Mais, dans cette décision, le Conseil constitutionnel dit tout autre chose : il se déclare incompétent pour apprécier la constitutionnalité d’un texte promulgué avant la Constitution de 1958. Bref, cette objection à l’article 1er repose sur un faux raisonnement, qui ne correspond pas au contenu de la décision de 1985.
Le raisonnement de Mme Duflot ne tient pas davantage au regard du droit. Une fois l’état d’urgence constitutionnalisé, dit-elle, tout serait permis dans la loi ordinaire qui le mettrait en oeuvre dans la précipitation, y compris des mesures anticonstitutionnelles. Mais ce n’est pas possible puisque le Conseil constitutionnel peut être saisi d’une loi ordinaire par un nombre déterminé de parlementaires, et la censurer pour sa non-conformité avec notre loi fondamentale.
Votre raisonnement ne tient pas non plus, madame Duflot, en ce qu’il est contradictoire de définir l’état d’urgence comme un état d’exception qui justifie les plus grandes précautions tout en refusant d’inscrire celles-ci dans la Constitution afin, justement, de préserver les libertés publiques et de définir les limites au-delà desquelles le législateur ne peut pas aller. Votre raisonnement est quelque peu bizarre : si l’état d’urgence vous semble poser problème au regard des libertés publiques, alors vous devriez être la première à soutenir sa constitutionnalisation, car elle garantit qu’il ne remettra jamais en cause ces libertés.
Troisième argument : on n’est pas obligé, dans une loi relative à l’état d’urgence, d’adopter toutes les mesures envisageables dans un tel cadre. L’inscription de l’ensemble de ces mesures au sein d’une loi organique enlèverait donc de la souplesse, cette souplesse que permet justement la loi ordinaire, que l’on doit par conséquent préférer si l’on est soucieux de la juste proportionnalité des mesures adoptées.
Bref, l’article 1er est très protecteur des libertés publiques ; d’où mon total désaccord avec le raisonnement que l’on vient d’entendre.