Monsieur le garde des sceaux, nous avons consacré du temps, ces dernières semaines, à voir comment l’État, à travers vos services et ceux du ministre de l’intérieur ici présent, appliquait les dispositions de la loi de 1955 revue en novembre dernier par notre Parlement. Nous sommes tombés d’accord en commission des lois, il y a quelques semaines, sur le fait qu’aucune liberté fondamentale n’était remise en cause par l’état d’urgence et ni vous ni moi n’avions constaté quelque forme de débordement ou de dérapage que ce soit au regard du respect des libertés publiques et des libertés individuelles. J’ajoute qu’à aucun moment le juge, en particulier le Conseil d’État saisi au contentieux, n’a établi qu’il fallait invalider le principe même d’une des dispositions prises dans le cadre de l’état d’urgence – ce qui n’exclut pas d’éventuelles modifications. Je ne vois pas de meilleure preuve qu’il n’est pas nécessaire de constitutionnaliser l’état d’urgence. De surcroît, dans l’avis qu’il a rendu sur ce projet de loi constitutionnelle, le Conseil d’État a rappelé que la loi de 1955 n’a pas été abrogée ni même modifiée par la Constitution de 1958.
En outre, l’idée même d’inscrire dans la Constitution un régime général de restriction de libertés me paraît contradictoire : la Constitution est davantage destinée à garantir les libertés fondamentales qu’à les réduire ou à en restreindre le champ d’application, ce qu’une loi ordinaire mais encadrée peut faire.
Enfin, deux derniers arguments : premièrement, dans quelle mesure la constitutionnalisation de l’état d’urgence ne priverait-il pas le Parlement de sa liberté d’appréciation quant à sa mise en oeuvre ? Deuxièmement, dans quelle mesure n’évacuerait-on pas ainsi définitivement la possibilité pour le juge judiciaire d’intervenir ?
Pour toutes ces raisons, je demande la suppression pure et simple de cet article.