Intervention de Antoine Fabre

Réunion du 26 janvier 2016 à 16h30
Délégation de l'assemblée nationale aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

Antoine Fabre, avocat spécialisé en droit pénal :

L'analyse d'Édouard Durand est tout à fait pertinente. Je suis moi-même opposé à l'introduction d'une circonstance aggravante « à raison du sexe », car les violences au sein du couple – hétérosexuel ou homosexuel – touchent aussi bien le conjoint que la conjointe. Même si le modèle hétérosexuel est dominant, le nombre d'agressions envers les hommes est en augmentation et celui des agressions commises contre des femmes est en diminution. Récemment à Paris, s'est tenu le procès d'une femme qui avait battu son compagnon pendant une longue période. C'est donc bien le lien relationnel qui est en cause, plutôt que la notion de sexe. Les deux affaires citées par Mme Roman, au Mexique et au Canada, justifient-elles de changer la loi ? Dans mon quotidien d'avocat, je n'ai jamais eu connaissance d'agressions de femmes parce qu'elles étaient femmes ; par contre, j'ai rencontré un grand nombre de femmes victimes d'agressions parce qu'elles vivaient avec un homme violent. Ainsi, la vraie problématique est : comment sauver la vie des femmes victimes de violences ?

Dans l'affaire Jacqueline Sauvage, le dossier a été, selon moi, présenté de manière un peu simple. Je rappelle qu'un certain nombre de magistrats professionnels, tant en première instance qu'en appel, ont jugé que cette femme devait être condamnée. Ce que j'ai entendu de l'audience, c'est que la présentation selon laquelle cette femme a été victime de violences pendant une durée aussi longue n'était pas aussi certaine et qu'un des enfants n'a pas témoigné dans le sens des violences exposées, ce qui pourrait permettre de mieux comprendre le délibéré qui a été rendu.

Instaurer la présomption de légitime défense serait un aveu d'échec terrible au regard des lois qui ont été votées pour lutter contre les violences conjugales – je pense en particulier à l'éviction du conjoint violent du domicile. La justice fonctionne très bien lorsque les femmes déposent plainte – ce que n'a pas fait Mme Sauvage –, la condamnation étant quasi automatique lorsque la plainte est accompagnée d'un certificat médical attestant de violences, mêmes légères. Je le constate pratiquement toutes les semaines dans mon métier.

Aucune procédure n'a été diligentée par Mme Sauvage. Deux hypothèses. Soit elle n'a pas été victime, et c'est la raison pour laquelle elle ne l'aurait pas fait. Dans ce cas, pourquoi faudrait-il créer ce flou juridique ? Soit elle est victime. Alors comment se fait-il que, pendant quarante-sept ans, cette femme n'ait jamais rencontré un interlocuteur à même de l'aider à accomplir des démarches ? Comment se fait-il qu'elle soit restée dans l'isolement aussi longtemps, malgré l'existence de permanences gratuites proposées par les avocats, d'un numéro vert et de campagnes de presse sur les violences conjugales ?

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion