Intervention de Bernard Cazeneuve

Séance en hémicycle du 8 février 2016 à 16h00
Protection de la nation

Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur :

C’est bien le signe qu’un juge contrôle ! Ces principes ont été formulés il y a très longtemps, en 1791, puis confirmés par l’arrêt Blanco et en 1987 par une décision du Conseil constitutionnel qui a considéré comme normal le contrôle des actes de police administrative par le juge administratif dès lors qu’ils ne sont pas dans le champ de l’article 66 de la Constitution. Tel est l’état du droit en France. Il découle des grands principes du droit, qui n’ont rien de choquant car ils ont fondé le fonctionnement de la République et des institutions de notre pays depuis des années, pour ne pas dire des décennies et des siècles.

Par conséquent, arguer que le contrôle effectué par un juge administratif est gravement attentatoire aux libertés parce que le juge administratif n’est pas un juge, comme on l’a déjà entendu lors de l’examen de la loi relative au renseignement, est faux en droit et ne correspond ni à l’histoire de notre pays ni aux textes définissant les principes généraux de notre droit. On aimerait, sur ces sujets, que la lecture des textes suffise à forger la conviction.

D’autre part, vous avez tenu des propos très intéressants, monsieur Amirshahi, selon lesquels l’état d’urgence est totalement arbitraire puisqu’il vise des gens qui n’ont rien à voir avec le sujet à traiter, c’est-à-dire le terrorisme. C’est complètement faux. Voici des chiffres très précis : 83 % des personnes assignées à résidence sont fichées pour radicalisation et 61 % des perquisitions administratives hors préfecture de police de Paris ont visé des personnes inscrites aux mêmes fichiers.

Autrement dit, entre 61 % et 83 % des mesures de police administratives qui ont été prises concernent des personnes relevant de l’islamisme radical. Quant au solde, il s’agit de réseaux délinquants dont les activités semblent susceptibles d’alimenter les activités des islamistes radicaux. Il existe en effet une porosité entre ces milieux, comme le montrent toutes les affaires de terrorisme.

Vous affirmez par ailleurs, monsieur le député, que peu d’affaires relèvent de l’islamisme radical. Je ne sais pas comment vous parvenez à ces chiffres car ceux qui ont fait l’objet d’une interpellation, d’une mise en garde à vue et d’une judiciarisation de leur situation voient leur dossier couvert par le secret de l’instruction. En outre, les instructions sont en cours et tous les éléments saisis à l’occasion des perquisitions n’ont pas encore été complètement étudiés.

Par conséquent, il n’est pas possible d’évoquer des chiffres qui sont couverts par le secret de l’instruction et portent sur des instructions encore inachevées. Je ne sais pas à quoi ils correspondent, mais en tout cas en rien à la réalité.

Enfin, j’insiste sur un point : grâce aux mesures autorisées par l’état d’urgence, nous avons démantelé un très grand nombre de réseaux délinquants dont l’instruction judiciaire montrera les liens qui les unissent à l’activité terroriste.

Je le dis à tous ceux qui s’inquiètent des libertés publiques – comme si le danger résidait dans l’état d’urgence et non dans le terrorisme : depuis le début du mois de janvier, nous avons procédé à quarante interpellations d’individus impliqués dans des activités à caractère terroriste. Ces interpellations ont abouti à dix-sept mises en examen, sous écrou ou sous contrôle judiciaire. L’ensemble des personnes interpellées l’ont été pour des activités de recrutement de terroristes sur un théâtre d’opérations terroristes, pour des actes à caractère terroriste ou pour apologie du terrorisme. Quarante, en un mois : ce sont des chiffres qui n’ont jamais été atteints jusqu’à présent et qui témoignent de l’activité des services !

Effectivement, nous considérons qu’il vaut mieux prévenir les actes de terrorisme par des mesures de police administrative contrôlées par le juge administratif plutôt que d’avoir à les judiciariser, après que les crimes ont été commis, faute d’avoir été capable de les prévenir.

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