travaux en commission, notre rapporteur a souhaité préciser que les élèves âgés de 14 ans bénéficiant du dispositif d’apprentissage resteraient sous statut scolaire. On pourrait ainsi imaginer le retour d’un système de pré-orientation dès l’âge de 14 ans qui ne constituerait pas une entrée définitive en apprentissage.