Si l’on peut discuter de la nécessité de constitutionnaliser la nationalité et les conditions de sa déchéance comme le prévoit l’article 2, tel n’est pas le cas de l’inscription de l’état d’urgence dans notre texte suprême, laquelle est d’une impérieuse nécessité : par principe, d’abord, car il n’est pas souhaitable qu’un régime d’exception relève d’une simple loi ; par prudence, ensuite, dans la mesure où nous apportons dans cet article des garanties relatives au déclenchement et à l’usage de l’état d’urgence.
L’inscription de l’état d’urgence dans la Constitution ne perpétue pas son application. Il demeure, bien évidemment, un régime d’exception. Il ne s’agit pas d’une mesure permanente, pas plus que ne le sont les pleins pouvoirs de l’article 16 ni l’état de siège de l’article 36. Il s’agit d’une mesure à notre disposition pour faire face aux menaces de notre temps.
Elle accorde, certes, des pouvoirs hors du droit commun à l’exécutif, mais elle conserve intact, contrairement aux deux autres régimes d’exception, le fonctionnement de nos institutions, notamment le principe, qui est l’un des plus importants en démocratie, de la séparation des pouvoirs, imposant que la force, la loi et la justice ne soient pas tenues dans les mêmes mains.
Ce souci d’équilibre nous conduit d’ailleurs à rendre plus puissante la main du Parlement, lorsque celle de l’État sera plus forte. Cela répond en partie à ceux qui ont pu objecter qu’un contrôle du Conseil constitutionnel pouvait suffire. À interroger le constituant de 1958 ou le législateur de 1955 sur les nouveaux enjeux du XXIe siècle, nous nous trouvons rapidement devant des énigmes. Il s’agit aujourd’hui de prendre nos responsabilités, en ayant bien à l’esprit que nous modifions une loi prééminente, afin de ne déroger en rien au socle des principes de la République.
Sur cet article 1er, nous devons nous réunir, comme nous nous étions réunis, dans un même élan, pour dire notre horreur devant les massacres de janvier et de novembre derniers. Nous disions alors que nous ne renoncerions à aucun des principes, ni à aucun des droits qui étaient attaqués. L’article 1er grave cette détermination dans le marbre constitutionnel.