Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, messieurs les ministres, mesdames, messieurs les députés, en janvier et en novembre 2015, la France a subi un profond traumatisme. Des terroristes s’en sont pris à notre peuple pour le blesser et pour l’intimider. Les Français ont aussitôt manifesté leur soutien aux victimes, leur solidarité et leur profonde colère. La nation s’est levée. Le Président de la République a décidé de réunir le Parlement en Congrès, à Versailles, puis a annoncé la révision constitutionnelle dont nous sommes saisis.
Le vote d’aujourd’hui fait suite à de nombreux débats, durant lesquels chacun a pu s’exprimer, expliquer sa position, ses doutes et aussi ses certitudes. Le travail accompli par la commission des lois, puis par l’ensemble des députés, le dialogue entre les différents groupes parlementaires et avec le Gouvernement ont permis de faire avancer nos débats.
En premier lieu, la constitutionnalisation de l’état d’urgence représente une avancée incontestable pour notre démocratie. Il s’agit d’encadrer un régime particulier auquel les gouvernements successifs ont eu recours à de nombreuses reprises depuis soixante ans. Le constitutionnaliser, c’est encadrer ce qui le déclenche pour qu’il ne soit jamais dévoyé. Cela avait été proposé par le comité Vedel en 1993 et par le comité Balladur en 2008. Ce texte est donc l’aboutissement de réflexions approfondies. Des garanties ont été introduites par voie d’amendements et constitutionnalisent le contrôle du Parlement sur l’action du Gouvernement durant l’état d’urgence. Il est évidemment fondamental de garantir l’équilibre des pouvoirs lorsqu’il est déclaré.
L’état d’urgence est une nécessité pour faire face à la menace terroriste contre laquelle la France se bat. Nous devons mettre à la disposition de notre République tous les outils dont elle dispose pour se protéger. Le pouvoir qui en découle doit être régulé, contrôlé et encadré : voilà, mesdames, messieurs les députés, le sens de l’article 1er.
Hier, nous avons longuement débattu de l’article 2. Chacun, là aussi, a exprimé sa position et je tiens à dire que chaque position est respectable. Mais je veux rappeler ce que cet article contient, précisément, au-delà de toute élucubration. Il s’agit de donner au juge la possibilité de déchoir de la nationalité française des terroristes condamnés soit pour un crime commis contre la vie de la nation, soit pour un délit contre la vie de la nation punissable d’au moins dix ans d’emprisonnement. Nous ne devons pas faire croire à ceux qui nous écoutent que nous ouvrons la boîte de Pandore. Les pires heures de l’histoire ont été convoquées par les terroristes eux-mêmes. La réponse que nous apportons est une réponse à la fois républicaine et pénale. Elle est encadrée et va permettre d’exclure ceux qui se sont déjà exclus d’eux-mêmes de la communauté nationale. Nous menons cette réforme dans le strict respect des traités internationaux. Je me réjouis à cet égard, monsieur le Premier ministre, que vous ayez annoncé la ratification prochaine de la convention de 1961. Notre texte sera ainsi plus respectueux du droit, y compris du droit de nos pires ennemis puisque, contrairement à la loi de 1998, les binationaux et les mononationaux seront traités à égalité s’ils sont condamnés pour terrorisme.
Nous sommes aujourd’hui appelés à voter en première lecture sur le projet de loi de réforme constitutionnelle que le Président de la République a appelé de ses voeux. Il ne concerne que les terroristes, les seuls ennemis de la nation. C’est pourquoi, mes chers collègues, je vous invite, au nom du groupe socialiste, républicain et citoyen à approuver massivement le projet de loi constitutionnelle de protection de la nation.