Séance en hémicycle du 4 février 2016 à 21h30

Résumé de la séance

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  • apprenti
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La séance

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La séance est ouverte à vingt et une heures trente.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi favorisant le développement régional de l’apprentissage (nos 3077, 3447).

Cet après-midi, l’Assemblée a commencé d’entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.

La parole est à M. Arnaud Richard.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le développement de l’apprentissage et de l’alternance sont au coeur de notre actualité. Tout le monde en convient sur les bancs fournis de cet hémicycle : la formation alternée est un rempart contre le chômage et l’exclusion, et permet de doter nos entreprises de compétences adaptées à leurs besoins. C’est une voie d’excellence pour apprendre la quintessence d’un métier. Cette méthode a fait ses preuves dès le Moyen Âge, dans le compagnonnage, et donne depuis longtemps des résultats probants chez nos voisins européens.

En France, les chiffres n’incitent guère à l’optimisme : le taux d’emploi des jeunes est de 28 % tandis que leur taux de chômage atteint 25 %. L’évolution de l’apprentissage est tout aussi préoccupante puisque seuls 402 900 jeunes étaient en formation en alternance à la fin de l’année 2015.

Pire, avec l’arrivée au pouvoir de cette majorité, au demeurant fort sympathique, le nombre de contrats en alternance a diminué de 11 %.

Depuis 2012, les entreprises ont subi une accumulation de décisions gouvernementales dramatiques : la baisse de 16 % – soit 550 millions d’euros – des crédits alloués à l’apprentissage en 2014 ; la suppression de l’aide à l’embauche d’un alternant supplémentaire ; la réduction du crédit d’impôt et de l’indemnité compensatrice forfaitaire en 2013. Autant de mesures qui ont brisé le développement de l’apprentissage.

Cette tendance à la baisse, tempérée par les derniers chiffres, est la triste conséquence des mesures contradictoires prises par cette majorité.

L’apprentissage est un secteur sensible aux mesures législatives et réglementaires et les faits parlent d’eux-mêmes : qu’il s’agisse du financement ou de la gouvernance, les textes n’ont cessé d’évoluer ces dernières années.

Il y a quelques jours à peine, le Président de la République proclamait l’état d’urgence économique et sociale. Il n’est que temps, alors que la France compte 26 000 chômeurs de plus chaque mois depuis 2012 !

À cette occasion, le Président a fait de l’apprentissage une de ses priorités et a annoncé un énième plan d’urgence en faveur de l’emploi : certainement le plan de la dernière chance.

Nous craignons, non sans regret, que ce nouvel élan ne soit à la hauteur des défis et que l’engagement de 500 000 apprentis en 2017 ne soit pas tenu.

Alors que la cohésion sociale de notre pays est en jeu, il est crucial que nous redonnions des perspectives, de l’enthousiasme, à celles et ceux qui n’en ont plus. Mes chers collègues, face aux difficultés que rencontrent les jeunes pour accéder à l’emploi, toutes les initiatives en faveur du développement de l’apprentissage sont les bienvenues. Je vous ferai quelques propositions extrêmement opérationnelles, madame la ministre : autoriser la création de centres de formation d’apprentis, CFA, si la branche le demande et si le financement est acquis ; ouvrir les titres professionnels à l’apprentissage ; valider l’année même en l’absence de patron, comme Gérard Cherpion vous l’a proposé. Voilà pour l’administratif.

Vous l’avez dit, madame la ministre, la saisonnalité scolaire n’est pas adaptée. Il nous faut une entrée en flux permanent et non de septembre à décembre. Les formations théoriques sont parfois trop difficiles. Enfin le contenu théorique devrait être validé par les branches, et non par la seule éducation nationale.

En ce qui concerne la pratique, il faut adapter l’offre aux besoins des entreprises via de nouvelles formations. Il faut une articulation entre les lycées professionnels et les CFA pour permettre des réorientations. Enfin il faut revoir de façon très pragmatique la répartition trois semaines, une semaine, qui est souvent chez les compagnons une formation théorique en dehors des heures de boulot.

Il est vrai, madame la ministre, que vous avez fait quelques avancées, que j’ai appréciées. Il faut croire que notre réunion de mardi a amené les membres du Gouvernement à se montrer un peu plus ouverts aux propositions de l’opposition, surtout quand elles viennent d’un honorable président de région. J’ai trouvé que la tonalité de votre discours sur ce sujet était bien plus supportable que par le passé, quand il donnait lieu à des combats d’arrière-garde, très idéologiques, alors que seules des mesures très opérationnelles comme celles que je vous propose sont de nature à sauver l’apprentissage.

On ne peut que regretter que la position de la majorité ne soit pas celle du Gouvernement et du Président de la République et que vous vous apprêtiez, chers collègues, à défendre une motion de rejet de ce texte. La proposition de loi de nos collègues du groupe Les Républicains va dans le bon sens et mérite mieux que d’être rejetée au détour d’une motion de procédure. Je suis certain que même notre collègue écologiste partage ce point de vue.

De ce texte, nous retenons le repositionnement de la région comme chef de file du système de l’apprentissage. La gestion par la région des lycées professionnels et des CFA devrait permettre de rationaliser et surtout de décentraliser leur pilotage, tout en apportant davantage de cohérence à l’ensemble de la formation professionnelle initiale.

L’offre de formation serait plus adaptée aux besoins économiques locaux. L’organisation et la fameuse carte des formations seraient optimisées. Par ailleurs, ces regroupements permettraient de réaliser des économies budgétaires substantielles.

L’article 2 prévoit d’inciter les régions à créer une banque régionale d’apprentissage. Certes, cela a été dit lors des débats en commission, cette mesure est déjà possible à mettre en place. Le président de région peut dès à présent organiser comme il l’entend et avec qui il l’entend la mise en relation entre l’entreprise et l’apprenti. Cependant il nous paraît important d’encourager l’ensemble des outils permettant une meilleure adéquation entre les besoins et les demandes de chacun des acteurs.

Il existe aujourd’hui de nombreuses ressources pour l’alternance et l’apprentissage mais il nous faut décentraliser la mise en relation des jeunes avec les centres d’apprentis et les entreprises. Les exemples de réussite ne manquent pas en Allemagne ou en Autriche. Telle qu’elle est rédigée, la proposition de loi devrait permettre à la région de mieux appréhender les besoins des territoires et de développer une offre d’apprentissage cohérente.

Enfin vous me permettrez d’ajouter quelques mots sur l’orientation et la préparation des jeunes à l’univers de l’apprentissage, un défi plus que jamais majeur au regard du taux élevé de rupture du contrat.

L’abaissement de l’âge d’entrée dans l’apprentissage, proposé à l’article 3, est devenu, j’en conviens aisément, un véritable marronnier de la classe politique. Sa mise en place devrait cependant permettre à l’apprentissage de toucher un public plus large et de prendre en charge les élèves avant d’éventuelles situations de décrochage.

Lors des travaux en commission, notre rapporteur a souhaité préciser que les élèves âgés de 14 ans bénéficiant du dispositif d’apprentissage resteraient sous statut scolaire. On pourrait ainsi imaginer le retour d’un système de pré-orientation dès l’âge de 14 ans qui ne constituerait pas une entrée définitive en apprentissage.

Interruptions sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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Mes chers collègues, depuis plusieurs années, les députés du groupe de l’Union des démocrates et indépendants plaident pour un plan d’ampleur en faveur de la formation professionnelle et de l’apprentissage qui permettrait d’augmenter la part de la taxe d’apprentissage réellement affectée à cette filière et surtout d’améliorer l’offre de formation.

En effet, dans de nombreux cas, celle-ci reste trop théorique et obère paradoxalement le taux d’insertion dans le monde du travail des jeunes diplômés, alors que l’apprentissage doit garantir l’employabilité des diplômés. Pour cela, il est nécessaire de mieux adapter le contenu de la formation aux évolutions des métiers.

Enfin, l’un des axes majeurs de réforme qui mérite encore largement d’être exploré n’est pas d’ordre législatif puisqu’il s’agit de mettre fin à la trop forte étanchéité qui continue de séparer dans notre pays le monde de l’éducation et le monde de l’entreprise.

Mes chers collègues, vous l’aurez compris, le groupe UDI approuve chaque initiative, même venant du Gouvernement, tendant à renforcer le rôle de la région et à améliorer l’encadrement de l’apprentissage. C’est pourquoi nous soutiendrons cette proposition de loi.

Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.

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Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la proposition de loi de notre collègue Christian Estrosi, déposée au début de la campagne des élections régionales et signée par l’ensemble des parlementaires de sa formation politique candidats à ces élections, a de fait plutôt l’allure d’un tract électoral que d’un document sur lequel l’Assemblée nationale pourrait s’appuyer pour travailler sérieusement à cette question essentielle qu’est le devenir de l’apprentissage.

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C’est dommage, car ces questions, et notamment celle de la place des régions dans ce dispositif, doivent être sérieusement travaillées. Les premiers mots de l’exposé des motifs donnent le ton, comme si l’univers avait basculé en 2012, transformant un monde merveilleux en débâcle.

Le mauvais bilan de l’alternance ne date pourtant pas de 2012. En la matière, le bilan du quinquennat précédent était déjà mauvais, alors même que le gouvernement d’alors accumulait les annonces péremptoires et les objectifs ambitieux. Pourtant, le premier recul date bien de cette période, avec une baisse globale de 3 % entre 2008 et 2011, et un outil – le portail de l’alternance – lancé à grand renfort de communication par Laurent Wauquiez, dont tout le monde s’accorde aujourd’hui à dire qu’il a coûté cher pour un résultat quasi inexistant.

La caricature que l’on trouve dans votre exposé des motifs ne nous sera d’aucune aide dans ce dossier. Elle ne peut qu’être un obstacle à une juste appréhension du problème.

Pourtant les questions que la proposition soulève sont d’actualité. La question de la décentralisation de certaines compétences en matière d’apprentissage doit être posée. Les écologistes y sont depuis toujours favorables, et c’est encore plus vrai en matière d’apprentissage. On ne développe pas l’apprentissage sans les régions, encore moins contre elles.

Cette question sérieuse doit donc être traitée sérieusement, ce que votre proposition ne fait pas. Il est à cet égard significatif que votre collègue Gérard Cherpion, avec qui je ne suis pas toujours d’accord, mais dont chacun s’accorde à dire qu’il connaît particulièrement bien le sujet, n’est pas signataire de votre proposition. Gageons qu’une meilleure association avec les spécialistes que comptent vos rangs aurait pu vous éviter quelques erreurs et confusions.

Votre proposition pose trois questions : la place des lycées professionnels, l’âge d’entrée dans l’apprentissage et la mobilisation des branches autour de banques régionales de l’apprentissage.

Vous souhaitez « donner aux apprentis les mêmes droits et conditions de travail que les salariés ». Vous prétendez qu’en « alignant les apprentis sur un statut similaire aux autres salariés, un chef d’entreprise pourra lui confier des missions identiques aux autres salariés, l’incitant ainsi à recourir à l’apprentissage et à faire confiance à ses apprentis ». C’est méconnaître profondément ce qu’est l’apprentissage.

L’apprenti, c’est celui qui est en train de s’initier à quelque chose, nous disait Chrétien de Troyes, qui fut le premier à importer ce mot dans la langue française. Cela signifie deux choses : d’une part, on ne peut lui confier les mêmes tâches qu’un salarié qualifié. En d’autres termes, l’apprenti n’est pas un salarié à bas prix. D’autre part, l’apprenti est en formation, ce qui emporte deux conséquences : il a encore besoin d’une formation intellectuelle et pratique qu’il trouve dans son cursus scolaire et chez l’employeur qui le forme à adapter son savoir à ses réalisations.

La spécificité de l’apprenti ne peut donc conduire à fusionner les lycées professionnels et les CFA. L’éducation nationale ne forme pas seulement à devenir un professionnel mais aussi un citoyen et un acteur de sa propre vie. La forme de l’enseignement dans les lycées professionnels est différente de celle des CFA, ce qui permet à l’élève de choisir la forme la plus adaptée pour lui et à des jeunes, mais aussi à des moins jeunes, qui ont parfois déjà quitté le cycle scolaire, de reprendre à 20 ou 25 ans une formation en alternance, ce que le lycée ne permet pas.

La question de l’âge est d’ailleurs présente dans votre texte, non pas pour étendre l’âge d’entrée en apprentissage au-delà de 25 ans mais pour l’abaisser à 14 ans. Certains élèves de troisième montrant des capacités de travail remarquables dès leur stage d’observation en entreprise, pourquoi attendre, dites-vous ? Parce que, si l’on poursuit réellement l’objectif d’émanciper les jeunes il faut leur donner les armes pour ce faire ; pour qu’ils soient un jour de bons professionnels, et pas seulement de bons ouvriers ; qu’ils puissent envisager de monter leur entreprise et qu’ils aient pour cela des connaissances sur l’entreprise, le droit, la comptabilité, et pas seulement la maîtrise d’un savoir-faire ; pour qu’ils soient citoyens, parents, qu’ils développent éventuellement d’autres talents que leur habileté au métier qu’ils choisissent à seize ans ; pour qu’ils puissent continuer à se former, à changer de vie et de métier, à s’investir dans la vie publique, dans leur vie familiale, dans l’éducation de leurs enfants, dans la vie de leur quartier et de leur cité.

Voilà ce qu’est l’objectif d’émancipation, et voilà pourquoi l’école est obligatoire jusqu’à 16 ans. Voilà pourquoi la question de l’âge de l’apprentissage ne doit pas être posée en termes d’abaissement, mais en termes d’élévation jusqu’à l’âge de 25 ans. Il n’y a pas d’âge pour vouloir devenir boulanger, ébéniste ou horticulteur, si l’on a découvert à 30 ans que c’était le métier qui nous passionnait. C’est ce principe de la formation tout au long de la vie qu’il faut penser et mettre en acte.

J’en viens à la question de la banque régionale. L’idée de la plateforme en ligne est intéressante, mais les expériences passées ont montré combien l’exercice pouvait être inutile s’il n’était pas précédé d’une vraie analyse des besoins et d’une réflexion sur sa conception technique. Or, votre proposition n’aborde absolument pas ces dimensions.

Vous dites vouloir associer les branches, monsieur le rapporteur. Certes, mais l’avez-vous fait ? Les avez-vous rencontrées ? Si c’est le cas, que vous ont-elles dit ? Sont-elles prêtes à financer ? Sont-elles toutes organisées à l’échelle des nouveaux territoires régionaux ? En d’autres termes : sont-elles prêtes ? De tout cela, nous ne savons rien.

Tous ceux qui ont pratiqué les dispositifs de ce type savent combien la question est compliquée parce que chaque branche tend à s’affirmer comme spécifique dans son organisation ou sa pratique et que l’on ne peut présupposer son accord avant de l’avoir concrètement recherché et d’en avoir recherché les possibilités.

Ce travail préalable est indispensable et nous devons le mener avant de nous engager.

Reste donc cette question du rôle des régions – la véritable question n’est d’ailleurs pas tant celle de la place des régions dans le dispositif de l’apprentissage que de savoir comment créer au mieux une adéquation entre les besoins en formation et les possibilités de se former.

Les régions ont ici un rôle essentiel à jouer, pas seulement pour répondre aux besoins de main-d’oeuvre des entreprises – comme vous le pensez – mais également pour anticiper les évolutions de notre monde et les besoins futurs, notamment dans ces filières émergentes liées à la transition écologique de l’économie.

Il y a là une double exigence de proximité et de mobilité.

En tant qu’écologistes, nous pensons que la région est l’échelon territorial pertinent pour connaître les besoins du territoire mais il faut aussi que les régions s’organisent, dans la proximité, pour comprendre le projet de celle ou de celui qui va se former et pour le conduire vers la trajectoire qui lui va le mieux.

L’un des facteurs d’échec de notre système d’apprentissage réside dans l’inadaptation des parcours de formation aux volontés des apprentis et des lycéens.

Nous avons trop d’élèves démotivés par une inadéquation de la formation avec leurs envies, avec leurs volontés, démotivation qui peut mettre à bas les meilleurs potentiels. Il faut à tout prix l’éviter et penser les conduites des trajectoires d’apprentissage dans l’écoute des futurs apprentis.

Si décentraliser a un sens, c’est de permettre cette double proximité mais cela ne s’arrête pas là. Décentraliser au profit des régions n’aura de sens que si ces dernières jouent un rôle d’ouverture vers l’espace national et européen. Nos dispositifs doivent permettre cette mobilité européenne et doivent être pensés dans cette finalité. L’essor des savoir-faire français ne s’est jamais fait dans l’enfermement national. Au contraire, c’est la circulation des savoirs, depuis les débuts du compagnonnage dans l’Europe médiévale jusqu’aux échanges contemporains, qui a permis l’essor de l’artisanat et de l’industrie en France et en Europe. Cette dimension est essentielle et il faut que la loi la consacre.

Votre proposition, monsieur le rapporteur, soulève indéniablement des questions qu’il faut prendre à bras-le-corps, tout le monde le reconnaît, avec des évaluations sérieuses et des analyses approfondies qui ne figurent pas dans ce texte.

En attendant le débat autour du projet sur la formation professionnelle qui devrait avoir lieu en avril et qui sera présenté bientôt en Conseil des ministres – nous pourrons alors reprendre une partie de ce travail de façon sérieuse – le groupe écologiste rejettera cette proposition de loi.

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Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la proposition de loi « visant à favoriser le développement régional de l’apprentissage » que nous allons examiner est tout à la fois datée quant à son diagnostic et dépassée quant à sa méthode.

Elle est datée quant à son diagnostic car son exposé des motifs recèle un certain nombre d’erreurs ou d’approximations.

D’abord, la description supposée de l’apprentissage dans notre pays ne correspond pas aux chiffres donnés par la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques, la DARES. Il est ainsi inexact de fantasmer sur un âge d’or d’expansion de l’apprentissage sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy quand il n’a été que stabilisé.

De même, il est inexact de brosser un tableau catastrophique de l’apprentissage depuis 2012 quand la baisse du nombre d’apprentis constatée en 2013 tend à diminuer depuis et que la tendance est même à la hausse pour les formations supérieures – j’y reviendrai.

Ensuite, l’alignement souhaité des conditions de travail des apprentis sur celles des salariés est la négation même non seulement du statut forcément plus protecteur accordé aux mineurs mais, surtout, de ce qu’est l’apprentissage, lequel doit conserver sa dimension de formation : c’est une période particulière, certes, car immergée dans l’entreprise, mais cela reste une période de formation.

C’est aussi une période de jeunesse, donc d’une maturité et d’une responsabilité en construction qui justifient pleinement des règles spécifiques. Aligner le statut d’un apprenti mineur sur celui d’un salarié, c’est faire croire qu’un mineur est déjà un adulte, qu’il est capable d’évaluer les situations et les risques éventuels de la même façon qu’un adulte.

Permettre l’apprentissage dès 14 ans soulève les mêmes réserves. J’en ajouterai même une : plus l’apprenti est jeune, plus les exigences dans la formation dispensée par l’entreprise sont importantes. Abaisser l’âge de l’apprentissage, c’est augmenter les contraintes qui pèsent sur l’entreprise, donc, augmenter les freins au recours à l’apprentissage.

Enfin, les louanges du modèle allemand doivent être nuancées car, aujourd’hui, il ne répond pas forcément aux aspirations des jeunes qui souhaitent construire leur parcours de vie professionnelle au sein de formations décloisonnées.

C’est pourquoi la présente proposition de loi est aussi dépassée quant à sa méthode. Une fois de plus, l’apprentissage est traité à part, il n’est intégré ni dans une stratégie ni dans une politique plus générale de formation englobant toutes les filières dans laquelle l’apprentissage serait non pas la voie de ceux qui ne réussissent pas à l’école mais une voie de formation adaptée à certains métiers et qui répondrait à l’aspiration de certains jeunes désirant un enseignement plus intégré, plus directement en prise avec l’entreprise.

La méthode est tout aussi contestable par le choix d’une proposition de loi alors que l’adéquation des contraintes et des obligations de formation à la vie des entreprises pourrait relever plus normalement du dialogue social.

Cela éviterait par exemple de renouveler l’erreur de 2008, quand le baccalauréat professionnel en trois ans a constitué « un frein important au développement de l’apprentissage » – pour reprendre les termes mêmes de notre collègue Monique Iborra dans son rapport Travail et Emploi rédigé à l’occasion de la loi de finances. Les entreprises n’ont en effet pas souhaité s’engager sur une durée de trois ans.

En fait, la querelle de l’apprentissage doit s’effacer au profit d’autres enjeux qui la dépassent largement, au-delà des réflexes partisans ou syndicaux : je veux parler de ceux concernant la formation et l’emploi.

Là, nous avons beaucoup de chemin à parcourir quand le réflexe du patron des patrons consiste encore trop souvent à réclamer toujours plus d’aides de l’État et des régions, en oubliant qu’il faut aussi plus d’intelligence et de mobilisation collectives pour faire vivre ce que certains n’hésitent pas à appeler un « pacte républicain ».

L’apprentissage répondra à ces enjeux quand nous saurons bâtir ensemble des dispositifs banalisés au sein de l’ensemble de l’offre de formation, quand la voie de l’apprentissage sera simplement l’un des choix possibles, l’une des étapes proposée aux jeunes dans la construction de leur parcours professionnel, quand l’apprentissage sera l’un des outils auquel chaque jeune peut avoir recours pour trouver sa place dans la société.

Le succès de l’apprentissage pour les seules formations supérieures montre que les jeunes savent s’emparer de cet outil et se l’approprier. C’est aussi la voie à suivre pour les autres formations.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, que penser d’un pays développé, au système éducatif hautement sophistiqué, dont 140 000 jeunes sortent chaque année du milieu scolaire sans diplôme ni qualification ?

Que penser d’un pays qui compte 620 000 jeunes de 18 à 24 ans en grande difficulté, tranche d’âge dont le taux de chômage atteint 24, 6 %, le plus élevé depuis 18 ans ?

Que penser d’un pays qui est la cinquième puissance économique mondiale et dont près de 25 % de la population active ne peut accéder à une activité professionnelle pérenne alors que, chaque matin, plus de 400 000 emplois ne trouvent désespérément pas preneur ?

Que penser d’un pays qui assiste impuissant à la désertification de ses campagnes faute de la présence dans nos territoires ruraux de boulangers, de bouchers, mais aussi de plombiers, d’électriciens, de maçons, alors que tant de jeunes sont sans emploi et tant d’emplois sans jeune ?

Que penser d’un pays qui consacre près de 5 milliards d’euros par an à l’apprentissage mais dont le nombre de nouveaux contrats d’apprentissage baisse chaque année – moins 8 % en 2013, moins 3 % en 2014 ?

Le Gouvernement n’a pas été à la hauteur de la situation et la crise de l’apprentissage est profondément liée à son incohérence en matière de soutien aux entreprises, au moment où l’on préfère les emplois aidés plutôt que de parier sur la possibilité d’amener les jeunes sur le marché du travail par cette voie royale qu’est la formation d’apprentis.

Le texte que nous présentons aujourd’hui contient deux propositions très attendues et qui devraient être consensuelles : l’abaissement de l’apprentissage à l’âge de 14 ans et la volonté de confier totalement le pilotage aux régions qui, en devenant interlocuteur unique, pourront mieux adapter leur politique en la matière aux caractéristiques de leur territoire.

En ce qui concerne l’abaissement de l’âge, toutes les études convergent : l’irréversible décrochage se produit entre 14 et 15 ans, le plus souvent après un absentéisme parfois très long.

Il faut inciter nos adolescents à rester dans le système scolaire tout en leur permettant d’acquérir une formation plus concrète et plus professionnelle.

Le dispositif qui sera je l’espère adopté ce soir est très proche de celui que préconisait notre collègue et ami Gérard Cherpion, adopté en 2008.

Il prévoyait un accès à un dispositif de préapprentissage, le DIMA – dispositif d’initiation aux métiers en alternance – qui allait dans le sens de l’objectif recherché. Pourquoi l’avez-vous malheureusement retiré en 2013 ?

L’orientation précoce donne de bons résultats chez nos amis européens. L’Allemagne, connue pour son orientation très précoce des jeunes – dès10 ans – et la Finlande – orientation à 15 ans – finissent régulièrement parmi les premiers au palmarès de l’enquête internationale PISA.

Dans la même classe d’âge, 55 % de la population allemande est issue d’une formation en apprentissage, contre 5,1 % en France.

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En Finlande, deux tiers des élèves sont orientés en formation professionnelle.

La suppression de l’apprentissage précoce relève d’une idéologie dépassée. Déjà, en mars 2013, sur son compte Twitter, Mme Ségolène Royal, ancienne ministre de l’enseignement scolaire qui a elle aussi engagé une réforme du collège, écrivait : « Regrettable suppression du droit pour des jeunes de 14 à 15 ans de se former par alternance. Idéologie dépassée vu la gravité de l’échec scolaire. »

Une position soutenue dès 2001 par Jean-Luc Mélenchon, alors ministre délégué à l’enseignement professionnel, qui déclarait au journal L’Express : « Le collège unique est une thèse dépassée. Le collège unique est un mécanisme d’oppression. Le jeune en échec ne peut pas dire sa révolte ; il a honte. Et les enseignants vivent comme une défaite personnelle l’orientation de leurs élèves dans la voie professionnelle. On préfère alimenter la machine à casser les élèves et les envoyer ensuite à la fac par wagons. Comme si les voies professionnelles et technologiques n’ouvraient pas, elles aussi, des débouchés ! »

De plus, vous ne pouvez nier que ce texte va dans le sens de l’objectif de 500 000 apprentis en France d’ici 2017 fixé par le Président de la République,

Concernant la région comme acteur incontournable de cet apprentissage, M. le Premier ministre, mardi midi, a appelé de ses voeux « une nouvelle donne » dans les relations entre l’État et les régions après avoir rencontré Christian Estrosi et les dix-sept autres présidents de région.

Il a indiqué que « dans tous ces domaines – développement économique, formation et apprentissage – il y a une très grande volonté de notre part de faire confiance aux régions ».

Cette proposition de loi arrive donc à point nommé et appelle au consensus car, après de telles déclarations, les Français ne comprendraient pas que pour des raisons idéologiques la majorité ne vote pas ce texte. C’est l’occasion de montrer que vous voulez vraiment une union nationale pour trouver des solutions adaptées aux difficultés des Français. Alors, chers collègues de la majorité, soutenez notre texte…

Rires sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen

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…comme une très grande majorité de Françaises et de Français le soutient déjà. Refusez de voter cette motion de rejet préalable, mauvais service que vous rendez à notre jeunesse !

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Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, il n’est nul besoin de rappeler ici les bienfaits ou les avantages de l’apprentissage ni ses résultats en termes de formation et d’insertion professionnelle réussies.

Il concerne chaque année quelque 400 000 jeunes et le Gouvernement s’est d’ailleurs fixé comme objectif d’en former 500 000 d’ici 2017.

Mais plus que sur des chiffres, c’est sur la qualité de la formation des jeunes, leur encadrement et leur insertion professionnelle que nous devons concentrer nos débats.

On ne peut qu’être d’accord pour améliorer et valoriser la voie de l’apprentissage mais, pour autant, plusieurs points de ce texte soulèvent encore des questions.

Monsieur le rapporteur, vous commencez vos propos par des critiques de l’action gouvernementale en opposant l’apprentissage aux contrats aidés. Je vous rappelle seulement que ces deux dispositifs ne sont pas en concurrence…

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…car ils ne s’adressent pas aux mêmes publics.

Non, madame Le Callennec et ils sont même plutôt complémentaires. Sur le terrain, dans certains territoires, le secteur marchand a également accueilli des contrats d’avenir.

Vous préconisez un renforcement de l’action des régions, plaidant maintenant pour plus de décentralisation. Vous avez raison de rappeler le rôle de chef de file que doivent jouer les régions en la matière en consolidant le partenariat avec les entreprises, en renforçant la qualité de l’offre d’apprentissage – plus liée aux besoins du marché du travail sur le territoire –, en levant les obstacles comme l’hébergement et le transport.

Pour autant, a-t-on besoin d’une loi pour mettre en place cette banque régionale de l’apprentissage et une plate-forme d’échanges de curriculum vitae et d’offres ? Certaines régions, du reste, ont déjà mis en place des dispositifs analogues.

Je suis également étonnée d’entendre plaider pour un meilleur encadrement de l’apprentissage. Vous prônez un abaissement de la limite d’âge à 14 ans, sans même d’ailleurs proposer un statut particulier pour ces jeunes adolescents. Or à cet âge, chers collègues, ce sont encore des enfants. Notre collègue Isabelle Le Callennec a souligné leur manque de maturité et je suis tout à fait d’accord avec elle. Que dire de votre proposition d’aligner leurs conditions de travail sur celles des salariés, celles d’un apprenant jeune mineur avec celles d’un adulte ? Est-il raisonnable, ou même souhaitable, dans un pays comme le nôtre, qu’un adolescent de 14 ans ait les mêmes conditions de travail qu’un salarié adulte ?

Votre proposition priverait les jeunes concernés d’une base généraliste de connaissances, nécessaire pour faire d’eux des citoyens éclairés ; elle les priverait aussi de la maîtrise des fondamentaux. Or les entreprises elles-mêmes expriment cette exigence. Je ne pense pas non plus que l’apprentissage et l’abaissement de la limite d’âge doivent être guidés, comme vous le proposez, par un objectif de lutte contre le décrochage scolaire.

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Si vous rencontrez les professionnels de l’éducation et de la prévention…

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…ils vous diront que c’est bien avant 14 ans qu’il faut agir, et certainement pas en sortant ces enfants du système scolaire, comme vous le préconisez.

L’abaissement de la limite d’âge ne résout pas non plus, bien au contraire, le problème de l’orientation des élèves. Quand on sait combien il est déjà difficile de concevoir son avenir professionnel à 16 ans, que dire d’un adolescent de 14 ans ? J’ignore si vous en avez déjà rencontré ! Un tel abaissement ne peut hélas que venir gonfler le nombre de ruptures de contrat d’apprentissage et créer des situations d’échec.

Quand on sélectionne trop tôt, une espèce de fatalisme social ne manque pas de se reproduire. Il ne faut pas se cacher les choses et fermer les yeux sur la réalité du terrain. En matière de développement de l’apprentissage, nombre de dispositions ont été mises en oeuvre, que Mme la ministre a rappelées, et sur lesquelles je ne m’étendrai pas. L’apprentissage doit être plus sécurisé et plus sécurisant, à la fois pour les employeurs et pour les apprentis. D’ailleurs, les CFA, comme les chambres consulaires, jouent tout à fait leur rôle en la matière.

Comme mon collègue Christophe Cavard, je m’étonne au passage que notre illustre collègue Gérard Cherpion ne figure pas au nombre des signataires de ce texte.

Vous l’aurez compris, chers collègues, si je suis favorable à l’idée d’améliorer encore l’apprentissage et d’en faciliter l’accès, je pense néanmoins que ce sujet mérite d’être traité dans un autre cadre et dans la concertation avec l’ensemble des acteurs concernés. Il mérite aussi que nous nous interrogions sur les causes des échecs pour trouver des moyens de rendre l’apprentissage plus attractif dans certains secteurs, en termes de conditions de travail et de rémunération. Je vous invite donc, chers collègues, à ne pas soutenir ce texte.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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Madame la présidente, madame le ministre, chers collègues, de réforme en réforme, la formation professionnelle semble dans l’impasse, malgré les 31,5 milliards d’euros qui lui sont consacrés chaque année. Cet argent, versé à hauteur de 43 % par les entreprises, se perd dans un système d’une opacité sans égale.

Avec 2,5 % de la masse salariale consacrée à la formation professionnelle, notre pays est celui qui fournit le plus d’efforts en faveur de la formation professionnelle, loin devant l’Allemagne et ses 1,5 % ou le Royaume-Uni et ses 1,1 %. Pourtant, nous sommes très loin des objectifs : en 1993, la loi quinquennale fixait un objectif de 500 000 apprentis et, en 2014, seuls 273 000 contrats avaient été signés.

Seuls 4,4 % des jeunes Français sont en apprentissage, contre plus de 31 % en Allemagne. Il y a donc urgence, et ce n’est manifestement pas un problème de budget. L’étude du programme pour l’évaluation internationale des compétences des adultes – PIIAC – de l’OCDE, parue l’an dernier, devrait nous inciter à changer de cap, puisqu’elle indique que le niveau de compétence des Français est inférieur à celui de la plupart des pays de l’OCDE. L’échec scolaire amène chaque année 160 000 jeunes de 15 à 24 ans à quitter l’école sans qualification, ni diplôme. Malheureusement, la formation professionnelle est aujourd’hui davantage employée comme une tentative de régler des difficultés sociales, au détriment de son usage premier, à savoir l’acquisition et la valorisation de compétences dans un objectif d’employabilité.

La dévalorisation de la formation professionnelle n’aide pas au redressement de cette voie, pourtant indispensable au dynamisme de notre pays. C’est au moment où la formation professionnelle a été happée par l’éducation nationale qu’elle a entamé sa dégradation dans la conscience collective. La hausse du chômage, qui touchait les diplômés de l’enseignement professionnel dans de plus grandes proportions, aggravait alors cette dégradation. Impulser une évolution des mentalités est indispensable pour briser l’image négative de cette filière.

Il faut pour cela intégrer des dispositifs de préapprentissage à l’école, par l’intermédiaire d’intervenants professionnels qui font découvrir leur métier et confrontent aussi bien les élèves que les professeurs aux attentes du monde professionnel. Il faut promouvoir les filières d’apprentissage et d’alternance, y compris auprès du corps enseignant, par les nouvelles sections en phase avec les filières en développement, par la limitation des contrats aidés, qui freinent les filières d’apprentissage et d’alternance, par le rétablissement des allégements de charges, par la revalorisation, enfin, du salaire de l’apprenti. Les apprentis devraient par exemple être accompagnés dans leurs démarches d’obtention de logement, et il serait souhaitable que les internats des lycées qui disposent de lits inoccupés – et ils sont nombreux – soient plus ouverts aux apprentis. Enfin, une revalorisation symbolique est nécessaire, qui pourrait passer par l’ouverture de filières professionnelles dans les établissements de centre-ville passant pour les plus prestigieux.

Cette proposition de loi tend vers l’hyper-régionalisation de la formation professionnelle. Or force est de constater que d’importantes disparités existent entre nos régions. Ainsi, une étude du Centre d’études et de recherches sur les qualifications met en évidence plusieurs facteurs créant des disparités entre les régions, parmi lesquels l’histoire du système éducatif régional, les contextes socio-économiques régionaux, ou encore la hiérarchie des priorités politiques. C’est donc avant tout une réforme scolaire dont il est besoin, avec en premier lieu la suppression du collège unique, qui a fait, depuis quelques années, la démonstration de son échec.

Une sélection dès le début du secondaire devrait permettre aux élèves de bénéficier de la filière revalorisée de l’apprentissage dès 14 ans. Cette filière doit être revalorisée, afin de lutter contre l’illettrisme, qui touche un nombre croissant d’apprentis, et d’en faire une voie choisie, et non une voie subie. Pour cela, la formation doit ouvrir les portes de l’emploi, et les régions jouer leur rôle d’impulsion, afin de mieux coordonner l’offre de formation et les possibilités de débouchés professionnels. En effet, la formation peut être une arme contre le chômage, à condition qu’elle soit organisée en fonction de la demande réelle des entreprises et du monde du travail, ce qui, dans un certain nombre de régions, n’est malheureusement pas le cas. Les jeunes doivent être orientés vers les filières qui recrutent ; le contenu pédagogique doit être adapté aux besoins de l’entreprise, sans en écarter les savoirs fondamentaux.

En l’espèce, le principal levier de la région est le schéma prévisionnel des formations, qu’elle détermine en synergie avec le rectorat, et qui définit les filières à privilégier. Elle doit donc rationaliser les investissements, en rendant moins nombreuses les filières saturées. C’est par exemple le cas de certaines filières d’enseignement professionnel n’offrant que peu de débouchés, comme le secrétariat. Il s’agit aussi de mieux anticiper quelles seront les filières d’avenir. La région doit donc peser pour que soit progressivement réduit le nombre d’établissements proposant de telles formations – et j’ai bien compris que tel était l’objectif de votre proposition de loi.

La tendance au regroupement des centres de formation d’apprentis doit aussi être endiguée, afin que l’ensemble des territoires puissent en bénéficier. Mais favoriser le développement de l’apprentissage ne se fera pas sans un soutien aux entreprises régionales : une priorité d’accès aux marchés publics de la région, via une clause adéquate, devra être mise en place pour les entreprises employant au moins un apprenti : c’est selon moi une bonne façon d’encourager et de récompenser les entreprises qui font cet effort de formation, et cet effort financier.

Les débouchés relatifs à l’apprentissage sont réels : il convient pour cela de ne pas se cantonner à des projets ou à des propositions s’apparentant à de la communication politique, à l’instar de cette banque régionale, totalement inutile au regard des prérogatives du président de région, qui est déjà compétent pour mettre en lien les entreprises et les apprentis, selon les modalités qu’il souhaite.

Je ne voterai donc pas cette proposition de loi, même si la disposition qui ramène la limite d’âge de l’apprentissage à 14 ans me semble être une bonne chose.

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Madame la Présidente, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, à l’occasion de la présentation de ses voeux aux Français, le Président de la République a affirmé son souhait de relancer l’apprentissage. « Enfin ! », serais-je tenté de vous dire. Depuis 2013, nous ne cessons de vous alerter, à travers nos questions et nos interventions en commission, sur la baisse des chiffres de l’apprentissage.

Cette baisse très importante est la conséquence des décisions que vous avez prises au début de ce quinquennat. Vous l’avez d’ailleurs reconnu, madame la ministre, très humblement, au cours de votre intervention. Tout devait aller au programme présidentiel, aux contrats de génération, qui sont un véritable échec, et aux contrats d’avenir, qui entraînent d’importantes dépenses de fonctionnement, sans pour autant créer d’emploi à long terme.

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Les chiffres sont là. Avec 700 000 chômeurs de longue durée en plus depuis le début du quinquennat, tout démontre que cette politique d’emplois précaires ne fonctionne pas et que nous devons basculer dans une vraie logique d’investissement sur l’avenir, faute de quoi nous ne réduirons jamais le chômage des jeunes. Pire encore, les récentes annonces du Président de la République constituent en réalité un terrible constat d’échec des décisions que vous avez prises.

Je ne donnerai que quelques exemples, en commençant par la loi sur la refondation de l’école, dans laquelle vous avez décidé de revenir sur l’apprentissage à 14 ans. Je sais que ce sujet divise, y compris dans nos rangs, mais, à partir du moment où ces contrats d’apprentissage se situent dans le cadre d’une formation initiale sous statut scolaire, comme le propose un amendement du rapporteur, je suis pour ma part convaincu que cela peut constituer une solution probante pour certains jeunes dans l’incapacité de poursuivre un cursus scolaire classique.

Vous avez, deuxièmement, supprimé l’indemnité compensatrice de formation destinée aux entreprises, alors que tout le monde reconnaissait ses effets dynamisants sur le nombre de contrats d’apprentissage.

Vous avez, troisièmement, imposé des conditions drastiques au travail des apprentis en instaurant, notamment, l’interdiction de travail de nuit. Je vous laisse imaginer ce que cela peut donner pour des apprentis boulangers – même si vous venez de nous dire, madame la ministre, qu’ils pouvaient commencer à travailler à quatre heures du matin – ou pour des apprentis pêcheurs qui cherchent à s’embarquer et qui n’y parviennent pas.

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Nous parlons de problèmes importants, madame.

J’ai eu l’occasion d’interroger le ministre des transports et de la pêche à ce sujet, qui m’a annoncé un décret prochain, que je ne vois toujours pas venir.

L’interdiction, enfin, d’accomplir toute une série de tâches, conduit les employeurs à renoncer à prendre des apprentis, par crainte des poursuites dont ils pourraient faire l’objet s’il arrivait quelque chose à ceux-ci.

Les conséquences de la diminution de 500 millions d’euros d’aide à l’embauche décidée par M. Sapin se sont rapidement fait sentir. Le nombre de contrats d’apprentissage signés a baissé de 8 % en 2013, puis de 4 % en 2014, et ce sont plus de 50 000 contrats qui ont été perdus en une année. Avec 267 000 apprentis en 2013, nous sommes bien loin de l’objectif présidentiel qui était, et qui est toujours, de 500 000 apprentis.

Il est parfois douloureux de constater que les avertissements passés ont été corroborés par les faits. Vous pensiez que les publics visés par les contrats d’avenir n’étaient pas concernés par l’apprentissage : les faits vous donnent tort. Tout démontre que l’apprentissage constitue un outil très efficace d’insertion professionnelle des jeunes, permettant de remédier à une situation préoccupante de l’emploi. Le taux d’emploi des jeunes, sept mois après la fin de leur apprentissage, est de 65 %, alors que celui des jeunes sortant du lycée s’élève à 43 %, quel que soit le niveau de formation obtenu.

Cette proposition de loi favorisant le développement de l’apprentissage, déposée par notre collègue Christian Estrosi et que j’ai signée avec un grand nombre de mes collègues du groupe Les Républicains, vous propose de dépasser les clivages partisans et de vous donner des outils supplémentaires pour atteindre l’objectif des 500 000 apprentis fixé par le Président de la République.

L’originalité de cette proposition de loi tient au fait qu’elle transfère aux régions, déjà détentrices de la formation professionnelle initiale, tout ce qui concerne la filière de l’apprentissage. Le rapporteur l’a dit : il n’est pas question de se passer de l’avis des recteurs d’académie pour l’établissement de la carte des formations professionnelles initiales, mais les régions doivent avoir la possibilité de prendre la décision d’arrêter la carte définitive.

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Tout démontre aujourd’hui, que notre système ne fonctionne pas. Chacun travaille de son côté, sans véritable dynamique des politiques en matière de formation. Nous pensons que seul un débat collectif entre l’éducation nationale, les entreprises, les centres de formation, les collectivités territoriales et, en premier lieu, celles qui sont compétentes en matière de formation initiale, c’est-à-dire les conseils régionaux, nous pensons que seul ce débat peut permettre d’aboutir à un plan de formation, concrétisé ensuite par la collectivité régionale qui le finance.

Nous sommes beaucoup ici à penser qu’il existe des doublons entre les formations dispensées par les CFA et les lycées professionnels. Pour créer une dynamique de formation, il faut parvenir à les unifier. Nous vous proposons ce soir un texte qui répond aux objectifs du Président de la République et du Gouvernement en termes de relance de l’apprentissage, un texte qui vise à décloisonner les acteurs de la formation, à les relier entre eux pour rapprocher les besoins des apprentis et ceux des entreprises.

Vous vous apprêtez à défendre une motion de rejet préalable qui nous empêchera de débattre alors qu’il y a tant de choses à dire sur l’avenir de notre jeunesse. Nous, nous souhaitons avoir ce débat : ce devrait être l’honneur des membres de notre assemblée de toujours rechercher ensemble les meilleures solutions pour l’avenir des jeunes, car c’est avant tout pour eux que nous travaillons.

Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.

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Madame la présidente, madame la ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le sujet que nous évoquons ce soir est d’une importance incroyable parce qu’il nous interroge à la fois sur l’avenir de nombreux jeunes de notre pays et sur notre capacité à organiser leur formation et leur qualification. C’est un choix, voire une exigence que de décider qu’il s’agit là d’une politique publique forte qui nécessite volonté et moyens, comme l’ont rappelé le Président de la République et le Premier ministre.

Il faut toutefois faire le constat que c’est d’abord une politique publique en difficulté. Les chiffres, qui ont été rappelés par notre rapporteur et par plusieurs collègues, sont clairs : l’apprentissage n’a jamais réussi à atteindre les objectifs qui lui avaient été donnés tant sous la présidence de M. Sarkozy que sous celle de l’actuel Président de la République : 500 000 jeunes apprentis. Je crois inutile de nous lancer dans des propos accusateurs : c’est pourquoi je regrette l’exposé des motifs retenu par M. le rapporteur, tant les raisons objectives de ce constat reposent, pour une part, sur le plus grand nombre de collégiens s’orientant vers les classes de seconde générale ou technologique et, pour une autre part, sur le ralentissement de l’activité économique – c’est notamment le cas dans le secteur du bâtiment.

Que ce soit une politique publique en difficulté, nous le vérifions également au nombre important des ruptures de contrats, qui approchent les 30 % et frôlent même les 50 % dans le secteur de l’hôtellerie et de la restauration. De plus, dans 80 % des cas de rupture, l’arrêt de l’apprentissage est définitif. Ce sont là des difficultés sur lesquelles il conviendrait de nous interroger car elles constituent autant d’enjeux sur lesquels nous devrions concentrer plus particulièrement nos débats. L’apprentissage est enfin une politique publique en difficulté du fait que, trop souvent, il est présenté comme une orientation par défaut, alors même qu’il est une voie de formation et de qualification de plein droit ou d’excellence, pour reprendre le terme généralement utilisé.

Cette proposition de loi, qui a pour ambition – vous nous l’avez assuré – d’apporter une réponse à la hauteur de l’enjeu, ne relève aucun de ces défis, ne répond à aucune de ces difficultés. Vous essayez de nous faire croire qu’en quatre articles – voire en trois si j’omets un amendement de coordination –, vous pourriez résoudre l’ensemble de la problématique de l’apprentissage. Or qui peut croire que l’enjeu auquel nous sommes aujourd’hui confrontés puisse être réglé au travers de ces trois articles ?

L’article 1er propose que les régions gèrent les formations professionnelles initiales. Alors qu’elles jouent déjà un rôle important dans les CFA – vous le savez –, vous voulez y adjoindre les lycées professionnels, ce qui revient à nier la place de l’éducation nationale et à oublier les avancées importantes que la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République a permis d’engager, notamment en rééquilibrant les rôles du recteur et du président de région au profit de ce dernier. Vous cherchez par cet article à renforcer le rôle des régions : c’est déjà fait. Cet article ne sert donc à rien.

L’article 2 propose la mise en place d’une grande banque régionale d’apprentissage. Or la région n’a pas besoin de la loi pour mettre en place cet outil, puisqu’elle détient depuis 1985 une compétence de droit commun en matière d’apprentissage, qui lui permet de le mettre en place. Ce deuxième article ne sert donc à rien, lui non plus. Enfin l’article 3 vise à abaisser l’âge de l’apprentissage à 14 ans, au mépris des directives européennes que la France a ratifiées en 1994, selon lesquelles les États membres veillent à ce que l’âge minimal d’admission à l’emploi ou au travail ne soit pas inférieur à l’âge auquel cesse l’obligation scolaire à temps plein imposée par la législation nationale, ni en tout cas, à 15 ans. Encore un article pour rien.

Il est par ailleurs essentiel, surtout lorsque l’on se veut rapporteur d’un texte sur un sujet aussi important que celui-ci, de ne pas manier l’amalgame ni de faire des erreurs. Or vous maniez l’amalgame en comparant l’apprentissage avec les emplois aidés et les contrats d’avenir. Il s’agit là de deux outils dont nous avons besoin parce qu’ils répondent à des situations différentes. Essayer de montrer dans une discussion dont je n’arrive pas à discerner la finalité qu’il y aurait compétition entre ces outils me paraît une erreur.

Erreur, aussi, lorsque, du haut de cette tribune, vous continuez de véhiculer des idées fausses, qui nuisent au recrutement d’apprentis, comme l’interdiction de monter sur une échelle, alors que cette règle a été corrigée, comme d’autres. Malheureusement, une partie des artisans, aujourd’hui, n’en est toujours pas totalement convaincue. Un rapporteur n’a pas à répandre ce genre d’appréciations totalement inexactes.

Ce sujet important, voire essentiel, nécessite la mobilisation de tous. Si vous voulez tendre vraiment la main, comme vous l’affirmez dans l’exposé des motifs, alors, faites-le, puisque vos nouvelles fonctions vous y autorisent. En revanche, le texte que vous nous proposez ne nous engage pas dans cette direction. Son exposé des motifs, qui est une diatribe violente contre le Gouvernement, me semble presque plus important que les articles. Je le regrette profondément.

C’est la raison pour laquelle, bien évidemment, nous ne pourrons pas voter ce texte.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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Madame la présidente, madame la ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, les centres de formation des apprentis et les lycées d’enseignements professionnels constituent des dispositifs complémentaires qui ont réussi à s’imposer au fil du temps pour devenir deux véritables branches structurées, efficaces et reconnues de l’apprentissage. Même si des difficultés liées aux orientations par défaut subsistent, il faut reconnaître que, depuis plusieurs années, notre pays a valorisé ces filières et que certains établissements sont devenus de véritables fleurons de notre système éducatif, comme l’attestent les différents labels qui leur sont délivrés : « Lycée des métiers » ou « Label qualité » pour les centres de formation d’apprentis.

D’ailleurs, le Président de la République vient de renforcer les lycées professionnels en annonçant la création de 1 000 nouveaux postes spécialement dévolus. Il a affirmé également la volonté de faire de l’apprentissage un levier efficace de lutte contre le chômage des jeunes au regard de la politique menée en ce sens par nos partenaires européens.

Nous constatons tous les jours, dans nos circonscriptions, la nécessité de promouvoir un enseignement professionnel de qualité, qui se doit de déployer, de son côté, de véritables conventionnements, partenariats et coopérations avec le monde de l’artisanat et de l’entreprise. Les régions doivent y prendre toute leur place, suivre et parfois devancer ces évolutions. Nul ne peut contester que l’enseignement professionnel, dans son acception la plus large, doit être en adéquation avec les besoins futurs du secteur privé et du secteur public.

Si le système fonctionne, il connaît aussi des difficultés : plusieurs d’entre vous l’ont relevé. Il a toutefois fait ses preuves. Il faut lui permettre de mieux répondre aux besoins des élèves et des entreprises. En proposant la fusion des centres de formation d’apprentis et des lycées professionnels, cette proposition de loi revient, en réalité, à commettre plusieurs erreurs qui pourraient se révéler fatales pour l’enseignement professionnel et l’apprentissage dans leur ensemble. En effet, ces deux modes d’enseignement sont radicalement différents dans leur pédagogie, dans leur fonctionnement, dans leur statut et dans leur approche même de l’apprentissage. Il convient donc de les distinguer, de les différencier, de les conforter et de les renforcer pour enrichir le choix des parcours des élèves.

Il faut développer les passerelles entre établissements afin de répondre à des temps de formation selon les circonstances, tel que l’a prévu la loi relative à la formation professionnelle du 5 mars 2014, tout en respectant les âges, comme nous le rappelle la directive européenne du 22 juin 1994. Il faut sans doute aussi rapprocher certaines séquences d’enseignement. Notre système éducatif s’est attaché, depuis plusieurs décennies, à permettre à chaque jeune de disposer d’un choix de formation le plus individualisé possible, pour assurer sa réussite en sa qualité de lycéen, d’étudiant ou d’apprenti. Cette offre diversifiée, qui constitue une richesse, se révèle indispensable. La spécificité des formations existantes et la multiplicité des acteurs ont d’ailleurs permis aux entreprises et aux artisans de connaître et de promouvoir les formations locales et d’y être associés. Cette proposition de loi s’oppose donc à la cohérence d’un système qui doit plutôt être soutenu et déployé.

Enfin, nous pourrions tous être d’accord, dans cet hémicycle, pour réaffirmer qu’il ne sert à rien d’abaisser l’âge d’entrée en filière professionnelle. Laissez le temps à chacun de se construire, de grandir et d’arriver à maturité, de découvrir et de faire ses expériences. Chaque jeune, chaque élève doit pouvoir bénéficier d’un enseignement général lui assurant un socle minimal de compétences. Tel est l’enjeu d’une politique éducative ambitieuse.

C’est pourquoi nous ne pouvons pas soutenir cette proposition de loi.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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La discussion générale est close.

La parole est à M. le rapporteur.

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Je tiens tout d’abord à m’appuyer sur l’intervention de M. Sirugue pour apporter quelques réponses. Il a en effet rappelé les points sur lesquels nous nous rejoignons totalement, à savoir que l’apprentissage exige une politique forte et que celle-ci est actuellement en difficulté. Vous avez conclu, monsieur Sirugue, en soulignant que nous devions nous interroger sur plusieurs aspects du problème et que votre principale motivation pour voter contre ce texte est le contenu de l’exposé des motifs.

Le hasard du calendrier fait que c’est aujourd’hui seulement que nous débattons de ce texte, que 80 députés du groupe Les Républicains et de l’UDI ont signé au mois de septembre dernier. Or, à cette époque, l’apprentissage ne semblait pas une priorité de la majorité ni, surtout, du Président de la République et du Gouvernement. Il va donc de soi que si j’avais à récrire aujourd’hui l’exposé des motifs, il serait différent. Il y a un mois, en effet, c’était le 31 décembre au soir, le Président de la République a déclaré qu’il entendait que le Gouvernement fasse, en 2016, de la formation professionnelle, de la formation des chômeurs et de l’apprentissage une priorité. Je le répète : si j’avais dû récrire la semaine suivante l’exposé des motifs, celui-ci, nécessairement, eût été différent.

Je rappelle que nous n’avons pas voté la loi NOTRe…

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…nous avons même voté contre. Est-ce donc notre faute si le Gouvernement a décidé de renforcer, dans cette loi, le rôle des régions en matière de formation professionnelle, notamment dans la rédaction et la définition du schéma régional de formation professionnelle ? Maintenant que le temps électoral se trouve derrière nous – je ne répondrai pas au propos caricatural du représentant des écologistes, M. Cavard, qui a affirmé que le texte est complètement hors sujet –, nous voici désormais tous d’accord sur la question de l’apprentissage.

Le Président de la République souhaite qu’il y ait 500 000 apprentis supplémentaires. Qui pourrait s’opposer à cet objectif ?

Nous n’avons pas voté pour la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi NOTRe, mais le suffrage universel a confié à quelques-uns d’entre nous le devoir de l’appliquer. Il est de notre responsabilité de réussir ce pari, et de mettre en oeuvre ces formations professionnelles qui nous permettent de faire baisser le chômage, principalement des jeunes. Je vous rappelle que ce taux est, en France, de 25 %, soit le niveau le plus important de tous les pays de l’Union européenne.

Certains d’entre vous ont dit que le modèle allemand n’est pas bon. Il y a 460 000 apprentis dans notre pays contre 1,7 million en Allemagne ; et certains d’entre vous prétendent que le modèle allemand n’est pas bon pour la jeunesse française ! Nous voulons faire progresser la construction européenne, nous voulons favoriser la convergence de la France et de l’Allemagne en matière de politique d’innovation, de compétitivité, d’attractivité. Vous ne pouvez donc pas dire que ce qui est bon pour les jeunes Allemands serait mauvais pour les jeunes Français !

J’ai du mal à accepter les prétextes que vous utilisez en séance, simplement pour rejeter une contribution qui nous est demandée par le Gouvernement pour essayer de faire baisser le taux de chômage des jeunes.

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Il se trouve que nous avons toujours soutenu l’apprentissage. Je ne veux pas, à ce sujet, de bataille de chiffres…

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C’est vous qui ne citez pas les bons chiffres !

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Veuillez laisser M. le rapporteur s’exprimer : je suis certaine qu’il aura bientôt terminé de répondre aux orateurs qui se sont exprimés dans la discussion générale.

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Ce que je vous rappelle, simplement, c’est que le Président de la République dit à présent des choses qu’il ne disait pas il y a six mois. Je ne lui reproche pas, au contraire, je trouve cela très bien.

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Monsieur le rapporteur, je vous serais reconnaissante de bien vouloir conclure.

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Madame la présidente, j’ai écouté tous les orateurs qui se sont exprimés ; j’essaie à présent de répondre de la manière la plus consensuelle possible.

Rires sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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Ah, je vous fais rire ! J’ai pourtant un peu d’expérience dans cet hémicycle, sans doute plus que vous, madame Iborra, et j’ai toujours fait preuve de respect pour les autres.

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Vous refusez de comprendre que le monde évolue à une vitesse telle que les formations que l’on croit bonnes aujourd’hui seront mauvaises demain. Avec l’arrivée du numérique, de la fibre optique, des nouveaux métiers qui touchent à la silver economy, des services à la personne, avec l’augmentation de l’espérance de vie, de plus en plus, ce ne sera pas dans des établissements spécialisés mais à domicile qu’il y aura de nouveaux emplois. En même temps qu’ils apparaîtront, 3 millions d’emplois auxquels nous formons aujourd’hui disparaîtront dans les cinq à six années à venir. Nous devons donc être réactifs, et pour cela dépasser complètement les clivages idéologiques. L’objectif est de former les jeunes aux métiers dont nous avons besoin pour aujourd’hui et pour demain, car la société est en train de changer à une vitesse considérable. Ne restons pas arc-boutés à des modèles hérités du passé qui ne sont plus d’actualité !

Madame la ministre, si le Gouvernement, le Président de la République et le Premier ministre ont pris conscience que l’apprentissage n’est pas la réponse à tous les problèmes, mais une réponse parmi d’autres. Ils doivent se remettre en cause, et admettre que l’apprentissage d’aujourd’hui, de demain et d’après-demain ne peut pas être l’apprentissage d’hier. Vouloir conserver un modèle daté de cinq, dix ou quinze ans, avec ses succès et ses échecs, n’a aucun intérêt. Le point de départ, c’est aujourd’hui ; nous sommes tous d’accord sur l’objectif de 500 000 jeunes en apprentissage d’ici 2017. Ce serait une bonne chose pour notre pays, et nous avons tous intérêt à ce qu’il en soit ainsi.

Je veux dépasser ces clivages partisans : c’est ce que nous avons essayé de faire avec cette proposition de loi. Vous vous êtes contentés, en commission, d’adopter des amendements de suppression les uns après les autres. Ce texte ne méritait pas cela, mais une véritable discussion de fond.

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Je constate que cette discussion de fond, vous n’en avez pas voulu !

Enfin, je remercie tous ceux qui, au sein du groupe Les Républicains – je pense à Isabelle Le Callennec et à Yves Lurton – et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants – je pense à Arnaud Richard –, ont rappelé les doublons entre centres de formation des apprentis et lycées professionnels. En effet, certains enseignants travaillent aussi bien en CFA qu’en lycée professionnel. Or l’on a décidé de transférer aux régions la formation des jeunes.

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Il est vrai que l’ouverture de l’apprentissage dès l’âge de 14 ans est un axe majeur de ce texte. Mais je vous rappelle que certains jeunes passés par l’enseignement professionnel, jusqu’à deux ou trois années après le baccalauréat, décident eux aussi de se diriger, à 20 ou 21 ans, vers un CFA.

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Il faut donc réfléchir à une mutualisation, car ces doublons représentent un coût, et nous avons besoin de faire baisser les déficits publics. Cela serait plus efficace pour la formation, l’éducation, et surtout pour le placement en entreprise, car il importe de former aux métiers dont ont besoin nos entreprises.

Il y a des dizaines de milliers d’offres d’emploi dans notre pays qui ne sont pas pourvues. C’est incompréhensible : des entrepreneurs offrent des emplois, mais l’État, les collectivités locales et Pôle Emploi ne sont pas capables de leur fournir du personnel formé et qualifié dans le domaine considéré.

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Je ne comprends pas que vous choisissiez, pour des raisons idéologiques, de voter une motion de rejet préalable, de rejeter notre proposition purement et simplement. Vous refusez le débat de fond !

J’en terminerai en vous faisant la remarque suivante, madame la ministre : vous avez dit qu’avec cette proposition de loi, les apprentis devraient choisir leur métier à 14 ans. Mais il n’en est pas question ! Vous avez fait référence, comme certains parlementaires, à une directive européenne qui interdirait l’apprentissage à partir de 14 ans, car cela ferait sortir les jeunes concernés du système éducatif. Mais notre proposition de loi prévoit justement de rester dans l’éducation nationale !

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La directive à laquelle vous faites référence ne s’applique pas en l’espèce. Cette référence est erronée !

Je vous ai écouté décliner, à cette tribune, votre politique. J’ai entendu M. Cavard parler d’ « hyper-régionalisation » – à moins que ce ne soit Mme Le Pen.

Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe écologiste.

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Enfin, vous savez, extrême gauche ou extrême droite…

Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe écologiste.

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Un rapporteur consensuel, comme il l’a dit lui-même !

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J’ai entendu Mme la ministre décliner un programme national…

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Monsieur le rapporteur, cela fait 13 minutes et 20 secondes que vous répondez à la discussion générale. Votre intervention en réponse est plus longue que votre discours liminaire : vous-rendez vous compte de cette disproportion ? Je vous demande donc vraiment de conclure.

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Rassurez-vous : de toutes façons, dans cinq minutes, cette proposition de loi sera rejetée…

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…et chacun pourra rentrer chez lui – alors que nous aurions pu achever l’examen de ce texte à vingt et une heures si la séance de l’après-midi avait été prolongée.

Protestations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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Je dis simplement, madame la ministre, que vous avez décliné un programme national. Le Gouvernement, le Président de la République et le Premier ministre – nous étions réunis mardi à Matignon à l’occasion du séminaire dont j’ai parlé – nous disent de faire des propositions, et que nous serons écoutés. Mais alors pourquoi le Gouvernement cherche-t-il, sur le plan national, à tout maîtriser ?

Il faudra aussi m’expliquer pourquoi vous avez adopté la loi NOTRe, qui a continué la décentralisation. Il faudra m’expliquer pourquoi vous proposez…

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Merci.

La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.

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Monsieur le rapporteur, je pense que Mme la ministre a répondu sur le fond aux arguments présentés par cette proposition de loi ; elle l’a fait de manière complète, dès le début de cette discussion. J’interviendrai, pour ma part, sur la forme.

Je ne peux pas vous laisser dire qu’il n’y a pas eu de discussion en commission. Je comprends tout à fait que les amendements de suppression vous aient déplu ; nous avons nous-même subi les mêmes procédés quand nous étions dans l’opposition. C’était même pire, car sous la XIIIe Législature, lorsque nous examinions, le jeudi, les propositions de loi de l’opposition, la majorité était minoritaire dans l’hémicycle, et tous les votes étaient bloqués. Il n’y avait même pas de vote : la démocratie était ainsi bien réglée. Vous ne pouvez pas ne pas vous en rappeler, monsieur Estrosi !

La majorité actuelle a le mérite d’être présente pour voter. Il faut le rappeler !

Vous avez dit qu’il n’y avait pas eu de dialogue en commission : c’est faux ! Je vous ai laissé tout le temps qu’il fallait pour vous exprimer, non seulement à vous, qui êtes rapporteur, mais aussi à vos collègues de l’opposition. Je n’accepte pas, en tant que présidente de la commission des affaires sociales, d’entendre dire que la discussion n’a pas eu lieu. Ce n’est pas vrai : tout le monde a pu s’exprimer. Si après midi, tous les présents avaient envie de déjeuner, et si personne n’utilisait alors son temps de parole, je n’y peux rien : je ne peux pas prolonger une réunion de commission si plus personne n’est présent !

Je ne vous laisserai donc pas dire que tout le monde n’a pas eu assez de temps de parole pour défendre ses positions. Je comprends très bien votre déplaisir, cela dit, car en tant qu’auteur de la proposition de loi, vous y tenez. Mme Iborra, oratrice de la majorité sur ce texte, a bien expliqué notre position ; on sait à quel point elle connaît ce dossier – heureusement pour nous, malheureusement pour vous !

À chaque article, à chaque amendement, vous avez eu toutes les réponses que vous demandiez : je tenais à le rappeler.

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La parole est à Mme la ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

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Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Monsieur le rapporteur, vous ne pouvez pas dire que je n’ai pas parlé des régions au cours de mon intervention liminaire ! Vous ne pouvez pas dire que je n’ai fait que décliner la politique nationale ! Il y a, en effet, des initiatives très concrètes sur le terrain : nous avons parlé du domaine de la boucherie, et du décret dit « décret escabeau ».

Il est normal que je prenne mes responsabilités pour essayer de résoudre certains problèmes, petit à petit mais le plus rapidement possible. Ces problèmes nous sont signalés par des chefs d’entreprise, par des CFA, et par d’autres acteurs locaux. C’est bien mon rôle. J’ai présenté tout à l’heure le statut de l’apprenti, le statut des maîtres d’apprentissage et l’ouverture des titres professionnels du ministère – M. Arnaud Richard en a parlé, et le Président de la République l’a annoncé le 18 janvier dernier.

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Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Nous avons besoin des régions : vous l’acceptez. Beaucoup de branches professionnelles voudraient ouvrir un CFA ; pour moi, cela ne pose aucun problème, mais ce sont parfois les régions qui refusent d’ouvrir les CFA que les branches professionnelles demandent. Voilà la réalité ! Nous devons donc, bien évidemment, élaborer une stratégie collective.

Il s’agit aussi du décret concernant les apprentis pêcheurs, qui est en cours de rédaction. Il a été adopté par le CNEFOP – le Conseil national de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles – en octobre dernier, et sera publié très bientôt.

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Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

C’est long, je le sais, mais c’est ainsi, petit à petit, que nous levons les difficultés.

M. Cavard a parlé de la mobilité européenne. Nous avons lancé il y a à peine deux mois, avec Harlem Désir, un programme d’échanges entre apprentis français et allemands. J’irai, la semaine prochaine, observer le système d’apprentissage allemand. Il y a, bien évidemment, des choses positives à y prendre.

Il y a, en Allemagne, 1,5 million d’apprentis. Ajoutez les 540 000 jeunes Français qui sont en alternance, contrat professionnel ou apprentissage, aux 710 000 qui sont dans les lycées professionnels : vous verrez que nous n’en sommes pas si loin !

Par ailleurs, Christophe Sirugue l’a rappelé, entre 25 et 35 % des contrats d’apprentissage sont rompus : c’est beaucoup, et en Allemagne aussi, cette rupture touche un contrat sur cinq. Les responsables des entreprises que j’ai rencontrés en Allemagne estiment d’ailleurs que les enseignements reçus par les jeunes sont beaucoup trop spécialisés. Bref, si nous devons apprendre les uns des autres, nous devons aussi nous adapter aux problématiques qui émergent dans les territoires, les entreprises et les CFA.

Enfin, permettez-moi de vous le dire, les apprentis visés par votre texte ne seraient pas des jeunes sous statut scolaire à 14 ans : ils seraient assimilables à des salariés.

« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Si, monsieur le rapporteur, c’est bien ce qui est écrit, et c’est pour cela que le Gouvernement soutient la motion de rejet préalable du groupe SRC.

En 2013, le dispositif d’insertion aux métiers de l’alternance n’a pas été supprimé : nous avons seulement relevé la limite d’âge. Un jeune qui atteindrait l’âge de 16 ans au cours de l’année scolaire – et qui aurait par hypothèse 15 ans en décembre – peut entrer en apprentissage, il importe de le rappeler.

Il existe encore des blocages administratifs et des lourdeurs – j’en ai mentionné quelques-unes –, mais le projet de loi que je défendrai au printemps prochain nous permettra justement d’améliorer les choses sur ce plan.

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J’ai reçu de M. Bruno Le Roux et des membres du groupe socialiste, républicain et citoyen une motion de rejet préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 10, du règlement.

La parole est à Mme Monique Iborra.

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Madame la présidente, madame la ministre, madame la présidente des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous partageons tous, dans l’opposition comme dans la majorité, le souhait de développer l’alternance et plus particulièrement l’apprentissage : au moins sommes-nous d’accord sur ce point.

Ces dernières années, d’ailleurs, grâce essentiellement à l’action des régions, l’apprentissage a connu un réel essor, puisque l’on est passé de 210 000 apprentis en 1990 à 420 000 en 2012, l’objectif des 500 000 fixé par le Gouvernement auquel vous apparteniez, monsieur le rapporteur, n’ayant pas été atteint.

Cependant l’apprentissage s’est surtout développé, et dans des proportions substantielles, pour les niveaux supérieurs, au détriment, par comparaison, des niveaux CAP et baccalauréat : c’est ce que nous devons aujourd’hui surveiller.

C’est dire que comme vous-mêmes, brutalement convertis à la décentralisation, nous attendions beaucoup, convaincus depuis longtemps de l’importance de l’apprentissage pour l’insertion professionnelle, de votre proposition de loi ; et nous sommes heureux de l’initiative du Premier ministre et du Président de la République, que vous avez cité à juste raison à plusieurs reprises – et, on le sent, avec beaucoup de respect. De fait, il compte beaucoup sur les régions pour lutter contre le chômage.

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C’est dire aussi, monsieur le président de région, que la balle est dans votre camp.

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Ce rôle des régions, nous l’avions déjà inscrit dans la loi NOTRe, que vous n’aviez pas votée : j’avais défendu, lors de son examen, un amendement qui fut repris par le Gouvernement, et qui vous permettra dès demain, si vous le souhaitez, de lancer une expérimentation pour coordonner l’ensemble du service public de l’emploi, hors Pôle Emploi.

Bref, nous aurions vraiment pu, faisant fi de l’idéologie mais avec conviction, voter votre proposition de loi si elle avait apporté des éléments nouveaux et représenté une véritable politique de développement de l’apprentissage. Mais votre texte, écrit dans l’urgence en période électorale, se résume à quatre articles qui n’abordent pas les problèmes de fond.

Je passerai rapidement, car on en a parlé, sur l’exposé des motifs agressif, et dont le seul mérite est de vous faire passer pour l’homme providentiel – ce que l’on comprend facilement, en période électorale –, tout en nous désignant comme les fossoyeurs de l’apprentissage. Permettez-moi de vous le dire, mon cher collègue, les événements ultérieurs, grâce auxquels vous avez été élu à la présidence de la région, auraient dû vous inciter à plus de modestie – mais passons.

L’article 1er de votre texte tend à fusionner les CFA avec les lycées professionnels, les uns étant actuellement gérés par les chambres de commerce et d’industrie et les chambres des métiers, donc par les entreprises, et les autres par l’éducation nationale. En fait, cette proposition revient à remplacer l’administration de l’éducation nationale par l’administration régionale, ce qui va à l’encontre du rôle qu’il faudrait reconnaître aux entreprises – car il est aujourd’hui insuffisant – en matière d’apprentissage ; elle irait à l’encontre de la réactivité et du caractère opérationnel que nous devons précisément rechercher. Vous créeriez, en somme, une énorme machine, comme vous l’aviez fait avec Pôle Emploi.

Si des décloisonnements sont nécessaires entre ces deux formes d’apprentissage, votre proposition ne réglerait rien, et elle provoquerait inévitablement des conflits lors de sa mise en oeuvre. Il faut d’abord rapprocher les cultures avant de les fusionner.

Enfin, la loi sur la refondation de l’école permet désormais au président de région – et c’est pourquoi votre discours est de mauvaise foi, je suis au regret de vous le dire – d’arrêter la carte des formations en apprentissage en lieu et place du recteur, comme c’était le cas avant l’adoption de cette loi que vous n’aviez pas votée.

L’article 2 permet aux régions de créer des banques régionales de l’apprentissage qui établissent des liens entre les besoins des apprentis et les entreprises ; mais rien ne vous empêche de le faire dès demain si vous le voulez : tout le monde le sait sauf vous, apparemment. Vous semblez donc oublier ou même ignorer les lois contre lesquelles, forcément, vous avez voté. Grâce à l’actuelle majorité, la région a vu ses prérogatives renforcées, et vous êtes, monsieur le président de région, maître à bord en ce qui concerne la mise en oeuvre de la politique d’apprentissage.

Enfin, l’article 3 s’apparente à une veille rengaine : nous ne pouvons accepter l’apprentissage à 14 ans, non par un refus idéologique, mais tout simplement parce qu’une telle disposition serait contre-productive : elle induirait des ruptures précoces et des réorientations en cours de scolarité, et elle ignore que la loi sur la formation professionnelle – que vous n’avez pas non plus votée – permet aux jeunes de 14 ans d’entamer un cycle de formation par voie scolaire ou stagiaire de la formation professionnelle – que vous financez, monsieur le président de région – en attendant l’âge de 15 ans, ce qui constitue un sas de préapprentissage nécessaire pour le suivi des « décrocheurs ». Cette possibilité répond à vos préoccupations et aux nôtres.

Si vous nous aviez proposé la même chose que Mme la ministre, à savoir un statut pour les maîtres d’apprentissage ; un statut de l’apprenti qui valorise l’apprentissage ; des mesures permettant d’aller plus loin dans la réforme du financement de la taxe d’apprentissage, que nous avons été les seuls à conduire ; et si vous nous aviez dit votre détermination à exercer la compétence qui vous revient, celle des régions, en matière d’orientation, alors nous vous aurions suivi, non pas les yeux fermés, mais presque.

Vous voyez, mes chers collègues, qu’avec les meilleures intentions on peut être, en légiférant de façon superficielle et précipitée, complètement à côté des buts que l’on poursuit : telle est la raison essentielle, et pour ainsi dire la seule, de cette motion de rejet préalable. Il ne s’agit pas d’une posture mais de l’expression d’un réel intérêt que nous portons à la politique de l’apprentissage et à son développement.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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Nous en venons aux explications de vote.

La parole est à Mme Isabelle Le Callennec, pour le groupe Les Républicains.

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Nous arrivons donc au terme de l’examen de cette proposition de loi de M. Estrosi, désormais président de région, à qui l’on vient de dire qu’il dispose d’une boîte à outils pour développer l’apprentissage. Je continue, avec le groupe Les Républicains, à regretter que les premières années du quinquennat de François Hollande aient abîmé l’apprentissage, si bien qu’il faut désormais rattraper le temps perdu.

Nous n’avons jamais dit que les dispositifs de type contrats aidés ou contrats d’apprentissage s’opposent à ce que nous proposons mais, sur le terrain, les objectifs donnés aux missions locales et aux directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi – DIRECCTE – ont été de faire du chiffre pour les contrats de génération ou les contrats d’avenir, ce dont ont pâti, reconnaissez-le, l’apprentissage et l’alternance en général.

Le Gouvernement semble enfin avoir compris que l’apprentissage est une voie d’excellence, ce que nous disons depuis longtemps. On cite notamment l’Allemagne : je me félicite que vous y soyez allée, madame la ministre ; mais, en début de mandat, nous vous y avions précédée avec un groupe de parlementaires incluant des députés de la majorité. Chacun s’accordait alors à dire que le système allemand pouvait être un modèle à suivre, sous réserve évidemment des différences culturelles.

Je compte donc sur le Gouvernement pour poursuivre les efforts ; et puisque vous refusez le vote et même la discussion des articles et amendements, nous ferons notre travail de contrôle du Gouvernement. Vous nous avez annoncé des mesures, madame la ministre : nous vérifierons leur mise en oeuvre sur le terrain.

Le Président de la République et le Premier ministre ont déclaré vouloir faire confiance aux régions ; nous partageons le même souhait, mais nous regrettons de n’avoir pu commencer, dès ce soir, à travailler sur le fond.

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Monsieur le rapporteur, permettez-moi de revenir sur le fait que, dans le propos que vous avez tenu tout à l’heure, vous avez omis de répondre à un certain nombre de questions qui vous avaient été posées.

Pour ce faire, vous avez, certes, usé d’un artifice – en provoquant une polémique – que votre expérience dans cet hémicycle vous a soufflé. Des questions très sérieuses vous avaient néanmoins été posées : je pense notamment à celle ayant trait à la banque régionale. Votre silence a confirmé que, selon nous, cette proposition de loi avait été peu et mal préparée.

Comme certains de nos collègues l’on souligné, le contexte – alors que vous étiez vous-même en campagne, avec d’autres personnalités, dans votre région – était indéniablement propice au lancement d’un tel texte.

Je dis cela d’une manière assez solennelle parce que – certes, il est tard, et la fébrilité, entre autres excuses, explique sans doute beaucoup de choses – j’ai trouvé plus que limite, monsieur le rapporteur, la comparaison que vous avez faite tout à l’heure entre mes propos et ceux de Mme Le Pen.

Elle l’est d’autant plus venant de quelqu’un qui a été élu dans les conditions que l’on sait dans votre région, grâce aux voix de la gauche ainsi qu’à celle des écologistes. Elles vous ont permis de sauver la face dans une région plus que sinistrée d’un point de vue électoral, les Républicains n’échappant pas à la règle.

Pour le coup en effet, ce n’est pas la gauche qui se trouve en position de force dans la région que vous dirigez aujourd’hui. Je vous le dis tout net : j’ai trouvé cela plus que limite.

Je profite donc de cette explication de vote – une fois de plus, il est tard – pour vous dire que je souhaite sincèrement que vous puissiez, ultérieurement, reconnaître – à tête reposée, et peut-être pas publiquement – que vous êtes probablement allé un peu loin, peut-être en raison de votre fébrilité, dans cette charge qui m’a semblé déplacée.

S’agissant de la motion de rejet préalable, le groupe écologiste, par principe, vote rarement ce type de motion, car nous souhaitons que des débats aient lieu dans cet hémicycle qui a pour vocation de les accueillir.

Mais je vais faire une entorse, cette fois-ci, à cette position de principe. Et j’ai dit tout à l’heure pourquoi : comme vous l’avez vous-même reconnu, cette année 2016 sera, dans quelques jours ou dans quelques semaines, marquée par des rendez-vous importants et notamment par l’examen d’un projet de loi qui nous donnera l’occasion de parler formation professionnelle et, bien évidemment, apprentissage.

Très concrètement, cette entorse paraît donc logique, à quelques jours du débat qui aura donc lieu dans cet hémicycle. Il visera en effet à examiner un projet de loi qui aura, lui, été préparé et dont l’examen nous donnera tout le temps nécessaire pour travailler ensemble à des propositions.

Nous reprendrons sans doute d’ailleurs, à cette occasion, un certain nombre d’éléments qui ont été débattus lors de l’examen de cette proposition de loi. Nous aurons donc le temps de voter un texte qui répondra effectivement aux enjeux d’une jeunesse qui attend un certain nombre de réponses.

Monsieur le rapporteur, pour conclure sur une note positive, j’espère que, dans le consensus général, vous serez au rendez-vous pour voter le projet de loi relatif à la formation professionnelle que nous examinerons ici même au mois d’avril.

La motion de rejet préalable, mise aux voix, est adoptée.

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Prochaine séance, demain, à neuf heures trente :

Discussion du projet de loi constitutionnelle de protection de la Nation.

La séance est levée.

La séance est levée à vingt-trois heures.

La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly