Le texte de cet article a été profondément modifié en commission par un amendement gouvernemental, qui induit beaucoup d’interrogations. Avec cette nouvelle rédaction, une personne pourra être déchue de la nationalité française pour un crime ou un délit – terme qui a été rajouté. Cela élargit considérablement le champ des possibilités.
On nous dit que ces crimes et délits seront précisés dans une loi, et que seuls ceux punis d’au moins dix ans d’emprisonnement seront concernés. Mais nous légiférons pour l’avenir. Si un régime autoritaire s’emparait de cette modification constitutionnelle, elle pourrait s’appliquer massivement. On tremble à l’idée de ce qu’une simple loi en découlant pourrait contenir. Il est indispensable que le terme « délit » soit supprimé.
J’en reviens au texte proposé. Juridiquement, l’expression « atteinte grave à la vie de la Nation » n’a pas de sens précis. Pouvez-vous nous éclairer sur ce point, monsieur le ministre ?
À qui s’applique la déchéance de nationalité ? Aux personnes nées en France ? Aux Français par acquisition de nationalité ? Aux binationaux ? Si la déchéance de nationalité s’applique aux Français détenteurs d’une seule nationalité, cela créera des apatrides, et ce n’est pas la signature de la convention des Nations unies sur l’apatridie de 1961 qui réglera le problème, puisqu’elle autorise des exceptions. Or, d’après l’article 15 de la Déclaration universelle des droits de l’homme, « tout individu a droit à une nationalité ». Cela pourrait être jugé contraire à la Convention européenne des droits de l’homme, en son article 8. Cela serait également contraire aux articles 4 et 6 du pacte international relatif aux droits civils et politiques des Nations unies, ratifié par la France.
Par ailleurs, si cette mesure de déchéance de nationalité ne s’applique qu’aux binationaux, cela introduit une différence entre les Français qui ont une seule nationalité et les binationaux, en contradiction avec l’article 1er de la Constitution, qui prévoit que la France assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous éclairer sur ces questions ?
La déchéance de nationalité ne sert à rien pour lutter contre des terroristes prêts à mourir.