Je vous remercie, madame, pour la référence par laquelle vous avez clos votre propos. Ma question porte sur l'identité européenne.
La construction d'un projet européen autre qu'économique et monétaire doit nécessairement s'adosser à une identité commune. Le principe d'une citoyenneté européenne, instituée par le traité de Maastricht pour consolider l'émergence d'une identité européenne, est donc central et, étant donné la résurgence des nationalismes et de la xénophobie, prioritaire. Par la suite, la Convention du Conseil de l'Europe du 6 novembre 1997, complétant celle de Strasbourg du 6 mai 1963, laissait envisager l'harmonisation européenne des politiques d'acquisition de la nationalité. Ce texte établit plusieurs principes auxquels souscrivent les États signataires. La prévention de l'apatridie en est un, le respect des droits des personnes résidant habituellement sur les territoires concernés en est un autre ; tous se fondent sur le principe de la non-discrimination entre les ressortissants d'un État, « qu'ils soient ressortissants à la naissance ou aient acquis sa nationalité ultérieurement ».
Mais, contrairement à d'autres pays qui ont ratifié et appliqué la Convention, la France l'a seulement signée, le 4 juillet 2000. Pourtant, en matière de droit de la nationalité, du séjour des étrangers sur notre territoire ou de l'accueil des réfugiés, nous nous appuyons sur un corpus juridique et réglementaire issu des traités et conventions internationales, plus particulièrement européens.
Dès lors, le débat porté au sein du Parlement français sur le principe d'une déchéance de nationalité fait s'interroger. En premier lieu, c'est une nouvelle manifestation d'une course à la création de droits d'exception : les circonstances exceptionnelles ou l'urgence sont de plus en plus fréquemment invoquées et tendent à commander des modifications profondes de pans entiers de notre droit ; j'aimerais connaître votre sentiment sur ce point. Ensuite, le processus de construction européenne fait que le cadre des États-nations n'est plus le seul qui permet de définir des identités ; les clivages nationaux cèdent progressivement au profit d'une identité européenne plurinationale. Comment, alors, envisager une possible déchéance de nationalité sans s'interroger sur son sens politique et sa cohérence dans le cadre d'un espace européen légitime ?