Je ne parviens pas à comprendre comment, sur un sujet aussi important qu’est celui de l’appartenance d’une personne à la communauté nationale, d’une caractéristique dont on dit qu’elle est, dans une certaine mesure, indissociable de l’identité de chacun d’entre nous, on soit passé des déclarations du Congrès de Versailles à une formulation intermédiaire, avant d’en arriver à l’amendement no 63 , sur lequel la commission a donné un avis favorable.
Sur un sujet d’une telle gravité, je n’arrive pas à comprendre une telle légèreté, à moins de considérer que la question de fond qui nous est posée n’est peut-être pas tant de savoir comment l’on pourrait ne plus être Français que de savoir ce que signifie de l’être.
Dans l’entrelacs des conventions internationales et de leur articulation avec notre droit, il convient de se demander quels sont les principes les plus forts.
Monsieur le garde des sceaux, vous avez dit vendredi matin, en réponse à l’un de nos collègues, que la déchéance de nationalité était non pas un symbole, mais un principe. Je suis sans doute moins juriste que vous – j’émets moi-même cette réserve au sujet de mon argument –, mais j’ai beau chercher dans la liste des principes généraux du droit, j’ai beau chercher dans l’architecture des normes, je ne trouve ni de près ni de loin en quoi le fait de priver une personne de l’une de ses qualités dans la Constitution peut constituer un principe.
Si vous voulez dire par là que le droit doit sanctionner d’une manière ou d’une autre l’attitude de celui qui, par son comportement, se retire de la communauté nationale, je le comprends. Je ne suis pas opposé à cette conception, qui existe d’ailleurs dans notre droit. Je ferai mien l’argument que Robert Badinter – mes collègues de la majorité me pardonneront de le citer – a avancé dans les colonnes d’un journal du soir, vendredi. Il suffisait, pour atteindre le même objectif sans déranger la Constitution, de modifier les articles du code civil relatifs à la perte de nationalité. Nous aurions eu le même résultat, et moins de désordres politiques.