Intervention de Bernard Cazeneuve

Séance en hémicycle du 8 février 2016 à 16h00
Protection de la nation — Article 1er

Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur :

Je n’ai jamais souhaité que l’état d’urgence devienne un état d’exception qui irait jusqu’à interdire toute manifestation relevant du droit de revendiquer ou d’exprimer son opinion. D’ailleurs, je vous rappelle qu’à l’occasion des questions au Gouvernement, j’ai très souvent été interpellé par des parlementaires me reprochant de ne pas avoir interdit des manifestations qu’en droit je ne pouvais pas interdire car j’aurais été cassé par le juge administratif et l’État s’en serait trouvé affaibli – ce qui nous renvoie, monsieur le député Debré, à la manifestation des taxis.

Je ne l’ai pas fait et j’ai donné des instructions très claires aux préfets pour que l’état d’urgence ne soit pas un état attentatoire aux libertés publiques et à la liberté d’expression. Et lorsque l’état d’urgence sera prorogé, le pays continuera à fonctionner selon ces principes.

Mme Duflot invoque le fait que l’état d’urgence a empêché des supporters d’assister à un match parce qu’un préfet y a fait référence. Mais cette décision n’est pas du tout liée à l’état d’urgence, madame, elle résulte du fait que lorsqu’un préfet prend une mesure d’interdiction, il ne peut la fonder que sur sa capacité, compte tenu des forces dont il dispose, d’assurer l’ordre public en cas de troubles. Ce n’est donc pas l’état d’urgence qui a dicté cette interdiction, mais le contexte, apprécié par le préfet. Il en est ainsi depuis l’arrêt Benjamin de 1933 qui n’est en rien lié à l’état d’urgence mais qui, depuis cette date, oblige les préfets qui prennent des mesures d’interdiction à les justifier au regard de leur possibilité de maintenir l’ordre public. Tel a été l’état du droit depuis 1933, cela fonctionne ainsi pendant l’état d’urgence et fonctionnera encore ainsi après l’état d’urgence.

La doctrine du Gouvernement est la suivante : il n’y a d’interdiction de manifester que dès lors que le trouble à l’ordre public est garanti au regard des moyens dont dispose l’autorité préfectorale pour maintenir l’ordre. Dans tous les autres cas, la manifestation peut avoir lieu.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion