Intervention de Manuel Valls

Séance en hémicycle du 5 février 2016 à 9h30
Protection de la nation — Présentation

Manuel Valls, Premier ministre :

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, monsieur le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement, monsieur le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, mesdames, messieurs les députés, je suis devant vous, à cette tribune, car, il y a près de trois mois, notre Nation a pris le deuil, frappée une fois de plus – et frappée comme jamais – par le terrorisme islamiste, par le djihadisme, dont le but, le but de guerre, est de s’attaquer de la manière la plus radicale à nos valeurs, ces valeurs que la France incarne depuis si longtemps aux yeux du monde.

La menace terroriste est là : inédite, globale, durable. Hors de nos frontières, au Sahel, au Levant, mais aussi, de plus en plus, tout près de nous, de l’autre côté de la Méditerranée, en Libye. Sur fond de chaos et de vide politique, les groupes djihadistes s’implantent et prospèrent. L’entrée du monde arabo-musulman dans une phase de convulsions, de tensions, dont la rivalité multiséculaire qui se réveille entre chiites et sunnites est une manifestation, est une donnée géopolitique structurante.

Malgré les revers subis dans leurs sanctuaires, Daech – l’État islamique – et Al Qaïda continuent d’étendre leur influence. Nous venons juste de franchir le seuil de 2 000 Français, ou individus résidant en France, impliqués dans les seules filières syro-irakiennes.

Parmi eux, 1 012 se sont rendus sur place depuis la France et 597 s’y trouvent toujours – soit 57 % de plus que le 1er janvier 2015. Au moins 161 y ont trouvé la mort. Ce sont autant d’individus et de plus en plus de femmes – près d’un tiers – qui ont fait le choix de partir vers ces zones de combat. Autant de fanatiques embrigadés, prêts à frapper leur pays.

La menace – potentielle celle-là –, ce sont aussi ces jeunes, filles et garçons, qui n’ont pas encore franchi le pas, mais qui se radicalisent, fascinés par cette idéologie de mort, magnifiant la violence, niant les consciences, et se nourrissant souvent d’un antisémitisme virulent. Vous êtes nombreux à avoir fait ce constat, sur tous les bancs, en particulier Malek Boutih, Éric Ciotti, Patrick Mennucci et Sébastien Pietrasanta, dans leurs travaux. La lutte contre cette radicalisation sera l’affaire d’une génération.

Nous sommes entrés dans un nouveau monde, nous avons changé d’époque et les Français, sortis d’une certaine forme d’insouciance, savent que le terrorisme nous fait la guerre, et que nous sommes en guerre. La menace terroriste est là. Elle va durer.

En décembre dernier, deux projets terroristes ont été déjoués, portant à onze le nombre de tentatives évitées en 2015.

En janvier, l’action commise devant un commissariat de police, dans le 18éme arrondissement de Paris, et la tentative de meurtre contre un enseignant d’une école juive à Marseille ont montré, à nouveau, que les modes opératoires étaient imprévisibles.

La France est une cible. Elle n’est pas la seule. À l’étranger, ces dernières semaines, plusieurs attentats ont été commis : à Bamako, à Istanbul, à Djakarta, à Ouagadougou.

Face à cela, les Français nous réclament de tout faire pour les protéger. Ils nous demandent l’unité, une unité sans faille.

Cette exigence d’unité, d’unité nationale, était au coeur des décisions prises dans la nuit même du 13 novembre : état d’urgence, rétablissement du contrôle aux frontières, mobilisation immédiate de nos forces de sécurité, de nos armées et de la justice.

Puis, il y eut la réunion, à l’Élysée, des groupes parlementaires, des formations politiques, le dimanche 15, pour créer les conditions du rassemblement. Elles n’étaient pas évidentes, après ce choc. Mais les Français ont imposé l’union. Et elle a été rendue possible parce que le Président de la République a fait un serment devant le Parlement, réuni en congrès à Versailles, le 16 novembre.

Et moi, je garde cette image qui restera gravée dans ma mémoire : ce moment où l’ensemble de la représentation nationale, l’ensemble des élus de la Nation, femmes et hommes, furent tous debout, applaudissant le Président de la République, le Président de tous les Français.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion