La démocratie, cela n’a jamais été la faiblesse face aux ennemis de la République. Contrairement à d’autres collègues, je souscris à l’idée qu’un individu qui a commis un acte terroriste rompt de fait son lien avec la Nation. Mais la mesure concrète censée traduire cette constatation conduit immanquablement à l’alternative suivante : soit, pour ne pas créer une inégalité entre terroristes, elle doit concerner tous les Français, y compris ceux de naissance n’ayant pas d’autre nationalité, au risque de fabriquer des apatrides ; soit, pour ne pas fabriquer d’apatrides, elle doit établir une distinction entre Français, selon qu’ils sont mononationaux ou binationaux.
Je reconnais l’habileté de la seconde rédaction proposée par le Gouvernement, mais les contradictions en apparaissent bien dans l’exposé sommaire de son amendement, entre les points 1 et 4.
Pour le reste, je suis en désaccord avec l’idée de priver l’autorité administrative de la possibilité de déchoir, par décret en Conseil d’État, une personne qui a été naturalisée et qui a commis un acte de terrorisme. Cette idée me semble discutable sur le fond parce qu’à partir du moment où la naturalisation est intervenue par une décision de l’autorité publique, il est légitime qu’elle soit reprise par la même autorité, dès lors qu’un acte terroriste est commis. Et c’est bien ainsi qu’il a été procédé pour les vingt-cinq déchéances prononcées, dont il a souvent été fait état au cours du débat.
Par ailleurs, il me semble que le Premier ministre, répondant cet après-midi à notre collègue Jean-Luc Laurent, a évoqué ces situations que nous connaissons d’étrangers assignés à résidence pour leur engagement dans le djihad, qui ne sont pas expulsables en raison de conventions internationales. Nos concitoyens ne comprennent pas ces situations inextricables : ils les vivent comme une forme d’impuissance de l’État et de la France. Je ne souhaite pas que l’on reproduise avec la nationalité ce que l’on connaît aujourd’hui en matière de droits des étrangers.
Enfin, ni l’engagement du Président de la République, ni le moment actuel ne sont en cause. Mais je suis obligée de regarder cette proposition de révision de la loi fondamentale de la République avec une certaine inquiétude pour l’avenir. Parce que c’est la loi fondamentale que nous mettons entre les mains des majorités futures, avec peut-être le meilleur mais aussi, peut-être, le pire. Or je ne souhaite pas que la loi fondamentale de la République puisse autoriser la déchéance de nationalité de Français de naissance, par une loi simple modifiant le code pénal.