Intervention de Alain Tourret

Séance en hémicycle du 9 février 2016 à 21h30
Protection de la nation — Article 2

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlain Tourret :

Je voudrais tout d’abord souligner les aspects positifs de l’évolution des textes qui nous ont été proposés.

Le fait, premièrement, qu’il n’y ait pas d’automaticité entre l’infraction commise et la déchéance de nationalité, est un très bon principe.

Deuxièmement, cette version du texte respecte le principe d’égalité entre les personnes naturalisées et celles qui sont nées françaises. C’est un deuxième bénéfice incontestable.

Troisièmement, je me félicite du recours au juge judiciaire. Il est, à l’évidence, le seul juge qui peut être amené à juger, puisqu’il s’agit d’une peine complémentaire, qui doit être prononcée au moment où l’arrêt va être rendu.

Deux problèmes se posent toutefois. Le premier concerne le principe même de la déchéance de nationalité : certes, le nouveau texte prévoit la déchéance de nationalité ou la déchéance des droits attachés à la nationalité. C’est incontestablement un progrès, mais un progrès en trompe-l’oeil, car la déchéance de nationalité est bel et bien maintenue.

Il m’aurait semblé beaucoup plus simple et beaucoup plus acceptable de présenter un texte rendant possible la déchéance de tous les droits attachés à la nationalité, mais pas de la nationalité elle-même. C’était à peu près la même chose, mais c’était très différent car, par là même, on réglait le problème posé par l’apatridie. Je regrette profondément que l’on n’ait pas choisi la déchéance de tous les droits attachés à la nationalité.

Je note bien, néanmoins, qu’on laisse la possibilité au magistrat de ne déchoir la personne que de certains droits. Mais de quels droits parle-t-on, au juste ? Je me suis amusé à regarder ce qui s’était passé pour l’armée des émigrés, notamment pour le prince de Condé : celui-ci a été déchu de tous ses droits, et cette déchéance a même touché sa famille, puisque ses enfants furent considérés comme des bâtards – je tiens à le dire, même si la notion de bâtard a été supprimée par la suite.

Le dernier problème est celui des crimes et délits. J’ai entendu l’argumentation du président de notre commission, mais je dois avouer qu’il ne m’a pas convaincu. Le Conseil d’État nous dit de ne mentionner que les crimes : il faut nous en tenir aux crimes et ne pas introduire les délits, même si certains sont punis de dix ans d’emprisonnement. J’appelle votre attention sur le fait que, depuis des décennies, nous prévoyons systématiquement, pour une même infraction, des sanctions plus sévères. Nous risquons donc de rendre possible une sanction qui n’est pas proportionnelle.

Pour toutes ces raisons, nous pensons que ce texte est très intéressant, mais insuffisant.

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