Je vois deux objections à l’argumentation développée il y a quelques instants par le garde des sceaux. S’agissant du Parlement, tout d’abord, la constitutionnalisation de l’état d’urgence aura pour effet d’en limiter le rôle à celui voulu par la commission des lois de l’Assemblée nationale et par son président, c’est-à-dire à une simple fonction de contrôle. En définitive, si nous adoptons la nouvelle rédaction proposée pour l’article 36-1, le Parlement n’aura, en définitive, même plus à décider de la durée de l’état d’urgence : il ne pourra que s’interroger sur la manière dont celui-ci est appliqué.
Il est donc regrettable de vouloir ainsi figer les termes de la loi de 1955 – même si des adaptations seront sans doute adoptées à la marge –, car cela revient à réduire le rôle du Parlement. S’agissant de sujets qui touchent aux libertés fondamentales, une telle évolution me paraît malvenue.
Quant à l’argument selon lequel la constitutionnalisation de l’état d’urgence permettrait de se prémunir de toute dérive, je lui opposerai que, jusqu’à preuve du contraire, toute majorité peut réviser la Constitution : ce n’est donc pas parce qu’une formulation y est inscrite qu’elle est plus solide qu’une autre. Il n’y a pas de garantie supplémentaire par rapport à des régimes futurs – en l’espèce, tous sont susceptibles de dérives, pas seulement ceux auxquels vous pensez, monsieur le garde des sceaux.
Je maintiens donc ma volonté de supprimer cet article.