Intervention de Diane Roman

Réunion du 26 janvier 2016 à 16h30
Délégation de l'assemblée nationale aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

Diane Roman, professeure de droit public à l'université François Rabelais de Tours :

Le « féminicide » est le fait de tuer une femme parce qu'elle est une femme. Ce terme, employé à l'étranger, est peu utilisé en France. Néanmoins, la Commission générale de terminologie et de néologie a récemment préconisé son utilisation dans le champ des sciences sociales et humaines, et le Petit Robert lui a consacré une entrée dans son édition 2015.

En droit français, un certain nombre de délits font l'objet d'une incrimination spécifique lorsqu'ils sont perpétrés en raison de leur caractère sexiste – c'est le cas des diffamations et des injures à caractère sexiste –, mais aucune circonstance aggravante n'est prévue pour les meurtres commis à l'encontre des femmes parce qu'elles sont femmes, alors que les meurtres commis en raison de motifs homophobes ou racistes font l'objet de sanctions renforcées. Néanmoins, les meurtres commis sur des femmes peuvent faire l'objet de circonstances aggravantes dans certains cas : lorsque la victime était enceinte ou lorsque le meurtre a été commis par le conjoint ou le concubin de la victime ou le partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité (PACS).

Faut-il aller plus loin ? Sans forcément inscrire le terme « féminicide » dans le code pénal, il semble utile d'en retenir l'idée. En effet, les homicides commis par l'ex-concubin n'entrent pas dans le champ des circonstances aggravantes précitées. De même, dans l'hypothèse où des meurtres seraient motivés par la haine des femmes – comme les meurtres commis à l'école polytechnique de Montréal en 1989 et au Mexique dans les environs de Ciudad Juarez –, les dispositions actuelles du code pénal ne permettraient pas de les sanctionner spécifiquement.

En refusant de reconnaître la spécificité de certains homicides sexistes, et en inscrivant le caractère universel du terme « homicide » – dont la vocation est de couvrir l'ensemble des violences, à l'encontre des femmes comme des hommes –, le droit pénal français contribue, selon moi, à invisibiliser une construction sociale fondée sur le genre et largement défavorable aux femmes.

C'est la raison pour laquelle je suis, à titre personnel, favorable à une modification de l'article 221-4 du code pénal, qui prévoit les circonstances aggravantes du meurtre. Il s'agirait d'insérer à l'alinéa 7° de cet article les mots « à raison du sexe, » avant les mots « de l'orientation ou identité sexuelle de la victime ». Cette modification constituerait un progrès considérable en matière de défense des femmes, notamment des femmes victimes de violences conjugales.

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