La séance est ouverte.
La séance est ouverte à vingt et une heures trente.
Avant que nous ne commencions l’examen des autres amendements dans cette discussion commune, j’indique que sur l’amendement no 50 , qui a été soutenu avant la levée de séance cet après-midi, je suis saisi par le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Nous en venons aux amendements identiques nos 63 et 48 .
L’amendement no 63 fait l’objet des sous-amendements nos 252 , 268 , 250 , 251 , 257 , 279 , 245 , 246 , 277 , 260 , 244 , 261 , 266 et 271 .
Les sous-amendements nos 250 , 251 , 257 et 279 sont identiques, de même que les sous-amendements nos 244 , 261 , 266 et 271 .
La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice, pour présenter l’amendement no 63 .
Sans doute le terme de « présentation » est-il un peu excessif, dans la mesure où le texte de cet amendement est déjà largement connu. En effet, la commission des lois a adopté un amendement identique mais dans le cadre de nos procédures de révision constitutionnelle, c’est le projet de loi initial qui sert de base à la discussion dans l’hémicycle. Je vais toutefois m’employer à présenter cet amendement, pour lequel le Gouvernement a été critiqué au motif qu’il aurait fait preuve d’une certaine indécision. Lorsque le Gouvernement fait une proposition et s’y tient, lorsqu’il ne suit pas les propositions des parlementaires, on lui reproche d’être sourd au débat parlementaire et de nier la souveraineté du Parlement. Lorsque le Gouvernement évolue sur sa proposition en écoutant les suggestions amicales des parlementaires, on lui reproche d’être fluctuant. Chacun conviendra donc qu’il est difficile d’avoir une position qui puisse recueillir l’assentiment général.
En l’occurrence, le Gouvernement a proposé un nouvel amendement, qui est le fruit d’un débat avec l’ensemble de l’Assemblée nationale et pas uniquement le groupe majoritaire ; il résulte aussi d’un certain nombre d’observations formulées par les groupes minoritaires ou d’opposition. Ce nouvel amendement, qui vous a été remis, répond à trois exigences supplémentaires.
Premier principe : l’exigence absolue d’égalité. Chacun le sait à présent, l’article 25 du code civil dispose que seules peuvent être déchues de la nationalité française les personnes qui l’ont acquise, qui disposent d’une autre nationalité et qui ont été condamnées pour un certain nombre de crimes ou délits constitutifs d’actes de terrorisme ou attentatoires aux intérêts fondamentaux de la nation. La commission des lois et le Gouvernement vous proposent de rétablir une égalité parfaite, puisque cette inégalité des Français devant l’exigence républicaine première, celle de la défense des valeurs fondatrices, n’est plus compréhensible dans les moments que traverse notre pays. Cette inégalité doit donc disparaître, car nous devons tenir un discours ferme et clair pour les années qui viennent. En effet, la menace n’est plus virtuelle : nous l’avons constatée et en avons été meurtris. La première exigence consiste donc à rétablir ce principe d’égalité, en vertu duquel toute personne condamnée pour terrorisme doit pouvoir être déchue de la nationalité française, quel que soit le mode d’acquisition de celle-ci.
Deuxième principe qui fonde cette proposition d’amendement : la proportionnalité de la sanction. Comme l’atteste le nombre d’interventions qui ont eu lieu depuis vendredi sur ce projet de loi constitutionnelle de protection de la Nation, les matières que nous abordons sont graves. Retirer la nationalité est une décision certes lourde de sens mais qui témoigne aussi d’une certaine idée de la République. J’ai eu l’occasion de dire vendredi dernier qu’en la matière, il ne fallait pas renverser la charge de la preuve. C’est la nation qui constate la déchirure définitive de ceux qui ont choisi, librement choisi de ne plus appartenir à la communauté nationale. Ce n’est pas la France, ce n’est pas la Nation qui les rejette, ce sont les terroristes qui ont choisi de partir. Comme l’a dit le Premier ministre tout à l’heure, le fait de déchoir de la nationalité revient à acter qu’un certain nombre d’individus ne sont plus dignes d’appartenir à la communauté nationale.
Pour tenir compte de la gravité de cette sanction, le Gouvernement vous propose de ne prononcer cette déchéance qu’en cas de condamnation pour certains crimes ou délits – bien sûr pas n’importe lesquels. Il s’agit évidemment des crimes constitutifs d’actes de terrorisme et d’atteintes aux intérêts fondamentaux de la nation, tels que le prévoit le titre IV du code pénal. Le débat a eu lieu à diverses reprises, notamment devant la commission des lois, où a été évoquée la possibilité de faire référence aux « atteintes à la vie de la Nation ». Nous nous sommes demandés si le concept d’ « intérêts fondamentaux de la Nation », qui est une notion stabilisée, excluait le terrorisme. Il est vrai que la structure de notre code pénal peut nourrir cette incertitude. Aussi, la notion d’ « atteinte grave à la vie de la Nation » qui vous est proposée vise-t-elle précisément à englober explicitement le terrorisme.
Ensuite, pourquoi inclure les délits ? Comme le Premier ministre l’a précisé, le Gouvernement les avait fait figurer dans le texte soumis au Conseil d’État. Patrick Mennucci l’a redit tout à l’heure : depuis 2012, le Gouvernement – à cinq reprises, je crois – a déchu de leur nationalité des individus condamnés pour terrorisme. Il me semble d’ailleurs qu’à l’époque, personne ne s’en était ému dans l’hémicycle. Or, tous ont été déchus de leur nationalité après une condamnation pour des délits. Nous considérons évidemment que seuls les délits les plus graves, pour lesquels la peine encourue est de dix ans d’emprisonnement, doivent être retenus. Les crimes et délits retenus sont donc ceux qui constituent une atteinte à la vie de la Nation.
Enfin, la troisième évolution introduite par cet amendement consiste à faire passer la déchéance de nationalité du code civil au code pénal, c’est-à-dire d’en confier la responsabilité au juge judiciaire. Pourquoi le juge judiciaire ? Parce que, dorénavant, nous considérons qu’il s’agit d’une sanction. Lorsque le juge la prononce, il est garant du respect des conventions signées par la France ainsi que du cadre juridique général qui s’impose à lui. Il détiendra la responsabilité unique en la matière, pourra analyser le cas d’espèce et veiller à la proportionnalité de la mesure. Évidemment, cela ne sera appliqué qu’au stade de la condamnation définitive. Le choix du juge pénal, c’est le choix de l’efficacité. La sanction sera prononcée en une seule fois, après un examen de l’affaire dans le cadre d’un procès équitable, où chacun fera valoir ses arguments. La sanction sera prononcée par la juridiction antiterroriste, dans le cas d’espèce la Cour d’assises spéciale de Paris, composée de juges spécialisés, aguerris, fins connaisseurs de ces dossiers.
Tel est, mesdames, messieurs, le sens de l’amendement déposé par le Gouvernement. Il a avant tout pour objet d’inscrire définitivement cette sanction de la déchéance de nationalité dans le cadre d’une conception républicaine, qui inclut au sein de la République tous ceux qui ont fait le serment de la défendre et qui vise à mesurer la force de la riposte, pour tenir compte de chaque cas. En réalité la question est celle-ci : comment la République se défend-elle quand elle est agressée ? La conception que nous avons retenue s’en remet à l’autorité judiciaire, garante des libertés et des droits, mais surtout garante du débat, auquel nous tenons par dessus tout et que nous menons ce soir, avec, évidemment, une certaine gravité.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La parole est à M. Denis Baupin, pour soutenir le sous-amendement no 252 .
La parole est à M. Jean-Marc Germain, pour soutenir le sous-amendement no 268 .
Je crois que nos débats ont permis d’avancer, d’abord sur l’article 1er, qui nous a largement réunis, puis sur l’idée qu’il fallait opposer un symbole fort à ceux qui s’attaquent à nous. Toutefois, à la suite de l’initiative du Président de la République à Versailles, on s’est trouvé confrontés à deux écueils : d’un côté, la création de discriminations entre les Français, selon qu’ils sont mononationaux ou binationaux, d’un autre côté, la création d’apatrides.
Il est tout à l’honneur du Gouvernement de nous préciser le contenu du projet de loi à venir, mais cette réforme constitutionnelle n’empêche ni l’un ni l’autre, puisqu’elle permet d’établir des discriminations entre les Français binationaux et mononationaux, comme dans la première version de l’avant-projet, ou elle permet de créer des apatrides.
Surtout, nous devons nous demander : qu’autoriser pour l’avenir ? La déchéance de citoyenneté et des droits qui y sont rattachés serait une solution tout aussi forte sur le plan du symbole et tout aussi efficace en matière de privation de droits, tout en permettant d’éviter ces deux écueils. Elle montrerait, symboliquement, que la République, à laquelle les terroristes se sont attaqués, leur répond avec ses valeurs, celles de la citoyenneté et des droits qui lui sont rattachés.
Ce sous-amendement poursuit le débat, que nous avons déjà eu, sur la nécessité ou non de proposer comme peine complémentaire une déchéance de la nationalité pour nos concitoyens qui ont commis des actes de terrorisme, qu’ils soient mononationaux ou binationaux, et quelle que soit la façon dont ils ont acquis la nationalité française.
Comme Jean-Marc Germain vient de le dire et comme Denis Baupin l’avait déjà dit cet après-midi, la solution qui nous semble préférable est celle d’une déchéance uniquement des droits afférents à la citoyenneté, à la nationalité, solution qui constituerait un symbole aussi fort que ce qui est proposé, mettrait définitivement un terme au débat ouvert depuis un certain temps sur le sujet et conduirait à une révision de la Constitution susceptible de nous rassembler tous dans cet hémicycle.
La parole est à M. Denis Baupin, pour soutenir le sous-amendement no 251 .
La parole est à M. Jean-Luc Laurent, pour soutenir le sous-amendement no 257 .
Ce sous-amendement me permet de maintenir et de réitérer la position que j’ai exprimée, en tant que député MRC, visant à supprimer la déchéance de nationalité. Mais il vise surtout à obtenir des précisions. Comme je l’ai indiqué tout à l’heure, j’ai fait part de mon désaccord au Président de la République : celui-ci m’a indiqué dans sa réponse que, contrairement à ce que je pouvais penser, la déchéance produit des effets concrets, parmi lesquels des mesures de police telles que l’éloignement ou l’assignation à résidence sans limitation de durée. Je persiste à penser que ces mesures méritent des éclaircissements dans le débat sur l’amendement du Gouvernement.
La parole est à Mme Delphine Batho, pour soutenir le sous-amendement no 279 .
La démocratie, cela n’a jamais été la faiblesse face aux ennemis de la République. Contrairement à d’autres collègues, je souscris à l’idée qu’un individu qui a commis un acte terroriste rompt de fait son lien avec la Nation. Mais la mesure concrète censée traduire cette constatation conduit immanquablement à l’alternative suivante : soit, pour ne pas créer une inégalité entre terroristes, elle doit concerner tous les Français, y compris ceux de naissance n’ayant pas d’autre nationalité, au risque de fabriquer des apatrides ; soit, pour ne pas fabriquer d’apatrides, elle doit établir une distinction entre Français, selon qu’ils sont mononationaux ou binationaux.
Je reconnais l’habileté de la seconde rédaction proposée par le Gouvernement, mais les contradictions en apparaissent bien dans l’exposé sommaire de son amendement, entre les points 1 et 4.
Pour le reste, je suis en désaccord avec l’idée de priver l’autorité administrative de la possibilité de déchoir, par décret en Conseil d’État, une personne qui a été naturalisée et qui a commis un acte de terrorisme. Cette idée me semble discutable sur le fond parce qu’à partir du moment où la naturalisation est intervenue par une décision de l’autorité publique, il est légitime qu’elle soit reprise par la même autorité, dès lors qu’un acte terroriste est commis. Et c’est bien ainsi qu’il a été procédé pour les vingt-cinq déchéances prononcées, dont il a souvent été fait état au cours du débat.
Par ailleurs, il me semble que le Premier ministre, répondant cet après-midi à notre collègue Jean-Luc Laurent, a évoqué ces situations que nous connaissons d’étrangers assignés à résidence pour leur engagement dans le djihad, qui ne sont pas expulsables en raison de conventions internationales. Nos concitoyens ne comprennent pas ces situations inextricables : ils les vivent comme une forme d’impuissance de l’État et de la France. Je ne souhaite pas que l’on reproduise avec la nationalité ce que l’on connaît aujourd’hui en matière de droits des étrangers.
Enfin, ni l’engagement du Président de la République, ni le moment actuel ne sont en cause. Mais je suis obligée de regarder cette proposition de révision de la loi fondamentale de la République avec une certaine inquiétude pour l’avenir. Parce que c’est la loi fondamentale que nous mettons entre les mains des majorités futures, avec peut-être le meilleur mais aussi, peut-être, le pire. Or je ne souhaite pas que la loi fondamentale de la République puisse autoriser la déchéance de nationalité de Français de naissance, par une loi simple modifiant le code pénal.
La parole est à M. Philippe Vigier, pour soutenir le sous-amendement no 245 .
La rédaction proposée par le Gouvernement à l’alinéa 4 de son amendement offre la possibilité de la déchéance de nationalité « ou des droits attachés à celle-ci ». Ce sous-amendement vise à limiter le champ d’application de l’article 2 à la seule déchéance de nationalité.
Monsieur Vigier, vous conservez la parole pour soutenir le sous-amendement no 246 .
Ce sous-amendement, dans la même ligne que le précédent, vise à remplacer, à l’alinéa 4, le mot « ou » par le mot « et », de façon que se cumulent la déchéance de nationalité et celle des droits attachés à cette nationalité. Cela est naturellement très différent de ce que propose le Gouvernement, qui écrit « ou ».
La parole est à M. Christophe Cavard, pour soutenir le sous-amendement no 277 .
Monsieur le Premier ministre, monsieur le garde des sceaux, le rôle du juge dans le dispositif de la sanction potentielle concernant la déchéance de nationalité a déjà été évoqué à plusieurs reprises ici. Il semble certes que ce sujet concerne moins le texte que nous examinons que les lois d’application qui viendront plus tard.
Mais, dans le débat sensible que nous menons sur la déchéance de nationalité, un grand nombre d’entre nous souhaite vraiment que l’on ne puisse pas revenir sur le fait que ce soit un juge qui prononce cette sanction, et non, comme aujourd’hui l’autorité administrative par décret. Ce sous-amendement vise donc, à l’alinéa 4, à rajouter les mots « par un magistrat ». Ainsi l’obligation que cette sanction potentielle relève de la justice, et non plus du pouvoir administratif, sera bien inscrite dans la Constitution.
La parole est à Mme Marie-Françoise Bechtel, pour soutenir le sous-amendement no 260 .
Je signale tout d’abord qu’une erreur matérielle s’est glissée dans le texte de ce sous-amendement, qui doit se lire : « À l’alinéa 4, après les mots : « nationalité française » », et non : « À l’alinéa 4, après le mot : « celle-ci » ». Il s’agit d’inscrire, précisément après les mots : « nationalité française », les mots : «, dans le respect du principe d’égalité ». Ce sous-amendement poursuit un double objet. Tout d’abord, la Constitution étant un texte qui autorise, un discours de la méthode, qui permet ensuite à la loi de se déployer dans ce cadre, elle doit être parfaitement claire. Il doit être clair qu’elle autorise la déchéance de nationalité pour absolument tout le monde, dans le respect du principe d’égalité.
Mais ce sous-amendement a un autre sens : la loi, lorsqu’elle interviendra, devra tenir compte du principe d’égalité, y compris dans le cas où un mononational ne serait pas dans la même situation qu’un binational. Il lui appartiendra de dire que le juge prendra en compte la diversité des situations, selon que le binational ou le mononational se trouvent ou non à égalité.
Enfin, nous venons d’étudier certains sous-amendements prévoyant la déchéance des seuls droits attachés à la nationalité. Or s’il y a une petite faiblesse dans le texte du Gouvernement, c’est bien d’avoir introduit dans la Constitution les droits attachés à la nationalité car cela ne relève pas du tout du domaine constitutionnel. La révision constitutionnelle à laquelle nous travaillons a pour seule et unique raison de pouvoir éventuellement, de manière tout à fait restrictive, priver des mononationaux de leur nationalité. C’est le seul point relevant du champ constitutionnel. Le reste, cela a été amplement répété, est du domaine de la loi.
Dans ces conditions, mentionner ainsi dans la Constitution exclusivement les droits attachés à la nationalité, n’aurait absolument aucun sens.
« Absolument ! » sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.
Le Gouvernement prévoit la possibilité de déchoir de la nationalité une personne condamnée pour un crime ou un délit constituant une atteinte grave à la vie de la Nation. Les condamnations pour délit ne figuraient pas dans la version initiale du texte, à laquelle nous souhaiterions revenir, considérant en effet que ces condamnations-là ne doivent pas conduire à une déchéance de nationalité. D’où notre proposition de supprimer à l’alinéa 4 les mots : « ou un délit. »
La parole est à Mme Marie-Françoise Bechtel, pour soutenir le sous-amendement no 261 .
Ce sous-amendement vise lui aussi à supprimer les mots « ou un délit ». Tout d’abord, même si cela figure aujourd’hui dans le code civil, nous pouvons parfaitement restreindre les cas. Puisque d’un côté nous étendons le champ d’application de la déchéance de nationalité, y compris aux mononationaux, il ne serait pas illogique d’un autre côté de le restreindre en n’incluant pas les délits.
Nous aurons ce débat, qui a déjà été amorcé par l’opposition : si nous nous bornons à condamner par la déchéance de nationalité les crimes pénalement condamnés, nous perdons une partie du contenu de la Convention de New York que nous nous apprêtons pourtant à ratifier. L’article 8-3 de cette convention, sur lequel la France avait fait une déclaration, permet en effet d’infliger la déchéance à des mononationaux, pas seulement s’ils ont été condamnés, mais aussi s’ils ont fait allégeance à un État ou un groupe armé étranger, et s’ils ont porté atteinte aux intérêts de la France.
Le débat de ce soir n’est certes pas d’étendre le champ de l’apatridie : je suis moi-même pour une apatridie aussi limitée que possible – le juge précisément y veillera. Tout de même, nous sommes confrontés à une difficulté, car nous introduisons dans le texte les délits – ce qui n’est pas d’un intérêt extrême en matière punitive – et nous oublions une partie de la convention de New York.
Contrairement à ce que j’ai entendu tout à l’heure, la Constitution a une valeur supérieure aux traités.
Mon cher collègue, je crois tomber des nues en entendant des choses pareilles.
La Constitution, qui a une valeur supérieure aux traités, autorise la déchéance pour les personnes condamnées. Cela signifie qu’elle ne l’autorisera pas à l’avenir pour des gens qui, si je puis m’exprimer ainsi, ne représentent qu’un danger pour la Nation. Nous rencontrerons cette difficulté dans le débat sur d’autres amendements.
S’il vous plaît, mes chers collègues, il y a trop de murmures. Nous avons du mal à nous entendre convenablement.
La parole est à Mme Marie Le Vern, pour soutenir le sous-amendement no 266 .
La parole est à Mme Cécile Duflot, pour soutenir le sous-amendement no 271 .
La parole est à M. Dominique Raimbourg, président et rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour soutenir l’amendement no 48 .
J’ai déjà présenté cet amendement, adopté par la commission et qui est identique à l’amendement no 63 du Gouvernement, en expliquant qu’il vise à rechercher une sanction qui ait du sens pour le pays. Nous nous sommes naturellement arrêtés sur cette question de déchéance de nationalité. J’ai expliqué les équilibres auxquels nous étions arrivés, en lien, également, avec le projet de loi d’application qui a été présenté.
Ces amendements ont le même objet que mon précédent sous-amendement, et j’attends la réponse du Gouvernement et du rapporteur concernant le rôle du magistrat, et plus particulièrement du juge.
Il s’agit d’un point important, sur un sujet lui-même sensible. Je fais partie du grand nombre de ceux qui ont demandé la suppression de l’article 2. Pour être clair, l’adoption de ces amendements ferait évoluer le texte dans un sens qui nous apparaîtrait comme un moindre mal, puisque nous aurions la garantie que c’est bien le juge qui, en toute indépendance, pourra déchoir de sa nationalité une personne condamnée.
La parole est à M. Philippe Vigier, pour soutenir l’amendement no 148 .
Cet amendement vise à étendre la déchéance de nationalité à l’ensemble des Français, qu’ils soient binationaux ou mononationaux, lorsqu’ils ont été condamnés pour un crime constituant une atteinte grave à la vie de la Nation. Nous proposons donc une harmonisation, afin qu’il ne soit pas fait de distinction entre les deux catégories de Français.
La parole est à Mme Marie-Françoise Bechtel, pour soutenir l’amendement no 90 .
Cet amendement n’aura pas vocation à prospérer si nous adoptons l’amendement du Gouvernement, puisqu’il revient, comme le texte à présent défendu par celui-ci, à supprimer l’expression : « qui détient une autre nationalité ». Le texte constitutionnel s’appliquera ainsi à l’ensemble des nationaux, qu’ils soient mononationaux ou binationaux.
Quel est l’avis de la commission sur l’ensemble de ces amendements en discussion commune ainsi que sur les sous-amendements à l’amendement du Gouvernement ?
L’avis de la commission est défavorable à l’ensemble des sous-amendements à l’amendement du Gouvernement, et ce, pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, l’amendement du Gouvernement, comme celui de la commission, prévoit une déchéance de la nationalité ou des droits attachés à la nationalité – la déchéance peut donc être partielle. Par ailleurs, le projet de loi prévoit qu’il s’agira d’une peine complémentaire : par conséquent, la question du magistrat est désormais réglée. Enfin, dès l’instant où l’on supprime la mention des binationaux, il y a implicitement un renvoi à l’article 1er de la Constitution, qui assure l’égalité de tous les Français entre eux.
Une question plus difficile subsiste, celle des délits, qui pose deux types de problèmes. Il nous appartiendra, dans la loi d’application, de déterminer jusqu’à quel type de délit la peine complémentaire de déchéance pourra être prononcée. Mais il est impossible, à ce stade, de supprimer la mention des délits, aussi gênante qu’elle puisse paraître. Le projet est en effet de supprimer l’article 25-1 du code civil et de faire en sorte que les binationaux naturalisés soient traités comme l’ensemble des autres citoyens français : il nous faut donc reprendre la notion de « délit » et l’introduire dans la peine complémentaire.
Pour l’instant, donc, et même s’il faudra être prudent sur la question des délits et veiller à ce que l’on ne descende pas trop bas, il est quasi nécessaire de conserver cette notion. J’ajoute par ailleurs, pour répondre à Mme Bechtel, qu’il faudra nécessairement procéder à une harmonisation avec les dispositions de la Convention de New York. Certaines d’entre elles permettent effectivement la perte de nationalité pour certains délits, tandis que subsiste, dans notre code civil la possibilité de constatation de la perte de nationalité. Celle-ci figure aux articles 23 et suivants, qui n’ont jamais beaucoup servi, la dernière occurrence remontant à 1970, pour des Français partis servir dans des armées étrangères. Ce sont là des dispositions très particulières, mais il conviendra de les articuler dans la loi d’application.
Quel est l’avis du Gouvernement sur l’ensemble des sous-amendements à son amendement, ainsi que sur les autres amendements en discussion commune ?
Même avis défavorable que la commission sur l’ensemble de ces propositions.
Puisque je ne demanderai pas la parole sur d’autres amendements de même type, j’espère bénéficier de votre bienveillance, monsieur le président, si je dépasse légèrement les deux minutes.
Je voudrais commencer par saluer nos exégètes qui, dans quelques décennies, noteront que vous avez demandé à ce que l’on ne touche pas à votre article 2, parce que vous souhaitiez y toucher vous-mêmes.
Cela m’amène à faire quelques remarques, la première en réponse à ce qu’a dit à plusieurs reprises notre président et rapporteur : je ne comprends pas l’expression : « loi d’application ».
Il n’y a pas de loi d’application. Il y a un domaine de la loi, défini à l’article 34, dans le cadre duquel des lois sont votées. Ce qui veut dire qu’une loi peut être prise dans un certain sens, et une autre loi dans un autre sens.
Et si vous créez une confusion, c’est parce que vous faites implicitement référence à des lois qui sont, non pas des lois d’application, mais des lois de déclinaison, à savoir les lois organiques, lesquelles sont des commandes constitutionnelles. Or il n’y a pas, ici, de commande constitutionnelle, mais seulement le domaine de la loi. Je rappelle qu’il existe déjà et que vous ne faites qu’enfoncer des portes déjà largement ouvertes. Il ne saurait être question, ici, de lois d’application.
S’agissant, deuxièmement, de la rédaction nouvelle de l’article 34, regardez le texte qui sortira des travaux de notre assemblée et – je ne l’espère pas – de ceux du Congrès : sur cet item relatif à la nationalité, nous n’aurons plus qu’une déclinaison de points précis, qui se perd dans des méandres et qui ouvre quantité de boîtes de Pandore pour tous les autres items. Par exemple, là où il est écrit que la loi détermine les principes fondamentaux de l’enseignement, un constituant pourra ajouter un jour : « à commencer par l’enseignement primaire, sans oublier l’enseignement secondaire… » et que sais-je encore.
Sourires.
Vous ouvrez là une boîte de Pandore. Pourquoi ? Parce que vous êtes dans l’impréparation la plus complète. Si vous voulez que la nationalité soit traitée spécifiquement dans la Constitution, ne touchez pas à l’article 34, mais créez un nouvel article. C’est ce que nous avons fait pour les collectivités territoriales, en ajoutant un titre XII à la Constitution, l’article 34 disposant seulement que « la loi détermine les principes fondamentaux de la libre administration des collectivités territoriales, de leurs compétences et de leurs ressources ».
Je conclurai en disant, et nous sommes nombreux à le dire, qu’inscrire dans la Constitution ce que vous nous proposez est à la fois inutile, dangereux et mal placé. Surtout, vous abîmez énormément la Constitution, et ce fait justifie à lui seul que nous ne votions pas l’amendement no 63 du Gouvernement.
Cet amendement, en prévoyant la déchéance pour tous, ouvre la possibilité inacceptable de créer des apatrides. Dans de nombreux pays, la déchéance de nationalité, lorsqu’elle conduit à l’apatridie, est mise au même rang que la torture. Aux États-Unis, la Cour suprême l’a même qualifiée, en 1958, de traitement inhumain et dégradant. Un homme, même le pire des criminels, le pire des terroristes, a des droits. Or en perdant sa nationalité, il perd le droit d’avoir des droits. En fait, vous souhaitez ici que des criminels qui ont commis des actes ignobles ne soient plus considérés comme Français, alors que ce sont bien des citoyens français qui ont commis ces actes.
Concrètement, que ferez-vous de ces personnes ? Les renverrez-vous dans le pays d’origine de leurs parents, voire de leurs grands-parents, alors qu’elles sont nées et ont grandi en France ? Comment ces pays réagiront-ils pendant que ces personnes jugées et condamnées en France purgeront leur peine ? Les pays d’origine de leurs parents pourraient les déchoir de leur seconde nationalité. En effet, pourquoi ces pays accepteraient-ils de reconnaître et d’accueillir sur leur sol des criminels qui sont nés et ont grandi en France, des individus qu’ils ne connaissent pas, qui n’ont jamais fréquenté leurs écoles et qui n’ont aucun lien avec leurs institutions ?
Permettez-moi de citer l’ancienne garde des sceaux, Mme Christiane Taubira : « Un pays doit être capable de se débrouiller avec ses nationaux. Que serait le monde si chaque pays expulsait ses nationaux de naissance considérés comme indésirables ? Faudrait-il imaginer une terre-déchetterie où ils seraient regroupés ? ». J’ajoute : faudrait-il les mettre sur une île ?
En définitive, cette disposition créera beaucoup plus de problèmes qu’elle n’en résoudra. Nous voterons donc résolument contre l’amendement du Gouvernement.
Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, nous atteignons le coeur même de notre discussion.
Sourires sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.
Je voudrais tout d’abord souligner les aspects positifs de l’évolution des textes qui nous ont été proposés.
Le fait, premièrement, qu’il n’y ait pas d’automaticité entre l’infraction commise et la déchéance de nationalité, est un très bon principe.
Deuxièmement, cette version du texte respecte le principe d’égalité entre les personnes naturalisées et celles qui sont nées françaises. C’est un deuxième bénéfice incontestable.
Troisièmement, je me félicite du recours au juge judiciaire. Il est, à l’évidence, le seul juge qui peut être amené à juger, puisqu’il s’agit d’une peine complémentaire, qui doit être prononcée au moment où l’arrêt va être rendu.
Deux problèmes se posent toutefois. Le premier concerne le principe même de la déchéance de nationalité : certes, le nouveau texte prévoit la déchéance de nationalité ou la déchéance des droits attachés à la nationalité. C’est incontestablement un progrès, mais un progrès en trompe-l’oeil, car la déchéance de nationalité est bel et bien maintenue.
Il m’aurait semblé beaucoup plus simple et beaucoup plus acceptable de présenter un texte rendant possible la déchéance de tous les droits attachés à la nationalité, mais pas de la nationalité elle-même. C’était à peu près la même chose, mais c’était très différent car, par là même, on réglait le problème posé par l’apatridie. Je regrette profondément que l’on n’ait pas choisi la déchéance de tous les droits attachés à la nationalité.
Je note bien, néanmoins, qu’on laisse la possibilité au magistrat de ne déchoir la personne que de certains droits. Mais de quels droits parle-t-on, au juste ? Je me suis amusé à regarder ce qui s’était passé pour l’armée des émigrés, notamment pour le prince de Condé : celui-ci a été déchu de tous ses droits, et cette déchéance a même touché sa famille, puisque ses enfants furent considérés comme des bâtards – je tiens à le dire, même si la notion de bâtard a été supprimée par la suite.
Le dernier problème est celui des crimes et délits. J’ai entendu l’argumentation du président de notre commission, mais je dois avouer qu’il ne m’a pas convaincu. Le Conseil d’État nous dit de ne mentionner que les crimes : il faut nous en tenir aux crimes et ne pas introduire les délits, même si certains sont punis de dix ans d’emprisonnement. J’appelle votre attention sur le fait que, depuis des décennies, nous prévoyons systématiquement, pour une même infraction, des sanctions plus sévères. Nous risquons donc de rendre possible une sanction qui n’est pas proportionnelle.
Pour toutes ces raisons, nous pensons que ce texte est très intéressant, mais insuffisant.
Il faudrait sans doute lever une ambiguïté. L’article 2, tel qu’il a été réécrit par le Gouvernement, évoque à la fois la déchéance de nationalité et la déchéance des droits qui lui sont attachés. Comme le garde des sceaux l’a expliqué, et comme l’indique l’exposé sommaire de l’amendement du Gouvernement, celui-ci restreint la déchéance de nationalité « aux seuls actes de terrorisme et aux autres atteintes graves à la vie de la Nation ». Il est indiqué également que : « La disposition couvre à la fois la déchéance de nationalité et celle des droits attachés à celle-ci. »
À partir du moment où on en fait une peine complémentaire ; à partir du moment où l’on compte, au nombre des droits attachés à la nationalité, le droit de vote, l’éligibilité, ou encore l’accès aux emplois publics ; à partir du moment où, pour d’autres délits, qui n’ont strictement rien à voir avec le terrorisme et les atteintes graves à la vie de la Nation, il existe également dans le code pénal des peines complémentaires, comme la peine d’inéligibilité, par exemple, il peut y avoir une ambiguïté, et il faut dire clairement que cela n’exclut pas l’existence des peines complémentaires pour les autres délits.
Et, si tel est le cas, il faudra également savoir pourquoi il y a constitutionnalisation de la perte des droits attachés dans un cas, et pas dans l’autre. J’imagine que cela fera l’objet de questions prioritaires de constitutionnalité et de débats juridiques intéressants, à moins qu’une réponse n’éclaire cette question et ne la vide de son objet, ce que je souhaite.
Comme beaucoup d’entre nous, je découvre ce texte qui, je dois l’avouer, me pose de nombreuses questions. Il évoque tout d’abord non seulement la déchéance de nationalité, qui était l’objectif annoncé par le Président de la République, mais également la déchéance des droits attachés à la nationalité, une tout autre notion qui relève de la déchéance civile ou de l’incapacité civile.
Ensuite, j’ai compris que vous souhaitiez supprimer la distinction entre mononationaux et binationaux, pourtant implicite dans l’objectif du Président de la République, vu d’ailleurs la bronca que cela a suscité dans tout le pays. Mais où voulez-vous en venir ? Mme Bechtel a souligné que la notion de droits attachés à la nationalité est très difficile à inscrire dans la Constitution. On peut y inscrire la nationalité mais très difficilement les droits qui y sont attachés.
Enfin, monsieur le Premier ministre, nous vous avons déjà posé à trois reprises une question relative à la convention de 1961, qui prévoit explicitement la possibilité de créer des apatrides. Allons-nous créer des apatrides …
…contrairement à ce que le Président de la République a déclaré le 16 novembre ? Si oui, que ferez-vous concrètement d’une personne mononationale condamnée pour terrorisme si elle est déchue de sa nationalité ? Où garderez-vous ce terroriste une fois qu’il sera devenu apatride ?
Monsieur le Premier ministre, monsieur le garde des sceaux, vous avez déclaré renvoyer ces questions à la loi ordinaire. Vous nous demandez donc de voter un article d’un projet de loi constitutionnelle qui renvoie à un projet de loi ordinaire que nous ne connaissons pas et à un projet de loi de ratification de la convention de 1961 que nous ne connaissons pas non plus. Comprenez les difficultés que j’ai à accepter votre texte sur le plan du droit.
Sur les sous-amendements identiques nos 250 , 251 , 257 et 279 , je suis saisi par le groupe écologiste d’une demande de scrutin public, de même que sur les sous-amendements identiques 244 , 261 , 266 et 271 .
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Patrick Mennucci.
Le texte, qui nous est présenté ce soir par le Gouvernement et qui l’avait été devant la commission des lois, qui l’a approuvé, il y a quinze jours – il est donc parfaitement connu, monsieur Lellouche –, répond à la fois à l’exigence, formulée par le groupe SRC, d’égalité absolue entre les Français, quelle que soit la manière dont ils ont acquis la nationalité – je ne répéterai pas ce que j’ai déjà dit à plusieurs reprises sur le sujet –, et à l’exigence de proportionnalité des peines, puisque ce sera le juge qui, en son âme et conscience, aura la possibilité d’infliger en peine complémentaire la déchéance de nationalité ou celle des droits attachés à la nationalité. Ces deux éléments me semblent décisifs pour emporter le vote, par notre groupe, de cet amendement qui a le mérite de clarifier la disposition.
Tous les sous-amendements qui sont présentés ont déjà fait l’objet de débats puisque la plupart d’entre eux ont été repoussés en commission. Nous procéderons de la même façon en votant l’amendement du Gouvernement et en repoussant tous les sous-amendements.
Monsieur le président, je n’ai pas défendu le sous-amendement no 271 qui tend à supprimer le mot « délit », parce que des sous-amendements identiques avaient déjà été défendus. Toutefois, la réponse du rapporteur me fait énormément tiquer. En effet, il a souligné qu’il faudra veiller, lorsque nous inscrirons la mesure dans la loi, à ne pas « descendre trop bas », ce qui signifie à l’évidence que n’importe qui, dans l’avenir, pourra « descendre trop bas », c’est-à-dire prévoir un champ d’application considérable. Le danger est d’autant plus grave que, je l’ai déjà souligné, en écrivant « atteinte grave à la vie de la Nation » et non « atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation », nous ouvrons au futur législateur – je ne parle pas du législateur actuel mais nul ne connaît la composition des futures assemblées – un champ extensif de possibilités pour mettre en oeuvre la déchéance de nationalité.
Il est donc très grave d’ouvrir la disposition au délit dans l’article du projet de loi constitutionnelle.
L’amendement no 63 du Gouvernement valide, bien évidemment, la possibilité de créer des apatrides. Alors disons-le et reconnaissons-le ! La question que, à la suite de Pierre Lellouche, je pose une nouvelle fois est la suivante : qu’apporte la ratification de la convention de 1961 ? Je voudrais une réponse précise.
Par ailleurs, si nous discutons de la déchéance de nationalité, c’est évidemment pour nous doter d’un outil efficace dans la lutte contre le terrorisme. Or cette déchéance de nationalité, reconnaissons-le également, n’a que peu d’intérêt s’agissant de personnes convaincues de terrorisme qui se trouvent sur le territoire national. Qu’en ferons-nous ? La disposition ne rien change ou presque vis-à-vis d’elles. En revanche, elle change tout vis-à-vis de personnes convaincues de terrorisme parties combattre à l’étranger dans les rangs d’organisations terroristes : si elles sont déchues de leur nationalité, nous pouvons juridiquement leur interdire le retour sur le territoire national.
Monsieur le Premier ministre, ma question est claire : pourquoi cette disposition n’est-elle pas d’ores et déjà appliquée dans la lutte contre le terrorisme ? Avez-vous l’intention, si la révision constitutionnelle est menée à son terme, d’utiliser cette disposition pour déchoir des Français partis combattre dans des rangs terroristes à l’étranger et leur interdire le retour sur le territoire national ? Car tel est l’intérêt de cette disposition.
J’ai eu l’occasion de déclarer à la tribune vendredi que je souhaitais voter cette réforme constitutionnelle, pour autant qu’elle soit fidèle à la parole présidentielle prononcée devant le Congrès à Versailles.
Alors que l’article 2 réécrit la disposition de manière importante, celle-ci en est-elle pour autant profondément modifiée ? Je ne le crois pas. Pour autant, je m’abstiendrai sur cet amendement du Gouvernement parce que le texte méritait d’être conservé dans sa rédaction initiale, qui me paraissait plus fidèle à la parole présidentielle prononcée devant le Congrès.
Considérant qu’il s’agit là d’une affaire interne à la majorité, je m’abstiendrai, je le répète, sur l’amendement du Gouvernement.
« Timeo Danaos et dona ferentes » : « Je crains les Grecs, surtout lorsqu’ils font des cadeaux ».
Il rabiboche, en effet, la majorité, mais les lois qui suivront le projet de loi constitutionnelle confirmeront-elles l’apatridie ? Normalement oui. Ratifierez-vous la convention de 1961 ? Quelle est-elle ? Il aurait été très intéressant, comme nous vous l’avons demandé, de nous la communiquer.
Il n’est plus fait référence dans le texte à la binationalité. Il n’y a donc plus que des Français. Dans ces conditions, un Français qui, au sein d’une organisation constituée, attaquera un préfet, par exemple, ou un représentant de la France, sera-t-il déchu de sa nationalité ? Le Corse qui a tué le préfet Érignac peut-il être déchu de sa nationalité parce qu’il est considéré comme un terroriste ?
Monsieur le rapporteur, nous semblons tous ici favorables au rôle que vous souhaitez donner au magistrat. Or l’exposé sommaire de l’amendement no 48 précise : « La disposition renvoie à la loi le soin de définir le régime juridique dans lequel s’inscrira la déchéance, qu’il s’agisse d’une peine complémentaire ou d’une décision administrative prise après avis conforme du Conseil d’État. »
Vous renvoyez la disposition à la loi d’application : mais est-il vraiment impossible d’inscrire le rôle du magistrat dans le projet de loi constitutionnelle lui-même ? Si tel était le cas, cette disposition ne pourrait plus être modifiée que par les trois cinquièmes des parlementaires. Il est en revanche beaucoup plus facile de modifier une simple loi ou une loi organique – je ne reviens pas sur le débat d’hier. J’insiste : inscrire dans la loi constitutionnelle la référence au magistrat poserait-il un problème ?
Je tiens tout d’abord à rappeler que la déchéance de nationalité n’est pas, en soi, choquante. Elle figure dans notre droit depuis la Révolution française pour des motifs nobles. Ainsi en 1848 avait-elle été prévue contre les esclavagistes. Ce n’est pas parce qu’elle a été dévoyée par Vichy qu’il faut condamner par principe cette peine.
S’agissant ensuite de la question de l’égalité, à laquelle je suis très sensible comme beaucoup d’entre vous, je considère que le texte du Gouvernement fait droit aux préoccupations que nous avons été nombreux à exprimer puisqu’il ne fait plus référence à la façon dont les Français sont devenus ou sont français. Ce point très important relevait, du reste, plus du ressenti que d’une question de droit. En effet, en matière de déchéance de nationalité, notre droit a toujours fait une différence entre les Français qui ont acquis la nationalité française et les autres. Comme l’a rappelé Patrick Mennucci, la loi que j’ai eu l’honneur de défendre en 1998 a, de fait, intensifié cette différence puisqu’elle a réservé la déchéance de nationalité à ceux qui en possédaient une autre. La déchéance de nationalité est consubstantielle au droit du sol. Le droit du sang, lui, interdit qu’on soit déchu de sa nationalité.
L’amendement no 63 du Gouvernement fait droit aux préoccupations exprimées par l’Assemblée nationale. On prétend que le texte risque de créer des apatrides. Je rappelle que la convention de 1961 ne prévoit pas la suppression de tous les cas d’apatridie, mais en réduit le nombre, précisément pour éviter que l’on ne tombe dans les dévoiements du régime de Vichy.
Certains ont demandé ce que nous ferions, dans dix, quinze ou vingt ans, des apatrides créés par la décision d’un juge. Aujourd’hui, les binationaux qui ont commis des crimes terroristes sont déjà très difficilement expulsés. Personne ne veut plus d’eux, même après leur mort. Soyons réalistes. Nous sommes réunis pour lutter contre le terrorisme. Ce texte nous en donne les moyens.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Je vais maintenant mettre aux voix l’ensemble des amendements et sous-amendements soumis à la discussion commune.
Je vous rappelle que les amendements nos 79 , 190 , 71 , 202 , 222 , 211 , 219 et 50 ont été soutenus lors de la séance de cet après-midi et qu’ils ont fait l’objet d’un avis défavorable de la commission et du Gouvernement.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants: 285 Nombre de suffrages exprimés: 244 Majorité absolue: 123 Pour l’adoption: 64 contre: 180 (L’amendement no 50 n’est pas adopté.)
Il est procédé au scrutin.
Il est procédé au scrutin.
Cet amendement vise à mieux définir la notion « d’atteinte grave à la vie de la nation ». Cette expression me semble trop vague, ce qui pourrait avoir des conséquences fâcheuses. Je propose de reprendre une formulation qui existe déjà dans notre droit et d’évoquer plutôt « un délit constituant une atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation ou un crime ou un délit constituant un acte de terrorisme ».
Il s’agit d’un amendement de cohérence avec l’article 25 du code civil, qui prévoit que la nationalité française peut être retirée à une personne ayant acquis la nationalité française et ayant été condamnée « pour un acte qualifié de crime ou délit constituant une atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation ».
Cet amendement vise à substituer à la notion d’atteinte à la vie de la nation celle d’atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation. Deux arguments principaux justifient cette réécriture. D’une part, il convient d’harmoniser cette nouvelle disposition constitutionnelle avec l’article 25 du code civil, qui fait déjà référence à la notion d’intérêts fondamentaux de la nation. D’autre part, en termes de sécurité juridique, l’expression « vie de la nation » est vague et devra de toute façon être précisée ultérieurement. J’ajoute que la référence à la vie de la nation évoque aussi, en creux, la possible mort de la nation. Il ne me paraît donc pas opportun d’inscrire cette expression dans notre loi fondamentale.
La parole est à M. Philippe Vigier, pour soutenir l’amendement no 155 .
Exclamations sur divers bancs.
Il vaut mieux conserver un membre de phrase un peu imprécis, de façon à ne pas être tenus par des définitions figurant dans d’autres codes, qu’il s’agisse du code civil ou, éventuellement, du code pénal. Par ailleurs, nous risquons de viser les mauvais articles. La loi qui sera prise en application de ce texte définira exactement ce que visent les atteintes graves à la vie de la nation. Ne nous laissons pas enfermer par des définitions d’ores et déjà écrites !
Même avis. La catégorie des atteintes graves à la vie de la nation est une suggestion du Conseil d’État, que le Gouvernement a reprise. Elle recouvre des catégories juridiques que nous connaissons bien : il s’agit des crimes et délits définis aux titres Ier et II du livre IV du code pénal, relatifs aux atteintes aux intérêts fondamentaux de la nation et au terrorisme. La remarque qui nous a été faite me semble pertinente : au regard du plan du code pénal, le fait de viser les seules atteintes aux intérêts fondamentaux de la nation aurait exclu le terrorisme, ce qui aurait été paradoxal.
L’amendement no 218 n’est pas adopté.
L’amendement no 155 n’est pas adopté.
Il s’agit toujours de la question de l’adéquation entre la Constitution, qui est un texte d’autorisation, et la convention de New York que nous ratifierions prochainement, comme l’a annoncé le Premier ministre. Si nous limitons, dans la Constitution, la déchéance de nationalité aux mononationaux et binationaux ayant commis des crimes ou des délits en matière de terrorisme, cela signifie que nous n’appliquerons pas la déclaration que la France a signée dans le cadre de l’article 8-3 de la convention de New York et qui permet, tout en limitant les cas d’apatridie, de rendre apatrides les individus ayant prêté serment d’allégeance à un État ou à un groupe armé étranger.
Plutôt que de sanctionner un certain nombre d’individus ayant commis un délit parce qu’ils ont financé, à un moment donné, une association qualifiée de terroriste, il est plus intéressant et efficace, comme l’un de nos collègues l’a dit tout à l’heure, de déchoir de sa nationalité un recruteur pour le djihad ou un propagandiste criminel qui, parti faire la guerre sainte, se déclare contre la France sur des sites internet.
Je propose donc de compléter l’alinéa 3 de l’article 2 afin de permettre l’engagement de la procédure de déchéance de nationalité non seulement lorsqu’une personne a commis des crimes terroristes, mais également « lorsqu’il y a des raisons sérieuses de penser qu’elle agit au service d’un gouvernement, d’un groupe armé ou d’une organisation étrangers portant atteinte aux intérêts fondamentaux de notre pays ». Je pense que tout le monde voit parfaitement ce que cela peut désigner.
Défavorable. Je comprends bien qu’une harmonisation soit nécessaire ; cependant, dès lors que nous avons fait le choix de la peine complémentaire prononcée par le juge pénal, je vois mal comment cette mesure pourrait faire l’objet d’une harmonisation avec un dispositif prévu dans la convention.
L’amendement no 91 , repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.
Sur l’article 2, je suis saisi par le groupe écologiste et par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme Marie Le Vern, pour soutenir l’amendement no 165 .
La nationalité française implique l’adhésion à une communauté de valeurs : le fait de commettre à l’encontre de la France un acte terroriste doit donc faire sortir son auteur de la communauté nationale. Si nous inscrivons cette mesure dans la Constitution, alors il me semble qu’il serait tout aussi opportun d’y mentionner « les conditions dans lesquelles une personne peut acquérir la nationalité française » – d’un côté, la sanction, la déchéance de nationalité pour ceux qui rompent avec les valeurs nationales, et de l’autre, la possibilité d’obtenir la nationalité française pour les étrangers qui justifient d’actes exceptionnels de défense et de promotion de nos valeurs fondamentales.
Il s’agit donc d’introduire dans ce projet de loi constitutionnelle une référence positive à la nationalité. Cette disposition existe dans le code civil, mais son inscription dans la Constitution en consoliderait le principe.
Défavorable. Je comprends le souci d’équilibre mais, comme l’a dit Mme Le Vern, cette disposition existe déjà dans le code civil. En conséquence, cet amendement paraît un peu superflu.
Même avis.
Monsieur le garde des sceaux, comme hier soir, je m’interroge. Je constate toutefois que les institutions sont solides. Nous avons toujours un Président de la République, une Constitution et un Gouvernement qui essaie de gouverner quelque peu, voire d’avoir une majorité.
Votre loi ne s’adresse à personne. Elle ne s’adresse pas aux terroristes parce qu’elle n’a aucune efficacité sur ceux qui sont déjà dans une autre dimension et qui cherchent à tout prix la mort. Elle ne s’adresse pas aux Françaises et aux Français parce qu’elle n’apporte aucune valeur supplémentaire à la nationalité.
En outre, c’est une loi bavarde. Depuis deux heures, nous examinons une flopée d’amendements qui ne servent à rien ; ils visent à modifier la Constitution, pour ne servir en rien aux Françaises et aux Français.
Madame, ma chère et honorable consoeur – si vous me permettez un tel anglicisme –, sachez que sous la précédente législature déjà, nous avions demandé une telle modification, vu que les légionnaires qui ont versé leur sang pour la France ont le droit d’obtenir la nationalité française. Soit nous nous inscrivons seulement dans le cadre d’une révision de la Constitution, soit nous sommes là pour lutter vraiment contre les terroristes. Or, vous écoutant, j’ai l’impression que ceux-ci se gaussent largement de nous.
L’amendement no 165 n’est pas adopté.
Je le retire dans la mesure où le texte du Gouvernement donne satisfaction.
L’amendement no 92 est retiré.
La parole est à Mme Isabelle Bruneau, pour soutenir l’amendement no 55 .
L’amendement est satisfait. Le Gouvernement en souhaite le retrait.
L’amendement no 55 n’est pas adopté.
La parole est à Mme Anne-Yvonne Le Dain, pour soutenir l’amendement no 65 .
Ces trois amendements visent à faire en sorte que les enfants, mineurs ou majeurs – ou les enfants à naître –, de terroristes déchus de leur nationalité n’en subissent aucune conséquence. La nationalité française est un acquis individuel lié à la naissance.
Prenons le cas d’un enfant à naître, dont la mère n’est pas française et dont le père, binational, terroriste, a été condamné et déchu de la nationalité française. Je souhaite qu’il soit dit que les enfants, nés ou à naître, resteront ou seront français quoi qu’il arrive.
La nationalité française est un principe, une dynamique, un acquis. En l’espèce, les enfants ne sont pas coupables, ils n’ont pas à payer pour les turpitudes de leurs parents.
Exclamations sur divers bancs.
Il y a une petite différence entre les trois. Dans l’amendement no 225 , il est question des enfants « nés ou à naître », terminologie classique, utilisée notamment par les notaires. Dans l’amendement no 65 , il est question également des enfants qui pourraient naître ultérieurement si d’aventure la personne déchue de la nationalité venait à sortir de prison et avait un enfant.
L’avis est défavorable. La déchéance est personnelle, elle ne s’étend pas aux enfants, à ceux déjà nés en tout cas. Pour ce qui concerne les enfants à naître, j’avoue ne pas connaître la réponse. Il me semble, sous toutes réserves, qu’en droit civil, on considère que l’on peut faire remonter la naissance un peu avant l’accouchement.
Le Gouvernement souhaite le retrait de ces amendements. À défaut, l’avis sera défavorable. Comme vient de le préciser le rapporteur, il y a une décision du Conseil constitutionnel. Par ailleurs, les articles 8 et 9 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen précisent que l’on ne peut être puni que de son propre fait. Les enfants déjà nés d’une personne déchue de la nationalité française conserveront donc, sans aucune équivoque possible, leur nationalité.
J’indique enfin à Mme Le Dain et à votre rapporteur que les enfants qui ne sont pas encore nés n’ont pas d’existence juridique. Leur situation au regard de la nationalité ne pourra donc être examinée qu’au jour de leur naissance. Leur garantir l’attribution de la nationalité française en dehors de toute autre condition aboutirait à la création d’un nouveau cas d’obtention de la nationalité française, inédit dans notre droit et tel n’est pas l’objet du présent débat.
Je ne laisse pas d’être étonné de cette volonté de produire en permanence des lois bavardes. J’ai le sentiment que soit notre honorable collègue est dans le biblique absolu, soit elle pense à Hugues de Molay au bûcher.
Le Gouvernement a parfaitement répondu sur le sujet : la déchéance ne concerne que la personne incriminée. À force de vouloir toujours en rajouter, jusqu’à quelle génération irez-vous ?
Il est par ailleurs pour le moins surprenant et contradictoire, vous qui défendez en permanence le droit du sol, de présenter ce type d’amendement. C’est une preuve supplémentaire que ce texte ne sert à rien, qu’il est superfétatoire et qu’il n’ira pas au bout.
J’ai bien entendu les arguments du rapporteur et du Gouvernement. J’en suis d’accord pour les enfants déjà nés. Pour ce qui concerne les enfants à naître, je redis qu’il s’agit d’une terminologie très précise, employée par les notaires, notamment pour les actifs bancaires.
Cela étant, comme ces amendements ne correspondent pas à l’objet du texte, je les retire. Mais je reviendrai sur ces sujets.
La parole est à M. Pierre Lellouche, pour soutenir l’amendement no 94 .
Toute cette affaire, qui remonte au 16 novembre 2015, vise à envoyer plus qu’un signal. Le Premier ministre a d’ailleurs parlé d’acte. Il s’agit de déchoir de la nationalité les Français – désormais tous les Français, binationaux ou non – ayant commis un crime ou un délit terroriste.
La question, et je suis sûr qu’elle intéressera le Premier ministre, est de savoir comment s’assurer que la mesure s’appliquera. Lorsqu’il s’agit d’un mononational, le terroriste condamné deviendra apatride : Mme Guigou nous a indiqué que ce n’était pas grave et que la question de l’apatridie serait traitée ici.
Mais lorsqu’il s’agit d’un binational, la règle veut que, une fois la peine effectuée, la peine complémentaire s’applique, à savoir que l’on expulse le terroriste condamné vers son pays d’origine. Or au regard de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme – CEDH – de Strasbourg, le terroriste condamné, déchu de sa nationalité, peut faire obstacle à son expulsion au travers de la procédure dite des requêtes individuelles prévues à l’article 34 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, en invoquant notamment l’article 3 de ladite convention au motif de la mise en péril de sa vie. Telle est la situation.
Au moins deux terroristes français déchus de leur nationalité française – Kamel Daoudi et Djamel Beghal, ce dernier ayant été l’un des mentors des frères Kouachi – n’ont pu être expulsés vers leur pays d’origine parce qu’ils avaient saisi la Cour européenne des droits de l’homme. Pour ce qui concerne Beghal, il vivait, aux frais du contribuable, dans un hôtel du Cantal, où il a d’ailleurs reçu les frères Kouachi avant que ceux-ci ne commettent leurs attentats.
D’autres pays européens ont été confrontés à d’autres arrêts particulièrement scandaleux. Ainsi la Grande-Bretagne n’a pas pu expulser vers la Jordanie un ressortissant jordanien – lequel n’était même pas britannique. La Belgique non plus n’a pas pu expulser – du moins n’a-t-elle pu le faire que très difficilement – un ressortissant tunisien impliqué dans une série d’attentats contre l’ambassade des États-Unis.
Je demande au Gouvernement – et c’est le sens de cet amendement – ce qu’il compte faire. Je suis bien conscient que sur le plan juridique, il est hors de question d’écrire dans la Constitution qu’il est interdit à un terroriste condamné de saisir la Cour européenne des droits de l’homme. Mais je dis au Gouvernement, comme je l’avais fait l’an dernier en déposant une proposition de résolution qui a été repoussée, que si nous n’obtenons pas un changement de la jurisprudence de la CEDH, nous ne pourrons pas de facto expulser les gens que nous allons déchoir.
Il s’agit d’un problème de fond qui mérite une réponse de la part de la commission et du Gouvernement : les Français ont le droit de savoir.
L’avis est défavorable. Si j’ai bien compris, monsieur Lellouche, comme vous ne pensez pas que votre proposition puisse être inscrite dans la Constitution, il s’agit d’un amendement d’appel.
La convention européenne des droits de l’homme interdit les traitements inhumains ou dégradants, dont la peine de mort. Je ne vois pas comment surmonter cet obstacle. J’appelle par ailleurs votre attention sur le fait que cette convention est appliquée par la CEDH, mais aussi par l’ensemble des juridictions, c’est-à-dire qu’un juge français peut parfaitement dire qu’en application de ladite convention européenne, il ne prononce pas telle sanction parce qu’il refuse que la personne concernée puisse être soumise à un traitement inhumain ou dégradant.
À supposer que l’on réfléchisse à un encadrement et un changement de la jurisprudence de la CEDH, la convention resterait applicable en droit français et les obstacles que vous avez relevés demeureraient. Encore faudrait-il qu’on veuille les lever et prendre le risque de soumettre les personnes concernées à des traitements inhumains ou dégradants, à des peines de fouet, à une pendaison en public, ou autres. Cela ne paraît pas souhaitable.
M. Lellouche connaît la réponse du Gouvernement. Sur la forme, il a lui-même indiqué que le droit au recours était un principe à valeur constitutionnelle. Il serait pour le moins paradoxal d’introduire dans la Constitution un principe contradictoire avec un autre principe constitutionnel. Tous les citoyens, même ceux condamnés pour terrorisme, ont le droit de formuler un recours : c’est un droit universel.
Enfin, il va de soi que, quand bien même le Gouvernement voudrait vous être agréable – ce qui ne pourrait de toute façon pas être le cas puisque votre proposition serait en contradiction avec les principes constitutionnels –, cette proposition ne figurerait pas dans l’article 34 de la Constitution, lequel ne fait qu’énumérer ce qui relève de la loi – par opposition au règlement.
En lisant l’exposé sommaire de votre amendement, on pourrait avoir le sentiment que la CEDH fait systématiquement obstacle à l’expulsion de terroristes vers leur pays d’origine. Or, vous avez vous-même rappelé les chiffres, monsieur Lellouche. Sur l’ensemble des procédures d’expulsion engagées par le gouvernement français, il n’y a que deux cas où l’expulsion n’a pas pu avoir lieu. La grande majorité des procédures d’expulsion diligentées par la France sont menées à leur terme et conduisent à l’éloignement des personnes intéressées vers les pays d’origine.
Ce n’est pas de cela dont il est question dans votre amendement.
Je remercie le président de la commission des lois et le garde des sceaux de m’avoir répondu. Je veux dire à nos concitoyens qu’il est pour le moins surréaliste de consacrer trois mois de débats à inscrire dans notre Constitution la déchéance de nationalité et, ensuite, de dire froidement qu’on ne peut pas l’appliquer dès lors qu’un terroriste se pourvoit devant la Cour européenne des droits de l’homme.
S’il s’agit seulement de déchoir certaines personnes de leur nationalité pour ensuite les installer dans des hôtels, aux frais du contribuable, vous aurez du mal à l’expliquer.
Pour l’instant, il y en a peu. Mais si, malheureusement, la guerre terroriste s’intensifie, il faudra déchoir des dizaines de personnes qui en ce moment combattent en Syrie, qui reviennent dans notre pays ou que nous allons déchoir là-bas en mettant en oeuvre les procédures qui existent déjà dans notre droit, je pense en particulier à l’article 23-8 du code civil qui le permet.
Nous aurons peut-être à déchoir de la nationalité française des dizaines, voire des centaines de jeunes Français qui combattent actuellement à l’étranger. Mais s’il s’agit de binationaux, nous ne pourrons pas les expulser, car ils se pourvoiront tous devant la Cour européenne des droits de l’homme de Strasbourg. Vous dites que c’est sacré et qu’on ne peut rien faire. Je prétends quant à moi, monsieur le ministre de la justice, qu’un gouvernement digne de ce nom peut remettre en question une jurisprudence qui est, dans certains cas, tout à fait scandaleuse.
Il nous appartient de remettre en question, comme le font d’autres pays, – je pense à la Grande-Bretagne – ce qui est aujourd’hui un gouvernement des juges, attentatoire à la souveraineté de la Nation. Si la France décide de déchoir de la nationalité, elle doit pouvoir expulser des binationaux.
La position de M. Lellouche relève d’un présupposé : il nous décrit une situation dans laquelle des centaines de personnes seraient déchues de la nationalité…
…et se fonde sur le principe selon lequel elles seraient toutes expulsables, donc toutes binationales. Monsieur Lellouche, ce présupposé est proprement scandaleux et va à l’encontre de l’intérêt de notre débat. Nous reconnaissons l’existence de la Cour européenne des droits de l’homme et son droit, conformément aux traités internationaux, de dire des choses à la justice française. Nous ne comprenons donc absolument pas pourquoi vous voulez supprimer ce droit, qui est tout à fait convenable et honore la République française. Nous repousserons donc votre amendement.
L’amendement no 94 n’est pas adopté.
La parole est à Mme Anne-Yvonne Le Dain, pour soutenir l’amendement no 226 .
Dans la suite logique de mes amendements précédents relatifs aux filiations, il ne me semblait pas inutile d’inscrire dans la Constitution, au même titre que les régimes matrimoniaux, les régimes de filiation. Cependant, cet amendement ne portant pas sur la protection de la République et de la Nation, je le retire.
L’amendement no 226 est retiré.
Autant la déchéance est totalement inapplicable, autant la mesure que nous vous proposons avec cet amendement est opérationnelle et plaira certainement à tous nos collègues, en particulier à Mme Le Dain. Si le code pénal prévoit aujourd’hui un délit de préparation individuelle d’actes de terrorisme pour celui qui aurait séjourné à l’étranger sur un théâtre d’opérations de groupements terroristes, rien ne permet de lui interdire de retourner sur le territoire national. Il s’agit donc d’inscrire dans la Constitution l’interdiction de retour sur le territoire, ainsi que la possibilité de soumettre la personne concernée à des mesures administratives restrictives de liberté.
Avis défavorable. Cette question relève de la loi qui sera prise en application de la révision constitutionnelle.
Même avis.
Pour faire écho à l’intervention de M. Lellouche et en réponse aux propos que vient de tenir l’orateur du groupe socialiste, je rappelle qu’un millier au moins de personnes de nationalité française sont aujourd’hui concernées. La question n’est donc pas anodine, car il ne s’agit pas d’une dizaine de personnes, mais de plusieurs centaines, sans compter toutes celles qui partent actuellement, car le flux n’est pas interrompu.
En deuxième lieu, qu’adviendrait-il, avec l’amendement de notre honorable collègue, des journalistes et de nos soldats qui peuvent être en opérations spéciales sur ces territoires ?
En troisième lieu, et pour détendre l’atmosphère, je tiens, à m’excuser d’avoir condensé tout à l’heure les noms d’Hugues de Payns et de Jacques de Molay.
Sourires.
L’amendement no 149 n’est pas adopté.
Cet amendement tend à appliquer une peine d’indignité nationale aux personnes condamnées pour un délit. Elle pourrait ainsi concerner les personnes condamnées pour un délit de préparation d’actes de terrorisme, qui vise essentiellement les personnes ayant séjourné à l’étranger sur un théâtre d’opérations de groupements terroristes.
L’amendement no 150 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
La parole est à M. Philippe Vigier, pour soutenir l’amendement no 151 .
Peut-être le rapporteur nous fera-t-il le plaisir de nous donner quelques éléments d’explication sur les raisons de l’avis défavorable qu’il a émis sans dire un mot.
L’insertion d’une mention des « conditions dans lesquelles une personne, y compris de nationalité française, peut être soumise, pour une durée limitée, à des mesures administratives restrictives de ses libertés lorsqu’elle a séjourné à l’étranger sur un théâtre d’opérations de groupements terroristes » vise les personnes qui vont faire le djihad et qui, à leur retour, doivent faire l’objet de mesures administratives restrictives de liberté.
Merci, monsieur le rapporteur, de nous apporter à ce propos quelques éléments d’information.
Cette disposition relève de la loi d’application et ne peut donc figurer dans la Constitution.
Le Gouvernement ne voudrait pas être désagréable avec le président du groupe UDI, député de l’Eure-et-Loir, mais il émet un avis défavorable, d’abord parce qu’il a proposé la constitutionnalisation de l’état d’urgence, qui donnera un fondement incontestable aux mesures administratives susceptibles d’être prises dans les cas évoqués par M. Vigier. Il souscrit ensuite à l’argumentation du rapporteur. De toute façon, cette disposition figurerait implicitement dans l’article 34 de la Constitution, qui prévoit que certaines mesures relèvent de la compétence du législateur. L’écriture actuelle suffit et la disposition proposée par l’amendement n’apporte rien. Le Gouvernement y est donc défavorable.
L’amendement no 151 n’est pas adopté.
Dans la continuité, cet amendement vise à inscrire dans la Constitution la possibilité pour le Gouvernement de prendre exceptionnellement, et pendant un délai limité, des mesures préventives de police administrative individuelle pour prévenir ou empêcher la commission d’actes terroristes.
Défavorable. Nous avons déjà eu ce débat hier : il n’est pas possible de prévoir une sorte d’état d’exception bis, allégé. Il est ici question de la constitutionnalisation d’un état d’exception et il n’est pas possible de prévoir des mesures administratives parallèles. Peuvent s’appliquer le droit commun ou, dans des circonstances exceptionnelles, l’état d’urgence mais, il ne peut y avoir, entre les deux, des mesures administratives particulières qui ne seraient pas encadrées.
Même avis.
L’amendement no 152 n’est pas adopté.
Sur l’article 2, je suis saisi d’une demande d’explication de vote du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
La parole est à M. Nicolas Sansu.
Monsieur le Premier ministre, monsieur le garde des sceaux, chacun est conscient de la nécessité de lutter pied à pied contre le terrorisme et la barbarie – c’est le rôle de la police, la justice, du renseignement et de nos armées. Le rôle de la représentation nationale est de donner au Gouvernement les moyens nécessaires, dans le cadre démocratique du débat parlementaire.
Cependant, chacun sait que la déchéance de nationalité n’a aucune incidence concrète : c’est un symbole inutile, inefficace et même dangereux, car ce débat, aussi bien dans notre hémicycle que dans le pays et, de manière transversale, dans nombre de groupes de notre assemblée, aura plus divisé que rassemblé. Il risque même, en fonction de la loi d’application, de diviser la communauté nationale – pour les binationaux ou les naturalisés –, voire d’exclure de la communauté nationale certains de nos concitoyens, en créant des apatrides. Or, tout aurait dû être fait pour rassembler.
« Que diable allait-il faire dans cette galère ? », disait Géronte dans les Fourberies de qui-vous-savez. Nous sommes nombreux à être des Géronte, car on ne peut jouer avec la Constitution.
Le Président de la République aurait pu, en modifiant les lois de 1955 et de 1998, proposer de préciser les modalités de cet article 2 sans créer cette division et en réussissant le rassemblement.
C’est la raison pour laquelle les députés du Front de gauche s’opposeront à cet article.
Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, une grande partie du groupe écologiste votera contre cet article 2 – ce n’est pas une surprise pour vous, car nous avons eu l’occasion de le dire au cours de cette discussion, qui touche pratiquement à son terme.
Notre refus se fonde d’abord sur le fait que la formulation proposée par le Gouvernement, qui fait prétendument disparaître la mention des binationaux, n’est qu’une sorte de subterfuge, car nous savons que les principales victimes de cette déchéance de nationalité seront les binationaux.
En proposant une sorte de déchéance pour tous et la ratification de la convention de 1961, vous n’évacuez pas la question de l’apatridie. Le Premier ministre s’était engagé, avec le Président de la République, à ce que nous ne créions pas d’apatrides. Or, cette possibilité demeure avec la convention de 1961. Dans la mesure où les binationaux seront les principales victimes de cette déchéance de nationalité, on portera atteinte à l’article 1er de la Déclaration universelle des droits de l’homme, qui affirme que nous sommes tous nés libres et égaux en droits. Nous fabriquons donc, avec cette disposition, des citoyens de seconde zone : les binationaux, qui se sentiront exclus.
Faut-il rappeler ici, à l’Assemblée nationale, que la déchéance de nationalité n’est que le recyclage d’une vieille obsession de l’extrême droite et ne fait en quelque sorte que légitimer la xénophobie et mettre en péril, en tout cas en danger – et pas seulement pour ce qui concerne les sentiments qu’ils peuvent exprimer – les binationaux, qui sont plus de 3,7 millions dans notre pays ?
En outre, après une sorte de marchandage entre le Président de la République et le président des Républicains, la déchéance de nationalité pourra être prononcée non seulement pour des crimes, mais aussi pour des délits, ce qui nous paraît un recul inacceptable. Ce sont autant de raisons qui fondent notre refus de voter l’article 2.
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe écologiste, sur les bancs de la Gauche démocrate et républicaine et sur plusieurs bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Monsieur le Premier ministre, vous avez décidé, à juste titre, de ne plus faire référence à la binationalité dans le corps de l’article, mais vous avez cependant prévu de ratifier la convention de 1961 réduisant le nombre de cas d’apatridie. Mais les mononationaux déchus devenant, de fait, apatrides, ils ne pourraient, par la force des choses, être déchus. Vous visez donc les seuls binationaux ou plurinationaux, si vous ne faites pas jouer la clause de réserve. Or, l’article 1er de notre Constitution interdit une telle discrimination.
Plus fondamentalement, cette loi n’a pas vocation, nous en sommes d’accord, de brocarder la double nationalité. Nous convenons tous, en effet, que la diversité est une richesse, et non pas une menace.
La raison interdit ainsi cette distinction. Peut-on en effet, mes chers collègues différencier un Amimour, tueur du Bataclan, détenteur de la seule nationalité française, et un Merah, tueur de soldats et d’enfants juifs à Toulouse, qui était franco-algérien ? Il est évident que non.
Les Français attendent la simplicité, l’efficacité, la clarté et, évidemment, avant tout, la sécurité. De grâce ! Des djihadistes qui vomissent la France, outragent nos valeurs et massacrent des Français ne peuvent continuer d’appartenir à la communauté nationale. Que ces Merah, Nemmouche, Kouachi, Abdeslam ou autres soient ou non binationaux ou trinationaux, nés Français ou non, naturalisés ou non n’a strictement aucune importance. Si certains doivent devenir apatrides, la grande affaire ! Combien seront-ils ? Quelques-uns ? Nous sommes en train de couper les cheveux en quatre !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.
La réalité, mes chers collègues, c’est que ces djihadistes rêvent d’un califat universel et n’ont aucune nationalité.
Une minute encore, s’il vous plaît, monsieur le président.
Sur le plan juridique, la France n’a, à ce jour, ratifié aucune convention faisant obstacle à la création d’apatrides.
Je rappelle qu’en 2014, nous étions ici vingt ou vingt-cinq à peine pour débattre de la déchéance de nationalité – nous sommes près de trois cents ce soir, ce qui n’est pas mal – et le Gouvernement avait alors refusé tous nos amendements. Dans la lutte contre le djihadisme, nous sommes, hélas, en permanence dans la réaction et pas assez dans l’anticipation.
Il existe des photos de djihadistes brûlant leur passeport devant les caméras. Oublions nos clivages politiques. La lutte contre le terrorisme n’est ni de droite, ni de gauche : l’enjeu est de protéger la République et d’assurer la sécurité des Français.
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et du groupe Les Républicains.
Mon intervention n’est pas une explication de vote, mais je tiens à dire que j’ai été très choqué tout à l’heure par les propos de M. Mamère, qui a évoqué des victimes à qui l’on retirait la nationalité. Or, il ne s’agit pas de victimes, mais de terroristes. Assimiler les terroristes à des victimes est une déviation que je ne peux accepter.
Applaudissements sur de très nombreux bancs.
Nous pouvons nous accorder sur un point : on ne peut trouver sur aucun de nos bancs, et quels que puissent être nos votes ou nos opinions sur ce texte, la moindre mansuétude pour les djihadistes.
Nous devons tous nous tourner aujourd’hui vers une unique préoccupation : assurer la sécurité de nos concitoyens. Eu égard aux attaques dramatiques menées contre notre pays, et alors que nous savons, par de nouveaux documents, que Daech projette précisément d’autres attaques, fomente de nouveaux attentats, il nous appartient de prendre toutes les mesures pour nous protéger – c’est le travail du Gouvernement au jour le jour. Mais il nous appartient aussi de réunir le corps social de notre pays, nos concitoyens, autour de mesures qui ont du sens pour eux et produisent de l’action collective.
De ce point de vue, le texte déposé par le Gouvernement comporte deux articles. Nous avons voté l’article 1er, il nous reste à voter l’article 2. La réforme ne sera pas complète sans ces deux articles, liés l’un à l’autre : le premier qui apporte des garanties sur l’état d’urgence décrété dans notre pays, et le deuxième, dont nous avons longuement débattu, qui constitue un « acte fort », pour reprendre les termes du Premier ministre, montrant à nos concitoyens que les djihadistes, bien que Français, ont rompu le pacte qui les liait à notre nation et à la République.
Je veux faire litière de toute ambiguïté sur la question des binationaux, sur la stigmatisation qui serait la conséquence de ce texte : celui-ci ne concerne que des terroristes, et notre volonté est d’assurer l’égalité de tous les terroristes devant la réponse républicaine que doit leur apporter notre pays. Ils doivent être punis,
Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen
dans leur nationalité et par la peine qu’ils auront à purger, sans qu’il soit fait la moindre différence entre eux. En dehors des terroristes, cet article ne concerne bien entendu aucun autre citoyen de notre pays.
La menace étant toujours présente, nous devons montrer, en adoptant cet article 2, ce que nous avons su montrer avec l’article 1er : la réforme ne sera pas complète sans l’un et l’autre de ces articles. Nous devons nous mobiliser et incarner l’unité de la Nation ici, à l’Assemblée nationale.
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et quelques bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Ce vote est un peu difficile, délicat. Il est vrai que nous apprécions le fait que le Gouvernement ait évolué par rapport au texte initial…
…et que l’amendement gouvernemental ne comporte plus de référence à la binationalité.
Cela serait parfait s’il n’y avait pas le texte d’application qui nous a été communiqué le 29 janvier et qui, dans une tournure particulière, fait une référence implicite aux binationaux. L’objectif, semble-t-il – mais je veux bien être détrompé – de ce texte d’application est, au fond, la déchéance de nationalité pour les binationaux et la déchéance des droits civiques pour les mononationaux.
Si mon interprétation est exacte, alors ce qui est sorti par la porte reviendra par la fenêtre, même si la fenêtre ne se présentera que dans quelques semaines ! Si cette interprétation est exacte, nous préférerions qu’il n’y ait qu’une interdiction des droits civiques, civils et de famille, comme cela est déjà prévu dans le droit positif par l’article 131-26 du code pénal et comme cela est prévu explicitement par ce même code pour les auteurs de crimes ou de délits de terrorisme.
Ce serait plus simple : les terroristes condamnés pour ces faits ne seraient pas déchus de leur nationalité mais privés de leur citoyenneté, ce qui, au plan symbolique et de la réprobation publique, est une sanction analogue. Cela éviterait de nous trouver confrontés à des problèmes très difficiles à régler et qui suscitent une diversité d’opinions y compris au sein de notre groupe – mais finalement assez réduite, puisque ce groupe s’oriente pour l’instant vers l’abstention sur cet article 2.
Pour conclure, nous souhaitons un vote par division demain, d’abord sur l’article 1er et ensuite seulement sur l’article 2.
Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et sur quelques bancs du groupe écologiste et du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants: 332 Nombre de suffrages exprimés: 310 Majorité absolue: 156 Pour l’adoption: 162 contre: 148 (L’article 2, amendé, est adopté.)
Je suis saisi de plusieurs amendements portant article additionnel après l’article 2.
La parole est à Mme Delphine Batho, pour soutenir l’amendement no 114 .
La lutte contre le terrorisme nécessite bien sûr la mobilisation de la justice, des moyens militaires, des services de renseignement, de la police et de la gendarmerie. Mais c’est aussi une guerre politique contre le totalitarisme, l’obscurantisme et le prosélytisme. Si nous sommes dans un moment où nous avons de besoin de réaffirmer l’identité républicaine de la France, nous devons le faire de façon non seulement défensive, mais également offensive.
L’amendement que je propose vise à réaffirmer la place de la laïcité au sommet de la hiérarchie des normes. L’idée de réaffirmer la place de la laïcité dans la Constitution avait été proposée par le Président de la République lors de sa campagne électorale : c’était son engagement no 46, qui proposait de modifier l’article 1er de la Constitution. Depuis, le Conseil constitutionnel a rendu une décision sur une question prioritaire de constitutionnalité, en février 2013, qui a reconnu que la loi de 1905 faisait partie du bloc de constitutionnalité.
Pour ma part, je propose avec cet amendement une autre solution, comparable à ce qui avait été fait en 2004 avec la Charte de l’environnement : il s’agit d’adosser à la Constitution une charte de la laïcité, qui figurerait dans le Préambule.
Cet acte est absolument indispensable dans le contexte actuel. Je veux dire avec une certaine solennité que, dans le moment que nous vivons, certaines polémiques dans le débat public sur la laïcité sont loin d’être anecdotiques. Après les attentats contre Charlie Hebdo et contre l’Hyper Cacher, après les attaques du 13 novembre, qu’une confusion soit entretenue dans le débat public sur la laïcité et sur sa dimension émancipatrice me paraît particulièrement préoccupant.
Le sens de cet amendement est donc de proposer l’élaboration d’une charte de la laïcité qui figurerait dans le Préambule, comme cela a été fait avec la Charte de l’environnement en 2004.
Cette discussion est intéressante en soi. Toutefois, le choix a été fait de se restreindre à l’essentiel : c’est la condition de l’unité. Je ne dis pas que votre préoccupation n’est pas essentielle, mais elle s’éloigne du sujet principal. De ce fait, je ne peux donner qu’un avis défavorable, et je donnerai les mêmes explications à l’ensemble des amendements portant article additionnel après l’article 2.
L’avis du Gouvernement est identique. D’abord, le Gouvernement ne peut soutenir l’insertion dans la Constitution d’une référence à une charte qui n’a pas encore été élaborée. Ensuite, sans vouloir épiloguer sur ce que serait le contenu de cette charte, il est inquiet des effets juridiques que sa constitutionnalisation pourrait entraîner. Elle pourrait ainsi remettre en cause des dispositions juridiques, législatives et réglementaires relatives à la laïcité, à la neutralité et à la liberté de culte qui sont actuellement en vigueur et qui procèdent d’un subtil équilibre.
Nonobstant cette argumentation, le Gouvernement donnera évidemment un avis défavorable à toutes les propositions de création d’un article additionnel, qui ne correspondent pas à l’intitulé et à l’objectif de la révision constitutionnelle.
Je suis très surprise par cette argumentation. Dans le contexte actuel, la laïcité constitue précisément l’essentiel. Je trouve troublant ce manque de conscience du fait que, dans l’affrontement politique et idéologique avec Daech, avec le djihadisme, nous avons besoin de réaffirmer la laïcité dans le corpus constitutionnel de la France et de lui donner toute sa place.
Sur le fond, la base existe : il s’agit du travail effectué par Vincent Peillon en 2013 avec la Charte de la laïcité à l’école. Le texte est quasiment prêt : il suffit de le reprendre.
Par ailleurs, je ne vois pas en quoi l’inscription dans la Constitution d’une charte de la laïcité remettrait en cause les règles que vous avez rappelées, monsieur le garde des sceaux. En revanche, j’y vois un symbole et un acte politique. On ne peut pas nous demander d’accomplir un acte politique à dimension essentiellement symbolique avec la déchéance de la nationalité française et, quand on propose un acte politique positif pour réaffirmer la dimension laïque de la République française, nous répondre que cette dimension symbolique ne peut pas être prise en compte.
À ce titre, je considère que cet amendement est d’une nature extrêmement différente d’autres amendements portant article additionnel dont l’objet est plus éloigné du texte de la révision constitutionnelle.
L’amendement no 114 n’est pas adopté.
Je vais reprendre à Mme Batho, si elle me le permet, la dernière partie de son développement : je partage avec elle l’avis que l’amendement que j’ai l’honneur de défendre avec mes collègues est à l’évidence au coeur de la question de la protection de la Nation, même si, par ailleurs, il ne porte pas exactement sur l’état d’urgence ni sur la déchéance de nationalité – cela pour prévenir vos objections, monsieur le garde des sceaux.
Nous proposons que la Constitution de la France rappelle que ses racines sont chrétiennes. Je voudrais m’en expliquer ici. Tout d’abord, je fais référence à un propos tenu récemment par M. le ministre de l’intérieur qui disait lui-même, au coeur de la période troublée que nous avons connue et que nous traversons encore, que ces racines sont « incontestables ».
Deuxièmement, je veux faire remarquer que les trois mots qui composent notre devise républicaine, « liberté, égalité, fraternité »,…
…s’ils ne sont pas entrés dans l’histoire des idées après l’avènement du christianisme, en revanche ont connu une portée universelle avec l’avènement du christianisme dans l’histoire. Et même le concept de laïcité a une origine absolument indiscutable : la séparation des pouvoirs politique et temporel relève exclusivement d’une vision chrétienne de la société. Il me paraît que s’il faut se battre là dessus, il faut en rappeler l’origine.
À un moment où notre mode de vie est si violemment remis en cause, en particulier s’agissant de la liberté d’avoir une religion ou de ne pas en avoir, de la séparation du pouvoir politique et du pouvoir religieux, de l’égalité entre les hommes et les femmes ou des relations entre les différentes communautés, certains ayant une vision de la communauté des hommes restrictive quant à un partage à caractère spirituel alors que nous ne connaissons, nous, selon la Constitution, qu’une seule République, il me semble que la dimension universelle des trois mots de notre devise doit être rappelée en inscrivant à l’article 1er de notre Constitution que les racines de la France sont chrétiennes.
Permettez-moi, mes chers collègues, de partager une partie de ce que Mme Batho vient de dire, comme mon collègue Jean-Frédéric Poisson. Je poursuis le même objectif à travers mon amendement, qui propose d’intégrer au premier alinéa de la Constitution : « Ses racines sont chrétiennes. »
En effet notre nation repose sur un socle culturel, avec des traditions et des influences. Parmi ces influences, n’oublions pas le christianisme, qui a profondément marqué les sociétés européennes contemporaines et leur constitution, au côté de la philosophie grecque et du droit romain, de la Renaissance ou du siècle des Lumières, qui s’en sont inspirés.
C’est le christianisme qui nous a permis d’envisager l’homme comme un individu à part entière. La protection de la dignité humaine repose sur ces valeurs chrétiennes. La France est certes aujourd’hui une République laïque, mais d’influence et de valeurs chrétiennes. D’ailleurs sans le christianisme il n’y aurait pas de laïcité : la laïcité n’existe que dans des pays de racines chrétiennes, comme la démocratie d’ailleurs.
Aujourd’hui nous avons appris, grâce au christianisme, au catholicisme en particulier, à séparer le temporel du spirituel, comme cela vient d’être dit par Jean-Frédéric Poisson. Les pays démocratiques où nous vivons libres de croire ou de ne pas croire sont des pays de valeurs judéo-chrétiennes. À l’heure où nous sommes attaqués par les barbares, il est important de revenir, comme vous l’avez dit, monsieur le rapporteur, à l’essentiel. Et l’essentiel, c’est le symbole. Si aujourd’hui, dans un texte relatif à la protection de la Nation, nous ne parlons pas de symboles, de quoi parlons-nous ?
Pour moi, il est important aussi que l’on rappelle que ces valeurs qui nous rassemblent, la liberté, l’égalité, la fraternité, la Constitution, tout cela est inspiré par notre histoire, et que notre histoire ne doit pas être négligée.
J’ajouterai un dernier mot sur quelque chose qui me semble absolument fondamental – et c’est un message aussi que nous devons envoyer aux terroristes qui ne souhaitent pas que nous vivions comme nous le désirons aujourd’hui. Il y a un problème d’égalité entre les hommes, mais aussi d’égalité entre les hommes et les femmes. Ça aussi, nous le devons à nos racines chrétiennes.
Protestations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Sans vouloir entrer dans le débat de fond, je veux souligner une contradiction importante. Hier, quand nous avons voulu modifier légèrement un article de la Constitution sur l’état de siège, ce qui avait un lien direct avec l’état d’urgence, des membres de votre groupe nous ont dit qu’il ne fallait pas toucher à la Constitution au-delà du sujet du projet de réforme. En conséquence j’ai retiré ces amendements relatifs à l’état de siège, qui n’étaient pourtant pas éloignés du sujet.
Aujourd’hui vous nous demandez de voter un amendement relatif à la question des racines chrétiennes, ce qui n’a pas grand-chose à voir ni avec l’état d’urgence, ni avec la déchéance de nationalité pour les terroristes. Mon avis est donc forcément défavorable, en raison de cette contradiction dans la façon dont vous menez le débat.
Être favorable à cet amendement, qui est intéressant en soi, comme l’était celui de Mme Batho, reviendrait en outre à accepter d’ouvrir le débat sur l’ensemble des sujets qui vont être abordés maintenant : le droit de vote des étrangers, la suppression de l’article 40, l’article 49… Tous ces sujets devront être traités, mais pas ici, c’est impossible.
Même avis.
Je veux dire d’abord que nous pouvons être fiers de la qualité de ce débat sur les principes et les symboles. Cela faisait longtemps que ce n’était pas arrivé en France.
Je veux dire ensuite qu’après l’attaque terrifiante dont il a été l’objet, le peuple français, son gouvernement et son Parlement ont réagi d’une manière qui a stupéfié le monde libre. Je ne crois pas qu’il faille aller plus loin maintenant et je suggère encore une fois au Président de la République de prendre l’initiative de reconnaître, avec l’accord de tous les groupes, qu’il a tout ce dont il a besoin pour garantir la sécurité des Français. Nous avons envoyé des signes positifs au monde entier ; n’envoyons pas maintenant des signes négatifs.
Je suis dépité par votre réponse, monsieur le président de la commission.
Comme l’a dit hier Pascal Cherki dans cet hémicycle, une fois qu’on a pris le parti de réviser la Constitution, il faut accepter tous les débats qui ont cet objet. Sinon, à quoi sert le Parlement ?
D’ailleurs, monsieur le président de la commission et monsieur le garde des sceaux, je vous ai connus il n’y a pas si longtemps plus ardents à défendre le droit du Parlement à débattre et à se saisir des sujets qu’il souhaite. Je regrette infiniment que pour une simple question de principe, qui n’est d’ailleurs pas conforme, à mon avis, au rôle de notre assemblée, vous refusiez d’ouvrir le débat sur le fond, quitte au final à rejeter l’amendement ! Rejeter un tel amendement, comme d’ailleurs celui de Delphine Batho, pour un tel motif ne me paraît pas à la hauteur des enjeux.
Quant à dire que cet amendement n’aurait pas de rapport avec la sécurité des Français au motif qu’il ne porterait ni sur la déchéance de nationalité ni sur l’état d’urgence, je vous rappelle après Valérie Boyer que des mesures d’ordre symbolique peuvent avoir à terme une certaine forme d’efficacité sur le plan opérationnel –vous l’avez vous-mêmes reconnu. Je pense que quand il s’agit de réenraciner la communauté nationale, on ne perd jamais son temps, surtout quand on vient de voter des dispositions qui permettent d’en exclure certains membres.
Pour aller dans le sens de l’excellent Jean-Frédéric Poisson, au moment où nous nous exprimons, le petit-fils du fondateur des frères musulmans, redoutable bretteur qui pratique la taqiya, demande par provocation la nationalité française.
Au moment où nous parlons, le peuple syrien est en guerre civile depuis plus de cinq ans. Au moment où nous parlons, tous les peuples arabes souffrent justement d’une difficulté à créer un espace que nous appelons aujourd’hui la laïcité, qui est le fruit de plusieurs siècles d’évolution – car quand, au XIIIe siècle, le roi répondait au pape qu’il était empereur en son royaume, c’était déjà le début de la laïcité.
L’amendement de notre collègue Poisson va paradoxalement dans le sens de celui de Mme Batho et de la défense de ce que nous appelons la laïcité. S’il était accepté, il serait un message d’espoir pour les peuples arabes et pour les peuples qui cherchent aussi à vivre dans la liberté et dans la paix, qu’ils soient musulmans ou non, parce que ces peuples souffrent de l’idéologie wahhabite financée par les pétrodollars, qui amène à une vision totalement uniciste, unilatérale, sans aucune exégèse possible des textes sacrés, des hadiths et du Coran.
Si nous acceptions l’amendement de M. Poisson, nous soutiendrions la laïcité et nous ferions oeuvre utile pour tous les peuples épris de liberté.
Je défendrai en même temps le no 192, monsieur le président, puisque l’idée est la même. Il tend à supprimer la mention de la race dans l’article 1er de la Constitution, conformément à un engagement pris par le candidat Hollande lors de la campagne de 2012…
…et conformément surtout à une proposition de loi adoptée par l’Assemblée le 16 mai 2013 tendant à supprimer le mot « race » de notre législation.
Quant à l’amendement no 184 , il propose de remplacer le mot « race » par « couleur de peau ». En effet, alors que la race a quitté le champ des sciences de l’homme depuis maintenant plusieurs décennies, le mot reste présent dans notre législation, comme un concept juridique vidé de toute substance scientifique.
Supprimer une notion devenue obsolète est une entreprise plus hygiénique qu’héroïque. Nous proposons d’inscrire la couleur de peau, une notion plus objective, aux côtés de l’origine et des croyances parmi les motifs de discrimination que la République refuse.
La parole est à M. Alexis Bachelay, pour soutenir l’amendement no 201 , identique au no 192.
Cet amendement vise donc à supprimer le mot « race » de la Constitution. Nous craignons de ne pas avoir, au cours de cette législature, une autre opportunité de réviser la Constitution et donc d’en supprimer ce mot, conformément à l’engagement qui avait été pris lors de la campagne présidentielle par celui qui est aujourd’hui Président de la République. Il est vrai que les mots prononcés lors du Congrès de Versailles étaient forts, mais pas davantage que ceux qui avaient été prononcés alors, notamment au Bourget. En l’occurrence, ce serait l’honneur de notre majorité que de procéder à cette suppression.
La parole est à M. Yann Galut, pour soutenir l’amendement identique no 231 .
Il vise, comme les précédents, à supprimer le mot « race » de notre Constitution.
Procéder à cette suppression à l’occasion du présent débat, qui nous interroge sur la Nation, sur la République et sur l’unité nationale, aurait un sens qui nous permettrait de nous rassembler sur tous les bancs de cette assemblée.
Je vous rappelle, mes chers collègues, que c’était un engagement de campagne de l’actuel Président de la République et que cette assemblée en a voté le principe en 2013, tandis que nous attendons toujours la décision du Sénat.
Au moment où nous nous interrogeons collectivement, au moment où nous voulons rassembler, supprimer ce terme de « race » de notre Constitution aurait du sens.
J’entends l’argument du Gouvernement et du rapporteur selon lequel il ne faudrait pas ajouter des dispositions sans rapport avec ce qui est notre priorité, à savoir l’état d’urgence. Je crois cependant que nous avons là une possibilité de nous rassembler autour d’une mesure extrêmement forte sur le plan symbolique, et c’est pourquoi il me semble utile que nous allions dans ce sens.
Avis malheureusement défavorable, pour les raisons de forme que j’ai précédemment indiquées.
Le Gouvernement se sent naturellement tenu par les engagements pris par le Président de la République et il est tout à fait prêt à mener ce débat, mais pas dans un tel cadre.
Nous avons déjà eu l’occasion d’étudier une proposition de loi rapportée par M. Alfred Marie-Jeanne – je parle sous le contrôle du président Chassaigne. Chacun, ici, sait que la suppression du mot « race » soulèvera des difficultés parce que ce terme figure dans d’autres codes. Le moment venu, et il doit venir, je suggère plutôt au Parlement d’écrire dans la Constitution que la France combat le racisme sous toutes ses formes. L’idée que vous défendez serait ainsi affirmée sans déstabiliser l’ensemble des codes, et nous atteindrions l’objectif fixé.
En l’occurrence, le Gouvernement reste sur sa ligne de conduite et ne souhaite pas d’un article additionnel dont le contenu serait éloigné des dispositions de son texte. Avis défavorable.
Je crois que nos collègues confondent la disparition d’un mot et celle d’un mal.
Tout le monde ici condamne le racisme, lequel survient lorsque l’on tient des discours généraux appliqués à une communauté ou à un sexe par exemple, bref à une partie de l’humanité comme si elle était séparée du reste.
La couleur de peau, quant à elle, n’a absolument rien d’objectif. Que l’on songe aux difficultés de l’Afrique du Sud pendant l’apartheid en la matière ! Vous parlez des phénotypes mais même la transmission de la couleur des yeux, dans l’espèce humaine, reste un mystère ! Vous confondez donc phénotype et racisme.
Supprimer un mot du vocabulaire n’abolit pas le mal qu’il représente. Au nom de quoi faudrait-il réviser nos classiques ? Il n’y a pas de « races des seigneurs », mais il y a des oeuvres appartenant au patrimoine de l’humanité qui utilisent cette formule ! Pourquoi vouloir la supprimer alors que la lutte que vous menez contre le racisme est pleine de noblesse ?
À vouloir créer une novlangue, vous parviendrez à des absurdités : il faudra ensuite mentionner la taille, le poids, la couleur des yeux et des cheveux, le sexe… On n’en finira plus, c’est absurde !
Il est vrai que la présence du mot « race » dans notre Constitution laisse entendre que notre texte fondamental reconnaît l’existence de races, au pluriel. Il me semble que la vraie réforme de la Constitution – mais elle fera peut-être l’objet d’un autre texte, un jour – consisterait à affirmer l’unicité de la race humaine.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et du groupe Les Républicains.
Ou de l’espèce humaine, oui, mais le mot race est couramment utilisé. L’essentiel est d’en souligner l’unicité, ce qui fonde la lutte contre le racisme, lequel existe bel et bien quant à lui. Mais tout cela fera l’objet d’un débat ultérieur.
En effet, il n’y a qu’une race humaine. Il est inutile de s’étendre là-dessus, tous les travaux des scientifiques en attestent.
Je rappelle que le groupe GDR a déposé une proposition de loi qui a été discutée dans le cadre d’une niche parlementaire sur l’excellent rapport d’Alfred Marie-Jeanne. À cette occasion, nous avons listé tous les espaces de la législation et des différents codes où apparaît le mot « race » et formulé des propositions précises afin de le remplacer par d’autres expressions. Le travail a donc été fait, pour les codes et la législation.
Malheureusement, ce texte qui a été voté à l’Assemblée nationale n’a pas été inscrit à l’ordre du jour du Sénat, bien que nous demandions régulièrement qu’il le soit. Mais, comme le travail a été fait sur le plan de la législation et de la réglementation, il serait opportun de voter ces amendements visant à supprimer le mot « race » de la Constitution.
Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
L’amendement no 184 n’est pas adopté.
Il vise à intégrer dans notre droit le droit de vote des étrangers pour les élections locales.
Compte tenu des débats que nous avons déjà eus, certains diront qu’il s’agit d’une sorte de cavalier constitutionnel, mais je ne pense pas que cela soit exact. En effet, l’une des réponses possibles aux attentats et à la fracturation de la société qu’ils ont provoqués, c’est la République, une République toujours plus intégratrice.
Puisque nous avons beaucoup parlé de symbole, de signal, je suis convaincu que ce symbole-ci serait extrêmement important pour renforcer le ciment de notre société. D’où cet amendement que j’ai déposé avec d’autres collègues.
Monsieur le Premier ministre, monsieur le garde des Sceaux, chers collègues, j’ai bien compris que cet amendement concernant le vote des étrangers ne fait pas partie des engagements que le Président de la République a pris lors de son discours de Versailles, mais il a été pris devant 46 millions d’inscrits sur les listes électorales et 36 millions de votants au second tour des élections présidentielles, ce qui, pour bon nombre de parlementaires qui ont cosigné cet amendement, justifie que l’on parle du sujet.
« Désespérer, c’est déserter », disait Victor Hugo. Comme les parlementaires qui ont cosigné cet amendement, nous ne désespérons pas qu’un jour la République accorde le droit de vote pour les élections locales aux étrangers résidant légalement sur notre territoire depuis plus de cinq ans.
Nous savons que l’approbation d’une telle idée a sans doute reculé parmi nos concitoyens puisqu’ils étaient une majorité à en approuver le principe en 2013 et qu’ils ne sont plus que 40 % aujourd’hui. Engels disait que la preuve que le pudding existe, c’est que l’on en mange. La preuve que la démocratie existe, c’est l’élection… Sauf que, scrutin après scrutin, la participation est de plus en plus faible et que les électeurs se détournent des urnes. C’est vrai partout en France, mais cela l’est particulièrement dans les quartiers populaires, là où le vote n’est ni un rite, ni une habitude en raison de l’origine étrangère des parents.
Le droit de vote des étrangers aux élections locales est un moyen, pas le seul, de régénérer la démocratie française. Le droit de vote est un élément essentiel d’adhésion au pacte démocratique, la marque d’une appartenance à une même communauté de destin et un pas de plus vers l’intégration républicaine.
Chacun, dans cette Assemblée, connaît les arguments en faveur du droit de vote des étrangers aux élections locales – 63 pays l’appliquent déjà – et les arguments contraires. Nous avons choisi d’insister aujourd’hui sur des mesures de protection de la Nation, ce que je comprends parfaitement dans la période et les épreuves que traverse notre pays. Néanmoins, l’unité nationale n’existera pas sans espérance démocratique, et le droit de vote des étrangers aux élections locales en est une.
Je me tourne vers mes collègues socialistes et vers la gauche qui, historiquement, se sont battus en faveur du droit de vote des étrangers aux élections locales. Une proposition de loi a été adoptée à l’Assemblée nationale et au Sénat. Aujourd’hui, nous sommes le constituant, nous pouvons adresser un signal à la population française et à celles et ceux dont nous souhaitons qu’ils aient le droit de vote.
Offrons ce jour à celles et ceux qui nous ont fait confiance et permettons aux étrangers de voter aux élections locales !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe écologiste.
La parole est à M. Daniel Goldberg, pour soutenir l’amendement no 213 .
Il porte sur le même sujet, mais je tiens à lier la question du droit de vote des étrangers dits non communautaires aux élections locales au vote qui vient d’avoir lieu sur l’article 2. Pour être honnête avec l’ensemble des collègues, je ne l’aurais en effet pas déposé sans cet article 2 tel qu’il nous a été proposé. Pourquoi ?
La question de la déchéance de nationalité de Français qui ont commis des actes très graves a déjà été étudiée dans le cadre de notre République, comme cela a été dit par plusieurs collègues qui ont défendu la mesure votée de justesse à l’article 2. Mais il y avait alors un corollaire. Il y avait un corollaire notamment quand, à Valmy, on a décrété la levée en masse, quand l’ensemble des citoyens présents sur le territoire ont été appelés à verser leur sang impur pour abreuver les sillons de la République, pour citer La Marseillaise. Ce corollaire avait été inscrit dans la Constitution de 1793 : tous les citoyens présents qui avaient servi l’humanité – telle est la formulation de l’article 4 de la Constitution de 1793 – avaient le droit de voter aux élections.
C’est parce que nous débattons de la question de la déchéance de nationalité, en faisant de cette dernière une qualité – c’est tout le débat que nous venons d’avoir – qu’il me paraît tout à fait opportun de parler de la question du droit de vote des étrangers aux élections municipales, tel qu’il a été voté ici même en 2000 et au mois d’octobre 2011 par l’ancienne majorité du Sénat.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Je serai bref, car il a le même sens que le précédent. En l’occurrence, il reprend exactement la rédaction de la proposition de loi votée par l’Assemblée nationale en 2000 et par le Sénat en 2011 : il s’agit du droit de vote des étrangers aux élections municipales sous condition de résidence.
Nous proposons donc cette fois d’inscrire dans la Constitution un texte que l’Assemblée nationale et le Sénat ont déjà voté.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Je connais bien ce débat. Nous avons évoqué cette question il y a quelques années à l’Assemblée nationale. Nous étions dans l’opposition et j’avais eu l’occasion de défendre l’idée du vote des résidents étrangers non communautaires. À l’époque, il y a plus d’une dizaine d’années, d’autres, qui se trouvaient dans la majorité même s’ils y étaient minoritaires, s’étaient également exprimés en faveur de cette idée.
Je souhaite le rejet des amendements qui nous sont présentés pour deux raisons. La première tient au contenu de notre texte, de notre réforme constitutionnelle. J’ai entendu les arguments exprimés, mais ces amendements ne sont directement liés au fond de la réforme, c’est-à-dire la constitutionnalisation de l’état d’urgence et de l’extension de la déchéance de nationalité. On voit bien que bien d’autres sujets pourraient être abordés : certains sont complexes, comme celui de la présence du mot « race », certains ne sont pas nouveaux, comme celui sur le droit de vote des résidents étrangers non communautaires, et il y en a beaucoup d’autres… Or nous n’avons pas ouvert cette réforme constitutionnelle pour changer tous les aspects de la Constitution. J’invite chacun à en rester à l’objet annoncé par le Président de la République le 16 novembre dernier.
Ensuite, autre raison, nous savons que sur ce sujet, il ne sera pas possible d’obtenir, avec les députés de l’opposition et les sénateurs, la majorité des trois cinquièmes nécessaire pour le vote de cette mesure. Je ne le crois pas, et vous le savez d’ailleurs parfaitement.
J’ajoute une troisième raison : je ne crois pas que cet élément-là soit aujourd’hui une priorité et une attente, à la différence de ce que nous pouvions penser voilà quelques années. L’appartenance à la nation, qui a été évoquée tout au long des débats, est un sujet majeur. Qu’ont révélé les attentats et la réaction des Français ? Leur adhésion à la République et à la nation, l’amour de la patrie, le rappel des trois couleurs et de la devise, et plus généralement l’adhésion à une communauté de valeurs, au premier rang desquelles la laïcité. Compte tenu donc de la situation que nous connaissons actuellement, il ne me semble pas opportun d’introduire ce débat dans le pays.
Pour toutes ces raisons, en particulier d’opportunité et de capacité à rassembler autour de la réforme constitutionnelle proposée par le Président de la République, le Gouvernement appelle au rejet de ces amendements.
L’explication que vient de formuler M. le Premier ministre procède d’une conception très étriquée de la République et d’une certaine forme de repli sur soi. Cette conception très étriquée définit un périmètre d’où sont exclus un certain nombre d’hommes, de femmes, de familles qui vivent sur notre territoire sans avoir le sentiment d’appartenir à notre communauté de destin. Je parle d’expérience car c’est moi qui ai présenté ici en 2000 au nom des Verts la proposition de loi relative au droit de vote des étrangers aux élections locales qui a été adoptée à l’unanimité par la gauche mais que le Premier ministre de l’époque n’a pas présentée au Sénat car la majorité y était de droite. Ce jour-là, la gauche n’a pas été assez courageuse. Elle n’a pas voulu affronter une partie de la représentation nationale pour bien affirmer que nous sommes une communauté de destin et qu’il y a de la place pour tous dans ce pays.
Nous envoyons aujourd’hui des signaux négatifs avec la constitutionnalisation de l’état d’urgence et la déchéance de nationalité. Nous aurions pu aussi envoyer un signal positif à tous ceux qui se sentent fortement stigmatisés en raison de leur prénom, de leur religion ou de leurs origines. Il me semble que le vote des étrangers aux élections locales peut être un facteur non d’intégration mais de rassemblement, chacun ici s’accorde à le reconnaître – il suffit d’aller dans nos villes ou nos circonscriptions. On a demandé à ces gens que l’on a colonisés, considérés comme des indigènes, de participer à la richesse de notre pays. On s’accorde même pour les comptabiliser afin de déterminer par exemple le nombre de conseillers municipaux. Mais lorsqu’il s’agit de décider de leur communauté de destin avec nous, c’est circulez, y a rien à voir ! On peut imaginer le fort ressentiment qui en résulte, un sentiment de mépris qui se transmet à leurs enfants et leurs petits-enfants, qui ont tant de difficultés à être reconnus pour ce qu’ils sont et non pour ce qu’ils représentent.
C’est la raison pour laquelle nous soutenons avec force et détermination les amendements présentés par MM. Hanotin, Hamon et Goldberg.
Chacun peut constater que ces amendements ouvrent un autre débat. Vous êtes nombreux à vouloir vous exprimer. Je me propose de donner la parole à un orateur par groupe.
Je suis farouchement opposé à ces amendements. D’abord, rien ne justifie leur présence dans ce débat. Et sur le fond, j’y suis opposé car le droit de vote est selon moi consubstantiellement lié à la nationalité.
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
Il s’agit d’un principe fondateur de notre République, qui la protège et ne souffre qu’une exception, celle des ressortissants de l’Union européenne aux élections locales. Cette exception est légitime car notre nation considère que le projet européen est un projet d’avenir, qui rassemble et s’intègre dans cette conception de la nation librement choisie. Le droit de vote des ressortissants non communautaires constituerait une entorse très grave aux principes républicains et les remettrait en cause. Nous voyons derrière cette extension du droit de vote une forme de soutien à l’émergence de communautarismes que nous devons condamner avec force et dénoncer !
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
Comme vient de le dire M. le Premier ministre, cette question n’est pas l’objet de la révision constitutionnelle qui nous réunit et n’a donc pas sa place dans le texte. Chacun sait que les membres du groupe UDI sont opposés à cette proposition pour plusieurs raisons, dont en partie celles que vient de formuler M. Ciotti. Surtout, il y a cette hypocrisie consistant à considérer les étrangers non-membres de l’Union européenne comme des citoyens à temps partiel : bienvenue aux municipales, mais dégagez aux cantonales et aux départementales ! Bienvenue aux municipales, mais vous n’avez rien à dire sur la gestion des lycées de vos enfants !
Telle est l’hypocrisie qui alimente périodiquement le débat de la vie politique française aux yeux de la gauche depuis 1981. En réalité, de Président de la République en Président de la République, et il y en a eu deux, de Premier ministre en Premier ministre, vous n’êtes jamais allés au bout de cette démarche, chers collègues socialistes !
Les choses sont pourtant simples, à entendre les débats. Le Président de la République s’est engagé, dites-vous. Je comprends que celles et ceux qui l’ont soutenu y voient une promesse trahie de plus. Je comprends que vous aimeriez la tenir, j’ai entendu MM. Hamon et Goldberg. Dès lors, il y a une façon très simple de la tenir : nous qui sommes les représentants du peuple français, et quand bien même je combattrais cette proposition, ou bien nous dégageons une majorité pour la voter, ou bien non ! Mais votons ! Et si ce n’est pas voté, que le Président de la République ait le courage, s’il pense qu’il existe une majorité de Français en faveur de cette disposition, de la soumettre au référendum !
En tout cas, qu’on arrête avec cette hypocrisie consistant à reprendre sans cesse cette proposition que vous n’avez jamais, depuis trente-cinq ans, osé soumettre au peuple français. Si vous ne l’avez pas soumise au peuple français, c’est que vous pensez qu’elle n’y est pas majoritaire. Si elle n’est pas majoritaire, les représentants du peuple n’ont pas à l’adopter.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes de l’Union des démocrates et indépendants et des Républicains.
Voilà donc le paradoxe de ce quinquennat : alors que nous discutons d’une réforme constitutionnelle qu’il faut bien qualifier d’inspiration droitière, il nous appartient de rappeler le Président de la République à l’un de ses principaux engagements de campagne. Le 14 juillet 2014, François Hollande a déclaré que le droit de vote des étrangers aux élections municipales serait à l’ordre du jour dès 2016.
Que s’est-il passé depuis, pour que cette promesse soit enterrée ? Quel lien y a-t-il entre la menace terroriste et le reniement de cette promesse ? Nous l’affirmons avec force : si la volonté de l’exécutif est de modifier notre Constitution face au défi terroriste, alors le plus beau symbole de lutte contre l’intolérance serait d’en faire une révision de progrès plutôt que de repli. Défendons la démocratie par plus de démocratie !
Permettre aux étrangers qui le souhaitent de participer à la décision collective, c’est renforcer notre pacte républicain et par là même combattre le terrorisme qui se nourrit de l’exclusion. Le peuple français n’a pas mandaté le Président de la République pour initier la réforme constitutionnelle que vous nous soumettez, monsieur le Premier ministre. Il l’a en revanche élu sur la promesse d’étendre le droit de vote aux ressortissants étrangers. « Tirons notre courage de notre désespoir même », disait Sénèque. Saisissons l’occasion de la révision constitutionnelle pour faire preuve de courage politique en renforçant notre contrat social !
Nous voterons en faveur de ces amendements qui sont à l’image de ce que devrait être une réforme constitutionnelle de progrès.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe écologiste.
J’ai compris qu’on ne veut pas alourdir le texte de dispositions sans rapport avec l’état d’urgence ni la déchéance de nationalité.
Son titre, c’est « Protection de la Nation » !
Et je crois avoir compris du Président de la République il y a quelques jours qu’un autre texte, relatif à la réforme du Conseil supérieur de la magistrature, actuellement en navette entre le Sénat et l’Assemblée nationale, pourrait faire l’objet d’un examen par le Congrès. Or il me semble que la réforme du Conseil supérieur de la magistrature n’est pas directement liée avec ce dont nous sommes en train de parler !
Mais peu importe. Je donne acte au Premier ministre de ce qu’il vient de dire : en effet, la société française n’est peut-être pas aussi favorable aujourd’hui au droit de vote des étrangers qu’elle l’était hier. Sur ce point, il a entièrement raison. Mais lui-même, lorsqu’il menait des combats, y compris dans sa propre famille, défendait ses convictions même s’il était minoritaire. À un moment donné, il faut choisir entre s’effacer ou assumer. Nous assumons.
L’amendement no 163 n’est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants: 172 Nombre de suffrages exprimés: 170 Majorité absolue: 86 Pour l’adoption: 67 contre: 103 (L’amendement no 168 n’est pas adopté.)
L’amendement no 213 n’est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants: 161 Nombre de suffrages exprimés: 158 Majorité absolue: 80 Pour l’adoption: 61 contre: 97 (L’amendement no 234 n’est pas adopté.)
La parole est à M. Jean-Luc Laurent, pour soutenir l’amendement no 191 .
Cet amendement vise à abroger l’article 40 de la Constitution, dont nous savons bien qu’il restreint considérablement les droits du Parlement. Une demande en ce sens a été présentée à plusieurs reprises depuis 1958 mais n’a pas abouti, y compris lors de la révision constitutionnelle de 2008 qui a envisagé la réforme de l’article 89 du règlement de l’Assemblée nationale. L’encadrement du droit d’amendement par la Constitution de la Ve République avait initialement pour objectif de limiter les pouvoirs du Parlement dans un contexte de défiance mutuelle entre l’exécutif et le législatif. Par ailleurs, l’exécutif se voulait alors le garant d’une certaine orthodoxie budgétaire, au contraire d’un Parlement jugé dépensier.
Cette fable du Parlement dispendieux et du Gouvernement économe ne convainc plus personne. Les raisons ayant présidé à l’instauration d’une telle limitation sont largement caduques. Le Parlement examine et vote le budget, et contrôle les politiques publiques ainsi que l’exécution du budget de l’État. Il est suffisamment compétent et responsable pour que la Constitution restaure en partie sa souveraineté en matière budgétaire, d’autant que le Gouvernement conserve la capacité de faire prévaloir ses positions grâce au vote bloqué et à l’article 49 alinéa 3. L’abrogation de l’article 40 n’aurait donc pas pour effet d’inverser le rapport de force entre le Parlement et le Gouvernement mais renforcerait les pouvoirs du Parlement afin d’en faire une force de proposition efficace.
L’amendement no 191 , repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.
La parole est à M. François Pupponi, pour soutenir l’amendement no 142 .
L’amendement no 142 est retiré.
La parole est à Mme Colette Capdevielle, pour soutenir l’amendement no 86 .
Cet amendement, signé par vingt-quatre députés, vise à autoriser la ratification de ratifier la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires adoptée à Strasbourg, complétée par la déclaration interprétative annoncée par le Gouvernement.
La défense et la promotion des langues régionales relèvent de la protection du patrimoine national. En janvier 2014, l’Assemblée nationale a très largement adopté la proposition de loi constitutionnelle visant à la ratification de la Charte européenne. Malheureusement, la commission des lois du Sénat l’a rejetée.
Ce n’est pas tous les jours que nous avons un débat sur la révision de la Constitution. Je propose donc aujourd’hui de procéder à cette ratification.
La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement no 101 .
Cet amendement vise à dégager la France de la tutelle de la Cour européenne des droits de l’homme – CEDH – en matière de décisions de justice portant sur les droits fondamentaux. Il y a quelques semaines, nous avons dû demander une dérogation à la CEDH pour adopter l’état d’urgence. Je veux aussi rappeler à l’Assemblée nationale cet épisode cruel où des pirates somaliens ayant arraisonné un navire français, arrêtés par les autorités françaises et déférés devant les tribunaux avec quelques heures de retard, ont été relâchés pour cause de présentation tardive. La France a dû acquitter une amende pour ne pas avoir respecté les procédures.
Il y a, en règle générale, une forme de gouvernement des juges, y compris sur le plan européen, dont la souveraineté française doit s’affranchir. J’ajoute qu’il n’y a aucune raison que la France se fasse rappeler à l’ordre concernant la défense des droits fondamentaux : la Constitution suffit. Je souhaite donc qu’il soit indiqué que la Constitution a une valeur supérieure aux engagements internationaux de la France.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.
Même avis.
Pour appuyer l’amendement de notre excellent et honorable collègue Poisson, je voudrais rappeler quelques faits. La Grande-Bretagne impose ses conditions à l’Union européenne, on lui cède. La France paie le prix du sang et demande que l’on extraie des critères de Maastricht son effort de défense, on ne lui cède pas. Quelle est cette République que vous et votre majorité avez en permanence à la bouche, monsieur le Premier ministre, et que vous ne défendez pas lorsqu’il s’agit de soutenir un amendement de bon sens, dans le monde tel qu’il est aujourd’hui ?
Mes chers collègues, vous qui avez la Nation et la République à coeur, adoptez l’amendement de Jean-Frédéric Poisson !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.
L’amendement no 101 n’est pas adopté.
Cet amendement, que j’ai déposé avec Bernard Gérard, vise à insérer deux nouveaux alinéas à l’article 66 de la Constitution pour instituer le droit pour toute personne de bénéficier de l’assistance d’un avocat libre et indépendant, afin d’assurer la défense de ses droits et libertés.
La sécurité nationale ne saurait imposer, à travers la constitutionnalisation de l’état d’urgence, un renforcement des pouvoirs d’investigation et la restriction des libertés individuelles sans garantir corrélativement les droits de la défense. Si l’on renforce à juste titre l’arsenal antiterroriste, il convient de garantir constitutionnellement le droit pour toute personne de bénéficier de l’assistance d’un avocat. Le droit à un avocat a toujours été entendu comme un des piliers de la démocratie.
La Constitution garantit l’indépendance de l’autorité judiciaire et le statut des magistrats. Par réciprocité, il est essentiel de garantir aux citoyens l’accès à un avocat leur assurant la plénitude de l’exercice de leurs droits, ainsi que l’ont fait plusieurs pays, tels que l’Allemagne, les États-Unis et le Canada.
Nous sommes engagés depuis quelque temps dans une évolution substantielle de notre système judiciaire. La question se pose maintenant de savoir si nous donnons ou non une valeur constitutionnelle à la défense. Cet amendement vise à instaurer la première base d’un habeas corpus à la française.
La Constitution garantit, et c’est heureux, l’indépendance de l’autorité judiciaire et le statut du magistrat. D’aucuns proposent même une évolution aboutissant à l’indépendance totale du Parquet. Cet amendement propose de nous inspirer de ce qui se fait chez nos voisins, cousins et amis allemands, américains et canadiens en insérant dans la Constitution un texte qui consacre l’indépendance de l’avocat. Nous remplirions ainsi parfaitement notre rôle de constituant, qui est de toujours se demander comment accroître les libertés dans notre pays.
Même avis.
Il est très important de faire droit à ces amendements. Le droit comparé est utile sur ce sujet : je rappelle que la Tunisie s’est vu remettre le prix Nobel de la paix pour avoir inscrit, à l’article 105 de sa constitution, le droit à bénéficier d’un avocat libre et indépendant.
Cela fait plusieurs jours que nous nous battons parce que ce texte nous donne des craintes pour nos libertés publiques. Cet amendement apporterait une garantie essentielle. C’est, en quelque sorte, l’amendement de la réconciliation, celui qui convient à la fin de ce débat. Nous pourrions ainsi trouver un chemin propice à la sauvegarde des libertés fondamentales.
La parole est à M. Pierre-Yves Le Borgn’, pour soutenir l’amendement no 56 .
Je défendrai aussi, si vous le voulez bien, les amendements nos 58 et 57 .
Nos débats, en particulier sur l’état d’urgence, soulignent la nécessité d’établir en toutes circonstances un équilibre entre les mesures requises pour lutter efficacement contre le terrorisme et celles qui protégent l’état de droit ainsi que les libertés publiques.
Le Conseil constitutionnel s’est exprimé sur ce sujet à travers différentes décisions. Il en est de même de la Cour européenne des droits de l’homme – et j’adresse ici un clin d’oeil amical à Pierre Lellouche et à Jean-Frédéric Poisson. La CEDH joue un rôle fondamental dans la défense de l’état de droit sur notre continent. La bonne exécution de ses décisions, sujet dont j’ai la charge comme rapporteur sur la mise en oeuvre des arrêts de la CEDH au sein de l’assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, est un devoir pour chaque État membre, et donc aussi pour la France.
Or le Parlement français ne joue souvent qu’un rôle limité dans l’exécution de ces arrêts. De manière épisodique, nous prenons acte de l’un d’entre eux, pour nous en inquiéter ou nous en réjouir. Cette situation n’est pas satisfaisante : il manque une revue exhaustive des arrêts qui, soit touchent directement notre pays, soit, sans nous concerner en propre, nous obligent cependant à réviser notre législation.
Le Parlement doit avoir pleine connaissance des décisions de la Cour, des conséquences qu’elles emportent pour le droit français et des mesures prises à cette fin. C’est pourquoi, en s’inspirant des mécanismes créés dans une précédente révision pour l’Union européenne, il est proposé d’inscrire dans la Constitution le principe de la présentation par le Gouvernement d’un rapport annuel sur l’exécution des décisions de la Cour par la France, et la possibilité pour les deux chambres d’adopter des résolutions sur ces décisions, ainsi que sur les suites qu’elles appellent en droit français.
Sourires.
Je commence en disant au Premier ministre que je l’ai bien entendu et que je comprends parfaitement pourquoi il pourrait s’opposer à mon amendement : il est hors sujet, et les choses sont déjà suffisamment compliquées pour y ajouter un grain de corsitude.
Néanmoins, et dans la mesure où il est peu probable, à mon grand regret, que la Corse fasse l’objet d’une révision constitutionnelle spécifique, il faut bien que nous puissions exprimer en droit, et très sérieusement, quel est le besoin de la Corse, et quelle est la justice sur le plan constitutionnel.
Je rappelle qu’à deux reprises au cours de la législature, des dispositions fiscales relatives à la prolongation de dispositions anciennes ont été votées à une très large majorité à l’Assemblée ainsi qu’au Sénat, et que le Conseil constitutionnel les a rejetées deux fois, au motif, bien évidemment, que le principe d’égalité – poussé à son extrémité absolue – n’était pas respecté.
La révision que je propose est juridiquement indispensable, et par ailleurs justifiée. Je voudrais simplement rappeler ce qu’écrivait Guy Carcassonne, non sur une intuition mais après une étude approfondie qui lui avait été demandée par la collectivité territoriale de Corse, dans le cadre d’une commission de juristes comprenant aussi les professeurs Capitan, Benetti et Mastor : « Il est indécent, illogique et insultant que la Corse ne soit pas mentionnée dans le texte suprême. » Et le constitutionnaliste d’en détailler les raisons, fort longuement et fort justement.
Depuis 1982, la Corse a un statut particulier. Chacun le sait, mais chacun doit comprendre, cela est expliqué dans l’exposé des motifs, à quel point ce statut demeure imparfait, flou – intermédiaire, en quelque sorte. C’est dû au fait que la Corse est absente de la Constitution et que son régime juridique n’est pas défini.
Il se trouve que toutes les îles, en dehors des îles côtières, sont citées avec leurs régimes spécifiques dans la Constitution. Même l’îlot de Clipperton, inhabité comme chacun le sait, dispose néanmoins de deux lignes, pour des raisons juridiques.
Politiquement, monsieur le Premier ministre, vous repousserez l’inscription de la Corse dans la Constitution. Mais je redoute que, tôt ou tard, vous n’ayez à reconnaître que vous auriez mieux fait d’y consacrer un peu d’attention et que la proposition raisonnable, modérée, utile et fondée que nous vous faisons vous aurait évité peut-être d’autres discussions.
La parole est à M. François Pupponi, pour soutenir l’amendement identique no 141 .
La Corse vit des heures historiques depuis quelques années, et le présent gouvernement y a un bilan exceptionnel. Sur beaucoup de sujets, il peut s’enorgueillir d’avoir réglé petit à petit, avec beaucoup de compétence et de qualités, les problèmes qui perturbaient cette île, et globalement notre pays, depuis de nombreuses années.
Il est désormais nécessaire de faire évoluer la Constitution pour finaliser un processus positif, qui, juridiquement, doit passer par une révision constitutionnelle. On peut considérer qu’il s’agit là d’amendements d’appel, même s’ils ont une réalité juridique. Pourtant, il nous faudra bien faire entrer la Corse dans la Constitution : c’est indispensable pour l’avenir de l’île, mais également pour celui de la République.
Je ne peux, malgré l’heure tardive – et d’autant que nous demanderons une seconde délibération à la fin de la discussion au sujet de la dissolution – me contenter de donner un avis défavorable.
Je comprends le débat, monsieur Giacobbi. Je vous écoutais attentivement, et je connais bien l’argumentation. Ce débat, nous pourrons peut-être l’avoir un jour. Je suis conscient des heures historiques que vit la Corse, monsieur Pupponi. Un processus est engagé, dans le cadre du statut actuel, vers la collectivité unique, et M. Giacobbi y a d’ailleurs particulièrement contribué. Le Gouvernement dialogue avec les élus que la Corse s’est donnés mais en l’espèce, vous comprendrez que le Gouvernement ne peut accepter votre proposition, aussi avisée soit-elle, alors que le texte en débat tend à inscrire dans la Constitution l’état d’urgence et l’extension de la déchéance.
J’attends aussi de voir, non pas de votre part monsieur Giacobbi, ni de la vôtre, monsieur Pupponi – même si vous êtes un élu de Sarcelles ! – les évolutions en cours aujourd’hui en Corse.
La parole est à M. Jean Jacques Vlody, pour soutenir l’amendement no 212 .
Le texte que nous examinons s’inscrit dans le cadre d’une révision de la Constitution. Il s’agit d’une révision exceptionnelle, certainement l’unique de cette législature.
À travers mon amendement, je veux saisir l’opportunité non pas, comme souvent, d’inscrire une nouvelle disposition dans la Constitution mais d’en supprimer une : le cinquième alinéa de l’article 73, qui instaure une véritable discrimination constitutionnelle à l’encontre des Réunionnais. Cette disposition empêche en effet la Réunion d’adapter les lois aux réalités locales, pourtant très différentes du contexte de la France hexagonale.
Précisons que la Réunion est le seul département d’outre-mer où l’adaptation législative, réglementaire et normative est interdite par la Constitution. Et les exemples sont nombreux. Ainsi, dans le domaine agricole, des normes définies pour un climat tempéré, celui de l’Hexagone, s’appliquent sur un territoire au climat tropical. En matière de construction de logements ou de normes environnementales, nous sommes confrontés aux mêmes absurdités.
Il est temps, pour la Nation, de reconnaître que les Réunionnais ne sont pas des majeurs incapables, mais des majeurs en pleine responsabilité. Cette revendication est si légitime et naturelle qu’elle fait l’unanimité non pas seulement de la classe politique réunionnaise, mais au sein même de l’Assemblée ! Elle fait l’objet, ici, d’une proposition de loi soutenue par notre groupe, présentée par certains collègues, ainsi que d’une proposition de loi constitutionnelle au Sénat.
Je demande au Gouvernement d’entendre les Réunionnais et d’inscrire la suppression de l’alinéa 5 de l’article 73 dans cette démarche de révision constitutionnelle. L’égalité réelle, sur laquelle s’est engagé le Président de la République, commence d’abord par l’égalité constitutionnelle.
Monsieur le Premier ministre, il est temps de rétablir les Réunionnais dans leurs droits, il est temps de mettre fin à cette discrimination entre les territoires, il est temps d’entendre les Réunionnais. Nous sommes capables, rendez-nous notre liberté, rendez-nous notre égalité.
Avis malheureusement défavorable car nous sommes tenus par ce cadre strict qui nous interdit de nous éloigner du texte principal, même si un réel problème se pose.
L’amendement no 212 , repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.
La parole est à M. Jean-Luc Laurent, pour soutenir l’amendement no 194 .
Cet amendement tend à supprimer le troisième alinéa de l’article 89 de la Constitution. La Constitution prévoit deux modalités pour sa révision. La première est, après un vote conforme des deux assemblées, l’approbation par référendum. La seconde, par défaut, remplace le référendum par une approbation à la majorité des trois cinquièmes du Parlement réuni en Congrès.
Or, depuis le début de la Ve République, une seule procédure de consultation par référendum a eu lieu, contre vingt procédures de modification par le Parlement. Dans ces conditions, et comme l’a spécialement montré le présent débat, il me semble opportun de procéder à une modification pour retrouver une bonne habitude, celle de parler directement aux citoyens et de les consulter en procédant directement au référendum. En donnant au peuple souverain la possibilité de s’exprimer directement plutôt que par l’intermédiaire de ses représentants, nous revivifierions notre démocratie qui en a bien besoin.
L’amendement no 194 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
Je ne crois pas que le moment soit idéal pour aborder cette question pourtant essentielle et que j’ai déjà évoquée : le contrôle de la révision constitutionnelle. Au vu des conditions du vote sur les articles du présent texte et de son résultat, nous voyons bien à quel point il serait utile de prévoir, comme un certain nombre de constitutionnalistes l’ont suggéré, l’intervention du Conseil constitutionnel. Il pourrait ainsi se prononcer sur la régularité de la révision au regard de la procédure de révision prévue par l’article 89, sur le fait que la procédure de révision n’ait pas été engagée ou poursuivie lorsqu’il était porté atteinte à l’intégrité du territoire, et enfin sur le fait que la révision ne porte pas atteinte à la forme républicaine du Gouvernement.
Cela mériterait un débat sans doute bien plus long mais comme nous créons un précédent, une révision constitutionnelle en état d’urgence, un minimum de précautions et de prudence devraient s’imposer.
L’amendement no 40 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
En application de l’article 101 du règlement, le Gouvernement demande qu’il soit procédé à une seconde délibération de l’article 1er du projet de loi constitutionnelle.
Je suis saisi de deux amendements, nos 2 et 1 , qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
La parole est à M. le garde des sceaux, pour les soutenir.
Le Gouvernement souhaite revenir sur le débat qui a eu lieu hier sur le contrôle parlementaire. Il a été sensible à la volonté de bien des groupes de renforcer dans notre Constitution les informations dont le Parlement est en droit de bénéficier afin de pouvoir garantir les libertés publiques. C’est pourquoi l’amendement no 1 tend à réécrire l’alinéa 5 afin d’apporter des garanties supplémentaires quant à la mise en oeuvre de l’état d’urgence. Il s’agit notamment d’ajouter l’obligation d’information de l’Assemblée nationale et du Sénat, comme le groupe UDI l’avait proposé au travers de l’amendement no 143 .
L’amendement no 2 , lui, tend à supprimer les mots, à la fin de l’alinéa 4 : « et l’Assemblée nationale ne peut être dissoute ».
Il n’est pas souhaitable d’inscrire dans la Constitution une disposition interdisant la dissolution de l’Assemblée nationale pendant l’état d’urgence. Il convient de respecter dans la Constitution une gradation entre les régimes de crise. En effet, à la différence de la situation de crise permettant de déclencher l’article 16, l’état d’urgence n’entraîne aucune interruption du fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels.
Le régime constitutionnel de la Ve République repose sur un équilibre entre la responsabilité politique du Gouvernement devant le Parlement et le pouvoir de dissolution conféré au Président de la République. Dès lors, rendre impossible toute dissolution alors même que la possibilité de censure du Gouvernement demeurerait possible et que simultanément le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ne serait pas interrompu pose problème. Nous devons maintenir l’équilibre voulu en 1958 entre les pouvoirs exécutif et législatif.
Sur l’article 1er, je suis saisi par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Quel est l’avis de la commission sur les deux amendements ?
Avis favorable car ces amendements, qui répondent aux questions soulevées hier, restaurent un équilibre satisfaisant.
J’ai présenté hier un amendement qui a recueilli une large majorité dans cette assemblée. Il tendait à consacrer le rôle de contrôle du Parlement dans le cadre de l’état d’urgence. J’avais moi-même noté, dans ma dernière intervention sur le sujet, que cet amendement devrait être réécrit car il créait un déséquilibre entre l’Assemblée nationale qui conservait le pouvoir de censurer le Gouvernement et le Gouvernement qui ne pouvait pas dissoudre l’Assemblée nationale. J’ai moi-même reconnu cette incohérence.
La procédure parlementaire a des charmes tels qu’elle permet de corriger la rédaction avant même que le texte ne parte au Sénat. Je m’en réjouis, car cela évite que ce texte parte entaché d’un déséquilibre….
Rires et exclamations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
J’assume mes propos, monsieur Chassaigne ! Dans ma dernière intervention, j’ai moi-même reconnu le déséquilibre de cet amendement.
Je note surtout que la réécriture proposée par l’amendement du Gouvernement reste fidèle à l’essentiel de mon amendement : l’Assemblée nationale se réunira de plein droit. Par conséquent, je le soutiendrai.
Nous avons procédé à un vote sur un amendement certes de Sébastien Denaja, mais qui correspondait en vérité à deux amendements du rapporteur. Le sujet avait été évoqué en commission des lois et nos collègues de l’UDI avaient aussi formulé une proposition semblable.
Je comprends que cette disposition créée un déséquilibre, je comprends moins la manière de le corriger. Puisque le déséquilibre naît du fait que la censure du Gouvernement reste possible en période d’état d’urgence alors que l’Assemblée ne peut être dissoute, pourquoi ne pas prendre l’autre solution : interdire à l’Assemblée nationale de censurer le Gouvernement ? Ce déséquilibre est relativement simple à réparer.
Certes, il faut hiérarchiser les états d’exception. L’état d’urgence n’est pas l’état de siège, monsieur le garde des sceaux, mais je ne saisis pas en quoi la garantie que constitue l’interdiction de la dissolution vous gêne, d’autant qu’elle est liée à la garantie que représente le contrôle de l’état d’urgence. Si l’Assemblée est dissoute, je ne vois pas comment elle pourrait poursuivre son travail de contrôle. Vous sachant particulièrement attaché, monsieur le garde des sceaux, à l’exercice par les parlementaires de toutes leurs missions, je ne comprendrais pas que l’on rétablisse la possibilité de dissoudre l’Assemblée nationale, ce qui rendrait impossible le contrôle de l’état d’urgence par les députés.
Je comprends assez mal le sort de l’amendement que nous avons largement voté hier soir. Je ne comprends pas davantage l’argument de ceux qui refusaient, hier soir, de le voter – à savoir que le général de Gaulle ne l’aurait pas admis. Or, c’est le général de Gaulle lui-même qui a signé l’ordonnance du 15 avril 1960, contre-signée par Michel Debré, Pierre Messmer, Edmond Michelet et Pierre Chatenet. Le dernier est un peu moins connu, mais les trois premiers, et de Gaulle lui-même, sont assurément gaullistes ! Ne le soyons pas plus qu’il ne l’était…
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Sourires
Il n’est pas tellement dans la tradition de la gauche de la Ve République que d’en rajouter par rapport à la figure tutélaire du général de Gaulle : cela suffisait.
Nous nous étions mis d’accord en commission, à l’initiative du rapporteur, sur une disposition extraite de cette ordonnance gaullienne du 15 avril 1960, dont l’article 4 dispose : « La loi portant prorogation de l’état d’urgence est caduque à l’issue d’un délai de quinze jours francs suivant la date de démission du Gouvernement ou de dissolution de l’Assemblée nationale ». L’équilibre est préservé : la dissolution n’est pas interdite mais en cas de dissolution, le texte qui déclare l’état d’urgence tombe, ce qui paraît équitable.
La commission des lois, en sa sagesse, et son rapporteur, en sa bonté, avaient accepté ce texte qui pourrait peut-être remplacer celui qui est retiré ce soir de manière inopinée – je veux dire : sans qu’aucune influence extérieure se soit exercée sur l’auteur de cet amendement. Cela se saurait ! (Rires et applaudissements sur de nombreux bancs.)
Monsieur le Premier ministre, hier soir, à peu près à la même heure, vous observiez après le vote de l’article 1er qu’il convenait de retravailler notamment la partie concernant le contrôle parlementaire. Sans correspondre totalement à ce que nous souhaiterions, l’amendement no 1 que vous nous présentez ce soir, ajouté au fait que les règlements des assemblées prévoient les modalités du contrôle parlementaire, pourrait objectivement convenir au groupe UDI. Nous tendons à penser que, cette fois-ci, le contrôle parlementaire ne dépendrait pas de telle ou telle majorité qui se formerait demain dans l’hémicycle lors d’un état d’urgence. Les dispositions prévues empêcheraient, ou en tout cas rendraient très difficile, le blocage par une majorité du contrôle de l’état d’urgence par l’opposition, ce qui était notre principale préoccupation.
Vous indiquiez également avoir entendu la préoccupation d’un autre groupe d’opposition concernant la difficulté qu’il y aurait selon eux à interdire la dissolution de l’Assemblée nationale pendant l’état d’urgence. Au nom de mon groupe, j’avais anticipé cette difficulté en expliquant que l’amendement que le Gouvernement a présenté hier, qui prévoyait que quinze jours après la démission du Gouvernement ou la dissolution de plein droit de l’Assemblée nationale, l’état d’urgence prenait fin, avait fini par nous convaincre. Malheureusement, la majorité – votre majorité – ne l’a pas adopté.
Ce soir, donc, vous présentez des amendements prévoyant que l’Assemblée pourra siéger pendant l’état d’urgence mais qu’elle pourra cependant être dissoute. Si l’Assemblée nationale peut être dissoute pendant l’état d’urgence, monsieur le Premier ministre, cela signifie que les quarante jours de campagne électorale ont lieu pendant l’état d’urgence, lequel état d’urgence donne la possibilité à un gouvernement de restreindre la liberté de communication et de réunion ou de procéder à des assignations à résidence pour raisons d’opinion.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Bref, je vous le dis : mon groupe ne peut accepter l’amendement no 2 .
Le Gouvernement a accompli une vraie avancée s’agissant du contrôle parlementaire. Il lui faut maintenant établir l’équilibre qu’il a lui-même proposé – et qui, à ma connaissance, n’a pas été rejeté par le groupe Les Républicains : je doute qu’il soit favorable à ce qu’une campagne législative se tienne pendant l’état d’urgence, avec les risques de dérive que cela comporte !
Comme il ne peut y avoir de troisième délibération, je demande que l’on revienne sur ce point à la faveur de la navette parlementaire. Je le répète, une dissolution suivie d’une campagne électorale législative pendant l’état d’urgence présente trop de risques de dérive. Ce n’est tout simplement pas possible pour notre groupe.
En matière de contrôle parlementaire, je ne peux que souscrire à une formulation que nous avions nous-mêmes proposée. L’exposé sommaire du Gouvernement est quelque peu imprécis à cet égard, puisque plusieurs députés de différents groupes avaient en réalité déposé cette rédaction, laquelle, je le rappelle, avait été introduite par M. Urvoas, alors président de la commission des lois, lors de la révision de la loi de 1955.
Avec le texte voté hier et le maintien du principe de la réunion de plein droit de l’Assemblée, qui peut être nécessaire en dehors des périodes de session ordinaire, cette rédaction forme une architecture solide pour assurer le contrôle parlementaire sur l’état d’urgence.
S’agissant de la dissolution, à titre personnel, je n’avais pas voté l’amendement de M. Denaja, estimant que l’on touchait là à un autre équilibre des pouvoirs. Il faut être concret : durant l’état d’urgence, une crise politique peut survenir – on voit déjà ce qui se passe aujourd’hui… Or la dissolution est aussi un moyen de sortir d’une crise politique.
L’amendement gouvernemental d’hier, que l’adoption de l’amendement de M. Denaja a fait tomber, était, de notre point de vue, beaucoup plus intéressant. Il énonçait clairement qu’il pouvait y avoir dissolution – l’équilibre est donc maintenu – mais qu’au bout de quinze jours au plus tard, l’état d’urgence devenait caduc. On permettait ainsi l’organisation d’élections en dehors de l’état d’urgence. Soit dit en passant, nous avons vu, avec les régionales, qu’il était tout à fait possible de procéder à des élections pendant l’état d’urgence. Dans d’autres cadres, cependant, des problèmes pourraient se poser : si les réunions publiques étaient interdites au titre de l’état d’urgence, par exemple, on imagine mal qu’une campagne électorale puisse se dérouler…
Bref, je souhaite qu’à l’occasion de l’examen au Sénat ou d’une désormais probable deuxième lecture, nous établissions la caducité de l’état d’urgence en cas de dissolution.
Vu l’heure, je serai bref. Je remercie le Gouvernement et le président de la commission des lois d’avoir entendu les réserves que nous avons formulées hier soir quant à la suppression du droit de dissolution pendant l’état d’urgence. Cela étant, la rédaction proposée maintenant nous place dans la situation inverse.
Si une dissolution intervient pendant l’état d’urgence, un problème se posera en effet.
En l’état actuel de la discussion, cet amendement nous convient parfaitement, mais je pense qu’il faudra probablement, lors de la navette avec le Sénat, en revenir à la notion de caducité telle qu’elle est prévue par la loi de 1955.
Si l’amendement no 1 ne pose pas de problème particulier, je voudrais revenir sur le no 2, celui qui prévoit de supprimer l’interdiction de dissoudre. Lors du débat consacré au sujet, nous avons dit qu’il était inacceptable qu’un gouvernement puisse dissoudre l’Assemblée nationale alors que l’état d’urgence est en vigueur. C’est une évidence que même nos collègues qui ne voteront pas contre l’amendement reconnaissent !
Le Gouvernement nous objecte que, si l’on retire le droit de dissolution à l’exécutif, il faut en retour supprimer la possibilité, pour l’Assemblée, de voter une motion de censure. Je pense qu’il faut choisir entre deux solutions. Soit on décide qu’il ne peut y avoir ni dissolution ni motion de censure, soit on maintient les deux, mais la première solution est tout de même la plus logique.
Car on ne sait jamais ce qui peut arriver. Il est possible qu’arrivent un jour au Gouvernement des gens pas forcément bien intentionnés à l’égard de la démocratie. Faisons bien attention !
Eh oui !
Je n’accuse pas le gouvernement actuel de cela, bien sûr. Mais ce pourrait être le cas, un jour, d’un autre gouvernement.
La Constitution, c’est la protection des libertés. Dès lors, mes chers collègues, ne votons surtout pas l’amendement no 2 ! Il faut au contraire le compléter dans l’autre sens en précisant que si la dissolution est impossible, la motion de censure l’est aussi. C’est cela qui serait cohérent et protecteur des libertés.
Il appartiendra au Sénat de le faire. En attendant, votons contre cet amendement.
Quelques précisions au sujet de cette ultime difficulté. La solution adoptée par la commission des lois n’était pas la bonne pour les raisons que vous avez indiquées, messieurs les députés. On ne peut interdire la dissolution car, comme l’a dit M. de Rugy, elle peut résoudre certaines crises politiques. Parfois, la même crise politique qui a donné lieu à l’état d’urgence exige la dissolution pour être résolue. C’est pourquoi nous nous sommes tournés vers un système prévoyant que l’Assemblée se réunit de plein droit, ce qui renvoie implicitement à l’article 4, aujourd’hui en vigueur, de la loi de 1955. Aux termes de cet article, l’état d’urgence devient caduc dans les quinze jours qui suivent la dissolution. C’est ce qui s’est passé, je crois, à la fin de 1962 : après la dissolution, l’état d’urgence, qui avait duré longtemps, est devenu caduc.
Ce système est équilibré. J’aurais dû vous apporter de plus amples explications tout à l’heure mais je ne pensais pas que cela soulèverait des difficultés.
Si nous estimons qu’il est besoin de constitutionnaliser ce que l’on appellera un garde-fou, un rempart ou une précaution, je pense que nous pouvons faire avancer le sujet au Sénat et attendre le retour du texte. En l’état, cependant, un équilibre est d’ores et déjà trouvé.
Encore une fois, je vous prie de m’excuser de ne pas vous avoir apporté ces explications plus tôt.
Pour aller dans le sens du rapporteur, je rappelle que nous avons eu au final trois propositions sur cet article 1er.
La première portait sur le délai au terme duquel l’état d’urgence était renouvelable : quatre mois. Le Gouvernement, qui recherche un accord aussi large que possible, l’a acceptée.
La seconde portait sur le contrôle parlementaire. Nous avons avancé dans ce domaine, sur la base de la proposition du rapporteur qui consistait à ne pas inscrire tous les éléments dans la Constitution mais à bien établir le principe de ce contrôle, insuffisamment pris en compte lors de l’adoption de la loi de 1955 pour les raisons que l’on sait.
En troisième lieu, vous conviendrez, monsieur Lagarde, que le Gouvernement est de bonne foi dans le débat sur la dissolution. Je l’ai dit hier soir à l’occasion de l’examen d’un amendement portant sur l’état de siège, nous en avons beaucoup parlé avec M. Denaja et il en était encore question, je le dis à l’intention de Mme Mazetier, ce matin même. S’agissant de la dissolution, il faut être prudent et trouver les formules les plus équilibrées possible. Après en avoir discuté avec les uns et les autres, le Gouvernement vient de déposer le présent amendement, en toute bonne foi. Je vous propose de l’adopter, sachant que le Sénat peut sans doute y revenir et qu’il est certain que nous aurons l’occasion d’en reparler à l’Assemblée nationale.
Avançons intelligemment, donc. La remarque de M. Lellouche me paraît pertinente. Je vous invite à croire à la bonne foi du Gouvernement sur ce sujet-là au moins, en sorte que nous puissions avancer. Le Gouvernement souhaite entendre l’ensemble des groupes et c’est ce qui l’a conduit à formuler cette proposition qui me semblait correspondre à l’attente de tous, ou de presque tous.
Nous vous invitons donc à voter l’amendement no 2 . Le Sénat se saisira très vite de ce texte et nous verrons, dans la discussion qui va se nouer entre le président Raimbourg, le président Bas, les présidents des deux assemblées et l’ensemble des groupes, comment préciser cette problématique de la dissolution et trouver le juste équilibre.
Comme je l’ai indiqué dans mon intervention précédente, la volonté de l’opposition, ou à tout le moins du groupe UDI, d’aboutir à un texte de révision constitutionnelle qui rassemble une majorité des trois cinquièmes et conforte notre droit me paraît évidente, comme le montrent notre travail et nos discussions. Je n’intente pas un procès en mauvaise foi au Gouvernement, monsieur le Premier ministre, et je comprends que vous recherchiez des formules qui puissent rassembler.
Vous le faites dans l’amendement concernant le contrôle parlementaire et vous souhaitez le faire également, sans nul doute de bonne foi, dans l’amendement relatif à la dissolution. Or, je le répète, l’équilibre proposé hier par le Gouvernement nous semble plus satisfaisant. Je ne veux pas préjuger de ce qui se passera au Sénat – même s’il est difficile pour l’Assemblée nationale, vous le comprendrez, d’entendre que le Sénat pourrait décider de son sort – mais la navette me paraît assurée. En effet, le Sénat a déjà fait savoir qu’il souhaitait modifier le texte qui sortirait de cet hémicycle.
Aussi, avec la même bonne fois que vous, monsieur le Premier ministre, je souhaite que nous trouvions une formulation qui garantisse à la fois la capacité de l’exécutif, en cas de crise, de dissoudre l’Assemblée nationale si cela s’avère nécessaire et la capacité de tenir une campagne électorale hors d’un état d’urgence tombé entre les mains d’un pouvoir autoritaire ou à la dérive. Telle est, en réalité, notre demande.
Nous aurons effectivement à travailler dans les jours et les semaines qui viennent, pendant la navette, monsieur Lellouche, pour trouver une rédaction qui respecte les institutions de la Ve République en laissant à l’exécutif la possibilité de mettre fin à une crise grâce à une dissolution et en garantissant une campagne libre et démocratique pendant laquelle l’exécutif ne puisse restreindre les libertés publiques.
Je voterai l’amendement no 2 sans état d’âme car il correspond très exactement à la demande que nous avons exprimée hier. Il reflète une conception classique de la Ve République. Dès lors que l’Assemblée nationale a la faculté, à tout moment, de voter une motion de censure à l’encontre du Gouvernement, il est normal, sain et équilibré que le chef de l’État ait toujours la faculté d’en appeler au peuple en utilisant la dissolution de l’Assemblée.
Encore une fois, cet amendement revient à une conception classique de nos institutions. C’est la raison pour laquelle il me paraît tout à fait nécessaire de le voter, ce qui purgera l’article 1er de la scorie qui a été malencontreusement adoptée hier
Protestations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen
Monsieur le président, je souhaite faire un rappel au règlement. Il est une heure du matin et nous allons revoter l’article 1er. Je pense qu’un certain nombre de nos collègues qui ne sont pas présents ne s’attendaient pas du tout à ce que nous votions une fois encore cet article à la fin de l’examen du texte.
C’est pourquoi je vous demande, au titre de l’article 63 de notre règlement intérieur, et plus particulièrement de son alinéa 4, de procéder demain à un scrutin par division pour que l’ensemble de nos collègues parlementaires puissent se prononcer sur les deux articles : l’article 1er, qui a de nouveau été amendé, et l’article 2. Il ne me semble pas imaginable que l’on puisse revoter un article tel que l’article 1er dans de telles conditions, après les longs débats dont il a fait l’objet.
Nous avons voté l’article 2. Nous allons maintenant voter les deux amendements ainsi que l’article 1er.
Je mets aux voix l’amendement no 2 .
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants: 145 Nombre de suffrages exprimés: 138 Majorité absolue: 70 Pour l’adoption: 104 contre: 34 (L’amendement no 2 est adopté.)
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants: 146 Nombre de suffrages exprimés: 139 Majorité absolue: 70 Pour l’adoption: 132 contre: 7 (L’amendement no 1 est adopté.)
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants: 146 Nombre de suffrages exprimés: 135 Majorité absolue: 68 Pour l’adoption: 116 contre: 19 (L’article 1er, amendé, est adopté.)
Nous avons achevé l’examen des articles du projet de loi constitutionnelle.
Je rappelle que la Conférence des présidents a décidé que les explications de vote et le vote par scrutin public sur l’ensemble du projet de loi auront lieu le mercredi 10 février, après les questions au Gouvernement.
Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :
Questions au Gouvernement ;
Vote solennel sur le projet de loi constitutionnelle de protection de la Nation ;
Dépôt du rapport annuel de la Cour des comptes ;
Discussion, sur le rapport de la CMP, de la proposition de loi relative au chômage de longue durée ;
Discussion du projet de loi ratifiant l’ordonnance portant réduction du nombre minimal d’actionnaires dans les sociétés anonymes non cotées.
La séance est levée.
La séance est levée, le mercredi 10 février 2016, à une heure cinq.
La Directrice du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Catherine Joly