La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Monsieur le Premier ministre, en 2013, par démagogie, David Cameron, qui était alors en campagne électorale pour briguer un second mandat de Premier ministre, a promis a ses électeurs un référendum sur le maintien, ou non, du Royaume-Uni dans l’Union européenne, pour essayer de sauver une majorité mal partie.
Crise, euroscepticisme et populisme faisant bon ménage, M. Cameron use et abuse depuis quelques années déjà de ce moyen de pression envers l’Union européenne et ses partenaires. La semaine dernière, la menace de ce Brexit a permis à M. Cameron d’obtenir un certain nombre de concessions de la part du président du Conseil européen, Donald Tusk, comme la suppression des aides sociales aux travailleurs européens travaillant en Grande-Bretagne, la possibilité pour le Royaume-Uni de contester des décisions de la zone euro, alors qu’il n’en est pas membre, ainsi qu’un droit de veto de la Grande-Bretagne sur les décisions que nous serions amenés à prendre.
Nous ne pouvons pas, monsieur le Premier ministre, céder aux exigences d’un pays qui a toujours entretenu une relation ambiguë avec l’Union, qui s’est toujours battu pour favoriser ses intérêts nationaux au détriment de la solidarité communautaire, et qui refuse, entre autres, la monnaie unique, l’union bancaire, Schengen et la politique de défense commune.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
En cédant aux exigences de ce pays, nous prenons le risque qu’un chantage permanent à la sortie de l’Union européenne, dès lors qu’un pays serait confronté à une difficulté intérieure, défasse l’Union européenne. Et si l’Union européenne est aujourd’hui en panne et a des difficultés à répondre aux crises auxquelles nous devons faire face, c’est d’abord et avant tout en la relançant, et non en la faisant régresser, que nous pouvons nous sortir de cette mauvaise passe.
Nous vous demandons, monsieur le Premier ministre, à vous qui représentez le gouvernement français, ainsi qu’au Président de la République, de rejeter le paquet Tusk lors du Conseil européen des 17 et 18 février, de refuser le chantage de la Grande-Bretagne et de prendre, au contraire, des initiatives pour relancer l’Union européenne, qui en a bien besoin.
Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains et du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur Jean-Christophe Lagarde, parce que vous êtes le chef d’une formation politique, et parce que la question que vous posez est importante, je vous réponds bien volontiers. Mais c’est évidemment l’occasion pour moi, en tant que chef du Gouvernement, et comme le Président de la République l’a fait ce matin, de saluer Laurent Fabius.
Applaudissements prolongés sur tous les bancs. – Les députés du groupe socialiste républicain et citoyen, du groupe de la gauche démocratique et républicaine, du groupe écologiste et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste se lèvent.
Comme vous le savez, le Président de la République propose sa nomination à la présidence du Conseil constitutionnel. La commission des lois de l’Assemblée nationale aura l’occasion de l’auditionner dans quelques jours, mais je voudrais saluer aujourd’hui son parcours politique et son parcours d’homme d’État, plus particulièrement ces dernières années à la tête de notre diplomatie.
Monsieur le président Lagarde, nous sommes convaincus que l’intérêt de l’Europe, de la France et du Royaume-Uni lui-même est que celui-ci reste dans l’Union européenne. Des solutions doivent pouvoir emporter la conviction des citoyens britanniques, puisque David Cameron a fait le choix de les consulter, dans le cadre des traités actuels et des principes fondamentaux de l’Union européenne. Pour reprendre votre expression, il ne peut pas y avoir de chantage.
Les propositions formulées la semaine dernière par le président Tusk, en lien avec la Commission européenne, ont permis d’engager des discussions entre les États membres afin de trouver des solutions satisfaisantes dans chacun des quatre domaines évoqués par le Premier ministre britannique et que vous avez rappelés : la gouvernance économique, la compétitivité, la souveraineté et l’immigration. Ces discussions auront lieu lors du Conseil européen des 18 et 19 février.
Deux questions sont au coeur des réflexions et des travaux en cours.
La première concerne les relations entre les pays de la zone euro et les autres. Les demandes britanniques – intégrité du marché intérieur, absence de discrimination ou d’exposition budgétaire des États hors zone euro – ne peuvent pas priver la zone euro de la possibilité de s’intégrer. Nous serons particulièrement vigilants sur ce point, car ceux des États membres qui veulent aller plus loin dans l’intégration doivent pouvoir le faire. Je tiens à le rappeler : renforcer la stabilité de la zone euro est dans l’intérêt de l’Europe tout entière. Et quand on n’est pas membre de la zone euro, on ne peut pas dicter ses conditions à celle-ci.
La seconde est celle de la libre circulation, principe fondamental qui ne saurait être remis en cause, et de l’accès aux prestations sociales. Ce qui est aujourd’hui proposé, c’est de clarifier certaines règles, de lutter contre les abus et les fraudes, et d’établir un mécanisme de sauvegarde pour les États qui subissent un afflux très important, et potentiellement insoutenable, de travailleurs d’autres États membres. Mais, ici encore, il ne peut y avoir ni chantage, ni remise en cause des valeurs fondamentales de l’Europe. Ensemble, à vingt-huit, nous devons trouver un compromis qui réponde aux préoccupations britanniques et qui permette à l’Europe de continuer d’aller de l’avant.
Je voudrais conclure avec une remarque plus globale et plus large. Nous devons aujourd’hui faire face à de nombreux défis : la crise des réfugiés, une crise majeure qui est toujours devant nous – Laurent Fabius aura l’occasion tout à l’heure d’évoquer la situation en Syrie – et qui risque de s’aggraver au printemps, avec le retour du beau temps en Méditerranée, qui pourrait favoriser les départs depuis la Libye ; la menace terroriste, qui oblige l’Europe à se protéger, notamment à ses frontières, poussant le ministre de l’intérieur à prendre certaines initiatives ; le défi que représentent la croissance et l’emploi, qui risquent de connaître un ralentissement du fait de la crise financière que le monde traverse.
Nous devons relever tous ces défis, qui sont sans précédent, en évitant les séparatismes ou les conflits entre pays du Nord et pays du Sud. Nous ne pouvons pas ajouter un conflit supplémentaire, une crise supplémentaire, avec le départ de la Grande-Bretagne. Mais c’est à la Grande-Bretagne qu’il appartient aussi de se rappeler qu’elle fait pleinement partie de l’Union européenne. Nul pays ne peut dicter ses conditions : nous sommes des partenaires et nous devons aller ensemble de l’avant.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Madame la ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, tout n’a pas été essayé contre le chômage. Nous voterons cet après-midi la proposition de loi d’expérimentation territoriale visant à faire disparaître le chômage de longue durée, et nous pouvons nous en féliciter.
Il existe une autre solution contre le chômage : le revenu de base. C’est un droit inconditionnel, cumulable et distribué par une communauté à tous ses membres, sans contrôle des ressources ni contrepartie, dont le montant et le financement sont ajustés démocratiquement.
Notre système de protection sociale est trop souvent injuste. Nous mettons en place des allocations et les bénéficiaires n’y accèdent pas. Seuls 33 % demandaient le RSA activité. Le Gouvernement se félicite d’avoir atteint 50 % lors de son remplacement par la prime d’activité. C’est mieux, mais comment nous satisfaire de laisser une personne sur deux passer à côté ? Combien de Français en situation précaire ne touchent aucune aide parce qu’ils dépassent un seuil arbitraire de quelques euros ? Enfin, nous assignons une armada de fonctionnaires au contrôle de paperasses, alors que tant de services publics bien plus utiles pourraient bénéficier de leur précieuse présence.
Notre pays souffre du manque de solidarité. Tous ces problèmes peuvent être résolus par la création d’un revenu de base. Nous avons probablement tous chanté : « Aujourd’hui, on n’a plus le droit ni d’avoir faim ni d’avoir froid ». Alors que la France n’a jamais été aussi riche, la conclusion s’impose d’elle-même : notre société doit répartir les richesses pour fournir à chacun le minimum vital. Les expérimentations à l’étranger sont nombreuses et bien documentées. Les effets bénéfiques du revenu de base sont connus : meilleure scolarisation, diminution du nombre d’arrêts maladie et, surtout, développement de l’entrepreneuriat.
Madame la ministre, vous avez dit : « Le revenu universel est une belle idée qu’il faut étudier ». Que compte faire le Gouvernement pour mettre en place rapidement des expérimentations ?
Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.
La parole est à Mme la ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
Madame la députée, vous l’avez rappelé, la proposition de créer un revenu universel suscite beaucoup d’intérêt, lequel dépasse d’ailleurs les bancs de cette assemblée. Le rapport qui m’a été remis début janvier par le Conseil national du numérique aborde la question de la création d’un revenu de base. L’idée est séduisante, vous l’avez dit, mais la création d’un tel revenu comporte des enjeux très lourds.
Ces enjeux concernent bien sûr notre modèle social ; ils sont aussi financiers, nous ne pouvons pas le nier. Si nous prenons ce projet et son financement au sérieux, alors, nous devons veiller à son articulation avec notre système de protection sociale, nos mécanismes de solidarité sociale et notre fiscalité et à l’impact qu’il aurait sur eux. Il nous faut en effet être vigilants pour que cette idée n’ouvre pas la voie à une protection sociale à deux vitesses, avec un filet de sécurité minimal pour les uns et des fonds de pension et des assurances privées pour les autres.
Nous travaillons déjà à adapter notre modèle de société aux évolutions du marché du travail et aux transformations sociales. Le Gouvernement a en effet engagé une série de mesures – vous l’avez rappelé. Vous avez évoqué l’aide au retour à l’emploi ; il y a aussi la prime d’activité. Dans le projet de loi que je vous présenterai, nous débattrons du contenu concret du compte personnel d’activité, dont la philosophie est nouvelle : attacher les droits au travailleur et lutter contre la pauvreté des travailleurs. Je pose aussi la question de la valorisation et de la reconnaissance de l’engagement que poursuit Patrick Kanner et qui trouvera un écho dans le projet de loi relatif à l’égalité et à la citoyenneté.
La réflexion doit donc se poursuivre : cela pourra se faire dans le cadre des travaux de la mission que le Premier ministre a confiée à votre collègue Christophe Sirugue sur les minima sociaux.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le Premier ministre, alors que le monde agricole s’enlise un peu plus chaque jour dans une crise sans précédent, le début de la semaine a été marqué par une double décharge de responsabilité du Gouvernement sur la grande distribution et sur Bruxelles.
Existe-t-il encore, monsieur le Premier ministre, une politique agricole du gouvernement français ?
« Non ! » sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Vous multipliez les déclarations d’intention et les mesures d’urgence, mais vous ne réglez rien sur le long terme pour sauver l’agriculture française d’un naufrage annoncé.
Pour inciter les Français à manger français, il faut deux piliers. La qualité d’abord : ce sont les agriculteurs qui s’en chargent, et ce sont les meilleurs du monde. Des charges faibles et des prix compétitifs ensuite : c’est votre responsabilité et là, vous êtes les plus mauvais du monde.
Nos éleveurs sont pris en étau entre des charges exorbitantes et des centrales d’achat qui prennent jusqu’à 70 % des marges. Les filières font face à des abattoirs allemands qui recrutent à 500 euros par mois. Les éleveurs de porcs perdent 6 000 euros par semaine. Je rencontre des éleveurs aveyronnais, pourtant exemplaires, qui n’ont plus aucune perspective d’avenir. Face à l’effondrement des prix, nous souhaitons que vous répondiez précisément et très concrètement sur trois points.
Premièrement, en ce qui concerne l’embargo contre la Russie, qui pénalise les produits agricoles français, la France doit peser de tout son poids pour demander la levée.
Où en est-on ?
Deuxièmement, les agriculteurs qui ne peuvent pas bénéficier du CICE sont pris dans des barbelés de normes et de charges. Il faut les libérer. C’est ce que nous vous proposions de faire la semaine dernière dans une proposition de loi du groupe Les Républicains. Vous avez appelé à son rejet par votre majorité. Alors, que proposez-vous maintenant ?
Troisièmement, il faut cesser de naviguer à vue, des plans d’urgence aux auto-justifications narcissiques déplacées de M. Le Foll.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Le couple franco-allemand doit impérativement demander un sommet agricole européen. Quand aura-t-il lieu, et quels seront vos objectifs ?
Souvenez-vous de cette phrase de Raymond Lacombe : « Pas de pays sans paysans ». Alors ne soyez pas le Gouvernement qui aura condamné les terroirs français, pourtant les plus attractifs de la planète, à devenir des jardins…
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
Merci, mon cher collègue.
La parole est à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement.
Monsieur le député, c’est donc avec beaucoup de narcissisme que je répondrai à votre question.
Vous avez évoqué plusieurs choses et rappelé la phrase de Raymond Lacombe. J’aurais aimé, monsieur le député, qu’au moment où vous aviez des responsabilités, vous ayez bien cette phrase en tête. En effet, lorsque, en 2008, sous la présidence de Nicolas Sarkozy, des réformes ont été engagées à l’échelle européenne, c’est la France qui présidait l’Europe.
Qu’est-ce qui a été décidé à l’époque ? De libéraliser, de supprimer les quotas laitiers et – je le rappelle – de remettre en cause les droits de plantation.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen. – Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Et, non contents de ces choix à l’échelle européenne, vous avez fait des choix, au niveau national, avec la loi de modernisation de l’économie, qui favorisent justement la grande distribution et les négociations entre celle-ci et les industriels.
Monsieur le député, il est toujours facile de se renvoyer de manière narcissique des arguments qui n’en sont pas. Que faut-il faire aujourd’hui,…
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains
…alors que l’Europe, après la suppression des quotas laitiers, voit sa production laitière ne cesser d’augmenter et que les marchés ne sont pas au rendez-vous à l’exportation ? Il faudra en revenir – c’est l’objet du mémorandum – à des solutions qui permettent de mieux réguler la production. Nous allons devoir refaire ce que vous avez défait. C’est déjà arrivé ; nous allons continuer.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen. – Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
S’agissant de la loi de modernisation de l’économie, là aussi, il faudra refaire ce que vous avez fait, parce que c’était mal fait. Vous avez donné trop de pouvoir aux négociations commerciales : cela pèse aujourd’hui sur les prix agricoles. Il faudra indiquer, dans les négociations tripartites, que les producteurs devront être, eux aussi, parties prenantes de ces négociations.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Je tiens, enfin, à saluer le contrat qui vient d’être signé, dans l’Aveyron, entre le label rouge Le Veau d’Aveyron et du Ségala avec les établissements Picard. Contractualiser, organiser l’avenir : voilà ce qu’il faut faire pour défendre l’agriculture et garder des paysans dans toute la France.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur certains bancs du groupe écologiste.
La parole est à Mme Élisabeth Guigou, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le ministre des affaires étrangères et du développement international, le ministère que vous dirigez est celui de la lutte pour la paix, de la défense des intérêts de notre pays et de son influence dans le monde.
Dans notre monde dangereux, tragique pour des millions d’êtres humains, qu’aucune puissance ne peut réguler seule, la France est respectée, écoutée, entendue par les États et les sociétés civiles. Monsieur le ministre, notre action extérieure est un motif de fierté. Sous l’autorité du Président de la République, vous avez constamment agi pour la paix et la sécurité.
Au Mali et en Centrafrique, après nos succès militaires, la France a recherché des solutions politiques. À Kiev, en 2014, avec vos homologues allemand et polonais, vous avez arraché un accord qui a évité un bain de sang. Au Moyen-Orient, contre la prolifération nucléaire, vous avez exigé et obtenu un accord solide avec l’Iran. Notre diplomatie soutient la transition politique en Syrie pour mettre fin aux souffrances de la guerre, qui nourrissent le terrorisme et le fanatisme. Vous plaidez sans relâche à l’ONU en faveur de la sécurité pour les Israéliens et de la justice pour les Palestiniens. Vous avez aussi voulu une diplomatie économique active sur tous les continents. Enfin, le succès éclatant de la conférence de Paris sur le climat…
…est la meilleure illustration de la diplomatie d’influence par laquelle notre pays sait peser sur l’ordre mondial, en entraînant l’Europe et les États émergents.
La compétence et le professionnalisme de nos diplomates, l’engagement personnel du Président de la République et votre exceptionnelle implication ont permis cet accord historique.
« N’en jetez plus ! » sur les bancs du groupe Les Républicains.
…mais il subsiste des menaces graves autour de l’Europe.
Ma question porte sur la Syrie. Le groupe international de soutien à la Syrie, qui associe notamment la Russie et l’Iran, se réunira demain à Munich pour tenter de relancer le processus de paix. Quels résultats en attendez-vous ?
Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La parole est à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste républicain et citoyen, du groupe de la Gauche démocratique et républicaine, du groupe écologiste, du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants. – Les députés du groupe socialiste, républicain et citoyen se lèvent.
Madame la présidente, j’essaierai de répondre à votre question, qui porte essentiellement sur la Syrie. Nous avons malheureusement eu l’occasion d’évoquer plusieurs fois ce sujet tragique, et qui l’est encore plus aujourd’hui compte tenu de l’encerclement d’Alep.
Il y a la brutalité effrayante du régime de M. Bachar Al-Assad.
Les dernières enquêtes de l’ONU établissent qu’il a fait assassiner et torturer des dizaines de milliers de personnes en prison. Il y a en outre, il faut bien le dire, une complicité de la Russie et de l’Iran – j’appelle les responsables par leur nom.
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Il y a enfin un certain nombre d’ambiguïtés de la part de toute une série de partenaires.
Mêmes mouvements.
Vous me demandez, madame la présidente, quelle sera la position de la France. Elle consiste d’abord à demander et à exiger la cessation des bombardements. Elle consiste ensuite à demander un cessez-le-feu et, comme nous n’avons cessé de le faire, à exiger un processus politique, ce qui appelle une négociation.
Elle consiste enfin à concentrer toutes nos forces dans la lutte contre les terroristes de Daech.
Voilà ce que nous avons fait et ce que nous continuerons à faire.
Madame Guigou, vous avez eu la gentillesse de porter une appréciation plus générale. Je ne porterai pas de jugement sur ma propre action – c’est évidemment impossible de ma part. Permettez-moi simplement de vous remercier toutes et tous, ici, dans cette maison…
…dont il faut répéter, malgré les critiques, qu’elle est le coeur battant de la démocratie.
Applaudissements sur tous les bancs.
J’ajouterai, mesdames et messieurs les députés, que sous l’autorité du Président de la République et du Premier ministre, et sous votre contrôle, j’ai dirigé la diplomatie française avec fierté et l’ai servie avec bonheur.
Mêmes mouvements. – Mmes et MM. les députés du groupe socialiste, républicain et citoyen, du groupe écologiste et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste se lèvent.
Ma question s’adresse à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. J’y associe les députés de mon groupe.
Madame la ministre, comment réussir une réforme sans dialogue ? Une réforme avec une absence significative de cap, de gouvernance et d’objectifs communs ?
Aucune réflexion de fond sur la démographie médicale, sur la décentralisation de notre système de santé, sur l’inégale répartition territoriale des médecins.
Aucune réflexion de fond sur le parcours de soins, sur la nécessaire coordination entre le public et le privé, entre la médecine de ville et l’hôpital, entre le secteur médical et le secteur médico-social. Aucune réflexion de fond sur le métier de soignant, de plus en plus embolisé par des tâches administratives.
Ce temps administratif ronge le temps médical. Ainsi, madame la ministre, vous avez creusé, mais certainement sans le vouloir, un fossé énorme entre le Gouvernement et l’ensemble des professionnels de santé. Au lieu de débloquer les verrous, vous avez cadenassé le système.
Pour preuve, votre projet de conférence de santé, que vous souhaitez réunir demain, est mort-né. La quasi-totalité des organisations représentatives, de gauche comme de droite, en seront absentes. Il s’agit là d’un camouflet – si j’ose dire, d’une conférence hémiplégique.
Je ne vous pose aucune question sur le fond, car je connais malheureusement votre aptitude à contourner les choses et à ne pas répondre. Mais j’ai une interrogation simple, très simple : comment faites-vous pour avoir toujours raison toute seule ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
La parole est à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.
Monsieur le député, demain, je ne serai pas toute seule. Demain, il y aura plus de 450 participants à la grande conférence de la santé : 200 institutions et associations participeront aux débats, comme elles le font depuis le mois de juillet dernier. Il y aura les représentants des praticiens hospitaliers, des sages-femmes, des infirmiers, libéraux comme du secteur public, des masseurs-kinésithérapeutes, des orthophonistes, des psychomotriciens, des orthoptistes, des pédicures et podologues.
Il y aura les représentants des hôpitaux publics.
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Il y aura les représentants des cliniques privées. Il y aura tous les syndicats de jeunes médecins qui, à ma connaissance, ne se destinent pas tous à l’exercice à l’hôpital. Et, vous le savez très bien, mesdames et messieurs les députés, le syndicat MG France vient d’annoncer sa présence.
L’enjeu est de faire en sorte que nos réflexions et nos propositions ne portent pas uniquement sur la réorganisation de notre système de santé.
Monsieur Aboud, j’aurais compris qu’un autre que vous nous accuse de ne rien faire pour lutter contre la désertification médicale ou pour renforcer les liens entre le public et le privé,…
…mais vous étiez présent lors des débats que nous avons eus sur ces sujets. Vous savez donc que nous travaillons à la création de groupements hospitaliers de territoire, aux parcours de soins et au recentrage du médecin généraliste au sein de notre système de santé.
Au-delà de ces sujets, nous devons améliorer la formation et les conditions d’exercice des futurs professionnels médicaux et paramédicaux. C’est le sens des travaux que nous menons depuis le mois de juillet, et le Premier ministre fera demain des propositions concrètes pour améliorer la formation et les conditions d’exercice de tous les professionnels de santé.
La parole est à M. Yves Blein, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique, Airbnb, BlaBlaCar, Leboncoin, mais aussi 15 000 entreprises ou entrepreneurs, pour 13 000 emplois directs et 2,5 milliards d’euros de chiffre d’affaires : cet ensemble forme aujourd’hui l’économie collaborative.
Notre collègue Pascal Terrasse a remis lundi au Premier ministre un rapport qui invite à soutenir le développement de l’économie collaborative et propose de répondre aux questions que pose ce nouveau modèle, sans pour autant créer d’entraves à son développement.
Question sociale, d’abord, car les internautes qui utilisent ces plateformes échappent aujourd’hui à toute convention et beaucoup ont recours au statut de travailleur indépendant, lequel doit pouvoir converger vers le modèle de protection sociale applicable aux salariés. Le compte personnel d’activité semble d’ailleurs, à ce titre, pleinement approprié.
Question fiscale ensuite : selon qu’il s’agit de professionnels ou de particuliers, de partage des frais, de salaires, de bénéfices, de transactions de pair à pair, la contribution de ces nouvelles entreprises à la richesse nationale s’aborde différemment et doit s’organiser avec le souci constant de ne pas freiner leur développement.
Formation et protection des consommateurs enfin, qui se trouvent aujourd’hui confrontés à une offre foisonnante dans laquelle il faut apprendre à naviguer. Notre collègue Pascal Terrasse propose en la matière de multiples initiatives : fiabilisation des avis en ligne, notation des plateformes, renforcement de l’information des consommateurs, qui pourrait en outre permettre de distinguer une entreprise de l’économie sociale d’une autre entreprise.
Monsieur le ministre, le développement de l’économie collaborative s’inscrit dans la nécessité d’accompagner avec agilité cette économie naissante et d’offrir à ceux qui veulent en vivre un cadre protecteur et adapté. Pouvez-vous nous dire quelles mesures le rapport de Pascal Terrasse vous inspirent et dans quels textes vous comptez les inscrire ?
Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée du commerce, de l’artisanat, de la consommation et de l’économie sociale et solidaire.
Monsieur le député, permettez-moi tout d’abord de saluer la qualité des propositions du rapport Terrasse, rapport qui a été remis au Premier ministre ce lundi et qui alimente le travail déjà engagé. Lors des déplacements que je suis amenée à effectuer sur l’ensemble du territoire, les hôteliers, les restaurateurs, tous ceux que je rencontre tous les jours – y compris d’ailleurs les organisations professionnelles – m’expriment leurs craintes, leurs interrogations sur la nécessaire équité fiscale et réglementaire pour s’assurer de la loyauté de la concurrence notamment.
Il est de notre responsabilité de prendre en compte ce que vivent les acteurs économiques qui maillent notre territoire. À cet égard, je travaille en lien avec mes collègues, sous la direction du Premier ministre, pour apporter des réponses concrètes.
Quels sont les principes qui guident notre action ? Tout d’abord, l’économie collaborative ne doit pas être considérée comme une zone de non-droit. C’est cet équilibre que l’État doit mettre en place : une réglementation sans sur-réglementation. Avec cette exigence, nous travaillons au fonctionnement loyal et transparent des activités collaboratives. D’abord vis-à-vis des consommateurs en assurant leur sécurité et leur information, vis-à-vis des professionnels ensuite en s’assurant de l’équité des règles applicables ainsi que du développement harmonieux des acteurs collaboratifs et des acteurs traditionnels.
Parmi les propositions du rapport Terrasse, j’évoquerai la transmission automatique des revenus, mesure intéressante qui pourrait lever les suspicions sur le respect des règles de déclaration fiscale et limiter les risques de fraude. Notre objectif est simple, monsieur le député : s’assurer que les normes soient équitables entre des activités comparables.
La parole est à M. François Asensi, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Monsieur le Premier ministre, dans un silence assourdissant, notre compatriote Elsa Lefort a été refoulée du territoire israélien il y a un mois.
Mariée à un franco-palestinien,…
…elle vit à Jérusalem. Employée au consulat de France, Elsa Lefort disposait pourtant d’un visa de service officiel, délivré par les autorités israéliennes elles-mêmes et valable jusqu’à la fin de son contrat, à savoir octobre 2016. Accusée de « dangerosité » sans le moindre fondement, elle a été jetée en prison pendant deux jours, avant d’être expulsée.
Au-delà de ce cas personnel, c’est la France qui est atteinte par ce camouflet au consul général de France. Aujourd’hui, il y a urgence à réagir face à cet arbitraire. Enceinte de huit mois, elle ne pourra plus prendre l’avion après le 14 février.
Ce qui se joue ici n’est évidemment pas une question de sécurité intérieure. En refusant à Elsa Lefort le droit d’entrer à Jérusalem et d’y mettre au monde son enfant, l’objectif n’est-il pas plutôt de lui refuser le statut de jérusalémite ?
Sans ce statut, cet enfant sera empêché, comme sa mère, de venir ou de vivre à Jérusalem. Pourtant, le droit d’élever ses enfants dans la ville de son choix est un droit inaliénable, inclus dans la Déclaration universelle des droits de l’homme. Ce droit s’impose aussi à l’État d’Israël. Empêcher leur enfant de naître à Jérusalem est une manière inacceptable de les contraindre à quitter cette ville.
Monsieur le Premier ministre, où en sommes-nous des actions menées par la France pour permettre à Elsa Lefort et à son mari Salah Hamouri de vivre en famille à Jérusalem ?
Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur quelques bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des affaires européennes.
Monsieur le député, comme vous et comme les nombreux parlementaires qui ont saisi le ministère des affaires étrangères et du développement international, je déplore le refus de la part des autorités israéliennes d’octroyer à Mme Elsa Lefort un visa « conjoint » à la suite de son mariage avec M. Salah Hamouri, binational franco-palestinien.
Exclamations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Grâce à l’action de notre consulat général à Jérusalem, un visa de service avait été accordé à Mme Lefort, lui permettant de circuler librement. Ce visa de service n’a malheureusement pas permis à Mme Lefort de se voir accorder l’entrée en Israël le 5 janvier dernier, comme vous venez de le rappeler.
Depuis que nous avons été informés de cette décision, le ministère des affaires étrangères et du développement international est totalement mobilisé pour apporter son appui à Mme Lefort. Nous avons donc demandé, et nous continuons de le faire sans relâche, aux autorités israéliennes de revenir sur leur décision. Des démarches sont menées à la fois sur place par notre consulat général à Jérusalem et par notre ambassade à Tel Aviv, mais aussi au ministère à Paris où Mme Lefort a été reçue avec son père le 21 janvier dernier par des membres du cabinet de Laurent Fabius.
Monsieur le député, je peux vous assurer que nous suivons avec la plus grande attention l’évolution de la situation de Mme Lefort ainsi que celle de son époux et que l’ensemble du ministère des affaires étrangères et du développement international reste mobilisé pour leur apporter toute son aide.
Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur les bancs du groupe écologiste.
La parole est à Mme Marie-Louise Fort, pour le groupe Les Républicains.
Monsieur le Premier ministre, la Cour des comptes présente aujourd’hui son rapport public annuel sur la situation des finances publiques. Chaque année, à la même époque, c’est la même rengaine : le rapport formule des critiques et regrette que l’exécutif n’ait pas tenu compte de celles de l’an passé. Que de temps perdu !
Pour 2016, la Cour des comptes juge incertain l’objectif de déficit de 3,3 % du PIB et rappelle les risques qui pèsent sur nos finances : une dette publique élevée, un déficit qui reste au-dessus des normes européennes et des taux d’intérêt actuellement bas mais pour combien de temps encore ?
Pour 2016, la Cour s’inquiète d’une surestimation des recettes et d’un risque de dérapage des dépenses. Le Président de la République a pourtant été, lors de ses voeux, fort généreux en annonces de dépenses nouvelles.
On retrouve, comme chaque année, une critique de la sous-estimation du budget des opérations militaires extérieures et de l’hébergement d’urgence, ainsi que du risque de dérapage des dépenses sociales. Plus largement, les sages vous appellent une fois encore à engager de vraies réformes.
Après presque quatre ans au pouvoir, vous ne pouvez plus recourir à l’excuse du bilan. En toute bonne foi, vous devez désormais répondre de vos résultats. Or, le constat de la Cour est sans appel.
Prenons l’exemple des contrats de génération, votre remède contre le chômage, qui est le symbole de votre échec sur le front de l’emploi. En effet, ce dispositif n’a en rien contribué à faciliter le retour à l’emploi des seniors et la Cour le juge complexe et peu lisible, constatant en outre qu’il n’atteint aucun de ses objectifs : échec en matière de chômage des jeunes, de chômage des seniors et de transmission des savoirs. Quant aux entreprises, elles y voient, au bout du compte, des charges supplémentaires sans réponse à leurs besoins.
Votre échec quant à l’inversement de la courbe du chômage est patent et les différents dispositifs annoncés n’y changeront sans doute pas grand-chose. Êtes-vous décidés à écouter les recommandations de la Cour des comptes ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.
Madame la députée, la Cour des comptes appréciera votre résumé selon lequel c’est tous les ans la même rengaine !
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Nous avons, pour notre part, l’habitude de prendre en considération les avis de la Cour.
Puisque vous citez les passages qui vous intéressent, je note pour ma part que la Cour des comptes a d’abord estimé que nos prévisions étaient « atteignables ».
Si les mots ont un sens, cela signifie qu’avec l’ensemble des acteurs publics – chacun y a sa part : la majorité et l’exécutif, bien sûr, mais aussi l’opposition, l’ensemble des secteurs de la dépense publique, la sphère sociale et celle des collectivités locales, sur laquelle nous aurons l’occasion de revenir – cet objectif de réduction des déficits est « atteignable ».
Vous évoquez des risques, mais il existe toujours des risques ! Les prévisions, surtout quand elles concernent l’avenir, sont toujours incertaines.
Sourires.
Cependant, pour ce qui est par exemple des opérations extérieures de l’État, je rappelle que tous les ans, de mémoire de parlementaire – M. Carrez, président de la commission des finances, pourrait en témoigner – elles ont été assumées par une prise en compte interministérielle à la fin de l’exercice. La réserve de précaution est précisément destinée à couvrir de telles dépenses.
Plus personne ne conteste que la norme de dépenses a été tenue en 2015. Elle le sera en 2016.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen. – Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
La parole est à Mme Marie-Hélène Fabre, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le ministre des finances, alors que la Cour des comptes remet aujourd’hui son rapport annuel, il convient d’examiner la situation économique de notre pays. Chacun le comprend, la fragilisation de la Chine et la chute des prix des matières premières, qui a également des conséquences sur notre agriculture, rendent le contexte périlleux. Notre pays doit s’y adapter tout en poursuivant son redressement.
À cet égard, les chiffres récemment publiés de la croissance au premier trimestre 2016 vont dans le bon sens : 0,4 % pour ce trimestre, après une performance de 1,1 % en 2015. Nous pouvons nous en réjouir, c’est le meilleur taux depuis 2011. Je citerai aussi la baisse de l’euro, voulue par notre majorité et qui, accompagnée de la chute du prix du pétrole, donne à voir des résultats encourageants et prometteurs pour nos exportations.
Les dynamiques en cours doivent être amplifiées. C’est tout l’objet du pacte de responsabilité et de solidarité, qui redonne de la force à notre appareil productif. C’est aussi le sens de notre engagement dans les défis du futur, comme le numérique, la transition énergétique ou la simplification.
Dans mon département de l’Aude, par exemple, l’effort des pouvoirs publics en faveur de la croissance porte ses fruits, avec notamment le développement de l’oenotourisme.
Monsieur le ministre, la France possède des atouts considérables, qu’il ne faut jamais cesser de valoriser. L’enjeu de cette bataille est, bien sûr, l’emploi, qui reste au coeur des préoccupations des Français. Quels résultats attendez-vous de notre stratégie économique pour 2016 ?
Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen. – « Allô ! » sur les bancs du groupe Les Républicains.
Madame la députée, dans votre question, vous soulignez deux points qui correspondent à la vérité de la situation.
Tout d’abord, l’année dernière, 2015, a permis à la France de retrouver des couleurs du point de vue de l’activité – ce qu’on appelle la « croissance ».
« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.
L’objectif que nous nous étions assigné et que la majorité avait voté était d’atteindre une croissance de 1 % en 2015 : il a été légèrement dépassé. Il n’y a pas de quoi se réjouir, mais il n’est pas arrivé souvent qu’on atteigne ses objectifs. Or, cette fois-ci, nous avons atteint le nôtre en termes de croissance.
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Le deuxième élément que vous soulignez, à juste titre, est que cette croissance est encore insuffisante et qu’il existe, au niveau européen ou international, des risques, des situations que nous devons surmonter grâce aux atouts de notre économie.
« Bravo ! » sur les bancs du groupe Les Républicains.
Pour 2016, l’objectif que nous nous sommes assigné ensemble est d’atteindre au moins 1,5 % de croissance. Cet objectif est lui aussi, toujours pour reprendre les termes de la Cour des comptes, « atteignable », à condition d’abord que nous fassions face ensemble, avec d’autres pays, aux aléas internationaux. Que se passe-t-il dans les pays émergents, en Chine, au Brésil ou en Russie ? Que se passe-t-il en Europe ? Nous devons agir pour stabiliser l’économie européenne, en appuyant aussi certains pays en difficulté, comme le Portugal, l’Espagne ou quelques autres.
Nous devons aussi valoriser nos atouts, parmi lesquels, vous l’avez souligné, l’investissement. Notre investissement reprend et les entreprises prévoient qu’il connaîtra cette année une forte hausse, qui devrait atteindre 7 %. Parmi nos atouts, il faut citer aussi l’exportation et le tourisme. Je tiens, pour conclure, à rendre moi aussi hommage à l’action de Laurent Fabius, qui a eu à diriger notre force d’exportation.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur. Au lendemain des attentats du 13 novembre à Paris, les enquêteurs ne disposent d’aucune piste pour détecter le terroriste Abaaoud. Seul un témoignage essentiel permettra de le localiser et de le neutraliser.
Ce témoignage émane d’une femme courageuse, que nous appellerons Sonia, qui sait que cet acte transformera sa vie. En effet, elle témoigne sous sa propre identité, ce qui l’expose à la connaissance de tous. Dès lors, cette jeune femme n’a plus qu’une solution : se cacher et se protéger.
Si une surveillance policière lui a bien été accordée, elle apparaît vite comme insuffisante et, surtout, on ne lui apporte aucune aide matérielle ni psychologique. Pour elle, tout tient en deux mots : peur et solitude.
Il a fallu, semble-t-il, que Sonia décide de sortir de sa solitude et accorde à une grande chaîne d’information en continu une interview où on ne la reconnaît pas pour que vos services prennent la juste mesure du danger, renforce la surveillance et lui offre une aide psychologique.
Monsieur le ministre, pas d’esprit polémique ! D’autant que votre gouvernement vient de présenter un texte qui semble répondre aux problématiques du statut de témoin, notamment sur la protection de son identité, le rapprochant ainsi du statut de repenti.
Il n’en demeure pas moins que, d’ici à l’adoption de ces dispositions, il faut qu’un code de bonnes pratiques donne à vos services les moyens de protéger des témoins clés dans des affaires aussi dramatiques. Dans cette période, monsieur le ministre, que comptez-vous faire pour aider des témoins comme Sonia ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Monsieur le député, dans la responsabilité qui est la mienne, j’ai un devoir : ne pas évoquer publiquement l’action de mes services, y compris lorsqu’elle est injustement décriée, dès lors que cette action rendue publique est de nature à mettre gravement en danger la vie d’un témoin. C’est la raison pour laquelle je ne me suis jamais exprimé sur ce sujet.
Je sais parfaitement le décalage qui existe entre ce qui est dit et ce qui a été fait. Je mesure par conséquent la dimension d’injustice qui s’attache à certaines polémiques, pour ne pas évoquer certaines manipulations, mais la responsabilité qui est la mienne est, sur ce sujet, de garder le silence. Pourquoi ? Parce que cette personne a été auditionnée sous l’autorité du parquet antiterroriste dans le respect rigoureux des procédures de droit. Vous savez en effet que pour qu’un témoin soit auditionné sous X, il faut qu’au moment où on l’auditionne, on soit assuré qu’il n’existe aucun lien entre ce témoin et l’affaire concernée, ce que généralement l’on ne sait qu’après.
Pour toutes ces raisons, nous avons pris des dispositions – j’en ai le détail et, s’il faut en rendre compte un jour, je le ferai devant ceux dont c’est le rôle que de savoir –, qui nous ont conduits à protéger cette personne et au-delà.
Il n’existe pas en France, malgré les dispositions prises par la loi Perben, de mesures permettant de financer les repentis ; nous avons pris des dispositions pour ce faire dans la loi du 13 novembre 2014.
Pour ce qui concerne les témoins, il n’existe actuellement aucun statut assurant leur protection et leur financement. C’est la raison pour laquelle le garde des sceaux présentera des dispositions qui permettront de combler ce vide juridique ; pour le reste, je renvoie chacun à sa responsabilité ou à son irresponsabilité lorsqu’il s’agit d’exposer la vie des témoins.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La parole est à Mme Monique Orphé, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Ma question s’adresse à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.
En mars 2015, de nombreux départements ont changé de majorité.
Acteur majeur de l’action sociale, le département est l’échelon à partir duquel se déploient nombre de politiques de solidarité au service de nos concitoyens, notamment celle de la lutte contre l’exclusion et la pauvreté avec le revenu de solidarité active – le RSA. Malheureusement, dans de nombreux départements, les majorités de droite élues en mars dernier se servent de leurs responsabilités pour remettre en cause ces politiques sociales.
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Hier, le département de l’Essonne a pris des mesures contre les personnes âgées et les personnes handicapées. Vendredi dernier, celui du Haut-Rhin a proposé de conditionner le versement du RSA à l’exercice d’activités de bénévolat.
« Bravo ! » et applaudissements sur quelques bancs du groupe Les Républicains.
L’insertion des chômeurs doit être une priorité et il faut saluer la proposition de loi sur le chômage de longue durée qui sera examinée cet après-midi. Or la mesure proposée par la droite a déjà été expérimentée en 2011 : ce fut un échec. Elle met surtout en évidence la tentation qu’ont certains de démanteler notre modèle social et de faire reculer la solidarité au nom d’un discours idéologique qui voudrait faire passer les allocataires des grandes prestations sociales pour des assistés.
Madame la ministre, mon département compte un grand nombre de bénéficiaires du RSA en raison d’un chômage structurel de masse, ce cancer insupportable, et ce malgré un secteur marchand dynamique et une croissance supérieure à celle de la métropole.
Depuis 2012, avec cette majorité, le chômage a reculé à La Réunion et celui des jeunes a reculé de 10 % : il faut s’en féliciter, même si beaucoup reste à faire. Nous devons donc nous mobiliser pour lutter contre la précarité, la pauvreté et les inégalités.
Madame la ministre, quelle analyse faites-vous des tentatives de déstabilisation des grandes allocations par certains départements, et pouvez-vous nous réaffirmer la position du Gouvernement ?
Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
La parole est à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.
Madame la députée, vous avez raison de souligner qu’un certain nombre de déclarations fracassantes ont donné, au cours des dernières semaines et surtout des derniers jours, le sentiment que le droit pouvait être à géométrie variable.
Les propos tenus dans le Haut-Rhin relèvent de la communication dans le meilleur des cas, mais surtout de la pure gesticulation politique.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen. – Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Lorsque l’on veut que les bénéficiaires d’aides sociales respectent le droit et la loi, lorsque l’on veut que les droits et les devoirs soient respectés, si l’on est une collectivité territoriale, on commence par respecter la loi. Or celle-ci ne permet pas aujourd’hui de subordonner le versement du RSA à l’accomplissement d’activités non rémunérées.
Je dois d’ailleurs dire, mesdames et messieurs les députés, que la formule « travail bénévole obligatoire » est assez spéciale et qu’elle ne trouve aucune correspondance dans notre système.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Cela étant, nous sommes évidemment attachés à l’insertion. La volonté de chacun est que les personnes au RSA puissent bénéficier de soutien et d’accompagnement.
Je dis donc très simplement au département du Haut-Rhin que, s’il peut proposer des contrats d’insertion aux 20 000 bénéficiaires du RSA, alors je dis : « Banco ! Chiche ! » Car c’est bien de cela dont nous avons besoin.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Avec l’aide de l’État, d’accord, madame la ministre, mais nous ne pouvons pas les financer seuls !
Monsieur le Premier ministre, vous le savez, la situation à Grande-Synthe et à Calais est de plus en plus préoccupante. Environ 10 % des 6 000 personnes qui vivent actuellement dans ces camps sont des femmes âgées de vingt à trente ans. Gynécologie sans frontières nous alarme sur leur situation. Selon eux, plusieurs d’entre elles subissent agressions sexuelles, viols et même prostitution !
D’après les témoignages recueillis, si certaines femmes sont enceintes volontairement, nombre d’entre elles souhaiteraient avorter d’un enfant qui est le fruit d’un viol, parfois collectif, subi pendant la traversée ou à l’intérieur du camp.
Alors que nous pouvons nous féliciter de la fraternité dont les Européens, notamment les Français, font preuve dans l’accueil et la prise en charge de ces personnes, force est de constater qu’un grand nombre de migrants ne partagent pas notre conception du droit des femmes. Le 13 janvier, je vous interpellais au sujet des violences faites aux femmes à Cologne et dans les camps de migrants. Le 27 janvier, Marie-Jo Zimmermann vous interrogeait sur le même sujet. Comme vous, nous sommes préoccupés par la dignité humaine, par la cause des femmes, mais nos questions demeurent sans réponse !
Je vais vous en poser trois, des questions simples. Pourquoi les migrants sont-ils majoritairement des hommes ? Alors que nos parents, nos grands-parents sont restés en France pour combattre le nazisme, pourquoi les jeunes hommes en capacité de se battre qui composent la majorité des migrants – clandestins ou réfugiés, nul ne le sait – quittent-ils leur pays au lieu de lutter pour leur liberté ?
Vives protestations et « C’est une honte ! » sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen, du groupe écologiste et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Deuxièmement, pouvez-vous nous dire s’il y a en France des plaintes identiques à celles de Cologne ou s’il s’agit de simples rumeurs ? Enfin, quelles actions concrètes comptez-vous mener pour protéger toutes ces femmes ?
Il y a le symbole, et le concret : pour notre pays, défendre le statut de la femme est un message fort d’unité nationale mais c’est aussi un message fort que nous envoyons au monde, et notamment aux barbares.
Quelle bouillabaisse !
Alors que nous débattons actuellement de la loi sur la protection de la Nation, la liberté, l’égalité et la fraternité doivent concerner tous les citoyens, y compris les femmes. Pas d’omertà sur ces questions s’il vous plaît !
La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée des droits des femmes.
Madame la députée, nous nous soucions réellement de ces situations même si elles ne sont pas pour nous prétexte à polémique. Effectivement des femmes réfugiées sont aujourd’hui victimes de réseaux mafieux qui peuvent les entraîner dans des réseaux de prostitution. C’est pourquoi, madame Boyer, nous travaillons depuis trois ans sur une proposition de loi qui vise à lutter contre le système prostitutionnel et protéger ces femmes, mais aussi à démanteler ces réseaux mafieux.
Il ne nous a pas échappé que ces femmes étaient en danger, d’autant que souvent leur mari a été assassiné par ces barbares, dans leur pays. C’est pour cela que Bernard Cazeneuve leur a réservé une centaine de places d’hébergement, notamment à Calais. De mon côté, je travaille avec l’ensemble des associations présentes sur les différents sites pour que les femmes qui le souhaitent puissent avoir accès à l’interruption volontaire de grossesse et pour qu’elles puissent être protégées contre les violences qui peuvent s’exercer contre elles.
Vous voyez, madame Boyer, que nous n’avons pas mis cette question de côté, bien au contraire, mais nous n’en faisons pas un moyen de politique spectacle.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La parole est à Mme Marie Le Vern, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Ma question s’adresse à Mme la secrétaire d’État chargée des droits des femmes.
Notre loi fondamentale garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l’homme. Pourtant le sexisme est encore présent dans notre société. C’est parfois difficile à admettre pour ceux qui ne le vivent pas, mais il suffit de poser quelques questions simples pour s’assurer de la réalité du sexisme : les hommes, en tant que genre, ont-ils déjà renoncé à une tenue vestimentaire par crainte des harcèlements sexistes ? En tant que genre, se sentent-ils en insécurité dans les transports en commun ?
Ce sexisme ordinaire nuit aux droits et aux libertés des femmes. Dans les transports, le harcèlement sexiste est exacerbé, touchant directement les cinq millions de femmes qui les empruntent quotidiennement.
Vous avez, madame la secrétaire d’État, engagé depuis plusieurs semaines un plan nécessaire et ambitieux pour alerter les consciences et réduire les risques d’insécurité pour les utilisatrices des transports. Pour que ce combat trouve un aboutissement pérenne dans la loi, j’ai tenu au nom du groupe socialiste à accompagner votre démarche en enrichissant la proposition de loi de Gilles Savary sur la sécurité dans les transports d’un article portant sur la prévention des harcèlements sexistes.
Après qu’il a été supprimé par la commission des lois du Sénat, une importante mobilisation populaire et spontanée s’est exprimée, derrière le slogan « Harcèlement Agissons ». Cette mobilisation a prouvé la vigilance et la vitalité de notre société contre le sexisme.
Il y a quelques minutes, dans le cadre de la commission mixte paritaire, députés et sénateurs se sont mis d’accord pour réintroduire cet article dans la loi. C’est une victoire pour les femmes.
Madame la secrétaire d’État, comment entendez-vous continuer à faire progresser ce combat si important et si cher à nos concitoyens ?
La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée des droits des femmes.
Vous avez raison, madame la députée, cette campagne contre le harcèlement sexiste et les violences sexuelles dans les transports ainsi que les dispositifs qui la renforcent sont utiles et commencent à produire leurs effets, en particulier les numéros d’appels que les transporteurs ont mis en place.
Je tiens à saluer aussi la méthode de travail qui a été la nôtre, faite de concertation avec les ministères concernés et le monde associatif, afin de mettre en place ces dispositifs.
L’espace public des transports doit être pour les femmes un espace de liberté où elles sont respectées. Elles doivent pouvoir aller où elles le souhaitent quand elles le souhaitent. Je me réjouis que la commission mixte paritaire ait pu avancer sur ce sujet car il est important de reconnaître ce phénomène, comme le font les différentes villes de France et l’ensemble des collectivités qui se sont engagées à nos côtés sur ce sujet.
En fin d’après-midi, je serai avec Bernard Cazeneuve et Alain Vidalies au comité national de sécurité dans les transports en commun pour faire un point spécifique sur ce plan d’action, mené bien évidemment aussi en Île-de-France.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La parole est à M. Jean-Sébastien Vialatte, pour le groupe Les Républicains.
Ma question s’adresse à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. Elle concerne le rapport de mes collègues Jean-Louis Touraine et Arnaud Robinet sur la mise en application de la loi de 2013 portant réforme de la biologie médicale.
Cette loi prévoit que les laboratoires de biologie médicale doivent disposer, au 1er novembre 2016, d’une accréditation portant sur 50 % des examens effectués pour pouvoir continuer de fonctionner.
Le rapport de mes collègues mentionne que le COFRAC, le Comité français d’accréditation, ne peut effectuer les évaluations nécessaires à l’accréditation faute d’un nombre suffisant d’auditeurs. D’ailleurs, le COFRAC écrivait dès le mois de mai 2015 que les laboratoires ayant déposé dans les délais les demandes d’accréditation ne pourraient être tous accrédités à temps.
Vous êtes consciente du problème, madame la ministre, puisque vous avez publié le 11 novembre 2015 un arrêté simplifiant les règles d’accréditation. Malgré tout, le rapport de MM. Touraine et Robinet estime que 300 laboratoires sur 1 000 ne pourront pas être accrédités à temps à cause du COFRAC, le risque étant qu’ils se voient retirer leur autorisation d’exercer.
Madame la ministre, les biologistes ont fait des efforts considérables pour être au rendez-vous de la loi. Ils ne sauraient être pénalisés au motif que le COFRAC, mandaté par l’État et qui détient le monopole de l’accréditation, ne peut faire face à ses obligations.
Quelles dispositions allez-vous prendre pour que les laboratoires qui, du fait du COFRAC, ne disposeront pas de l’accréditation le 31 octobre 2016 puissent continuer d’exercer ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.
La parole est à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.
Monsieur le député, vous avez raison : la mise en place d’un processus d’accréditation garantissant la qualité des procédures et la fiabilité des examens est l’un des points majeurs de la réforme de la biologie médicale.
L’ordonnance du mois de janvier 2010 ratifiée par la loi du 13 mai 2013 impose, comme vous l’avez dit, que cette certification-accréditation se fasse par paliers successifs. Au 1ernovembre 2016, chaque laboratoire devra être accrédité à 50 % et, au 1er novembre 2020, à 100 %.
Le COFRAC a rencontré des difficultés. À mon tour, je salue l’excellent travail de vos collègues Jean-Louis Touraine et Arnaud Robinet, qui proposent plusieurs pistes d’évolution.
Parmi elles, je privilégie la voie de l’optimisation des procédures du COFRAC. Concrètement, de quoi s’agit-il ? Sans remettre en question la qualité de la procédure, il s’agit de faciliter l’examen des demandes présentées au COFRAC – je précise que, à ce jour, la quasi-totalité des laboratoires a déposé une demande d’accréditation.
Nous simplifions donc les démarches et avons engagé un processus d’augmentation du nombre des évaluateurs ainsi que leur diversification. Nous avons aussi défini des priorités avec le COFRAC afin que les laboratoires qui n’ont jamais été évalués le soient en premier.
Il nous semble qu’ainsi nous pouvons tenir l’objectif fixé par la loi sans qu’il soit nécessaire de procéder à un report de la date d’entrée en vigueur de l’accréditation.
Vous le voyez, monsieur le député, nous sommes très attentifs – je suis très attentive – à la situation des laboratoires.
La parole est à M. Jean-Pierre Maggi, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Monsieur le ministre des affaires étrangères, le procès en appel de deux compatriotes dans l’affaire dite « Air cocaïne » commencera demain.
Quatre Français ont été condamnés à vingt ans de prison en République dominicaine pour trafic de stupéfiants après une parodie de procès : accès restreint aux avocats, reports d’audiences, absence d’interprète, viols des scellés, destruction de pièces à conviction, violences en détention, procureur au passé et aux méthodes discutables. Voilà le calvaire que subissent nos compatriotes depuis mars 2013.
Après le retour clandestin en France de deux d’entre eux après leur condamnation, c’est le sort des deux autres, restés sur place, qui nous préoccupe. Nicolas Pisapia est ruiné par les frais de procédure et miné de ne pas avoir pas vu depuis trois ans son très jeune fils. Alain Castany se trouve quant à lui dans état de santé extrêmement préoccupant.
Depuis plusieurs mois, j’ai alerté le ministère sur la gravité de la situation. J’ai demandé que la diplomatie française se mobilise pour qu’un procès équitable leur soit garanti. J’ai plaidé pour que la non-ingérence de la France dans les affaires internes d’un État souverain trouve ses limites lorsque le droit international est bafoué et que des Français se trouvent en danger.
J’aurais souhaité que notre réseau diplomatique se mobilise davantage, à l’image de ce qui s’était produit pour Florence Cassez et Serge Atlaoui, qui ont tous deux échappé à un funeste destin.
À la veille de l’ouverture du procès en appel, pouvez-vous nous confirmer qu’instruction a été donnée à notre consul d’assister aux différentes audiences ? La France s’est-elle assurée que ses deux ressortissants bénéficieront d’un interprète pour comprendre et se faire comprendre ? Quelles dispositions le ministère a-t-il prises pour que ce procès ne soit pas une fois encore entaché de graves irrégularités ? Dans l’hypothèse où la condamnation serait confirmée, le Quai d’Orsay conclura-t-il une convention de transfèrement permettant le retour en France de nos compatriotes ?
Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des affaires européennes.
Monsieur le député, la mobilisation de la diplomatie française a été exceptionnelle dans cette affaire et nos compatriotes bénéficient depuis près de trois ans d’une protection consulaire très attentive : visites régulières en détention, aide à l’accès aux avocats, présence d’agents de l’ambassade et du consulat aux très nombreuses audiences qui ont eu lieu, facilitations des visites sur place de leurs proches.
Cependant, depuis leur condamnation – vous l’avez souligné – la situation a évolué pour chacun d’entre eux.
M. Castany, en effet, a été victime le 13 octobre dernier d’un grave accident de la circulation. Notre ambassade est rapidement intervenue pour lui permettre d’accéder à une clinique de bon niveau dans laquelle il a été rapidement opéré – il est toujours hospitalisé.
M. Pisapia, quant à lui, a été reçu avec son avocat le 3 novembre par notre ambassadeur et notre consulat est toujours en contact avec lui.
Le retour en France, à la mi-octobre, de MM. Fauret et Odos, est un acte individuel dans lequel, vous le savez, les autorités françaises n’ont nullement été impliquées. Ils sont aujourd’hui sous main de justice française en raison de la procédure judiciaire française en cours.
Conformément au droit international, la France respecte la souveraineté et l’indépendance de la justice de Saint-Domingue mais nous sommes particulièrement attentifs au déroulement de la procédure judiciaire et au respect des droits de nos compatriotes.
La procédure en appel vient de s’ouvrir. Une première audience a eu lieu le 20 janvier. Le juge a accepté la demande d’un report de l’audience au 11 février – c’est-à-dire demain – déposée par l’avocat de M. Castany. Un agent du consulat assistait à l’audience du 20 janvier et assistera bien sûr à celle de demain.
Par ailleurs, une convention sur le transfèrement des personnes condamnées ayant été signée par la France et la République dominicaine le 13 novembre 2009, il est donc parfaitement envisageable qu’un transfèrement intervienne sur cette base dans l’affaire que nous évoquons, une fois que la condamnation sera définitive et sous réserve que la République dominicaine y consente.
Dans les explications de vote, la parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, monsieur le garde des sceaux, monsieur le ministre de l’intérieur, mes chers collègues, le 16 novembre dernier, à Versailles, après les attentats meurtriers dont nous avions été victimes, le Président de la République nous annonçait sa volonté de réformer la Constitution sur deux points, l’inscription de l’état d’urgence dans la Constitution afin d’en sécuriser la légalité, et la déchéance de nationalité pour ceux qui commettent des crimes contre notre nation.
Notre groupe a, dès le début, affirmé majoritairement sa volonté de rendre possible cette réforme dès lors qu’elle prendrait nos préoccupations en compte.
Première préoccupation, sécuriser l’état d’urgence – que l’on pouvait juger fragile après différentes réformes constitutionnelles, notamment l’apparition des questions prioritaires de constitutionnalité, au point que l’État risquerait d’être privé d’un moyen de protéger les Français au moment où nous en aurions le plus besoin –, mais, surtout, l’encadrer sur trois points.
Nous voulons d’abord qu’il soit limité dans le temps afin que nous ne vivions pas en permanence sous état d’urgence et qu’il faille au moins tous les quatre mois un accord majoritaire du Parlement, Assemblée et Sénat, pour le prolonger.
Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates.
Nous voulons ensuite un vrai contrôle parlementaire, à l’instar de celui qui a été mis en place par l’Assemblée nationale et le Sénat pour l’état d’urgence sous lequel nous vivons actuellement, à l’initiative d’ailleurs du Parlement, notamment de celui qui était alors le président de la commission des lois, l’actuel garde des sceaux. En clair, la majorité du moment ne doit pas pouvoir empêcher l’opposition de contrôler les moyens extraordinaires qui sont alors donnés au Gouvernement et à l’État.
Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Nous voulons enfin prévoir le cas où l’exécutif, sous état d’urgence, dissoudrait l’Assemblée nationale. Nous voulons évidemment que la campagne soit libre, équitable, démocratique, quelles que soient les circonstances, et que ce soit garanti par la Constitution. Un gouvernement pourrait alors, en effet, restreindre la liberté de communication, restreindre la liberté de réunion, voire assigner à résidence tel ou tel opposant qui ne lui conviendrait pas. Telle n’est évidemment pas votre intention, monsieur le Premier ministre, mais la Constitution est faite non pas seulement pour votre gouvernement mais aussi pour tous ceux qui suivront.
Sur ce point, vous aviez proposé un équilibre qui nous satisfaisait, qui n’a hélas pas été retenu par notre assemblée et auquel nous vous demandons de revenir au cours de l’inévitable navette entre l’Assemblée nationale et le Sénat : en cas de démission du Gouvernement ou de dissolution de l’Assemblée, l’état d’urgence prendrait fin quinze jours après. C’est la seule garantie que la campagne pour les élections législatives qui s’ensuivraient serait, en tout état de cause, libre. Avec le président de mon groupe, Philippe Vigier, j’ai entendu hier votre message selon lequel on chercherait une solution lors de cette navette.
Seconde préoccupation, sur l’article 2, nous devons pouvoir déchoir de leur nationalité des Français qui haïssent la France, qui renient nos valeurs, qui combattent la France et tout ce qui fait notre fierté d’être Français et notre force de vivre ensemble.
Pour nous, cette mesure, contrairement à ce qu’était la première version proposée par le Gouvernement, doit s’appliquer clairement à tous les terroristes, quelle que soit la nationalité de leurs parents. À nos yeux, il ne peut pas y avoir dans notre constitution d’inégalité entre les Français, il ne peut pas y avoir deux catégories de Français.
Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Quand on devient Français, monsieur le Premier ministre, et vous en savez quelque chose, on ne le devient pas à moitié, pas temporairement, pas sous conditions. On devient Français totalement, entièrement, complètement. C’est en tout cas ce que nous voulons voir inscrit dans la Constitution.
Vous vous êtes engagé à ce qu’il n’y ait pas de différence entre les Français dans la Constitution, dans la loi d’application – avec la suppression de la mention d’apatride qui figurait dans le préprojet – et dans la convention de 1961, que vous soumettrez à ratification. Nous vous demandons d’être aussi prudent que ne l’a été le général de Gaulle lors de la signature de la convention. Il avait en effet prévu que l’on pouvait déchoir de leur nationalité des Français qui porteraient gravement atteinte à notre nation.
Nous serons très vigilants sur l’application des lois, mais la rédaction de cet article nous satisfait.
Si je résume, monsieur le Premier ministre, la limite dans le temps de l’état d’urgence, le contrôle parlementaire, l’égalité entre Français face à la déchéance nous conviennent. La dissolution sous état d’urgence, qui n’est pas suffisamment garantie et encadrée, reste à écrire. Nous souhaitons donc que le débat continue. C’est la raison pour laquelle nous voterons le projet qui est présenté, ce qui ne préjuge pas de notre vote final si l’obstacle que je viens de souligner n’est pas surmonté.
Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, messieurs les ministres, chers collègues, l’Assemblée nationale est appelée aujourd’hui à voter un projet de loi de réforme constitutionnelle. Elle a ouvert des débats sur la conception que nous avons de la République et de notre mission de représentants du peuple. Par son vote, chacun de nous s’engage, de façon responsable et en conscience.
À la suite des attentats à Paris, le Président de la République a annoncé en Congrès à Versailles une série de mesures pour lutter contre le terrorisme effroyable auquel nous devons désormais faire face. Parmi elles, le projet de loi constitutionnelle mérite qu’on lui porte un regard particulier puisqu’il n’a selon le Gouvernement qu’une portée symbolique. Quel symbole, quel message, souhaitons-nous alors transmettre aux Français et au monde ?
La Constitution française établit la règle que se donne le peuple sur le fonctionnement des institutions et les règles relatives aux droits des individus. Elle énonce dans le préambule de 1946 des principes économiques et sociaux nécessaires à notre temps, ajoutés à la Déclaration des Droits de l’Homme et du citoyen de 1789. Depuis 2004, la Charte pour l’environnement intègre la dimension écologique dans notre engagement commun pour le bien de l’humanité.
Aussi, modifier la Constitution, l’acte solennel par lequel la société civile déclare les principes qui la fondent, la rassemblent, l’organisent, est lourd de conséquences.
L’article 1er du texte inscrit l’état d’urgence dans la Constitution. Pour une partie d’entre nous, dont je suis, il y a risque, en agissant ainsi, de faire de l’exception la norme, d’engager un processus d’affaiblissement démocratique, bref, de contribuer à réduire les libertés publiques, au prétexte d’obtenir une très hypothétique sécurité des personnes.
Au contraire, pour certains de mes collègues, faire figurer l’état d’urgence dans la Constitution, au même titre que les deux autres états d’exception prévus par notre droit – les pleins pouvoirs et l’état de siège –, c’est être cohérent et adapter notre législation à un risque de terrorisme de guerre devenu quasi permanent. Les débats parlementaires ont permis de préciser que l’état d’urgence sera subordonné à un vote du Parlement, qu’il sera limité à quatre mois et que son contrôle parlementaire sera assuré.
Par contre, l’article 2 du projet de loi, qui intègre la déchéance de nationalité dans notre Constitution, rencontre l’opposition d’une nette majorité des députés écologistes. Cette initiative a déplacé le débat, de fait, du terrorisme vers la nationalité. Par leur histoire, certains Français seraient-ils plus menaçants pour la sécurité du pays que les autres ?
Qu’en est-il de l’éventualité de la création d’apatrides, que tous devraient condamner ?
Mais surtout, alors que nous devrions combattre ensemble le racisme et les discriminations et favoriser une meilleure inclusion interculturelle de tous et en tout lieu, nous voilà empêtrés dans un débat qui divise. Parce que la construction de la démocratie est une aspiration humaine et que le siècle des Lumières a rayonné partout, j’invite Benjamin Franklin à nos débats sans frontières.
Il nous dit : « Un peuple prêt à sacrifier un peu de liberté pour un peu de sécurité ne mérite ni l’une ni l’autre, et finit par perdre les deux. »
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe écologiste.
Le groupe écologiste ne fera pas exception aux autres groupes parlementaires et verra ses membres prendre des positions différentes sur ce texte. Même si certains de mes collègues sont opposés à l’article 2, ils voteront le texte, rassurés par le fait que c’est au juge que reviendra le pouvoir de prononcer la déchéance de nationalité. Toutefois, attachée à l’article 1er de notre Constitution, qui affirme que « la France assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion », la majorité du groupe écologiste, opposée à la philosophie de ce projet de loi, ne le votera pas.
Si nos votes nous distinguent, il est une chose qui nous rassemble : c’est notre engagement sincère dans le débat et le travail parlementaire. À toutes les étapes de nos travaux, de la commission à la séance, les députés du groupe écologiste ont été constamment présents.
En conclusion, je veux rappeler la sagesse de nos prédécesseurs, qui, depuis la Révolution française, se sont attachés à faire progresser les droits humains et la laïcité, pour que notre devise, « Liberté, égalité, fraternité », indissociable de notre pays, rayonne partout sur la terre et pour élever nos jeunes en citoyens du monde.
Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.
La parole est à M. Roger-Gérard Schwartzenberg, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, messieurs les ministres, même s’il peut y avoir divergence sur tel point de tel texte, nous voulons saluer votre détermination face au terrorisme, et vous dire que nous sommes solidaires de votre action dans l’intérêt de la nation.
Notre groupe a voté, bien naturellement, l’article 1er de ce projet de révision, qui inscrit l’état d’urgence dans la Constitution. En effet, cette inscription s’accompagne de précisions de fond et de procédures qui apportent des garanties accrues. Elle encadre clairement ce régime de crise, en définissant avec netteté les conditions de son déclenchement et de son déroulement.
Actuellement, ces conditions relèvent seulement de la loi ordinaire. Elles pourraient donc être modifiées un jour par une majorité de passage, sans que cela ne corresponde à nos intentions actuelles.
En revanche, telle ou telle majorité ne pourra modifier demain les conditions de mise en oeuvre de l’état d’urgence si celles-ci sont inscrites dans la loi fondamentale. La Constitution servira de rempart contre d’éventuelles dérives.
Toutefois, nous souhaitons éviter toute coïncidence entre état d’urgence et dissolution, comme le prévoyaient la loi initiale du 3 avril 1955, puis l’ordonnance du 15 avril 1960, signée par le général de Gaulle, Michel Debré et Pierre Mesmer. Lundi, l’Assemblée avait adopté un amendement en ce sens. Mais, à l’issue d’une seconde délibération, cet amendement a été supprimé hier soir, à la demande du Gouvernement qui préfère s’en remettre au Sénat. Cela peut surprendre.
Le Sénat serait-il vraiment meilleur législateur que l’Assemblée nationale ? Et n’est-il pas paradoxal de confier au Sénat le soin de déterminer les conditions de dissolution de l’Assemblée nationale,
« En effet ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen
chambre élue au suffrage universel direct, à la différence de celle de nos éminents collègues – qui tout au moins se considèrent comme tels – du Palais du Luxembourg ?
Applaudissements sur quelques bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe Les Républicains.
Par ailleurs, l’article 2 de ce projet de loi concerne la déchéance de nationalité, comme chacun l’aura remarqué. En elle-même, cette déchéance peut se concevoir : ceux qui tirent au fusil d’assaut sur leurs compatriotes ou ceux qui renient leur patrie s’excluent, à l’évidence, de la communauté nationale. Mais cette déchéance ne peut concerner spécifiquement les binationaux. En République, tous les citoyens sont égaux devant la loi.
Or, tel qu’il était initialement rédigé, l’article 2 paraissait inscrire dans la Constitution même une distinction entre deux catégories inégales de Français. Le Gouvernement a accepté, à juste titre, de le modifier par un amendement supprimant la référence à la binationalité, adopté par la commission des lois le 28 janvier. Ce changement est positif. Mais l’avant-projet de loi d’application, transmis le 29 janvier, se fonde de nouveau sur le critère de binationalité, au moins implicitement. Il serait donc utile de lever cette ambiguïté, même si un frondeur – je veux dire le cardinal de Retz (Sourires) – a écrit dans ses Mémoires que l’on ne sort de l’ambiguïté qu’à son détriment. Sortons-en tout de même !
En fait, plutôt que la déchéance, qui pose plusieurs problèmes, mieux vaudrait utiliser l’interdiction des droits civiques, civils et de famille,
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen, du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine
une peine prévue par l’article 131-26 du code pénal, et que les auteurs de crimes ou de délits terroristes peuvent encourir à titre complémentaire. Ceux-ci ne seraient pas déchus de leur nationalité, mais ils seraient privés de leur citoyenneté, ce qui, aux plans du symbole et de la réprobation publique, constituerait une sanction analogue, sans poser les mêmes problèmes politiques et juridiques.
Monsieur le Premier ministre, vous voulez l’union nationale sur votre projet de révision. C’est très bien. Mais pouvez-vous l’obtenir avec le soutien de la moitié de la majorité et de la moitié de l’opposition ? L’addition de deux scissiparités ne constitue pas un gain numérique.
Sourires.
Monsieur le président, la demande de vote par division n’a pas été acceptée, ce qui est dommage. Un tel vote aurait permis de voter d’abord sur l’article 1er, puis sur l’article 2, et notre groupe aurait voté quasi unanimement l’article 1er. Puisque ce n’est pas le cas, les votes se répartiront comme dans d’autres groupes.
Avec plaisir, monsieur le président ! J’en aurais eu également, si nous avions pu bénéficier d’un vote par division... Nous voterons à regret, d’une certaine manière, mais en espérant qu’une nouvelle lecture permettra de trouver une solution de consensus, car chacun le sait, demain est un autre jour.
Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste ainsi que sur certains bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Sur l’ensemble du projet de loi, le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. François Asensi, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, ce débat nous a définitivement confortés, nous députés communistes et du Front de gauche, dans notre opposition ferme à cette réforme constitutionnelle, à la fois inutile et dangereuse.
Inutile, puisque dans notre arsenal juridique et répressif de lutte contre le terrorisme, elle ne répond ni à un impératif de nécessité, ni à celui d’efficacité. Cette réforme est également dangereuse, car derrière le calcul de l’exécutif, la proposition de révision consacre un double mouvement de fond : d’une part, le renforcement du pouvoir exécutif, à travers la reconnaissance de prérogatives exorbitantes du droit commun départies de tout contrôle judiciaire ; d’autre part, la victoire idéologique de l’extrême-droite qui voit ses idées triompher, alors qu’un gouvernement de gauche est censé être au pouvoir. Nous continuerons à nous opposer à ces deux dérives nourries par les logiques sécuritaire et identitaire qui laissent planer un risque liberticide sur notre République.
La constitutionnalisation de l’état d’urgence ne signifie pas en soi l’institution d’un état d’urgence permanent. Il n’empêche : elle ne s’accompagne pas de garanties juridiques et juridictionnelles à la hauteur de ce régime d’exception. Le risque liberticide ne relève pas de l’abus de langage, mais repose au contraire sur des faits avérés, des cas d’abus constatés depuis l’entrée en vigueur de l’état d’urgence.
Non seulement la Constitution n’a pas vocation à devenir l’instrument de calculs politiciens des gouvernants en exercice, mais elle n’a pas à accueillir en son sein des dispositions qui viennent contredire les valeurs fondamentales dont elle est porteuse. Or, la déchéance de nationalité affecte certains des éléments constitutifs de notre pacte républicain et met en péril l’unité nationale. Cette réforme constitue en soi un symbole de discrimination et de désunion de notre communauté nationale. Cette initiative porte atteinte jusqu’à la conscience de nombre de nos concitoyens. La majorité elle-même a implosé et la ministre de la justice a préféré partir. Quant au feuilleton rocambolesque des contorsions invraisemblables auxquelles s’est livré le Gouvernement pour maintenir le texte, il témoigne finalement d’une forme d’irrationalité qui commande désormais son action.
Dans un geste de désespoir, l’exécutif semble se résoudre à créer des apatrides, alors qu’il avait pourtant exclu cette option dès le début. Cette solution n’en est pas une. C’est une nouvelle impasse dans laquelle vous vous engagez, bien qu’elle soit manifestement indigne de notre République, de ses valeurs et de ses principes fondamentaux. Cette fuite en avant, conséquence d’une réforme bâclée, restera comme l’une des pages noires de l’histoire de la gauche au pouvoir.
Écorcher notre Constitution est d’autant plus difficile à accepter que, de l’aveu de tous, cette disposition est matériellement inefficace contre le terrorisme.
Cette proposition soulève des contradictions et des obstacles insurmontables, et le temps me manque pour tous les évoquer. Qu’allons-nous faire des personnes déchues de leur nationalité ? Quelles responsabilités assumons-nous à l’égard de nos propres nationaux ? À l’heure où la République se doit d’être unie, le pouvoir instille la désunion.
Cette désunion est animée par les valeurs de l’extrême-droite, alors que nos valeurs progressistes et humanistes commandaient, conformément aux engagements du Président de la République, d’apporter d’autres révisions à la Constitution : le droit de vote des étrangers aux élections locales ou la suppression du mot « race », par exemple. De telles réformes auraient envoyé un message plus fort et plus digne, conforme à l’idée que nous nous faisons du pays des Lumières. Nous l’affirmons avec force : si la volonté de l’exécutif était de modifier notre Constitution face au défi terroriste, le plus beau symbole contre l’intolérance aurait été d’en faire une révision de cohésion sociale.
Monsieur le Premier ministre, cette réforme constitutionnelle porte en elle plus de risques et de menaces pour nos concitoyens que pour les terroristes eux-mêmes. Cette vérité simple et implacable aurait dû, à elle seule, neutraliser les velléités de révision constitutionnelle. Nous ne saurions vous suivre dans cette impasse qui se nourrit des passions sécuritaires et de division. C’est pourquoi les députés communistes et du Front de gauche voteront à la quasi-unanimité contre ce projet de loi.
Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
La parole est à M. Patrick Mennucci, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, messieurs les ministres, mesdames, messieurs les députés, en janvier et en novembre 2015, la France a subi un profond traumatisme. Des terroristes s’en sont pris à notre peuple pour le blesser et pour l’intimider. Les Français ont aussitôt manifesté leur soutien aux victimes, leur solidarité et leur profonde colère. La nation s’est levée. Le Président de la République a décidé de réunir le Parlement en Congrès, à Versailles, puis a annoncé la révision constitutionnelle dont nous sommes saisis.
Le vote d’aujourd’hui fait suite à de nombreux débats, durant lesquels chacun a pu s’exprimer, expliquer sa position, ses doutes et aussi ses certitudes. Le travail accompli par la commission des lois, puis par l’ensemble des députés, le dialogue entre les différents groupes parlementaires et avec le Gouvernement ont permis de faire avancer nos débats.
En premier lieu, la constitutionnalisation de l’état d’urgence représente une avancée incontestable pour notre démocratie. Il s’agit d’encadrer un régime particulier auquel les gouvernements successifs ont eu recours à de nombreuses reprises depuis soixante ans. Le constitutionnaliser, c’est encadrer ce qui le déclenche pour qu’il ne soit jamais dévoyé. Cela avait été proposé par le comité Vedel en 1993 et par le comité Balladur en 2008. Ce texte est donc l’aboutissement de réflexions approfondies. Des garanties ont été introduites par voie d’amendements et constitutionnalisent le contrôle du Parlement sur l’action du Gouvernement durant l’état d’urgence. Il est évidemment fondamental de garantir l’équilibre des pouvoirs lorsqu’il est déclaré.
L’état d’urgence est une nécessité pour faire face à la menace terroriste contre laquelle la France se bat. Nous devons mettre à la disposition de notre République tous les outils dont elle dispose pour se protéger. Le pouvoir qui en découle doit être régulé, contrôlé et encadré : voilà, mesdames, messieurs les députés, le sens de l’article 1er.
Hier, nous avons longuement débattu de l’article 2. Chacun, là aussi, a exprimé sa position et je tiens à dire que chaque position est respectable. Mais je veux rappeler ce que cet article contient, précisément, au-delà de toute élucubration. Il s’agit de donner au juge la possibilité de déchoir de la nationalité française des terroristes condamnés soit pour un crime commis contre la vie de la nation, soit pour un délit contre la vie de la nation punissable d’au moins dix ans d’emprisonnement. Nous ne devons pas faire croire à ceux qui nous écoutent que nous ouvrons la boîte de Pandore. Les pires heures de l’histoire ont été convoquées par les terroristes eux-mêmes. La réponse que nous apportons est une réponse à la fois républicaine et pénale. Elle est encadrée et va permettre d’exclure ceux qui se sont déjà exclus d’eux-mêmes de la communauté nationale. Nous menons cette réforme dans le strict respect des traités internationaux. Je me réjouis à cet égard, monsieur le Premier ministre, que vous ayez annoncé la ratification prochaine de la convention de 1961. Notre texte sera ainsi plus respectueux du droit, y compris du droit de nos pires ennemis puisque, contrairement à la loi de 1998, les binationaux et les mononationaux seront traités à égalité s’ils sont condamnés pour terrorisme.
Nous sommes aujourd’hui appelés à voter en première lecture sur le projet de loi de réforme constitutionnelle que le Président de la République a appelé de ses voeux. Il ne concerne que les terroristes, les seuls ennemis de la nation. C’est pourquoi, mes chers collègues, je vous invite, au nom du groupe socialiste, républicain et citoyen à approuver massivement le projet de loi constitutionnelle de protection de la nation.
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le Premier ministre, à deux reprises, en 2014 et en 2015, notre groupe a défendu des propositions de loi visant à étendre la déchéance de nationalité à ceux qui portent les armes contre la France. Après que vous et votre gouvernement les avez combattues, vous nous rejoignez enfin sur une évidence : un Français qui tue, qui massacre, qui assassine n’est pas digne d’être français. Mais pour atteindre cet objectif, le Président de la République a choisi une voie hasardeuse : la révision constitutionnelle n’est en effet pas une évidence juridique en l’espèce et le texte sur lequel nous votons aujourd’hui n’est pas celui qu’il avait annoncé à Versailles
« Eh oui ! » sur de nombreux bancs du groupe Les Républicains
ni celui présenté en conseil des ministres le 23 décembre dernier. Vous avez donc, monsieur le Premier ministre, posé les conditions d’un débat cacophonique.
La confusion que vous récoltez, c’est celle que François Hollande et vous-même avez semée. Sans modification de ce projet de loi constitutionnelle par la majorité sénatoriale, il pourrait même devenir plus difficile de déchoir de la nationalité après votre réforme.
Mêmes mouvements.
Vous pouviez pourtant recueillir un large consensus car pour ce qui nous concerne, nous sommes quasiment à l’unanimité favorables à la déchéance de nationalité.
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe Les Républicains.
Ayez conscience, monsieur le ministre, que la tentation aurait pu être forte pour notre groupe de mettre le Président de la République et votre gouvernement en minorité.
Mais nous pensons plus que jamais qu’il faut être à la hauteur des attentes des Français. Ils n’ont pas oublié le terrible traumatisme du 13 novembre dernier. Nous pensons en conscience qu’ils nous reprocheraient de tergiverser alors que la menace terroriste n’a jamais été aussi forte à l’intérieur même de notre pays. Une majorité d’entre nous votera donc pour que ce texte aille au Sénat et que la majorité sénatoriale de droite et du centre le réécrive. Le bicamérisme égalitaire en matière de réforme constitutionnelle est une chance pour le rassemblement et pour l’unité nationale.
En conclusion, monsieur le Premier ministre, au stade où nous en sommes aujourd’hui, nous resterons sur un vote de cohérence par rapport à une mesure d’évidence : un Français qui bafoue les valeurs de son propre pays en s’attaquant sauvagement à lui ne peut partager ni l’aventure nationale, ni sa destinée !
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe Les Républicains et sur plusieurs bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants: 567 Nombre de suffrages exprimés: 516 Majorité absolue: 259 Pour l’adoption: 317 contre: 199 (Le projet de loi constitutionnelle est adopté.)
La séance, suspendue à seize heures quarante, est reprise à seize heures cinquante.
L’ordre du jour appelle le dépôt du rapport annuel de la Cour des comptes.
Mes chers collègues, je souhaite en votre nom à tous la bienvenue au Premier président de la Cour des comptes.
Monsieur le Premier président, le dépôt de votre rapport est un rendez-vous annuel auquel notre assemblée est particulièrement attachée, en particulier le président de la commission des finances, que j’ai grand plaisir à voir entier à son banc.
Monsieur le président, monsieur le ministre des finances et des comptes publics, monsieur le président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, madame la rapporteure générale, mesdames, messieurs les députés, la présentation du rapport public annuel – je viens de vous le remettre, monsieur le président, en application de l’article L. 143-6 du code des juridictions financières –, est un moment important pour les juridictions financières et, nous en sommes convaincus, pour le débat autour de la bonne gestion publique.
Ce rapport n’est pas, loin s’en faut, une collection d’anecdotes ni un florilège d’observations circonstancielles. Il est guidé, structuré par une préoccupation centrale : formuler des pistes de réforme, contribuer à la modernisation des services publics, en expliquant ce qui fonctionne bien et ce qui pourrait progresser, et encourager les décideurs à s’intéresser davantage aux résultats de leur action.
Les messages portés par le rapport de la Cour sont au nombre de trois. Premièrement, la situation des finances publiques s’améliore, mais cette amélioration est encore lente et fragile. La situation reste en conséquence source de préoccupations, voire d’inquiétudes. Deuxièmement, l’urgence de moderniser les services publics appelle des choix déterminés et une mise en oeuvre méthodique. Troisièmement et enfin, nos contrôles mettent en évidence la nécessité d’une plus grande clarté, d’une plus grande sélectivité, d’une plus grande efficacité et d’une plus grande efficience de l’action publique pour répondre aux attentes de nos concitoyens.
Avant d’entrer dans le détail de ces messages, je veux consacrer un court propos liminaire à la manière dont la Cour et les chambres régionales et territoriales s’efforcent de contribuer, par leur action, à l’amélioration de la gestion publique.
J’insiste tout d’abord sur l’unité et la cohérence du rapport public annuel.
Le premier tome s’intéresse à la situation d’ensemble des finances publiques au vu des dernières données disponibles, ainsi qu’à plusieurs politiques publiques et à différentes problématiques de gestion publique. Il fournit des exemples de réformes que les pouvoirs publics pourraient choisir de conduire.
Le second tome met sur la table le bilan de l’activité de la Cour et des chambres régionales, ainsi que les suites données par les pouvoirs publics à leurs recommandations. Le code couleur des chapitres de ce second tome est désormais bien connu : « la Cour constate des progrès » en vert, « la Cour insiste » en orange, « la Cour alerte » en rouge. Certains progrès sont très directement liés à des recommandations que la Cour a pu formuler dans le passé et qui ont été reprises par les pouvoirs publics.
Je pense en premier lieu à la politique française d’incorporation des biocarburants dans les carburants. Vous avez récemment procédé à des ajustements utiles, conformes aux recommandations de la Cour, comme la fin de mesures de défiscalisations incohérentes ou l’inclusion du gazole non routier dans l’assiette de la taxe générale sur les activités polluantes.
Je pense en deuxième lieu au financement de la défense nationale par des ressources exceptionnelles, malgré les risques identifiés par la Cour. Vous avez souhaité, dans la loi de programmation militaire, substituer des crédits budgétaires à la quasi-totalité des ressources exceptionnelles. Cette clarification, bienvenue, a été mise en oeuvre dans la loi de finances pour 2016. Elle doit maintenant être confirmée dans le temps et menée à son terme.
Le troisième exemple, bien connu, concerne la gestion de l’extinction de Dexia. Le Gouvernement a déposé un amendement au projet de loi sur la déontologie des fonctionnaires, directement inspiré d’un rapport de la Cour et voté par le Sénat, qui porte sur ce qu’on appelle les parachutes dorés : un fonctionnaire ayant exercé des fonctions de dirigeant dans un organisme public ou bénéficiant de concours publics ne pourra plus réintégrer son administration d’origine et percevoir en même temps de cet organisme des indemnités liées à la cessation de ses fonctions.
Cette avancée ne vaut bien sûr pas seulement en cas de sinistre et doit encore être confirmée dans le texte qui sera finalement adopté.
Dans son rapport public annuel 2016, la Cour fait le point sur l’exercice de ses compétences, notamment l’évaluation des politiques publiques. En 2015, à votre demande, la juridiction a évalué l’action de la douane, les politiques de lutte contre la pollution de l’air et les services publics numériques, travaux que j’ai eu l’occasion de présenter très récemment devant vous, monsieur le président. J’en profite pour me réjouir de la qualité des relations entre la Cour et le Parlement, en particulier l’Assemblée nationale, puisque je suis ici dans l’hémicycle de l’Assemblée, qui témoigne de l’intensité et de la portée de la mission d’assistance de la juridiction à la représentation nationale.
J’en viens au premier message de la Cour : la situation des finances publiques s’améliore, mais cette amélioration est encore lente, fragile. La situation reste en conséquence source de préoccupations, voire d’inquiétudes.
La Cour relève la difficulté rencontrée pour redresser cette situation plus nettement et plus durablement malgré les efforts entrepris, monsieur le ministre. Selon les dernières prévisions du Gouvernement, les objectifs de réduction des déficits publics auraient été tenus l’année dernière. Les résultats devraient même être meilleurs que prévu. Pour autant, cette baisse est restée lente et limitée.
La prévision gouvernementale de maîtrise des déficits pour 2016 est plus ambitieuse qu’en 2015. La réalisation de cet objectif, qui est atteignable, reste encore malgré tout incertaine, pour trois raisons. Tout d’abord, les hypothèses d’inflation et de hausse de la masse salariale du secteur privé, donc les prévisions de recettes fiscales et sociales, paraissent surestimées. Les prévisions toutes récentes de la Commission européenne viennent d’ailleurs confirmer ce risque. Ensuite, le choix de sous-doter dans la programmation budgétaire initiale certaines dépenses de l’État fait peser des risques de dépassement. Des urgences intervenant en cours d’année, comme le plan pour l’emploi et la formation annoncé par le Gouvernement ces dernières semaines, sont susceptibles d’accentuer ces risques. Enfin, l’objectif retenu pour la croissance des dépenses sociales sera également difficile à tenir ; une partie des économies attendues en matière de régimes de retraite complémentaire et d’assurance chômage pourrait ne pas être au rendez-vous cette année.
La Cour se réjouit évidemment de la perspective d’un retour à des conditions économiques un peu plus favorables, mais la prudence reste de mise. En 2016, le déficit public devrait rester supérieur à trois points de PIB. La dette publique approcherait cent points de PIB. Cette situation n’autorise aucun relâchement des efforts.
La réduction des déficits publics ne peut pas seulement reposer sur une amélioration conjoncturelle des recettes ; elle doit résulter d’une action résolue sur le besoin de financement structurel de toutes les administrations publiques : État, collectivités territoriales, sécurité sociale. Et, dans ce dernier cas, nous ne pouvons pas collectivement nous satisfaire d’un déficit durable des comptes sociaux, destiné à financer uniquement de la dépense courante – mais je sais, monsieur le ministre, que vous pouvez partager ce point de vue !
Une fois de plus, la question n’est pas, pour la Cour, de tenir une position dogmatique, ni de recommander à toute force de réduire les crédits nécessaires à l’exercice de missions prioritaires. La question qui se pose est celle de l’efficacité et de l’efficience de la dépense publique, de la pertinence de crédits alloués à des missions ou à des structures dont l’utilité n’est plus démontrée. Il faut mettre en regard les moyens consacrés et les résultats effectivement obtenus, avant de décider le maintien, voire l’abondement de ces moyens. L’augmentation des dépenses ne doit pas être la principale, voire la seule réponse, à chaque fois qu’un problème est identifié, sous peine de perdre de vue l’exigence d’efficacité et d’efficience de l’action publique.
Au total, la maîtrise des déficits et de la dette publique doit être poursuivie avec vigueur. Dans le cas contraire, la France risquerait d’être à l’avenir encore plus contrainte dans l’utilisation de l’instrument budgétaire. Il y a un mois, lors de l’audience solennelle de la Cour, j’évoquais la capacité de la France à procéder à des choix souverains de politique publique, et à dégager des marges de manoeuvre pour faire face aux priorités du temps. Cette capacité reste entravée par la situation des finances publiques.
Plusieurs insertions de ce rapport annuel de 2016 illustrent parfaitement la difficulté que l’on rencontre parfois à répartir les moyens consacrés aux missions régaliennes. Tel est notamment le cas du contrôle de légalité et du contrôle budgétaire des actes des collectivités territoriales. Notre rapport démontre que, sans modernisation de l’organisation et des modes de fonctionnement, une réduction uniforme des moyens – pour ne pas utiliser une autre expression… (Sourires) – est inefficace. Plus grave encore, elle peut fragiliser, voire remettre en cause l’exercice de certaines missions pourtant essentielles.
J’en arrive au deuxième message de la Cour, fil rouge de ce rapport : l’urgence de moderniser les services publics appelle des choix déterminés et une mise en oeuvre méthodique. Cette méthode repose sur des principes de bon sens : une réforme réussie suppose une bonne anticipation des besoins, une identification correcte des investissements pertinents, une conduite rigoureuse et un accompagnement du changement selon le calendrier approprié, c’est-à-dire sans précipitation, mais sans immobilisme.
Le cas des transports ferroviaires en Île-de-France et celui de la politique de maintenance des centrales nucléaires illustrent tout à fait la nécessité, pour les pouvoirs publics, de choisir avec rigueur et de hiérarchiser les investissements à consentir dans la durée.
Par ailleurs, je suis souvent amené à évoquer la question de la pertinence des dépenses d’investissement. Contrairement à une idée reçue, elles ne sont pas vertueuses par principe. L’investissement est vertueux lorsqu’il répond à un besoin collectif, qu’il est réalisé avec le souci de l’efficacité et de l’efficience, et que les dépenses de fonctionnement qu’il entraîne sont correctement anticipées. Or le rapport public de 2016 offre de nouvelles illustrations d’investissements dont la pertinence n’est pas démontrée.
Vous l’avez compris : une mauvaise idée fait le plus souvent une mauvaise réforme ; mais une idée qui n’est pas mauvaise en soi ne fait pas nécessairement une bonne réforme !
La Cour analyse ainsi les raisons de l’échec du contrat de génération.
« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Il s’agissait a priori d’une bonne idée, mais la multiplication des objectifs poursuivis et la complexité du dispositif finalement adopté lui ont porté préjudice : les entreprises l’ont perçu comme une contrainte supplémentaire, et ne l’ont pas vraiment adopté.
La fusion entre Transdev et Veolia Transport est une autre opération mal conçue.
Son bilan est très négatif à court terme pour la Caisse des dépôts et consignations, dont le choix stratégique devra bien sûr être apprécié sur le long terme.
Les juridictions financières sont conduites, dans leurs travaux, à étudier la capacité des gestionnaires publics à mener des projets ambitieux jusqu’au bout de la logique qui sous-tend ces derniers. Le versement de la solde des militaires illustre bien les difficultés que l’on peut rencontrer pour mener une réforme à son terme, surtout lorsque cette réforme passe par la refonte d’un système d’information. Les exemples des facteurs, dont la profession est confrontée à la baisse du volume de courrier, et de l’archéologie préventive invitent quant à eux à aller plus loin dans l’effort de modernisation et d’adaptation.
Autre enseignement de nos contrôles : une réforme, une fois décidée, gagne à être menée rapidement et résolument. Faute d’un bon calendrier et d’un bon rythme, le résultat est souvent éloigné de l’objectif fixé, et plus coûteux. Lorsque des réformes ont été engagées, leur conduite suppose que le cap soit maintenu. C’est notamment le cas de la réforme des organismes payeurs des aides agricoles, caractérisée par des retards.
La réforme de l’inspection du travail montre, par défaut, l’utilité des réflexes de bon sens que je viens d’énumérer. Il est sans doute regrettable que ce service ait connu, depuis dix ans, des réformes successives, dont les finalités n’ont été que progressivement définies. Le climat de travail et les résultats en ont été affectés. La Cour recommande que sa modernisation soit menée à son terme rapidement.
Nos contrôles mettent en évidence la nécessité d’une plus grande clarté, d’une plus grande sélectivité, d’une plus grande efficacité et d’une plus grande efficience de l’action publique : c’est mon troisième et dernier message.
Pour répondre à ces attentes, les pouvoirs publics doivent envisager la suppression des structures dont l’utilité n’est plus démontrée, clarifier les orientations des politiques publiques qu’ils lancent et s’y tenir, susciter enfin un sursaut de responsabilité individuelle et collective.
Deux structures publiques font l’objet d’une analyse dans le rapport annuel de 2016, lequel conclut à la nécessité de programmer très rapidement leur extinction. La première est l’Institut français du cheval et de l’équitation, la seconde est le Fonds de solidarité, dont les missions de collecte pourraient être confiées à un réseau de recouvrement tel que celui de la direction générale des finances publiques ou l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l’ACOSS.
Plusieurs politiques publiques pâtissent par ailleurs du manque de clarté des orientations retenues ou de la difficulté à s’y tenir. Le rapport évoque les théâtres nationaux, ou encore la politique de la ville.
La Cour revient aussi sur le cas du Centre national de la fonction publique territoriale – CNFPT.
Le CNFPT fonctionne comme un établissement public sans tutelle. Vous pourriez être fondés à adapter le niveau de ses ressources en fonction de son activité et des conditions de leur emploi.
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
En ce sens, la baisse du plafond de la cotisation, que vous avez incluse dans la loi de finances pour 2016, est une incitation forte à améliorer son efficience, eu égard aux marges de manoeuvre dont il dispose.
L’esprit de réforme, que les citoyens attendent des gestionnaires publics, suppose un esprit de responsabilité individuel et collectif.
Les services et les agents publics sont tenus à l’exemplarité. Le projet de loi relatif à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires devrait accentuer davantage encore cette exigence.
Dans le même temps, deux chapitres du rapport appellent chacune et chacun d’entre nous – citoyens, contribuables, usagers des services publics – à sa responsabilité individuelle, en tant que membre de la communauté nationale : le premier traite de la lutte contre la fraude dans les transports urbains en Île-de-France,…
…très supérieure à ce que connaissent les réseaux comparables, le second de la lutte contre la fraude fiscale.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mesdames, messieurs les députés, pour conclure, ce que le rapport de la Cour met en évidence peut se résumer en trois phrases – qui ne remplacent pas, bien évidemment, la lecture des 1 300 pages qui le composent, réponses du Gouvernement et des différentes autorités concernées incluses.
Premièrement, des efforts de réforme structurelle sont encore nécessaires, si l’on souhaite que la France garde la maîtrise de ses choix souverains.
Deuxièmement, ces efforts doivent s’appuyer sur des décisions assumées et mises en oeuvre avec rigueur, voire avec vigueur.
Troisièmement, des voies de réforme sont à la portée des décideurs publics, à condition que ceux-ci fassent preuve de détermination dans la conduite du changement, accordent davantage d’attention aux résultats et visent une plus grande efficience et une plus grande clarté de l’action publique.
D’ailleurs, les ministres en conviennent eux-mêmes le plus souvent dans les réponses qu’ils nous adressent et qui figurent après chaque chapitre du rapport.
Sourires.
Ils contestent peu nos constats et nos recommandations.
Il vous appartient désormais, ainsi qu’au Gouvernement, de vous inspirer, si vous le souhaitez, de nos contributions et de reprendre nos recommandations pour conduire les réformes que vous considérez comme prioritaires.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen, sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains et sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
La parole est à M. le président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le Premier président, monsieur le rapporteur général de la Cour des comptes, madame la rapporteure générale de la commission des finances, mes chers collègues, comme le soulignent les remerciements que la commission des finances exprime par ma voix à la Cour des comptes et à son Premier président, le dépôt du rapport public de 2016 offre cette année encore l’occasion de mesurer le rôle fondamental que tient cette institution dans nos travaux sur les comptes publics, leur exécution et leur contrôle.
Sous votre autorité, monsieur le Premier président, la Cour se montre à la hauteur de la mission qui lui est assignée par la Constitution, à savoir assister le Parlement dans le contrôle de l’action du Gouvernement, plus particulièrement dans le contrôle de l’exécution des lois de finances et de l’application des lois de financement de la sécurité sociale ainsi que dans l’évaluation des politiques publiques.
L’article 47-2 de la Constitution précise en outre que « par ses rapports publics, elle contribue à l’information des citoyens ». Or, il faut s’en réjouir, le rapport annuel de la Cour soulève chaque année le même intérêt chez nos concitoyens, notamment par l’intermédiaire des médias, ce qui est une très bonne chose.
Mais ce n’est que la partie la plus visible du travail de la Cour, car tout au long de l’année, celle-ci enrichit la réflexion et les travaux de notre assemblée.
En 2015, la commission des finances vous a reçu, monsieur le Premier président, à cinq reprises ; elle a en outre reçu plusieurs présidents de chambre. Ces interventions constituent autant de temps forts de nos débats.
Je rappellerai rapidement le calendrier.
En avril, l’avis du Haut conseil des finances publiques relatif aux prévisions macroéconomiques associées au projet de programme de stabilité nous apporte un éclairage aussi indépendant que capital sur le document que le Gouvernement s’apprête à transmettre aux autorités européennes.
En mai, les rapports de la Cour sur la certification des comptes de l’État et sur les résultats et la gestion budgétaire de l’exercice précédent, incluant les notes d’exécution budgétaire très utiles à nos rapporteurs spéciaux, définissent le cadre de l’examen de la loi de règlement – à laquelle nous n’accordons peut-être pas assez de temps, chers collègues ; notre rôle dans le domaine de l’évaluation et du contrôle est pourtant fondamental.
En juin, le rapport de la Cour sur la situation et les perspectives des finances publiques apporte les éléments de référence indispensables à notre débat d’orientation des finances publiques.
En septembre enfin, la présentation de l’avis du Haut conseil relatif aux projets de loi de finances et de loi de financement de la sécurité sociale marque le début de notre trimestre d’examen des textes financiers.
Outre ces rendez-vous traditionnels, la Cour réalise un ensemble d’enquêtes pour notre compte, au titre du 2° de l’article 58 de la loi organique relative aux lois de finances – LOLF –, et elle est associée aux travaux de notre mission d’évaluation et de contrôle, la MEC.
En 2015, la Cour nous a transmis quatre enquêtes au titre de l’article 58 de la LOLF : une sur le coût du transfert d’une partie des services de l’Institut national de la statistique et des études économiques à Metz ; une sur l’évolution des contributions internationales versées par la France ; une sur le bilan des conventions et des crédits de revitalisation des territoires ; et, dernièrement, un travail d’une qualité exceptionnelle, dont il nous faudra tirer des conclusions opérationnelles, sur les dispositifs et crédits mobilisés pour les jeunes sortis sans qualification du système scolaire.
La Cour a en outre apporté son concours à deux missions d’évaluation et de contrôle, l’une sur les financements et la maîtrise de la dépense des organismes extérieurs de langue française, l’autre sur les chambres consulaires, leurs missions et leurs financements.
Enfin, la Cour a adressé l’an dernier au Parlement vingt-six rapports particuliers et dix-huit référés. Je transmets systématiquement à la rapporteure générale et aux rapporteurs spéciaux concernés ces recommandations, qui sont toujours extrêmement intéressantes et sont complétées par les réponses du Gouvernement.
Je n’oublie pas non plus les travaux du Conseil des prélèvements obligatoires. Nous sommes vraiment conduits à travailler ensemble au quotidien : nous avons ainsi adressé à la Cour des comptes plusieurs demandes d’enquête, toujours au titre du 2° de l’article 58 de la LOLF. Ces demandes portent sur différents sujets. Premièrement, la tutelle des majeurs. Deuxièmement, la prise en compte du niveau de la dépense locale dans la répartition des concours financiers de l’État aux collectivités locales.
J’ai proposé ce sujet, car lorsque l’on regarde de près les mécanismes financiers destinés aux collectivités territoriales, qu’il s’agisse de la dotation globale de fonctionnement ou des fonds de péréquation, on s’aperçoit qu’ils ont pour caractéristiques de favoriser la dépense locale.
Or à l’heure actuelle, il convient plutôt de réduire les dépenses.
Troisièmement, nous avons sollicité la Cour des comptes au sujet de la gestion des impôts locaux par la direction générale des finances publiques. Enfin, nous avons demandé des informations concernant la police technique et scientifique.
La Cour des comptes travaillera en outre à nos côtés dans le cadre de trois missions d’évaluation et de contrôle, portant sur la gestion de la dette publique – le travail a déjà commencé sur ce point –, les programmes d’investissements d’avenir visant à financer la transition écologique – nous avons évoqué cette question ce matin lors de l’audition de M. Schweitzer, commissaire général à l’investissement –, et la formation continue et la gestion des carrières dans la haute fonction publique.
J’en viens au rapport public lui-même, et serai bref sur ce point. Comme vous l’avez dit, monsieur le premier président, des développements sont consacrés à dix-sept politiques publiques ou thèmes de gestion publique. Mme la rapporteure générale et moi-même souhaitons que nos rapporteurs spéciaux se saisissent de ce travail pour déboucher sur des décisions effectives, afin de modifier, dans le sens que préconise la Cour, un certain nombre de politiques publiques.
Par ailleurs, la Cour des comptes s’attache, chaque à année, à faire le point sur le suivi de ses recommandations. Cela nous aide beaucoup ; je souhaite, là encore, que nos rapporteurs spéciaux se saisissent de ces éléments. Cette année, en particulier, vous avez consacré votre rapport à des sujets dont la commission des finances a débattu, comme les biocarburants, la réduction des ressources exceptionnelles qui financent le budget de la défense nationale, la lutte contre la fraude fiscale et la mise en extinction de Dexia.
Je rappelle à ce sujet que nous avons reçu successivement, il y a trois semaines, le président de Dexia, M. Karel De Boeck, puis M. Robert de Metz, et plus récemment, le directeur de la SFIL, la société de financement local.
Pour conclure, j’évoquerai à mon tour la partie du rapport consacrée à la situation d’ensemble de nos finances publiques – ce qui ne vous étonnera pas ! Je le ferai très rapidement, rassurez-vous.
N’ayez crainte, monsieur Dosière : je serai objectif.
Vous notez, monsieur le premier président, que la réduction du déficit en 2015, par rapport à 2014, a été « modeste » : 0,1 % du PIB – 3,9 % en 2014, 3,8 % en 2015.
Elle n’a été que modeste, alors que dans le même temps, la croissance s’est améliorée – d’autres, d’ailleurs, à cette tribune, et pas plus tard que cet après-midi, se sont targués de cet excellent résultat. Je leur rappelle, en citant le rapport, que « l’amélioration de la situation des finances publiques est modeste », et j’ajouterai qu’à vaincre sans péril, on triomphe sans gloire.
Mais il y a du péril !
Cette amélioration, identique à celle qui avait été observée en 2014, résulte de deux mouvements de sens inverse. Premièrement, un ralentissement de la hausse de la dépense publique : elle a moins augmenté que le PIB, de sorte que sa part relative a diminué. Je reconnais bien volontiers ce ralentissement, bien qu’il ait porté, pour une part non négligeable, sur les dépenses d’investissement des collectivités territoriales. Quoi qu’il en soit, c’est un premier résultat.
Deuxièmement, les recettes publiques ont baissé de 0,4 % du PIB. À ce sujet, je répète ce que j’ai dit à plusieurs reprises lors des débats budgétaires : je suis inquiet de l’évolution spontanée de nos recettes, qui est inférieure à l’évolution du PIB. Je me demande s’il n’y a pas des causes structurelles à ce phénomène, à cette stagnation de nos recettes. Je souhaite que la Cour des comptes l’analyse plus précisément, notamment en ce qui concerne l’impôt sur le revenu et l’impôt sur les sociétés.
Pour l’année 2016, la loi de finances a fixé un objectif ambitieux : il s’agit de passer à un déficit de 3,3 % du PIB, soit une baisse de 0,5 %. La Cour des comptes fait apparaître à son tour à quel point cette prévision est ambitieuse, pour ne pas dire fragile. En effet, concernant les recettes, la prévision d’évolution spontanée de l’impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux semble trop optimiste, pour les raisons que j’ai évoquées il y a un instant, et qui ont joué en 2014 et en 2015. La Cour des comptes l’évalue à 0,1 % ou 0,2 %, soit de 2 à 4 milliards d’euros. Mais puisque nous sommes toujours à la limite, c’est préoccupant. J’espère que les recettes seront au rendez-vous !
L’État est par ailleurs confronté à des contentieux – la commission des finances organisera prochainement une audition à ce sujet. Il s’agit notamment des entreprises Steria et EDF. Nous risquons d’avoir des mauvaises surprises en ce qui concerne l’impôt sur les sociétés.
La Cour des comptes exprime des craintes au sujet de l’évolution des dépenses de l’État, à cause de la récurrence des dépassements de crédits. Mais cela permet de financer les OPEX, les opérations armées extérieures : d’une certaine manière, je tiens à rassurer la Cour des comptes sur ce sujet que nous connaissons bien. Il y a cependant d’autres sujets d’inquiétude : de nombreuses dépenses qui ont été annoncées au cours du mois de janvier, au gré des promesses formulées lors des discours de voeux. Lorsque l’on additionne le coût des mesures concernant l’emploi et la sécurité, on atteint un total de plusieurs milliards d’euros.
Ces sommes ne sont pas financées, en tout cas pour ce qui touche à l’emploi : le secrétaire d’État au budget a reconnu lui-même, dans cet hémicycle, que les 2 milliards d’euros destinés à l’emploi ne sont pas, à ce jour, financés. Ils ne figurent pas, en tout état de cause, dans la loi de finances initiale, contrairement aux dépassements envisagés en matière de sécurité.
S’agissant des collectivités locales, la loi de finances prévoit que la totalité de la baisse de dotations sera répercutée sur les dépenses. Mais il est toujours possible que certaines collectivités choisissent de maintenir leur niveau de dépenses, notamment en investissements, en augmentant leur endettement. Il y a là une incertitude.
Une incertitude encore plus importante menace l’évolution des dépenses sociales, qui sont tributaires de décisions extérieures au Gouvernement, puisqu’elles relèvent des partenaires sociaux – je pense notamment à l’accord sur les retraites complémentaires, ou à la renégociation de la convention d’assurance-chômage, que nous espérons voir aboutir. La Cour des comptes note, à juste titre, que les effets de cette renégociation ne se produiront pas en 2016, mais plutôt en 2017. Or le Gouvernement estime les économies à 1,8 milliard d’euros : cela paraît très optimiste.
Il faut ajouter à cela un élément nouveau, à propos duquel nous interrogerons M. le ministre : il semble que la prime d’activité s’emballe. Cette prime résulte de la fusion de la prime pour l’emploi avec la partie « activité » du revenu de solidarité active, dite RSA-activité. Le dispositif nouveau devait respecter l’enveloppe globale des deux anciens dispositifs, à savoir 4 milliards d’euros. Or nous en sommes déjà à plus de 1,5 million de demandes, soit un taux de demande de plus de 30 %, alors que ce taux était prévu à 50 %. Il y a là une vraie incertitude.
En revanche – et j’en terminerai par là –, comme chaque année, les frais financiers nous réservent une bonne nouvelle. Si tout se passe bien, les intérêts de la dette seront inférieurs de 2 milliards d’euros à ce qui a été voté, comme en 2015. Mais il faut admettre qu’à l’instar du chômage, la dette publique continuera de progresser en 2016. Elle atteindra ainsi 96,5 % du PIB. Je rappelle inlassablement, à cet égard, que notre besoin de financement est devenu l’un des plus importants – si ce n’est le plus important – de la zone euro : il s’élèvera en 2016 à 200 milliards, dont près de 190 milliards d’euros en émission de dette à moyen et long terme.
C’est dire à quel point nos finances publiques sont vulnérables à une augmentation des taux d’intérêt. Heureusement, cette augmentation ne semble pas se dessiner, mais elle est inéluctable. Monsieur le ministre, monsieur le Premier président, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, ce n’est pas parce que nos finances publiques sont sous anesthésie générale que nous devrions perdre notre lucidité quant à leur situation réelle.
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
La parole est à Mme Valérie Rabault, rapporteure générale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le Premier président de la Cour des comptes, monsieur le rapporteur général de la Cour des comptes, monsieur le président de la commission des finances, mes chers collègues, je salue à mon tour le rapport public annuel de la Cour des comptes, dont les observations sont toujours riches d’enseignements.
Ces observations, ainsi que les recommandations et les critiques qu’il contient, participent de la mission constitutionnelle, confiée à la Cour des comptes, d’assister le Parlement dans le contrôle de l’action du Gouvernement. Elles sont essentielles pour évaluer la pertinence des politiques publiques que nous votons, et qui sont menées par le Gouvernement. Elles sont d’autant plus cruciales que le rôle de contrôle du Parlement est souvent relégué au second plan, ce que je regrette.
Les observations de ce rapport sont, pour certaines, des critiques ; parmi celles-ci, certaines sont sans appel – je pense notamment au contrat de génération, qui fait l’objet d’un long développement. Ces contrats ont été conçus pour encourager simultanément le recrutement de jeunes de moins de 26 ans, l’embauche ou le maintien dans l’emploi de seniors, et la transmission des compétences entre ces deux catégories de salariés.
Monsieur le Premier président, vous indiquez qu’à la fin du mois de juillet 2015, seuls 40 000 contrats assortis d’une aide ont été signés. L’on espérait, à cette date, que plus de contrats eussent été signés, afin de parvenir à un total de 500 000. Je crois que nous devrons examiner pourquoi cette montée en charge est moins importante qu’espéré. D’ores et déjà, vous avancez une explication : cet unique instrument a été construit pour atteindre plusieurs objectifs à la fois. Cela montre bien à quel point les politiques publiques sont difficiles, notamment à calibrer. La commission aura l’occasion d’en débattre à nouveau.
Vous dénoncez également l’ « échec collectif » de la lutte contre la fraude dans les transports urbains d’Île-de-France : là encore, monsieur le président de la commission des finances, il faudra que notre commission se penche à nouveau, et attentivement, sur cette question.
Enfin, vous proposez de supprimer le Fonds de solidarité et l’Institut français du cheval et de l’équitation, pour réorganiser différemment leurs missions. Bien entendu, monsieur le Premier président, nous étudierons dans le détail l’ensemble des propositions que vous formulez, et sur lesquels le jugement de la Cour est sans ambigüité.
J’aborde à présent d’autres politiques abordées dans ce rapport. Grâce aux différentes couleurs dont elles sont revêtues, on s’y retrouve : tout ce qui est vert ou orange fonctionne à peu près bien, et la petite partie marquée de rouge fonctionne un peu moins bien.
Il y a moins de rouge que de vert et d’orange : il faut bien le dire !
C’est sur les politiques marquées de rouge que la Cour des comptes lance l’alerte, pour reprendre la terminologie qu’elle emploie.
J’aborderai à présent huit points, coloriés de vert et d’orange, qui sont détaillés dans ce rapport.
Tout d’abord, je ferai quelques observations à propos de la situation générale de nos finances, sur laquelle M. le président de la commission des finances est revenu. Vous considérez, monsieur le Premier président, que la prévision de déficit public, fixée à 3,8 % du PIB, est prudente. Cela laisse espérer que le résultat définitif sera encore meilleur : cela, nous le verrons d’ici quelques mois.
Vos observations corroborent les résultats provisoires de l’exécution du budget de l’État communiqué par le Gouvernement. Ces résultats provisoires font apparaître un déficit budgétaire de 70,5 milliards d’euros pour l’année 2015, soit une amélioration de 3,9 milliards d’euros par rapport à la loi de finances initiale.
Vous estimez que cette réduction du déficit – le président de la commission des finances vous a également cité sur ce point – sera « modeste » ; elle sera cependant réalisée, je veux le rappeler, en dépit de la montée en puissance très sensible du pacte de responsabilité – notamment du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE –, les aides allouées aux entreprises ayant progressé, en 2015, de 14 milliards d’euros, pour atteindre au total 24 milliards, soit 1,1 % du PIB.
Par conséquent, la réduction du déficit est essentiellement imputable à un effort sans précédent sur les dépenses publiques. C’est en tout cas ce qu’illustre le graphe présenté page 25 du tome I de votre rapport, que je vous invite toutes et tous, mes chers collègues, à lire : on découvre que 2015 fut une année atypique dans l’histoire de nos finances publiques, puisque, pour la première fois, la réduction du déficit nominal tient d’abord à celle des dépenses et non à l’augmentation des recettes, comme c’était le cas – le même graphe le montre – depuis 2010.
Je tiens donc à saluer l’effort consenti en 2015.
Autre point de satisfaction : la mise en oeuvre des recommandations de la Cour, à hauteur de 70 % selon l’indicateur suivi en ce domaine, en progression de 7 % depuis deux ans – puisque, sur le tableau présenté, le point de départ du curseur est l’année 2013.
Toujours parmi les points de satisfaction, vous citez l’exemple des éco-organismes qui ont contribué à l’augmentation des taux de collecte et de recyclage des déchets ménagers en France depuis une vingtaine d’années.
Quatrième point : vous constatez, dans un chapitre important du rapport, les progrès réalisés en matière de réduction des ressources exceptionnelles dans le financement de la défense nationale. Vous relevez ainsi, je cite, que « le Conseil de défense du 29 avril 2015 a interrompu cette dérive » – celle qui consistait, donc, à financer le budget de la défense via des ressources exceptionnelles –, et vous indiquez, en conclusion : « La Cour prend acte avec satisfaction de cette décision ».
Ainsi, l’actualisation de la programmation militaire du 29 juillet 2015 a permis d’inscrire 5,2 milliards d’euros de crédits budgétaires en lieu et place de ressources exceptionnelles dont on connaît le caractère parfois aléatoire. C’est là un signal fort donné à l’ensemble de nos armées.
Cinquièmement, parmi les sujets dont l’actualisation reste variable selon les territoires, il y a la mise en oeuvre des missions régaliennes de l’État, en particulier le contrôle de légalité par les préfets. À cet égard, mes chers collègues, je ne saurai trop vous inviter à consulter la carte publiée par la Cour page 337 du premier tome de son rapport, car elle est très parlante. On y découvre en effet que, dans certains départements, moins de 20 % des décisions des collectivités locales voient leur conformité à la loi contrôlée. Je le répète, j’invite l’ensemble des collègues à examiner cette carte pour prendre connaissance de la situation de leurs départements respectifs : dans certains d’entre eux, le contrôle de légalité dépasse les 50 % et atteint même parfois 100 % ; dans d’autres, il avoisine seulement 15 à 20 %. Or vous insistez avec raison, monsieur le Premier président, sur la nécessité de ce contrôle, notamment lorsqu’il porte sur des décisions ayant un impact budgétaire sensible.
Sixième point : vous insistez aussi sur la nécessité de confirmer les progrès réalisés en matière de lutte contre la fraude fiscale, tout en notant une amélioration incontestable des contrôles – cela fait aussi l’objet d’un chapitre.
Septième point : la lutte contre le tabagisme, combat dans lequel nous sommes très nombreux, sur ces bancs, à nous mobiliser. Plusieurs dispositions ont été prises récemment, sur lesquelles je ne reviens pas ; mais votre rapport pointe avec justesse l’abandon, en 2015, de l’augmentation du prix des cigarettes. Je suis personnellement ravie de cette observation, car cet abandon résulte d’un amendement voté – contre mon avis : cela arrive – dans la loi de finances rectificative pour 2014. Cet abandon, vous l’indiquez page 344 du tome II du rapport, a fait perdre à la Sécurité sociale entre 170 et 200 millions d’euros.
Sans établir une corrélation directe entre les deux, vous évoquez, page 338, « une baisse des ventes stoppée en 2015 ». Encore une fois, la corrélation n’est pas explicite, mais vous pointez la coïncidence des deux phénomènes, ce dont je vous remercie : de fait, la hausse automatique des taxes sur les paquets de cigarettes s’est interrompue en 2015, ce que je déplore. Peut-être notre commission, d’ailleurs, aura-t-elle l’occasion de remettre le sujet sur la table en s’appuyant sur votre rapport.
Dernier point : la gestion extinctive de Dexia, au sujet de laquelle je partage les inquiétudes exprimées dans votre rapport. « Le contexte », écrivez-vous, « est peu favorable au retour rapide à l’équilibre des comptes » ; et vous ajoutez : « SFIL et Dexia Crédit Local n’ont pas su conduire une politique de désensibilisation cohérente. »
La phrase est peut-être un peu dure, mais elle reflète, au fond, l’impression que nous avons eue lors des deux auditions récentes évoquées par le président de la commission. Ces auditions, en effet, n’ont pas permis de lever nos craintes quant à la question de savoir si l’État retrouvera le capital investi. Deuxième question : des pertes sont-elles envisageables et, dans l’affirmative, affecteront-elles la totalité du capital investi ? Nous n’avons pas eu de réponse à ces questions, notamment sur le scénario qui pourrait entraîner de telles pertes et affecter la totalité du capital investi par l’État. Quelle est enfin la probabilité que les garanties apportées, pour un peu plus de 37 milliards d’euros, soient appelées un jour, ce qui affecterait bien entendu les finances publiques ?
Je termine par une question. Page 32 du tome II de votre rapport, monsieur le Premier président, figure un tableau qui synthétise l’activité du juge des comptes ; et ce tableau révèle un certain nombre de variations, en 2015, par rapport aux années précédentes, de 2012 à 2014. Je me permettrai donc de vous interroger sur les causes de cette évolution un peu particulière.
Permettez-moi en tout cas de vous renouveler mes remerciements pour ce travail indispensable, d’une très grande qualité et très utile à notre assemblée.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le Premier président, l’Assemblée nationale vous donne acte du dépôt du rapport annuel de la Cour des comptes.
La séance, suspendue à dix-sept heures quarante, est reprise à dix-sept heures quarante-cinq, sous la présidence de Mme Sandrine Mazetier.
L’ordre du jour appelle la discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, de la proposition de loi d’expérimentation territoriale visant à résorber le chômage de longue durée (no 3466).
La parole est à M. Laurent Grandguillaume, rapporteur de la commission mixte paritaire.
Madame la présidente, la ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, nous voici au terme d’un travail législatif intense, la présente proposition de loi ayant été déposée en juillet 2015, examinée en novembre et décembre à l’Assemblée, puis en janvier au Sénat.
Ce texte est avant tout le fruit d’un travail mené depuis plusieurs années avec les acteurs de la société civile qui luttent au quotidien pour la dignité humaine et contre l’exclusion, au premier rang desquels les associations. C’est au nom d’ATD Quart Monde que M. Patrick Valentin m’a, le premier, soumis l’idée des « territoires zéro chômage de longue durée », qui consistent à expérimenter, au niveau local, la création d’emplois accessibles aux chômeurs de longue durée et mis en oeuvre grâce à des financements innovants.
J’ai également travaillé avec Emmaüs France, le Secours catholique, la Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale – la FNARS –, le Pacte civique, Bleu Blanc Zèbre, ainsi qu’avec bien d’autres acteurs. Je tiens également à saluer Michel de Virville, qui a accompagné cette initiative.
Ce texte apparaît donc, à plusieurs égards, symbolique de notre capacité à dépasser les clivages politiques traditionnels. Il prévoit une expérimentation législative rendue possible par la révision constitutionnelle de 2003, votée sous la présidence de Jacques Chirac.
La proposition de loi qui en est à l’origine a été soumise pour avis au Conseil d’État, ce qui est possible depuis la révision constitutionnelle de 2008 votée, elle, sous la présidence de Nicolas Sarkozy. Elle a également donné lieu à un avis favorable et argumenté du Conseil économique, social et environnemental, que celui-ci a adopté.
Ce texte fait, enfin, écho à d’autres défendus par le Gouvernement et par l’actuel Président de la République, M. François Hollande. Je pense notamment aux lois du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire et du 13 avril 2015 visant à la prise en compte des nouveaux indicateurs de richesse dans la définition des politiques publiques, dont notre collègue Eva Sas est à l’origine.
Il faut savoir mentionner et reconnaître lorsque des actions portées par d’autres, avec lesquels nous ne nous sommes pas toujours d’accord, vont dans le bon sens et permettent à la République d’avancer et de progresser.
J’espère également que cette proposition de loi marque un commencement : celui du renouvellement des instruments de la lutte contre le chômage et contre l’exclusion à partir des territoires où sont proposées des solutions innovantes. Nous croyons que nous n’avons pas tout essayé contre le chômage, qu’il est possible d’innover dans nos départements comme dans nos territoires et de mobiliser les énergies pour créer des activités qui remplissent une utilité sociale tout en répondant à des besoins non satisfaits à ce jour.
Alors que le chômage de longue durée touche près d’un chômeur sur deux, et que, nous le savons, l’éloignement du travail accroît la difficulté à retrouver un emploi, cette proposition de loi a pour objectif de promouvoir une nouvelle philosophie en matière de politique de l’emploi. Elle complète, bien évidemment, tous les processus et dispositifs mis en place par le Gouvernement.
En effet, cette expérimentation repose sur le postulat que si les emplois manquent, le travail, lui, ne manque pas. Cette proposition de loi vise à proposer aux chômeurs de longue durée volontaires un contrat à durée indéterminée dans une entreprise – existante ou à créer – ayant des activités pérennes qui répondent à des besoins sociaux locaux non satisfaits, avec pour objectif de les rendre solvables.
Il s’agit en effet bien de créer, à travers une activité économique, des emplois durables qui n’existent pas encore aujourd’hui au sein de ces territoires, en nous appuyant sur la force créatrice des acteurs locaux : collectivités, entrepreneurs, acteurs de l’économie sociale et solidaire, syndicats, organisations professionnelles et associations.
Dans le cadre de cette expérimentation, le texte prévoit de sélectionner, par arrêté du ministre chargé de l’emploi, et sur proposition du Fonds d’expérimentation territoriale contre le chômage de longue durée, dix territoires volontaires. Je sais que beaucoup se sont portés candidats.
Sur chacun de ces territoires, et pendant cinq ans, les entreprises du secteur de l’économie sociale et solidaire qui recruteront des chômeurs de longue durée bénéficieront, sur chaque poste, d’un financement innovant, puisqu’il s’agira de leur allouer, totalement ou partiellement, les sommes correspondant aux économies réalisées sur les dépenses d’indemnisation mais également sur les recettes générées et, surtout, sur les coûts évités. Il faut en effet raisonner, pour les finances publiques, en termes de coûts évités.
Madame la ministre, vous vous êtes engagée à ce que l’État participe au financement de l’amorçage du dispositif : je vous remercie sincèrement de votre investissement en faveur de cette proposition de loi et de cette belle idée.
Cette dynamique a également vocation à provoquer des externalités positives comme une baisse des dépenses de santé et une réduction des problèmes sociaux. Le financement innovant doit donc mobiliser tous ceux qui participent aux dépenses actuelles, mais aussi tous les acteurs de terrain : services publics, acteurs de l’insertion, partenaires sociaux et acteurs économiques.
L’expérimentation sera pilotée, au niveau national, par un Fonds d’expérimentation territoriale contre le chômage de longue durée, chargé, dans un second temps, de déterminer quelles économies elle aura permis de réaliser dans chaque budget concerné.
Le Sénat a consenti à examiner la proposition de loi dans des délais très courts, et il faut saluer le travail de sa rapporteure, Mme Anne Emery-Dumas, qui a contribué à expliquer sa philosophie et à apaiser certaines craintes de nos collègues sénateurs. De fait, le texte a été très largement approuvé par le Sénat.
La commission mixte paritaire a, bien évidemment, adopté à l’unanimité les dispositions restant en discussion entre les deux chambres, en y apportant quelques modifications. Je pense notamment au financement dégressif visant à inciter les acteurs à créer des richesses et à s’inscrire durablement dans une logique de développement de l’entreprise.
Par son unanimité, cette commission mixte paritaire a marqué, en définitive, l’accord intervenu entre le Sénat et l’Assemblée nationale sur un texte d’équilibre qui n’a pas remis en cause ni les objectifs initiaux et ni l’expérimentation prévue.
Je note également que nous avons contribué, après de longs débats, à modifier le titre même de cette proposition de loi : elle vise donc bien à « résorber le chômage de longue durée », et non plus à y mettre totalement fin. Il s’agissait en effet d’une belle ambition, mais il ne faut pas porter des espoirs qui ne pourraient être réalisés.
Cette proposition de loi s’inscrit, en définitive, dans l’esprit du préambule de la Constitution de 1946, et si nous avons aujourd’hui débattu de modifications à apporter à la Constitution, il faut, comme le disait Léon Blum, « garantir les conditions d’existence pour assurer la liberté aux femmes et aux hommes ». Or garantir des conditions d’existence, c’est permettre l’accès à un emploi, à un logement et à un savoir.
Je me suis récemment posé la question suivante : existe-t-il un antonyme du mot clivage ? Il n’en existe pas beaucoup. Et pourtant, ne peut-on pas trouver un tel antonyme dans les mots d’utopie réaliste ? Une utopie que nous porterions ensemble, quels que soient nos groupes politiques, pour lutter contre ce fléau qu’est le chômage.
De bonnes idées existent dans chacun de ces groupes, et, si nous pouvons nous opposer, parfois frontalement, sur certains sujets, il est des moments où il faut savoir se rassembler sur des idées concrètes. Existe-t-il meilleur moyen de le faire que dans les territoires, là où les élus locaux peuvent construire ensemble des solutions, comme ils le font concrètement au sein des intercommunalités ?
Cette utopie réaliste permet de dépasser les clivages : je crois qu’elle va, justement, dans le bon sens. La société civile, qui a contribué à élaborer cette proposition de loi, oeuvrera demain, j’espère, après le vote de l’assemblée, dans la même direction afin de suivre cette expérimentation au plus près et d’assurer, dans les conditions qui ont été fixées et sans ignorer les questions qui ont parfois été soulevées, sa réussite.
Nous devrons donc être attentifs, grâce l’investissement de tous, à ce que toutes conditions de cette réussite soient réunies. Quoi qu’il en soit, je remercie toutes celles et tous ceux qui ont participé à nos débats, notamment au travers des amendements qu’ils ont déposés, en vue d’enrichir cette belle idée et à la transformer demain, grâce à notre action, en réussite.
Il nous appartiendra de prouver, par notre action, qu’elle peut se réaliser concrètement dans nos territoires et qu’elle pourra, demain, être généralisée. Mes chers collègues, je vous remercie pour votre investissement et pour votre attention. Madame la ministre, je vous remercie de votre soutien.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur quelques bancs du du groupe écologiste, du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
La parole est à Mme la ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
Madame la présidente, madame la présidente de la commission des affaires sociales, chère Catherine Lemorton, monsieur le rapporteur, cher Laurent Grandguillaume, mesdames et messieurs les députés, permettez-moi tout d’abord de remercier votre rapporteur, pour cette proposition de loi qui a su, au-delà des clivages traditionnels, rassembler largement l’ensemble cet hémicycle.
Je me félicite que le travail entre le Gouvernement et les parlementaires ait porté ses fruits, et que nous ayons pu avancer ensemble sur un sujet qui ne doit pas nous diviser.
Je l’ai déjà rappelé devant vous : un objectif nous réunit toutes et tous, ici, quelles que soient nos sensibilités : l’emploi, et notamment l’emploi de celles et ceux qui en sont les plus éloignés. Nous savons en effet que le chômage de longue durée constitue un fléau et qu’il touche principalement les demandeurs d’emploi pas ou peu qualifiés.
Je sais que nous partageons cette ambition : redonner du travail à chacun ; redonner de la dignité à tous – et avant tout à ceux et celles qui désespèrent, qui doutent, qui hésitent et qui parfois, découragés, renoncent à chercher un emploi. Je rappelle – nous l’avions tous relevé lors de la première lecture – que derrière les chiffres du chômage, que l’on commente souvent ici, se cache le visage de ces hommes et de ces femmes qui ont peur pour leur avenir comme pour celui de leurs enfants et de leurs proches.
Nous portons donc une grande responsabilité. Nous devons renoncer aux postures et aux caricatures ; nous le devons, justement, à ces hommes et à ces femmes.
Nous sommes là pour trouver des solutions : c’est d’ailleurs la raison de la mobilisation engagée le 18 janvier par le Président de la République. Nous devons mieux préparer, mieux accompagner et mieux former les demandeurs d’emplois.
Dans le même temps, nous devons aussi mieux accompagner les entreprises, notamment les TPE et les PME, afin qu’elles retrouvent confiance dans leur capacité à investir et à créer de l’emploi.
Tel est le sens du plan annoncé par le Président de la République : les 500 000 formations supplémentaires permettront de porter à un million le nombre de chômeurs bénéficiant d’une formation au cours des douze prochains mois.
C’est également le sens de l’aide « Embauche PME » qui a rencontré, en quelques semaines seulement, un écho très favorable sur le terrain. J’ai entendu certaines voix s’élever pour dénoncer un plan qui favoriserait l’assistanat. Je m’inscris véritablement en faux contre de tels propos : non, il ne s’agit pas d’assistanat. J’insiste sur ce point : c’est un faux débat, et il faut arrêter de stigmatiser, d’accuser et de vouloir diviser les Français.
Vivre avec les minimas sociaux ou avec le chômage ne peut pas être considéré comme de l’assistanat. Dire cela, c’est ne pas avoir conscience des réalités vécues par ces hommes et par ces femmes dans la précarité ou dans le chômage de longue durée.
Tout le monde veut pouvoir se sentir utile, pour soi d’abord, mais aussi pour les autres et pour la société. Je crois à l’émancipation individuelle et à l’épanouissement par le travail, car ce dernier est avant tout un droit. C’est pour cette raison que notre objectif à tous est bien de ramener l’ensemble des demandeurs d’emploi vers le monde de l’entreprise.
Nous ne devons exclure aucune piste, qu’il s’agisse du plan de 500 000 formations, de l’aide aux TPE et aux PME, de la proposition de loi d’expérimentation territoriale visant à résorber le chômage de longue durée, du pacte de responsabilité et de solidarité ou, enfin, des contrats aidés.
Le débat que nous avons eu autour de la proposition de loi de Laurent Grandguillaume a été particulièrement riche, et, à bien des égards, novateur, tant sur la forme que sur le fond.
Aussi, je veux saluer ici la qualité du travail parlementaire, qui a largement permis d’améliorer le texte d’origine, et remercier l’ensemble des députés présents ce soir pour leur mobilisation et, également, pour leurs échanges constructifs, notamment dans le cadre de la commission mixte paritaire.
Comme exemples des améliorations ainsi apportées, je citerai l’accompagnement des demandeurs d’emploi chaque fois que le besoin en est identifié, la prise en compte de la situation de l’entreprise dans l’ajustement du montant de la subvention accordée par le Fonds, et l’évaluation de l’expérimentation, qui en sera indépendante et distincte.
L’objectif de cette proposition de loi pouvait apparaître ambitieux. C’est ATD Quart-Monde qui en est à l’origine : je tiens à nouveau à saluer devant vous l’action de cette association et l’intuition dont elle a fait preuve, de même que je salue le travail accompli par toutes les associations qui prennent cette problématique à bras-le-corps, souvent dans la proximité, c’est-à-dire au plus près des réalités locales, et avec beaucoup de persévérance. Ces initiatives associatives complètent l’action du service public de la formation et de l’emploi.
J’aimerais revenir un instant sur la philosophie du texte : il part du principe que tous les chômeurs ont des compétences et qu’elles doivent être enrichies et valorisées. Et il convient de rendre utiles à la société l’ensemble de ces compétences, parce que, dans notre pays, certains besoins sociaux ne sont pas satisfaits : je pense notamment aux services à la personne.
La transformation de notre économie et, plus largement, de notre société – avec notamment le développement de ce qu’on appelle le quatrième âge –, est une occasion unique de faire émerger des activités nouvelles, génératrices de richesses, de compétitivité mais aussi d’emplois pour notre pays.
C’est bien un modèle économique et social d’un nouveau genre qui est proposé à travers cette proposition de loi : nous innovons. Et nous n’en sommes qu’au début, car les étapes qui suivront nos débats seront, bien entendu, déterminantes.
Il nous faut désormais mettre en place le Fonds d’expérimentation territoriale contre le chômage de longue durée. Comme je m’y étais engagée, la participation de l’État viendra compléter celle des autres partenaires, qu’il s’agisse des collectivités ou des organismes privés et publics. Nous devrons pour cela nouer des partenariats locaux efficaces. Il nous faudra également identifier ensemble les critères de participation à l’expérimentation.
J’ai reçu de très nombreuses demandes et je sais que vous avez, vous aussi, été extrêmement sollicités par certaines collectivités qui souhaitent bénéficier de cette expérimentation. Je serai très attentive, comme je vous l’ai déjà dit, au choix des territoires qui seront retenus, car je souhaite que tous les types de territoires puissent se porter candidats – je pense bien sûr aux territoires de la politique de la ville et aux zones de revitalisation rurales.
Vous le savez, j’aurai évidemment besoin de votre mobilisation à toutes et à tous. J’aurai besoin de votre soutien pour franchir ces prochaines étapes, comme nous avons travaillé, dans la bonne entente, au cours des premières.
Nous avons une occasion unique d’engager, dès le 1er juillet 2016, une expérimentation originale, innovante, ambitieuse, dans une dynamique territoriale qui tient compte des particularités locales. J’y insiste : nous ne devons exclure personne du monde du travail. C’est notre cap, c’est notre devoir. Nous le devons aux Françaises et aux Français. Seule une mobilisation collective pourra nous permettre de réussir cette expérimentation et peut-être, à moyen terme, d’en généraliser le principe à l’échelle de notre pays.
Applaudissements sur tous les bancs.
La parole est à Mme Michèle Bonneton, première oratrice inscrite dans la discussion générale.
Madame la présidente, madame la ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur de la commission mixte paritaire, chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui a le mérite d’apporter un regard différent sur la question du chômage. En effet, le débat sur le chômage se résume trop souvent à quelques principes libéraux – compétitivité des entreprises ou prétendue rigidité du code du travail – et il se termine souvent par un : « On a tout essayé ». Or, avec la succession des crises, les périodes d’amélioration ou de croissance n’ont pas permis de faire diminuer le chômage dans des proportions acceptables et d’arriver au plein-emploi.
Eh bien, non, même si cela fait des décennies que le chômage de masse est endémique dans notre pays, nous ne devons pas baisser les bras et être fatalistes. La France est, plus que d’autres pays, touchée par le chômage de longue durée, notamment pour des raisons structurelles qui lui sont propres : une démographie dynamique, d’une part, une croissance et des investissements qui ne sont pas créateurs d’emplois, d’autre part.
Le chômage de longue durée – supérieure à douze mois – touche 2,4 millions de personnes aujourd’hui, contre 1 million il y a sept ans. Il s’agit donc d’un enjeu capital. Le chômage de longue durée est un facteur de désocialisation, non seulement pour ceux qui sont directement touchés, mais aussi pour leur famille et leurs enfants. Il s’agit d’une sorte de cycle infernal, dans lequel des familles sont plongées, et duquel il est extrêmement difficile de sortir. La perte de dignité et le traumatisme qui l’accompagne constituent un immense gâchis pour les personnes concernées, mais aussi pour le pays. Il peut arriver que certaines personnes ne soient plus capables, après cela, d’exercer un travail.
Pour pallier cette situation, la qualité de l’accompagnement est déterminante. Il sera donc indispensable que la mise en oeuvre de cette loi bénéficie de moyens matériels et humains suffisants. La privation durable d’emploi a un coût économique très important, qui pèse à la fois sur les ménages, sur l’État et sur les caisses sociales. De même, nous savons que le chômage, plus encore lorsqu’il est de longue durée, a un impact certain sur la santé des personnes. Cette situation peut être un ferment propice aux idées extrêmes d’intolérance et de stigmatisation, aux solutions simplistes, qui seraient catastrophiques pour notre pays. C’est le constat que font les associations qui se consacrent à la lutte contre les difficultés sociales, et particulièrement ATD Quart Monde : elles ont largement inspiré le texte dont nous discutons.
La présente proposition de loi prévoit de partir du concret, de la base, c’est-à-dire des territoires, où les associations rencontrent concrètement les personnes. Le dispositif proposé est simple : il suffit de réunir toutes les allocations et dépenses de l’État, des collectivités et de Pôle emploi à destination des chômeurs de longue durée involontairement privés d’emploi, dans un fonds unique. Ce fonds utilisera ces crédits pour créer des contrats à durée indéterminée à destination de ces personnes, au sein de structures de l’économie sociale et solidaire conventionnées, afin de répondre à des besoins locaux préalablement identifiés.
Le premier avantage de ce texte, c’est qu’il part des territoires, de leur potentiel et des ressources humaines qu’ils détiennent. Le meilleur moyen de lutter contre le chômage, c’est d’évaluer les ressources humaines et le potentiel des territoires, au plus près de la réalité. Le choix de s’en remettre à l’échelon local est à mon sens le meilleur, car c’est celui des besoins locaux et de la vie quotidienne.
Le choix de favoriser la création de CDI est lui aussi pertinent. En effet, les nombreux dispositifs existants conduisent trop souvent à des emplois limités dans le temps. Et il peut ainsi arriver qu’une personne ayant bénéficié d’une formation ou d’un emploi aidé se retrouve de nouveau sans emploi, après un temps d’activité. C’est donc une grande nouveauté et un net progrès que de proposer la création d’emplois aidés en CDI.
Cette proposition de loi présente aussi l’avantage d’agir, en ne se contentant pas de limiter les conséquences du chômage de longue durée. Nous ne sommes plus dans une approche passive. De plus, chaque euro d’argent public dépensé sera bien mobilisé en vue de la création d’un emploi réel, à la différence de certaines aides indifférenciées, comme le crédit d’impôt compétitivité emploi, dont il est impossible d’évaluer s’il crée des emplois, et dans quelles proportions.
Comme cette loi prévoit une expérimentation, il faudra aussi faire le choix des territoires qui seront retenus, et vous nous avez dit, madame la ministre, que les candidats sont nombreux.
Un certain nombre de questions se posent encore, qu’il convient de régler, si l’on veut que cette loi s’applique dans les meilleures conditions. Il ne faudrait pas, par exemple, que les emplois créés soient des sous-emplois, payés au SMIC, sans possibilité d’évolution. La formation sera un élément essentiel de la réussite du dispositif. En effet, le chômage de longue durée est souvent lié à un manque de qualification, ou à une qualification qui ne correspond pas aux besoins. Un effort particulier devra être fait dans ce sens : il faudra veiller à limiter les effets d’aubaines, qui ne manqueront pas d’apparaître, et faire en sorte notamment que les emplois créés ne remplacent pas simplement des emplois qui auraient pu être créés par les moyens classiques.
Je tiens aussi à faire quelques remarques au sujet de l’évaluation de cette expérimentation. On ne peut pas se limiter à en faire une évaluation classique, qui nous limiterait au seul résultat comptable. Étant donné que nos économies ne peuvent plus compter sur la croissance pour créer de l’emploi, il faut être capable, à la fois de créer des emplois sans croissance, et d’évaluer la réussite des politiques publiques selon d’autres critères que ceux habituellement retenus en matière économique et sociale. Il conviendrait donc que notre évaluation se fonde sur les nouveaux indicateurs de richesse qui ont été définis dans la loi no 2015-411 du 13 avril 2015, votée à l’initiative de notre collègue Eva Sas, au nom du groupe écologiste de l’Assemblée nationale.
Enfin, l’introduction au Sénat de la notion de dégressivité – certes facultative – des aides apportées aux entreprises, nous apparaît positive. Cela permettra d’éviter une rupture financière brutale, qui pourrait mettre les porteurs de l’activité en difficulté.
En conclusion, les écologistes soutiennent résolument cette proposition de loi novatrice et bénéfique pour la collectivité. Redonner une chance de travailler aux exclus, dynamiser des territoires, répondre à des besoins sociaux et réduire le coût de la précarité pour la collectivité : les objectifs et la méthode de cette proposition de loi sont louables, et même exemplaires. Voilà pourquoi nous la voterons. Et nous faisons le pari de sa réussite pour une généralisation rapide des mesures proposées.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, nous voici à nouveau réunis en séance, afin de nous prononcer sur le texte issu de la commission mixte paritaire, relatif à la proposition de loi d’expérimentation territoriale visant à résorber le chômage de longue durée.
Nous arrivons donc au terme d’un parcours législatif rapide, puisque, la procédure accélérée ayant été appliquée, c’est après une seule lecture dans les deux chambres du Parlement que nous étudions ce texte, qui a reçu un écho positif, tant sur nos bancs qu’au Sénat.
Cette proposition de loi, parfait prolongement de la loi du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire, autorise des entreprises relevant de celle-ci, conventionnées par un fonds national spécifique, à embaucher, en contrat à durée indéterminée, des demandeurs d’emploi de longue durée, rémunérés au moins au SMIC, pour réaliser des activités pérennes répondant à des besoins sociaux locaux non satisfaits, avec pour objectif de les rendre solvables, grâce à une réallocation, totale ou partielle, des dépenses publiques d’indemnisation ou de solidarité dont auraient bénéficié les personnes ainsi recrutées.
Cette expérimentation doit être mise en oeuvre avec le concours financier de l’État, des collectivités territoriales et des organismes publics volontaires susceptibles de tirer un bénéfice financier de ces recrutements, avec pour objectif que ce bénéfice soit supérieur au coût du dispositif. À ce titre, je pense que cette proposition de loi a le mérite de ne pas voir trop grand, ni trop vite, et de laisser un temps d’expérimentation pour une durée de cinq ans, sur quelques territoires seulement, c’est-à-dire dans un nombre limité de collectivités territoriales désireuses de se soumettre à l’expérience.
La volonté de permettre à des demandeurs d’emploi d’être recrutés dans le cadre de contrats à durée indéterminée par des entreprises de l’économie sociale et solidaire pour exercer des activités complémentaires de celles qu’offre le secteur marchand doit être louée et saluée. En effet, le parti radical de gauche a toujours été un partisan de l’économie sociale et solidaire, et si cette dernière peut participer à l’affaissement des chiffres du chômage, cela nous semble plus qu’utile et bienvenu.
Après les travaux du Sénat, sept articles restent en discussion, puisque l’article 7 ter a été voté conforme par le Sénat, et que les articles 6 et 8 ont fait l’objet d’une suppression conforme. Les modifications apportées par la commission mixte paritaire ont introduit, à l’article 1er, des clarifications sur l’entrée en vigueur du texte, ainsi que des dispositifs permettant de rendre publique l’évaluation des principales mesures contenues dans ce texte, et d’en débattre.
Je salue les nouvelles dispositions contenues dans l’article 2, notamment celles qui concernent l’élargissement des publics bénéficiaires. En effet, cet article permet aux entreprises de l’économie sociale et solidaire qui participeront au dispositif de recruter d’autres personnes que les bénéficiaires prévus par cet article avant le passage du texte au Sénat.
En outre, nous ne pouvons que nous satisfaire des dispositions introduites par la CMP, en vertu desquelles les demandeurs d’emploi pouvant bénéficier du dispositif sont ceux qui sont au chômage depuis plus d’un an du fait d’un licenciement, mais aussi ceux dont le contrat de travail à durée déterminée ou temporaire a pris fin ou qui sont sortis d’un autre dispositif. En effet, ces mesures nous semblent tenir compte de l’instabilité qui caractérise l’emploi et des événements qui peuvent mener au chômage. Prendre en compte le plus d’individus et le plus de cas possibles ne peut qu’être louable.
L’article 3 précise les choses, en attribuant dans la loi la gestion du fonds d’expérimentation territoriale contre le chômage de longue durée à une association loi de 1901, et en détaillant la composition du conseil d’administration, qui réunira des élus et représentants de l’État et des représentants des corps intermédiaires. L’article définit également le mode de désignation du représentant des missions locales au sein du conseil d’administration du fonds.
Notre groupe avait soulevé cette question lors de la première lecture, et nous sommes satisfaits que les dispositions contenues dans l’article 4 concernant le conventionnement des entreprises de l’économie sociale et solidaire par le fonds d’expérimentation territoriale contre le chômage de longue durée prennent en compte la question de la dégressivité de l’aide en fonction des résultats économiques de l’entreprise. Cela permettra d’éviter que cette expérimentation ne soit un poids supplémentaire à la charge des collectivités territoriales.
Ma collègue Dominique Orliac a également eu l’occasion de le répéter, tant en commission qu’en première lecture : il serait intéressant que les futures collectivités territoriales ou groupes de collectivités territoriales habilitées puissent représenter la plus large diversité de nos territoires, car si le chômage est présent partout, toutes les collectivités ne sont pas égales, s’agissant tant des demandes que des offres d’emploi offertes à nos concitoyens.
Ce texte marque un pas important dans les politiques publiques visant à lutter contre le chômage. Nos deux chambres ne s’y sont pas trompées, comme en témoigne le vote quasi unanime, tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat. C’est un texte rassembleur : majorité et opposition se sont retrouvées sur ce texte et cela est réjouissant. C’est aussi un texte rassembleur du politique et de la société civile, puisque cette proposition de loi est aussi pertinente par son contenu que par son origine : l’association ATD Quart Monde.
Cette proposition de loi est un exemple supplémentaire de la capacité du monde associatif à stimuler le politique en suscitant des idées, des projets et des envies. Elle permettra à plusieurs de nos concitoyens de sortir du chômage de longue durée et aux collectivités locales comme à l’État de faire des économies, tout en mobilisant de manière positive non seulement tous ceux qui participent aux dépenses actuelles, mais également les acteurs de l’insertion et de l’emploi, les partenaires sociaux et les acteurs économiques.
Pour toutes ces raisons, et face à un oecuménisme fort qui vire à l’interreligieux, le groupe des radicaux de gauche et apparentés, pourtant bien laïque,
Sourires
Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe écologiste.
Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, nous sommes aujourd’hui réunis pour examiner en dernière lecture la proposition de loi visant à résorber le chômage de longue durée. Porté par l’ONG ATD Quart Monde, et soutenu par de nombreux acteurs du monde associatif, ce texte est d’abord le fruit d’une initiative originale. Il vise à permettre à des entreprises relevant de l’économie sociale et solidaire d’embaucher en contrat à durée indéterminée et au SMIC des personnes éloignées durablement du marché du travail afin de développer des activités d’utilité sociale répondant à des besoins locaux non satisfaits.
Je me félicite de ce que cette proposition de loi ait fait l’objet d’un large consensus entre nos deux assemblées. Nous partageons pleinement la philosophie et l’objectif de ce texte, qui permet d’aborder le problème du chômage de longue durée avec un regard nouveau. Il devient en effet urgent de répondre à ce fléau que constitue le chômage, particulièrement lorsqu’il se prolonge. Les derniers chiffres de Pôle emploi nous l’ont encore rappelé : fin octobre 2015, notre pays comptait 2,4 millions de personnes inscrites au chômage depuis plus d’un an. Au-delà du risque de basculement dans la pauvreté, ce sont les perspectives de reprise d’emploi qui s’éloignent à mesure que le temps s’écoule.
Cette situation est d’autant plus intolérable qu’elle engendre parallèlement d’importantes difficultés sociales. La première, et sans doute la plus révoltante, est l’impossibilité pour ces personnes de mener une vie sociale et familiale épanouie. C’est l’impossibilité pour elles de se projeter dans l’avenir. S’ajoutent à cela des difficultés pour accéder au logement décent, pour se soigner, pour garder ses enfants ou pour obtenir un crédit bancaire – je m’arrête là car la liste serait longue.
La persistance d’un chômage endémique fait également peser un risque sur la société tout entière, en remettant en cause la pérennité de notre modèle de sécurité sociale. Dans ce contexte, nous ne pouvons donc que nous féliciter d’une initiative qui vise à s’attaquer courageusement, de front, à ce problème, tout en redonnant de la dignité et de l’espoir à ces personnes durablement privées d’emploi.
L’autre mérite de cette proposition de loi est de sortir de la logique des dispositifs de la politique de l’emploi mobilisés depuis trente ans. Si ces dispositifs permettent, certes, de réduire temporairement les statistiques du chômage, ils ne contribuent pas à résoudre le problème en profondeur. Les dernières mesures du plan pour l’emploi proposées par l’exécutif en sont une exemple. Formation professionnelle des chômeurs, exonération de cotisations sociales pour les petites et moyennes entreprises : ces mesures ne présentent aucune nouveauté pour lutter contre le chômage.
Ce texte, au contraire, tente de mettre en place de nouvelles solutions à partir d’expériences sociales qui ont fait leur preuve. Je note que cinq territoires se sont d’ores et déjà portés volontaires pour mettre en oeuvre le dispositif dans le cadre de l’expérimentation. Vous avez souligné, madame la ministre, que vous aviez reçu un grand nombre de propositions d’expérimentation : c’est une bonne nouvelle, qui témoigne à la fois d’une attente forte des acteurs locaux et d’une demande d’innovation sociale dans l’élaboration des politiques territoriales de l’emploi.
Au moment où le Gouvernement annonce de nouvelles mesures pour réduire les droits des chômeurs, ce texte sort également de la logique de culpabilisation et de stigmatisation des personnes sans activité. En effet, s’il y a tant de chômeurs dans notre pays, ce n’est pas en raison d’une épidémie de fainéantise aiguë : c’est, bien plutôt, en raison de suppressions massives d’emplois et de l’insuffisance de créations d’emplois sur le marché du travail. De ce point de vue, l’originalité de la proposition de loi est de reconnaître la nécessité de créer de l’activité économique à vocation sociale, conjuguée à un accompagnement des chômeurs à travers l’exercice d’un travail durable et rémunéré. Le financement du dispositif est également une innovation puisqu’il vise à réallouer les différentes dépenses directes et indirectes liées au chômage de longue durée à un même dispositif plus efficace, avec, à terme, l’objectif que le projet soit autofinancé.
Je ne reviendrai pas en détail sur les dispositions contenues dans le texte : je me contenterai de faire quelques remarques sur les dernières modifications qui lui ont été apportées par le Sénat et la commission mixte paritaire. En effet, sa dernière version a élargi le dispositif à tous les chômeurs de longue durée, quel que soit le motif de rupture de leur dernier contrat de travail. Cette nouvelle rédaction améliore indiscutablement le projet, tout comme la possibilité pour la personne recrutée de voir son contrat de travail suspendu en cas d’embauche dans une structure qui ne relèverait pas du champ de l’expérimentation. Ce nouvel ajout contribue à sécuriser le parcours professionnel des personnes tout en assurant des passerelles pour accéder à des emplois durables dans l’économie traditionnelle.
Enfin, je note que la procédure d’évaluation du dispositif a été renforcée. Il est en effet important qu’un comité scientifique indépendant puisse déterminer l’opportunité de généraliser ou non l’expérimentation. Trop souvent en effet – c’est une de nos difficultés –, nous appliquons de nouvelles politiques publiques de l’emploi sans les avoir préalablement testées.
En première lecture, j’avais évoqué plusieurs points de vigilance importants dans la mise en oeuvre de l’expérimentation, afin de garantir sa pleine réussite. Je me permets de les rappeler car ils restent d’actualité. Nous devons tout d’abord être attentifs à la mise en oeuvre effective d’un accompagnement social et professionnel spécifique des personnes recrutées dans l’entreprise conventionnée. Trop souvent, nous faisons le constat que, dans la mise en oeuvre de certains dispositifs – je pense notamment aux contrats aidés –, le volet formation existe – il est bien mentionné – mais n’est pas toujours appliqué.
De même, l’articulation de l’expérimentation avec les structures déjà existantes sur les territoires concernés, notamment les structures de l’insertion par l’activité économique, doit faire l’objet d’une vigilance particulière.
Le dernier point rejoint le précédent : il concerne les critères qui seront retenus pour sélectionner les entreprises conventionnées relevant du champ de l’économie sociale et solidaire. Il importe que les structures retenues soient sélectionnées selon des critères de qualité – qualité des prestations et qualité de l’accompagnement – sans entrer en concurrence avec les entreprises du secteur marchand.
Toutes ces remarques convergent pour souligner la nécessité de bien former les comités locaux qui seront chargés de piloter le dispositif. Ces comités apparaissent comme la clé de voûte du système, puisque ce sont eux qui auront pour mission de faire émerger les besoins sociaux et économiques non satisfaits sur les territoires concernés. Ce sont également eux qui seront chargés d’identifier les demandeurs d’emploi volontaires pour participer à l’expérimentation, ainsi que de susciter des candidatures parmi les structures de l’économie sociale et solidaire.
Vous aurez compris que nous soutenons les objectifs poursuivis ainsi que la démarche et les dispositions contenues dans ce texte. On pourra certes reprocher la complexité de certains aspects de sa mise en oeuvre. Toutefois, nous avons adopté tant de dispositifs censés lutter contre le chômage qui ne fonctionnent pas qu’il ne faut pas nous priver de la possibilité d’en essayer de nouveaux à l’échelon local, autrement dit plus près des réalités du terrain et de la réalité concrète vécue par les personnes concernées. Il s’agit là d’une expérience innovante pour tenter d’enrayer la montée du chômage de longue durée et aider les personnes qui en sont victimes à retrouver un emploi durable.
Comme en première lecture, le groupe GDR votera sans hésiter cette proposition de loi.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe écologiste.
Madame la présidente, madame la ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous voici donc arrivés presque au terme de l’examen de cette proposition de loi avec, en cet instant, celui des conclusions de la commission mixte paritaire. Je tiens tout d’abord à saluer le travail de notre rapporteur qui a su, à la fois, défendre avec une forte ambition ce texte et entendre les interrogations formulées par plusieurs parlementaires, dont je fais partie, sur certains de ses aspects. Je tiens également à saluer une forme de coproduction législative avec le monde associatif : cet élément mérite sans doute d’être souligné et analysé comme une réponse adaptée à des situations locales.
Il y a nécessité car, si le chômage est un fléau – nous en sommes tous conscients –, le chômage de longue durée est un drame pour toutes celles et tous ceux qui en sont les victimes. Cette proposition de loi a la vertu de s’appuyer, pour une fois, serais-je tenté de dire, sur une approche nouvelle qui conduit non seulement à prendre en considération l’importance des besoins non satisfaits dans les territoires mais également à faire confiance dans les personnes qui sont au chômage de longue durée : alors que, parfois, les portes semblent se fermer les unes après les autres devant elles, grâce à ce dispositif, elles pourront de nouveau participer à cette dimension importante de la vie qu’est la dimension économique.
Il s’agit donc d’une logique nouvelle d’insertion qui s’appuie sur les compétences des chômeurs de longue durée comme sur les besoins territoriaux. Car, cela mérite d’être rappelé : si les emplois manquent, le travail, lui, ne manque pas. Un grand nombre de besoins non satisfaits peuvent relever des travaux d’utilité sociale : ce sont ceux dont on sait qu’ils sont partiellement solvables et donc insuffisamment lucratifs pour être assurés par le marché classique.
Cette proposition de loi entre donc dans le champ de l’innovation sociale au service du développement économique : elle apporte à ce titre une aide supplémentaire dans le combat que nous menons contre le chômage.
Ce texte pouvait susciter des interrogations, je l’ai dit : c’est pourquoi je me réjouis de ses évolutions. J’en relèverai de nouveau deux.
Premièrement, comme il s’agit d’innovation sociale, celle-ci devra être analysée et expertisée afin que nous puissions en tirer les enseignements. Le principe de l’expérimentation est à ce titre très positif car il nous permettra d’évaluer les actions qui seront menées dans les territoires.
Le second point, que j’ai déjà évoqué en commission mixte paritaire, concerne l’importance qu’il y a, à mes yeux, à définir la notion de parcours pour les personnes qui bénéficieront de ce dispositif, lequel entre, en effet, dans un parcours d’insertion. Or de tels dispositifs n’ont toute leur pertinence que lorsqu’ils sont accompagnés d’une ambition de formation et de qualification. Même si ces personnes sont recrutées en CDI dans le cadre du dispositif, elles devront pouvoir en sortir pour permettre à celui-ci d’accompagner d’autres bénéficiaires. Il est nécessaire de coopérer à la fois avec les organismes de formation et le monde économique pour assurer ces indispensables passages de témoin.
Vous l’avez dit, madame la ministre, cette proposition de loi a aussi le très gros avantage d’infirmer l’idée selon laquelle il y aurait des demandeurs d’emploi qui se complairaient dans leur situation. Les demandeurs d’emploi, notamment de longue durée, n’attendent qu’une chose : qu’une main leur soit tendue. C’est ce que fait cette proposition de loi, à laquelle le groupe socialiste, républicain et citoyen apportera bien évidemment son soutien.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Madame la présidente, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous arrivons au terme de l’examen de cette proposition de loi d’expérimentation territoriale visant à résorber le chômage de longue durée.
La courbe de ce chômage ne s’est, hélas, pas inversée. Au contraire, le nombre de chômeurs de longue durée a augmenté de 10 % en un an en France métropolitaine ; ils sont près de 1,5 million à être inscrits à Pôle emploi depuis plus d’un an en catégorie A, auxquels il faut ajouter un million supplémentaire si l’on considère les catégories A, B et C.
Il ne s’agit pas de simples données statistiques, mais d’hommes et de femmes en difficulté et désespérés par l’impuissance publique. Ils attendent des responsables politiques des actes et des résultats. Or, force est de constater qu’en matière de chômage, tout ce qui a été essayé n’a pas marché ou ne marche pas. Ni le recours massif aux contrats aidés, ni les quatre lois adoptées à l’initiative du Gouvernement – sécurisation de l’emploi, formation professionnelle et démocratie sociale, économie sociale et solidaire, dialogue social – n’ont permis de résorber le chômage. Les chiffres sont là, et ils sont têtus.
Je regrette une nouvelle fois que les alertes et les propositions du groupe Les Républicains n’aient pas été entendues depuis mai 2012, juste parce qu’elles venaient de nous. À l’inverse, ce n’est pas parce que cette proposition de loi émane de la majorité que nous ne l’avons pas examinée avec bienveillance, d’autant qu’elle s’inspire largement d’une idée défendue depuis de longues années par une association dont chacun connaît ici l’engagement au service de la lutte contre la pauvreté et l’exclusion, je veux parler d’ATD Quart Monde. Cette structure a su rallier à sa cause toutes les associations que vous avez citées, monsieur le rapporteur. C’est probablement la raison pour laquelle autant de territoires ont fait acte de candidature. Toutes ces associations ont d’ores et déjà relayé l’annonce du vote de la présente proposition de loi.
Au cours de nos débats nourris et sincères, nous avons pu affiner la proposition de loi, s’agissant du public visé, du rôle des entreprises et des territoires, des modalités de sa mise en oeuvre et de son évaluation. Nous avons ainsi pu nous acheminer vers un vote positif en commission mixte paritaire, qui a apporté les précisions suivantes.
Le rapport d’évaluation économique, sociale et financière et le rapport du conseil d’administration du fonds seront rendus publics. Nous souhaitons, madame la ministre, que le dispositif soit simple.
Les entreprises de l’économie sociale et solidaire qui participeront au dispositif pourront recruter des personnes autres que les bénéficiaires prévus.
Les demandeurs d’emploi au chômage depuis plus d’un an du fait d’un licenciement pourront bénéficier du dispositif. Il en va de même pour ceux dont le CDD ou le contrat temporaire a pris fin et pour ceux qui sortent d’un autre dispositif, comme le prévoit l’article 2.
L’aide accordée par le fonds sera dégressive et dépendra des résultats économiques de l’entreprise, afin de ne pas alourdir la charge des collectivités territoriales qui s’engageront. La convention conclue entre le fonds et chaque collectivité participant à l’expérimentation définira l’affectation de la participation financière apportée par chacune d’entre elles, afin que les collectivités puissent avoir la certitude de financer l’expérimentation se déroulant sur leur territoire.
Enfin, dans le cas d’une interruption prématurée du versement de l’aide, la loi reconnaît un licenciement pour motif économique et prévoit le financement d’une partie de l’indemnité de licenciement par le fonds d’expérimentation.
En définitive, madame la ministre, le groupe Les Républicains aurait préféré que vous vous attaquiez aux causes du chômage plutôt que de réparer ses conséquences. Nous constatons que vos choix politiques n’ont, jusqu’à présent, pas permis de réduire le chômage de masse, qui constitue la première inégalité sociale. Vos choix politiques n’ont pas non plus permis de satisfaire les 300 000 offres d’emploi non pourvues – mais je sais que vous comptez vous y attaquer.
Certains dispositifs mis en place sont clairement des échecs : il en est ainsi du contrat de génération, comme l’a démontré cet après-midi le Premier président de la Cour de comptes. Ce dispositif a coûté 480 millions d’euros en 2015 : il y a là manifestement une source de financement possible, par redéploiement budgétaire, en faveur du dispositif « zéro chômeur ».
En somme, il est plus qu’urgent de nous concentrer sur les dispositifs et les pratiques qui donnent des résultats, d’où qu’ils viennent. Les territoires doivent pouvoir expérimenter ces dispositifs qui fonctionnent. Nous le devons aux près de 6 millions de chômeurs que compte notre pays.
S’agissant de cette proposition de loi, je me félicite, à titre personnel, de la façon dont nous avons collectivement contribué à améliorer ce texte. Il s’agit là d’un bel exemple, que nous aimerions voir plus souvent dans cette maison !
Nous voterons donc en faveur de cette loi d’expérimentation, dont je suivrai personnellement la mise en oeuvre dans mon département, si tant est que vous le reteniez, madame la ministre – sachez en tout cas que l’Ille-et-Vilaine est volontaire. Je resterai vigilante quant aux types d’emplois qui seront proposés et à la réinsertion durable des personnes qui auront eu la chance d’expérimenter ce dispositif.
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains, du groupe de l’Union des démocrates et indépendants, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Madame la présidente, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, après le succès de la commission mixte paritaire, notre assemblée devrait donc adopter définitivement – à l’unanimité, si j’en crois les orateurs des différents groupes – la proposition de loi d’expérimentation territoriale visant à résorber le chômage de longue durée. La mise en oeuvre de ce texte est urgente, et nous avons plus que jamais besoin de solutions nouvelles, de solutions modernes et novatrices pour lutter contre le chômage de longue durée.
Le marché du travail est dans une situation dramatique. Malgré les espoirs du Président Hollande, la courbe du chômage ne s’inverse toujours pas, bien au contraire. Au mois de décembre, la nouvelle hausse de 0,4 % du nombre de demandeurs d’emploi souligne que 2015 a encore été une année de perdue pour l’emploi – la troisième du quinquennat de François Hollande, avec près de 90 000 nouveaux demandeurs d’emploi. Ces chiffres, derrière lesquels se jouent de véritables drames humains et sociaux, démontrent, s’il le fallait encore, que les outils mobilisés à ce jour par le Gouvernement sont nettement insuffisants.
Mes chers collègues, la France appartient à la courte liste des pays européens qui ne parviennent pas à enrayer la spirale infernale du chômage. Aujourd’hui, le Président de la République et le Gouvernement ne peuvent plus se contenter de contrats aidés et de mesures tardives de soutien à l’apprentissage, à la formation professionnelle ou à l’entreprenariat – autant de tentatives désespérées pour faire diminuer artificiellement les chiffres du chômage. Il faut dès à présent opérer la rupture économique et sociale dont la France a besoin. Il est urgent de tenter ce qui n’a pas été essayé, et c’est bien l’esprit de cette proposition de loi, qui a retenu l’attention du groupe UDI.
Ce texte s’inscrit dans une logique d’activation des dépenses passives : ce sont les coûts liés à la privation d’emploi sur une longue durée qui sont réaffectés au financement du dispositif. La mesure créée par ce texte offre à son bénéficiaire un véritable contrat de travail à durée indéterminée : on est loin d’un contrat précaire, ou même d’un contrat aidé au devenir flou et à la pérennité incertaine.
Ce dispositif permettra aux demandeurs d’emploi concernés de retrouver une stabilité dans leur vie professionnelle, évidemment, mais aussi dans leur vie personnelle. Ils pourront envisager des projets à long terme, pallier des soucis financiers périodiques et être rassurés quant au versement de leur salaire à la fin de chaque mois.
Par ailleurs, ils pourront s’engager dans une démarche d’acquisition de compétences et de validation de leurs savoir-faire. Les entreprises participant à l’expérimentation devront en effet fixer, avec le fonds national d’expérimentation, les conditions d’accompagnement des bénéficiaires et les actions de formation envisagées.
C’est ainsi une véritable démarche de remise en confiance que sous-tend cette proposition de loi : confiance en soi-même après une longue période sans emploi qui est profondément déstabilisante, confiance dans le travail et dans la stabilité assurée par un emploi.
Nous l’avons déjà dit, cette proposition de loi engage un dispositif innovant qui semble contredire tous ceux qui pensent avoir déjà tout essayé contre le chômage de longue durée. À ce titre, le fait que l’association ATD Quart Monde ait été distinguée, en décembre dernier, par le label « La France s’engage » vient confirmer le caractère novateur de la démarche. Il confirme également à quel point les solutions les plus audacieuses ne sont pas nécessairement celles conçues par l’État : elles naissent d’initiatives citoyennes, d’associations, de collectivités territoriales qui s’efforcent de sortir des sentiers battus pour proposer des dispositifs inédits. En adoptant ce texte, nous faisons la démonstration que l’initiative associative peut contribuer, à force de convictions et d’expérimentations, à faire émerger des politiques nouvelles et, peut-être, les politiques publiques de demain.
Pour ces différentes raisons, il n’est pas étonnant que le secteur de l’économie sociale et solidaire soit étroitement associé au dispositif prévu par cette proposition de loi. Ce secteur sait notamment répondre aux enjeux de société nouveaux que l’initiative privée ou le secteur public ont délaissés. L’économie sociale et solidaire est une source d’innovation sociale cohérente avec l’objectif de cette proposition de loi.
Fidèle à notre tradition, notre groupe sera particulièrement vigilant quant aux modalités de financement de ce futur dispositif. L’originalité de celui-ci tient, nous l’avons dit, à son financement par une réallocation à budget constant. Dès lors, l’expérimentation ne devrait pas faire appel, en principe, à d’autres financements que ceux gagés sur les coûts d’indemnisation et d’aide sociale suscités par la situation de chômeurs de longue durée. Les budgets publics concernés devront contribuer au financement de ces emplois, sans augmentation de leurs dotations respectives. À notre sens, le respect de ce principe sera, avec l’analyse des parcours de retour à l’emploi des bénéficiaires, l’une des conditions essentielles de réussite ou d’échec de l’expérimentation.
Il n’en était que plus important d’assurer, en toute logique, une présence des parlementaires au sein du conseil d’administration du fonds d’expérimentation territoriale, ce qui était le sens de notre amendement adopté en première lecture.
De même, nous avions insisté sur la nécessité de mentionner clairement les territoires ruraux et les quartiers prioritaires de la politique de la ville parmi les territoires retenus pour l’expérimentation. Bien que cette précision ne figure finalement pas dans le texte, nous serons attentifs à ce que l’expérimentation puisse bien s’y dérouler – vous nous l’avez confirmé tout à l’heure, madame la ministre.
Nous saluons également les travaux de la commission mixte paritaire, qui est parvenue à rédiger un texte équilibré, entre la définition de principes encadrant strictement l’expérimentation et une certaine marge de manoeuvre laissée au fonds national et aux entreprises conventionnées.
Soulignons aussi les avancées du texte apportées par nos collègues sénateurs, notamment la constitution d’un comité scientifique chargé de réaliser une évaluation du dispositif au terme de l’expérimentation.
En effet, le fonds d’expérimentation territoriale contre le chômage de longue durée ne pouvait être son propre évaluateur. Ses nombreuses missions suffisent à son action : financer une partie de la rémunération des bénéficiaires du dispositif, établir un cahier des charges fixant les critères que doivent respecter les collectivités territoriales, dresser la liste des territoires retenus pour mener l’expérimentation et accompagner le dispositif.
L’évaluation par un comité extérieur devra permettre une observation objective des qualités et des failles du dispositif, en vue de son éventuelle généralisation, que nous souhaitons évidemment. Gageons que cette évaluation, dont le caractère est central et déterminant, ne se limite pas à énoncer les conditions d’une éventuelle généralisation, mais puisse veiller à la cohérence du déploiement du dispositif et à sa pérennité financière. Il conviendra alors d’examiner les points de vigilance identifiés par le Conseil économique, social et environnemental portant sur la redistribution des coûts évités, concernant notamment les indemnités du régime d’assurance chômage ou les fonds de l’assurance maladie.
Enfin, nous regrettons que les travaux parlementaires, à l’Assemblée comme au Sénat, n’aient pas permis d’élargir l’expérimentation à l’ensemble du secteur marchand, au-delà de la seule sphère de l’économie sociale et solidaire. À ce titre, l’expérimentation aurait permis d’observer si l’ouverture aux entreprises du secteur marchand aurait eu pour effet, ou non, de faire apparaître des distorsions de concurrence.
Avant de conclure, permettez-moi de rappeler qu’à l’heure où les régions entrent en négociation avec l’État pour mettre en oeuvre le plan d’urgence pour l’emploi proposé par le Président de la République, cette proposition de loi montre combien les territoires doivent jouer un rôle moteur dans les politiques en faveur de l’emploi. Ce sont en effet les territoires qui sont les mieux à même d’identifier leurs besoins, de répondre aux attentes des entreprises du tissu économique local, de répondre aux besoins de formation des demandeurs d’emploi et des salariés.
Le groupe UDI est convaincu qu’une territorialisation plus significative des politiques de l’emploi est l’une des réponses au chômage et en particulier au chômage de longue durée.
En proposant l’expérimentation d’une initiative issue du milieu associatif et des territoires, le texte que nous examinons aujourd’hui va dans ce sens. C’est la raison pour laquelle le groupe UDI soutient cette démarche et votera en faveur de cette proposition de loi.
Applaudissements sur tous les bancs.
Madame la présidente, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, chers collègues, nous sommes aujourd’hui réunis pour l’examen du texte, issu de la commission mixte paritaire, engageant une expérimentation territoriale visant à résorber le chômage de longue durée. Le chômage est, comme je l’ai dit tout à l’heure, un cancer qui ronge notre société et plus particulièrement le chômage de longue durée qui connaît une progression ininterrompue depuis 2008. Il atteint aujourd’hui le chiffre de 2,2 millions de personnes et une proportion de près de 45 % de l’ensemble des demandeurs d’emploi. Dans mon territoire, il touche notamment les plus de cinquante ans.
Le texte examiné renverse un paradigme communément accepté d’adaptation de l’offre à la demande en partant de la demande et des compétences des demandeurs d’emploi pour créer l’offre d’emploi correspondante tout en prenant en compte les besoins identifiés sur les territoires.
Cette proposition repose sur trois convictions.
Premièrement, il est possible au niveau local et en plein accord avec les acteurs de la vie économique d’identifier des activités utiles susceptibles d’être exercées par des personnes privées d’emploi et de se développer de façon complémentaire de l’activité économique.
Deuxièmement, il est possible de gérer ces emplois cofinancés par la collectivité dans des conditions d’efficacité suffisante pour assurer l’équilibre économique de ces activités, le montant du financement apporté par la collectivité n’étant jamais supérieur à l’économie réalisée par les finances publiques.
Troisièmement, il est possible de proposer ces emplois aux chômeurs de longue durée dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée, sachant que ceux-ci restent disponibles pour toute proposition adaptée qui pourrait leur être faite.
Un fonds national sera créé pour mener, dans dix territoires et ce pendant cinq ans, des expériences locales et partenariales de lutte contre le chômage de longue durée en mutualisant et réallouant les aides existantes.
Je salue cette proposition de loi d’expérimentation issue d’une concertation entre associations et dont l’initiative revient à ATD Quart Monde. La proposition de loi de notre collègue Laurent Grandguillaume présente une expérience intéressante, innovante pour tenter d’enrayer la montée du chômage de longue durée et d’aider les personnes concernées. C’est une proposition qui marque donc une grande ambition pour les chômeurs de longue durée et suppose un vrai défi : les insérer de façon durable. Elle repose sur un pacte de confiance et de solidarité entre les différents partenaires associés à ce projet.
Je tiens également à saluer sa philosophie qui contribue à redonner de la dignité à ces personnes en situation d’exclusion économique et à lutter contre les préjugés à l’encontre des chômeurs, notamment celui selon lequel ils ne chercheraient pas vraiment du travail.
Cette initiative et proposition contraste avec plusieurs décisions venant de la droite. Je pense notamment au département du Haut-Rhin qui a décidé de conditionner le versement du RSA à sept heures de bénévolat par semaine. Une décision grave et scandaleuse car elle jette à nouveau l’opprobre sur une frange de la population déjà fragilisée par ses conditions de vie. Le bénévolat, par définition, est une activité et surtout un engagement libre pour une cause. En aucun cas, il ne peut être une contrainte et surtout faire l’objet d’un chantage contre le versement d’une prestation.
Cette idée a déjà été expérimentée en 2011 par seize départements. Résultat : sur les 10 000 contrats attendus, seuls 700 avaient pu être signé. En un mot, l’expérimentation menée a été un échec. Mais elle a surtout montré que cela pouvait faire peser un risque sur la création d’emplois demandant peu de qualification.
J’espère profondément que cette future loi d’expérimentation trouve son plein succès pour qu’elle puisse être dupliquée ailleurs, notamment sur mon territoire, La Réunion où le chômage est massif. À La Réunion, ce sont quelque 88 000 personnes qui sont inscrites à Pôle emploi depuis au moins un an. Nous avons pourtant une croissance dynamique : trois fois supérieure à la croissance nationale. Mais nous sommes face à un chômage structurel très élevé : 30 % et surtout à une réalité : un secteur marchand dynamique, mais confronté à notre insularité, il ne peut pas à lui seul absorber tous nos chômeurs.
Ce chômage massif, comme vous le savez, mais il faut le répéter, défigure notre jeunesse, abîme une partie de la population et fragilise les familles. Ce chômage met en péril notre cohésion sociale, fait le lit de la pauvreté et porte atteinte à la dignité de certains hommes et femmes. Un chômage hors normes dans les territoires ultramarins suppose également une ambition, une expérimentation qui tienne compte des secteurs d’activités générateurs d’emplois. Ce chômage ne pourra être combattu que si l’on investit dans le secteur marchand, mais aussi dans le secteur de l’économie sociale et solidaire.
Les mesures prises depuis 2012 dans mon département ont porté leurs fruits en permettant de stabiliser la montée du chômage et, surtout, ont fait reculer le chômage des jeunes de 10 %. Il faut dire que nous partions de loin. Il faut donc continuer à se battre et à relever ce grand défi.
Oui, nous devons porter une ambition pour combattre le chômage, faire preuve d’imagination à travers ce type d’initiatives et, surtout, nous donner les moyens pour que ces initiatives soient une réussite. C’est un projet générateur d’espoir, madame la ministre. C’est la raison pour laquelle j’adhère à cette proposition de loi et souhaite sa pleine réussite, voire faire partie des dix territoires d’expérimentations.
Sourires.
Sourires.
Madame la présidente, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à exprimer ma gratitude par rapport à l’accord auquel nous sommes parvenus, dans la concorde et l’apaisement et non par rupture. En aucun cas, il ne s’agit d’un accord médiocre, par une voie médiane mais bien d’une forme d’élévation, d’utopie, bref, d’une sortie par le haut.
Je souhaite ensuite remercier les membres de la commission des affaires économiques qui se sont saisis avec intérêt, et même passion de ce texte dont j’ai été le rapporteur pour avis. Je veux enfin nous remercier tous, si je puis dire, pour avoir abordé ce sujet du chômage avec humilité après avoir fait le constat que nous étions dans une certaine impasse du fait l’obligation de maîtriser la dépense publique et de l’existence d’un marché qui peut fabriquer une croissance sans emploi. Nous en avons de très nombreux témoignages dans nos territoires.
Cette loi, chers collègues, ce n’est pas le grand soir, ni une solution magique, c’est plutôt le matin des bonnes volontés. Quelques décennies d’expériences et de compagnonnage avec ATD Quart Monde pour ma part, l’expérience ensuite au sein d’une entreprise en milieu rural rendent humbles et prudents. Tout le mérite reviendra aux acteurs des territoires qui s’empareront de cette possibilité d’expérimentation. Pour notre part, nous avons fait le plus facile, chers collègues.
Je ne vais pas revenir sur les différentes modalités du texte avant que Jean Lassalle conclue brillamment notre discussion.
Sourires.
Dans les quelques minutes qui me sont imparties, je m’attacherai à dévoiler le sens caché de cette proposition de loi. Ce sens caché, je l’ai trouvé dans le récit de la vie de Geneviève de Gaulle-Anthonioz. La traversée de la nuit c’est son expérience des camps de concentration. Le secret de l’espérance c’est celui de la période où elle a présidé ATD Quart Monde, à la suite du père Joseph Wresinski. La lutte contre le nazisme et la lutte contre la misère ont constitué un fil conducteur dans sa vie et se sont traduites dans son combat pour la dignité humaine.
En France, l’État-providence fait globalement ce qu’il peut, et nous pouvons en être fiers. Il fait le minimum, mais pas l’essentiel, car l’essentiel, c’est la dignité humaine. La proposition d’ATD Quart Monde, qui va être votée dans la concorde, nous a fait prendre conscience que le chômage c’est le désoeuvrement tandis que le travail est une oeuvre. Pour moi, c’est là que se trouve le sens caché de notre travail parlementaire.
On peut donner à manger, faire le minimum, mais il manque l’essentiel, parce que nous ne sommes pas des ventres, des objets, des déchets ; nous sommes des mains, une tête, un esprit. Tout est récit dans la vie. En politique, comme dans la vie, on en est souvent orphelin. Que pourrai-je raconter à mes enfants à la fin de ma vie ? Quelle route ai-je tracé ? Quel lait ai-je produit ? Quel moteur ai-je conçu, quelle maison ai-je bâtie, quel conte ai-je colporté, quel logiciel ai-je créé ? En quoi ai-je participé à l’oeuvre commune ? Certains hommes et femmes sont privés de cette participation à une oeuvre commune et, par-là même, d’une part essentielle de leur humanité.
Chers collègues, imaginez la force d’une société qui pourrait dire aux 20 % des jeunes qui sont aujourd’hui au bord de la route qu’elle a besoin d’eux pour bâtir la France de demain. Imaginez la force d’une société qui dirait à des millions de chômeurs qu’elle a besoin d’eux pour la transition écologique, pour bâtir une nouvelle prospérité, recréer du lien social, redonner de l’humanité à nos vies, lutter contre la solitude, faire refleurir des déserts.
Imaginez la force d’une telle société, bâtie sur la fierté de ces individus, de chacune de ces personnes. Elle puiserait là sa véritable force, sa santé, pour lutter à la fois contre l’indolence et l’indécence des privilèges de ceux qui accumulent tout – pouvoir, arrogance, argent –, pour oeuvrer pour un nouveau partage et faire une place à chacun.
Je ne sais pas si cela relève du rêve ou de l’utopie. Mais si nous n’empruntons pas cette voie, je suis persuadé que cela sera un cauchemar.
Il y a toutes les friches qui ont été abandonnées par un État qui manque souvent d’imagination et d’audace, par un marché aveugle et par trop libéral. Il nous faut donc emprunter un chemin nouveau. Ceux qui se sont déjà emparés de cette expérimentation il y a deux ou trois ans sur les terres de Michel Dinet à Colombey-les-Belles ont créé une association intitulée Les tailleurs de bouleaux. Pourquoi le bouleau ? Parce que cette essence pousse en général sur des terres pauvres et peut donc contribuer à reconquérir des terres qui ont été abandonnées, suite à des désastres humains ou naturels.
Chers collègues, il s’agit ici aussi de reconquête : des friches abandonnées, et plus globalement de l’estime de soi. Il s’agit de renouer le fil invisible entre l’individu et les citoyens, qui passe par l’oeuvre.
Applaudissements sur tous les bancs.
Madame la présidente, madame la ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je ne peux m’empêcher en commençant mon propos de dire combien j’ai été heureux de vivre – certes partiellement, car je ne suis pas « nombreux dans mon groupe »… (Sourires sur tous les bancs) – les belles heures de débat que nous avons vécues ces derniers jours.
C’est la première fois depuis que je suis à l’Assemblée nationale que j’ai assisté à un débat politique tel que je l’avais toujours rêvé. Il y a bien longtemps que nous n’avions pas fait de politique ainsi et cela nous fait honneur. Lorsque quelque chose de bien nous arrive, il n’est pas inutile de le dire.
Madame la présidente, s’agissant du texte qui nous réunit, j’aurais bien aimé dire ce que Dominique Potier vient d’exprimer avec tant de talent. Je n’ai rien à en retirer ni à rajouter. Aussi, cela me permettra-t-il de parler un peu d’autre chose
Sourires sur tous les bancs.
Si je respecte mon temps de parole, madame la présidente, c’est possible. Mais avec vous, madame la présidente, je réussis toujours bien. Il y a des ondes qui passent entre nous deux, mais il est vrai, surtout de mon côté.
Rires.
Bref, je me félicite que nous soyons tous d’accord sur un texte de cette ampleur et que nous parlions ensemble de la reconquête du travail, de nos territoires, de leur implication aux côtés de l’État, pour essayer de sortir de ce véritable fléau qu’est le chômage de longue durée, le chômage de masse.
C’est à ce titre que je me suis adressé ce matin à M. Louis Schweitzer, commissaire général à l’investissement, lors de son audition commune par la commission des affaires économiques, la commission du développement durable et la commission des finances, après le magnifique exposé où il avait montré ce qui marchait et ce qui ne marchait pas. Je lui ai dit que, manifestement, nous avions tous de la bonne volonté et qu’au fond, même si nous ne cessions de nous taper dessus – c’est normal, c’est la vie ! –, nous voudrions tous que ce pays redémarre, car il le mérite et montre qu’il le mérite. Nous-mêmes, du reste, bien que nous soyons un peu brocardés, montrons que nous le méritons aussi.
J’ai donc demandé à M. Schweitzer s’il ne pensait pas qu’il faudrait commencer autrement et travailler – il pourrait y prendre part – à la redéfinition d’un contrat politique et social pour notre pays. Que voulons-nous faire ? Avons-nous la volonté de recréer les conditions du redémarrage d’une industrie adaptée à notre temps ?
J’évoque souvent la COP21 et la mise en oeuvre des énergies renouvelables comme un exceptionnel vivier de travail pour nos jeunes, avec lequel notre pays n’embêterait ni l’Europe, ni le monde, ni qui que ce soit. La France pourrait retrouver son rôle de pionnière si elle décidait de faire du soleil, des marées et de tous les phénomènes liés à la mer l’énergie de demain. Ce pourrait être là un grand chantier.
Il faut ensuite savoir si nous pouvons nous mettre d’accord sur ce que nous voulons faire ou non, afin d’éviter que tous nos projets soient systématiquement bloqués par le corsetage que nous avons laissé se mettre en place pour nous administrer au niveau du pays, puis de la Communauté européenne et désormais du monde entier, depuis que la finance y règne en maîtresse, au moment où nos collectivités se trouvent dans un désarroi profond et où certaines communes se demandent si elles vont continuer à exister. Voilà ce que j’ai demandé au commissaire.
Madame la présidente, si j’ai enfoncé quelques portes ouvertes, je n’ai, du moins, pas été trop long
Rires et applaudissements sur de nombreux bancs.
La parole est à M. Frédéric Lefebvre, pour une explication de vote au nom du groupe Les Républicains.
Je suis heureux que nous ayons pu nous mettre d’accord sur ce texte dont nous avons débattu à plusieurs reprises dans cet hémicycle. Sur un sujet aussi important que le travail et le chômage, je souhaiterais que chacun réfléchisse mûrement au signal que nous ont donné les citoyens – ce sont en effet des acteurs de terrain, des bénévoles, qui nous ont tracé la route.
Comme vous le savez, madame la ministre, j’ai invité à plusieurs reprises le Président de la République à nous réunir, au-delà de nos appartenances politiques, sur la question de l’emploi. Sur ce sujet, nos compatriotes attendent en effet que nous nous additionnions. Il est donc très important que nous l’ayons fait autour de ce texte, d’autant plus que les choses n’étaient, à l’origine, pas si simples. Si nous nous retrouvons tous aujourd’hui, c’est parce qu’au bout du compte, tous se sont écoutés, que chacun a bien voulu avancer et que le Sénat a lui aussi fait son oeuvre.
J’ai été naguère rapporteur du budget de l’emploi, lorsque j’étais député des Hauts-de-Seine, certains de mes collègues ont également été rapporteurs de textes relatifs à l’emploi et plusieurs membres de l’opposition actuelle ont été ministres, tandis que, dans la majorité, de nombreux élus assument la mission de lutter contre le chômage. Je souhaiterais donc – et vous êtes, bien entendu, libres de répondre ou non à ce souhait – que nous vivions tous cet après-midi, plus encore que comme une invitation de nos compatriotes, comme une nécessité de nous réunir, de nous additionner autour de cette question. C’est en tout cas, je le répète, ma volonté et je suis certain que d’autres, comme M. Dominique Potier, la partagent. Je sais le combat que les élus mènent sur le terrain, notamment les élus locaux qui, souvent, savent heureusement bien mieux s’additionner que les parlementaires.
Je souhaiterais que ce texte soit le début d’un processus qui, dans les mois qui viennent, réponde à cette très forte attente de nos compatriotes.
Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire.
L’ensemble de la proposition de loi est adoptée.
Applaudissements sur tous les bancs.
La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de la réforme de l’État et de la simplification.
Madame la présidente, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, nous examinons ce soir le projet de loi de ratification de l’ordonnance relative à la réduction du nombre minimal d’actionnaires dans les sociétés anonymes non cotées. Cette ordonnance a été prise en application de l’article 23 de la loi du 20 décembre 2014 relative à la simplification de la vie des entreprises.
Cette mesure, issue des travaux du Conseil de la simplification pour les entreprises, a pour objet de diminuer le nombre minimal d’actionnaires dans les sociétés anonymes non cotées, pour le faire passer de sept à deux, et donc d’aligner ce régime sur la règle de droit commun.
Jusqu’à présent, en effet – et, historiquement, depuis 1863 –, les sociétés anonymes devaient réunir au minimum sept actionnaires. Cette règle est cependant contestée depuis longtemps, car elle ne repose sur aucune justification économique ou juridique et se trouve en outre en décalage avec la pratique, notamment, des entreprises familiales, ce qui se traduit dans certains cas par le recours à des actionnaires de complaisance.
Le premier objectif de l’ordonnance est donc de renforcer l’attractivité de la société anonyme qui, en raison de la stabilité et de la prévisibilité de ses règles de fonctionnement, assure une meilleure protection des associés. Le deuxième est de nous rapprocher du droit et de la règle en vigueur dans les pays européens voisins.
Le Gouvernement a donc décidé de fixer le nombre minimum d’actionnaires au plus bas, à savoir deux actionnaires, suivant en cela les recommandations des praticiens et des théoriciens du droit.
La proposition, formulée durant le débat, d’une société anonyme unipersonnelle n’a pas pu être suivie, car elle n’entre pas dans le cadre de l’habilitation donnée par la loi.
La réduction du nombre d’actionnaires de sept à deux constitue une véritable simplification, attendue par le monde économique.
Le Sénat a complété les dispositions contenues dans l’ordonnance du 10 septembre 2015 en étendant cette diminution du nombre d’actionnaires aux sociétés d’exercice libéral à forme anonyme. Il a également procédé à la rectification d’une erreur de coordination à l’article 32 de l’ordonnance du 20 août 2014 et a enfin précisé le périmètre des sociétés cotées exclues du dispositif.
Je remercie votre rapporteur, M. Jean-Michel Clément, la commission des lois et les députés qui ont suivi le débat sur ce texte, et vous encourage, bien évidemment, à voter pour ces dispositions attendues.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
La parole est à M. Jean-Michel Clément, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.
Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, le 28 mars 2013, le Président de la République a annoncé un choc de simplification en faveur des entreprises, afin de leur permettre de disposer d’un cadre juridique favorable à leur développement économique. À ce jour, 56 % des 320 mesures annoncées touchant à la vie des entreprises sont devenues effectives, dont des mesures en faveur de l’accès aux marchés publics ou des conditions d’embauche dans les PME.
La rapidité dont a fait preuve le Gouvernement pour mettre en oeuvre ces mesures repose sur l’habilitation à procéder par ordonnance que le Parlement lui a accordée par la loi du 20 décembre 2014 relative à la simplification de la vie des entreprises.
Le présent projet de loi poursuit cette démarche en prévoyant la ratification de l’ordonnance du 10 septembre 2015, qui réduit de sept à deux le nombre minimal d’actionnaires dans les sociétés anonymes non cotées. En effet, depuis la loi du 24 juillet 1867 – à moins que ce ne soit une loi de 1863, car Mme la ministre vient d’instiller le doute en moi –, le seuil minimal de sept actionnaires devait être atteint pour la constitution d’une société anonyme.
Ce seuil, élevé au regard des règles en vigueur chez l’ensemble de nos partenaires économiques, suscite des critiques récurrentes depuis de nombreuses années et a favorisé le développement de pratiques d’évitement, dont le recours à des actionnaires de complaisance. Ces pratiques ont pu générer, ou génèrent encore, bien des difficultés quant au sort de ces actions détenues par des associés qui en ont parfois même oublié l’existence. L’expérience nous enseigne que de nombreux problèmes apparaissent lors de la cession de l’entreprise ou lorsque celle-ci doit recapitaliser, par exemple en cas de difficultés économiques.
Cette mesure dépasse très largement la simplification que nous évoquons : il s’agit plutôt de donner aux sociétés anonymes le véritable visage qui doit être le leur quant à la composition de l’actionnariat véritable. Le droit des sociétés n’est pas compatible avec des situations de façade. C’est ce qu’illustrent trois situations où le seuil est particulièrement inadapté : les sociétés familiales, les PME et les filiales de groupes de sociétés détenues en totalité par une société mère.
L’ordonnance du 10 septembre 2015 a répondu à ces critiques en réduisant à deux le nombre minimum d’actionnaires d’une société anonyme non cotée, conformément aux recommandations du Conseil de la simplification. Par conséquent, seules les sociétés cotées devront continuer à se conformer au seuil de sept associés. L’ordonnance prévoit également un certain nombre de coordinations, rappelées dans mon rapport.
Le projet de loi initialement présenté par le Gouvernement au Sénat ne contenait qu’un seul article, dont l’objet était de ratifier purement et simplement cette ordonnance. Lors de son examen, les sénateurs l’ont enrichi de deux articles additionnels.
Le premier vise à restreindre encore davantage le maintien du seuil de sept actionnaires, en le limitant aux seules sociétés cotées qui émettent des actions, afin de permettre aux sociétés, qui ont recours, pour leur financement, à des émissions obligataires plutôt qu’à des prêts bancaires de bénéficier de l’abaissement du seuil. C’est une suggestion pertinente.
Le second vise à effectuer un certain nombre de coordinations, notamment afin de préciser le régime applicable aux sociétés détenues par l’État. Le présent projet de loi corrige, à ce titre, une malfaçon de l’ordonnance du 10 septembre 2015 en rétablissant l’article 32 de l’ordonnance du 20 août 2014 relative à la gouvernance et aux opérations sur le capital des sociétés à participation publique, qui avait été abrogé. Cet article permet en effet à l’État d’être actionnaire unique des sociétés qu’il détient, par dérogation aux seuils minima d’actionnaires en vigueur.
Lors de l’examen de ces dispositions, la commission des lois a souligné le consensus qui entourait cette mesure de simplification et a adopté le projet de loi sans modification.
Pour la bonne information de mes collègues, j’ai toutefois indiqué que je souhaitais déposer deux amendements visant à corriger deux scories légistiques portant, pour l’une, sur la date du rétablissement de l’article fixant le régime applicable aux sociétés détenues par l’État et, pour l’autre, sur une coordination.
Ces deux amendements ont vocation à assurer l’effectivité des dispositions qui nous sont proposées.
Pour conclure, vous l’aurez compris, ce projet de loi, tel que modifié et adopté par le Sénat le 28 janvier 2016, ne me semble pas poser de difficultés particulières. Il a d’ailleurs été adopté conforme par la commission des lois et les modifications que je vous propose, aussi nécessaires soient-elles, ne viennent que préciser certaines de ses dispositions. Aussi, mes chers collègues, je vous invite à adopter ce projet de loi, ainsi amendé.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, pour reprendre les mots du rapporteur Jean-Michel Clément, ce texte est « très simple » et il « ne pose pas de difficultés particulières ».
Il s’inscrit en effet dans le mouvement de simplification de la vie des entreprises souhaité par le Gouvernement et visant à renforcer leur compétitivité et à libérer leur potentiel de croissance.
Cette compétitivité peut également être renforcée par les enseignements provenant de nos voisins européens, qui n’ont pas les mêmes obligations dans leur législation nationale en matière de nombre minimum d’actionnaires pour la constitution de sociétés. Il est ainsi prévu de faciliter le recours à la création de sociétés anonymes et de renforcer la compétitivité en Europe.
Ce texte s’inscrit également dans le mouvement de développement économique et de création d’emplois souhaité et encouragé par le Gouvernement pour développer l’activité des entreprises françaises.
Ainsi, le texte que nous examinons aujourd’hui vise à ratifier l’ordonnance no 2015-1127 du 10 septembre 2015 portant réduction du nombre d’actionnaires dans les sociétés anonymes non cotées. En effet, l’adoption de la loi du 20 décembre 2014 relative à la simplification de la vie des entreprises a habilité le Gouvernement à prendre par ordonnance des mesures de simplification des règles applicables aux sociétés.
L’une de ces mesures a été prise par l’ordonnance du 10 septembre 2015 portant réduction du nombre minimal d’actionnaires dans les sociétés anonymes non cotées, le ramenant de sept à deux. L’objet de cette rédaction était d’éviter les problèmes liés à la nomination d’actionnaires de complaisance, source de lourdeurs administratives et de difficultés de localisation des actionnaires en cas de dissolution des sociétés.
Lors de l’examen de la loi relative à la simplification de la vie des entreprises, le Sénat a modifié avec pertinence et profit l’habilitation octroyée au Gouvernement afin de préciser qu’il n’est pas possible de créer une société anonyme unipersonnelle, qui serait alors dépourvue des organes de direction, d’administration et de surveillance qui font sa valeur et sa spécificité, d’autant qu’une autre forme de société existe : la société à responsabilité limitée qui, elle, peut être unipersonnelle.
En revanche, pour les sociétés anonymes cotées, c’est-à-dire celles qui émettent des actions et sont admises sur un marché réglementé, le nombre minimal d’actionnaires reste fixé à sept à la suite des différentes précisions apportées par l’article 2 du texte en discussion.
Le Sénat a également prévu que le seuil de sept actionnaires s’appliquait aussi aux sociétés cotées sur un système multilatéral de négociation. Pour être créée, une société anonyme doit disposer d’un capital minimum de 37 000 euros ou, lorsqu’elle fait appel public à l’épargne, de 225 000 euros. Cette structure permet donc de réunir d’importants capitaux.
Le régime de la société anonyme présente des avantages en ce que les actionnaires ne sont pas responsables de l’ensemble, ni solidaires des dettes de la société. Ils n’engagent en effet leur responsabilité sur les dettes qu’à due concurrence de leur apport : ainsi, le patrimoine des associés de la société anonyme ne répond pas des dettes sociales. De plus, l’adhésion à la société anonyme se fait par voie de souscription et les dirigeants peuvent bénéficier du statut de salarié sur le plan fiscal et social, plus protecteur.
Cela étant, ce régime révèle quelques inconvénients. La société anonyme entraîne de nombreux frais de constitution, un mode de fonctionnement lourd et impose une capacité financière de départ importante.
Je tiens donc à saluer les précisions apportées au texte. L’article 1er prévoit la suppression des coordinations existantes et le passage à un minimum de deux actionnaires pour les sociétés anonymes dans certains cas, comme les unions de sociétés coopératives de commerçants détaillants.
De même, des dérogations sont prévues, comme pour les sociétés européennes, avec un seul actionnaire pour les sociétés détenues par l’État. En effet, l’État pouvant être un actionnaire unique, l’article 1er du projet de loi prévoit de rétablir l’article 32 de l’ordonnance du 20 août 2014 relative à la gouvernance et aux opérations sur le capital des sociétés à participation publique.
Pour les sociétés d’exercice libéral à forme anonyme, la dérogation vise à rétablir un minimum de deux actionnaires, au lieu de trois actuellement, afin d’aligner cette forme de société sur le droit commun.
Enfin, une précision a été apportée à l’article 1er, visant à ce que la procédure de dissolution d’une société anonyme par le tribunal de commerce, à la demande de toute personne intéressée, ne soit pas applicable pendant une année lorsque la société anonyme compte moins de sept actionnaires.
Pour finir, je tiens à préciser que cette réduction de sept à deux actionnaires pour les sociétés anonymes non cotées est une proposition contenue dans les cinquante mesures de simplification proposées par le Conseil de la simplification pour les entreprises du 14 avril 2014. Ces dispositions vont donc dans le bon sens.
Ainsi, vous l’aurez compris, le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste votera le texte que nous examinons aujourd’hui.
Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, l’accélération des rythmes de vie est assurément un des marqueurs forts – et pas toujours heureux – de la fin du siècle dernier, que ce début de siècle ne fait que confirmer.
Confrontés à cette réalité incontournable et difficilement maîtrisable, il nous a semblé nécessaire, dès notre arrivée aux responsabilités, de simplifier nombre d’exigences administratives ou, pour le dire autrement, de supprimer des formalités jugées non nécessaires. De ce chantier, nous espérons des économies de temps et de moyens. Je sais que certaines de mes collègues, telles Mme Descamps-Crosnier ou Mme Errante, sont très mobilisées sur ces questions.
Pour ce qui a trait au secteur économique, en décembre 2014, nous avons adopté le projet de loi relatif à la simplification et à la sécurité de la vie des entreprises. L’objectif poursuivi est simple : que celles et ceux qui se consacrent à leur entreprise puissent dégager le maximum de leur temps pour son développement.
Aujourd’hui, nous sommes amenés à débattre d’un projet de loi dont l’objet est de ratifier l’ordonnance du 10 septembre 2015 portant réduction du nombre minimal d’actionnaires dans les sociétés anonymes non cotées.
À l’issue des travaux en commission au Sénat, certains ajustements ont été proposés par nos collègues sénateurs. Ainsi, le périmètre des sociétés anonymes tenues d’avoir au moins sept actionnaires est révisé. Il permet de prendre en compte celles dont les actions sont cotées sur un système multilatéral de négociation et pas seulement sur un marché réglementé classique. Ensuite, une portée rétroactive est donnée à l’article 2 afin de ne pas rendre incertain ou fragile le régime juridique des entreprises publiques pendant la période transitoire.
La norme est une protection et non une difficulté, souvent du faible contre le fort, parfois du fort contre lui-même, tant il ne s’aperçoit pas qu’il est souvent le bénéficiaire d’une contrainte qu’il dénonce. Il nous faut conserver cette vérité à l’esprit car, tout comme il ne faut pas céder aux sirènes du « tout normatif », il ne faut pas suivre aveuglément le chemin proposé par certains visant à lever par principe les contraintes.
Il nous appartient en effet de veiller à un équilibre délicat, de faire rimer souplesse et garanties, contraintes et nécessités, en levant à chaque fois que nous le pouvons telle ou telle démarche ou exigence qui n’a manifestement plus de sens : c’est ce que nous faisons aujourd’hui.
Je souhaite enfin saluer l’excellent travail de mon collègue rapporteur Jean-Michel Clément. Le groupe socialiste votera bien évidemment ce texte.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, un record absolu du nombre de chômeurs, le record mondial des prélèvements obligatoires, une balance commerciale en chute libre, une croissance atone : face à ce triste constat, une des priorités – mais non la seule – doit être de simplifier la vie des entreprises pour renforcer leur compétitivité et libérer leur potentiel de croissance.
Le présent projet de loi ratifiant l’ordonnance du 10 septembre 2015 portant réduction du nombre d’actionnaires dans les sociétés anonymes non cotées s’inscrit dans ce mouvement de simplification.
Autorisée par l’article 23 de la loi du 20 décembre 2014 relative à la simplification de la vie des entreprises, cette ordonnance prévoit d’abaisser de sept à deux le nombre minimal d’actionnaires nécessaire pour constituer une société anonyme. Le nombre de sept actionnaires pour les sociétés anonymes cotées est quant à lui maintenu.
Jusqu’à présent, les sociétés anonymes cotées ou non, devaient, en application de l’article L. 225-1 du code de commerce, réunir au minimum sept actionnaires. En réduisant le nombre à deux, le texte s’aligne ainsi sur la règle de droit commun prévue à l’article 1832 du code civil, qui dispose que : « La société est instituée par deux ou plusieurs personnes qui conviennent par un contrat d’affecter à une entreprise commune des biens ou leur industrie en vue de partager le bénéfice ou de profiter de l’économie qui pourra en résulter. »
Sans modifier les compétences et les règles de fonctionnement des sociétés anonymes, cette ordonnance permet donc de répondre aux critiques faites au seuil légal de sept actionnaires, inadapté à la réalité économique de notre tissu entrepreneurial et source de lourdeurs administratives.
Rappelons en effet qu’au sein des sociétés familiales et des PME, les parts sont souvent réunies entre les mêmes mains. Il en va de même pour les groupes de sociétés, au sein desquels les filiales sont parfois détenues à 100 % par la société mère.
Signe que le dispositif antérieur était peu adapté à la pratique des entreprises : le recours fréquent, signalé par les orateurs précédents, à des actionnaires de complaisance ou inactifs pour ne pas avoir à ouvrir le capital. Signe aussi que cette forme sociale était trop lourde pour les entrepreneurs, l’on constate qu’en 2014 plus de 9 000 sociétés immatriculées étaient des sociétés par actions simplifiées – ou SAS –, contre une centaine de sociétés anonymes.
Il est vrai que de nombreux chefs d’entreprise, et surtout de petites moyennes et entreprises, tendent à recourir à la forme de la société par actions simplifiée compte tenu de la très grande liberté statutaire qu’elle laisse aux associés. La SAS peut même être constituée par un associé unique dans le cadre d’une « société par actions simplifiée unipersonnelle ».
Toutefois, la baisse du nombre minimal d’actionnaires dans les sociétés anonymes pourra conduire certains chefs d’entreprise à arbitrer plus facilement en faveur de cette forme juridique. Elle redeviendrait alors attrayante en raison de la stabilité et de la prévisibilité de ses règles de fonctionnement, mais également en raison d’une meilleure protection des associés, et plus particulièrement des associés minoritaires, que dans une SAS.
La France était du reste le seul pays à prévoir une telle contrainte de seuil : deux actionnaires suffisent au Royaume-Uni et en Belgique, un seul en Allemagne et au Luxembourg ; l’Espagne ne fixe quant à elle pas de minimum.
En s’inscrivant par ailleurs dans cette volonté d’harmonisation européenne, l’ordonnance renforce utilement la compétitivité de la France en Europe. Comme nos collègues sénateurs, nous prenons acte de cette simplification qui doit permettre de renforcer l’attractivité de la société anonyme.
Madame la secrétaire d’État, l’enjeu dépasse largement la simple question du nombre minimal d’associés, qui est une mesure certes intéressante, mais ponctuelle, de simplification.
La véritable réforme consisterait plutôt dans la mise en place d’un régime globalement simplifié pour les petites sociétés non cotées. Au-delà de la simplification pour les seules sociétés anonymes, nous appelons le Gouvernement à engager une démarche bien plus vaste en matière de simplification du droit des sociétés cotées ou non.
Ainsi, d’autres mesures pourraient améliorer la compétitivité du droit français de nos entreprises : la simplification des règles d’octroi de garanties par une société mère à une filiale, la dématérialisation des assemblées générales ordinaires des sociétés non cotées ou encore l’allégement de l’obligation triennale de présentation à l’assemblée générale d’une augmentation de capital réservée aux salariés.
D’autres mesures pourraient être aisément prises afin de supprimer des contraintes juridiques coûteuses et par ailleurs de faible utilité. C’est le cas lorsqu’une société doit recourir à un commissaire aux avantages particuliers quand celle-ci émet des actions préférentielles.
Notre droit des sociétés doit être aménagé afin que les événements juridiques, qui sont autant de contraintes pour nos sociétés, pèsent encore moins en termes de coûts sur la vie de l’entreprise. Il s’agit non seulement de coûts financiers, mais aussi de coûts administratifs qui, en termes de moyens humains, ont des conséquences financières pour les entreprises.
Une autre piste consisterait à associer les salariés, en leur permettant d’entrer au capital de leur entreprise via l’intéressement au capital et ce, avec des formalités qui pourraient être facilitées.
Voilà les pistes qui vous sont proposées, madame la secrétaire d’État ; je sais que le sujet de la simplification vous est cher.
Mes chers collègues, malgré ces réserves et ces suggestions, et en attendant une démarche plus ambitieuse, le groupe Les Républicains votera ce texte.
Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la réduction du nombre d’actionnaires dans les sociétés anonymes non cotées vise à renforcer l’attractivité de cette forme de société. Elle permet également d’aligner le régime qui leur est applicable sur la règle de droit commun, la France restant le seul pays d’Europe à avoir maintenu la règle des sept actionnaires.
C’est un texte simple, qui a fait consensus tant au Sénat qu’au sein de notre commission des lois la semaine dernière.
Cette mesure participe plus largement à la nécessité d’harmoniser le droit des sociétés et de simplifier la vie des entreprises, objectifs que le Groupe de l’Union des démocrates et indépendants soutient mais que ce texte ne fait malheureusement qu’effleurer.
Ainsi, comme l’a souligné la commission des lois du Sénat, cette ordonnance est « loin de répondre aux demandes de simplification et de modernisation du droit des sociétés. » Ces questions appellent légitimement un travail législatif plus approfondi et minutieux.
De la même manière, les députés du groupe UDI considèrent qu’un véritable « choc de simplification », comme l’avait proposé le Président de la République, est vital pour notre pays, afin de permettre aux entreprises de se développer enfin sans entrave. Il est de notre devoir d’alléger le fardeau administratif qui pèse sur toutes les formes d’activité en France.
En effet, l’impact de la réglementation nationale sur leur activité est perçu négativement par l’écrasante majorité des entrepreneurs de notre pays. Les dirigeants de TPE et de PME consacrent ainsi en moyenne un tiers de leur temps de travail à la gestion des tâches administratives, au lieu de mettre ce temps et cette énergie à développer l’activité de leur entreprise.
L’OCDE a évalué à soixante milliards d’euros – cela ne se trouve pas sous le sabot d’un cheval ! – le coût de la complexité administrative pour les entreprises, ce qui, d’après le Forum économique mondial, place la France au cent trentième rang sur 148 pays en matière de poids des normes. Les normes inutiles forment aujourd’hui un carcan, mis en place année après année par les uns et les autres, qui enserre notre appareil productif et condamne notre pays à la morosité économique.
C’est pourquoi la simplification des normes doit être un objectif prioritaire : une telle démarche, si elle est réussie, sera un élément important dans le combat pour le retour de la croissance, donc de l’emploi. Depuis de nombreuses années, en particulier à la suite de la crise économique qui a débuté en 2008, l’immense majorité des pays européens font, comme la France, face à la montée du chômage et à la nécessité de se moderniser afin de renouer avec la compétitivité.
La simplification normative est indiscutablement un outil incontournable dans ce processus et n’est pas, à ce titre, une spécialité française. Nos voisins sont d’ailleurs autrement plus ambitieux et engagés dans le processus que nous le sommes.
Les Britanniques, par exemple, préfèrent au principe français d’une norme ancienne abrogée pour une norme nouvelle adoptée celui d’« une qui entre, deux qui sortent ». Autrement dit, pour une nouvelle norme adoptée, deux normes disparaissent immédiatement et obligatoirement. En appliquant scrupuleusement ce principe en 2011 et 2012, le gouvernement britannique a fait bénéficier ses entreprises d’un gain économique net évalué à un peu plus d’un milliard d’euros, réinvesti bien sûr pour une très large part dans le processus productif. Cette discipline a permis au Royaume-Uni d’afficher un an plus tard seulement une croissance économique bien supérieure à la nôtre.
En effet, la croissance française n’a été que de 0,2 % en 2014, après 0,7 % en 2013 et 0,2 % en 2012. Elle s’élèverait à 1,1 % en 2015, alors que l’inversion de la courbe du chômage nécessite au minimum une croissance de 1,5 %.
La simplification des normes est donc essentielle car en contribuant à la croissance elle permettra de mettre un terme à la montée du chômage que nous subissons depuis beaucoup trop longtemps et qui plonge des millions de nos concitoyens dans la détresse.
Après deux lois de simplification, auxquelles s’ajoute une partie de la loi Macron, le choc de simplification annoncé le 14 mai 2013 par le Président de la République ne s’est pas pleinement matérialisé pour nos entreprises. Certes nous sommes sur le chemin mais nous nous hâtons très lentement. Cette ordonnance en est une illustration.
Plus généralement, et comme l’ont déjà fait observer les membres du groupe UDI, le choc de simplification doit impérativement être assorti d’un choc de compétitivité pour être efficace. Pour redonner confiance aux entrepreneurs, il ne faut pas seulement réduire le poids des normes ; il faut également mettre en place les conditions leur permettant de créer des emplois en allégeant significativement la fiscalité des entreprises.
Dans le cadre du pacte de responsabilité, le Gouvernement avait ainsi annoncé que le taux d’impôt sur les sociétés serait progressivement abaissé, à partir de 2017, pour que le taux normal s’établisse à 28 % en 2020. Dans cette perspective, qui conditionne pour une part l’amélioration de la compétitivité de nos entreprises, le groupe UDI souhaite que l’abaissement du taux d’impôt sur les sociétés commence immédiatement, au moins pour les TPE et les PME.
C’est pourquoi nous avions proposé d’amorcer cette baisse dès le 1er janvier 2015, en réduisant le taux réduit d’impôt sur les sociétés d’un point par an pendant cinq ans.
Je rappelle que nos partenaires privilégient depuis quelques années déjà le soutien de la relance économique par des baisses d’impôts. Or, en Europe, la France détient, avec la Belgique, le record en matière de taux d’impôt sur les sociétés.
Nous devrions nous inspirer des exemples de nos voisins. L’Italie a abaissé son taux d’impôt sur les sociétés de 33 % à 27,5 % en 2014. Au Portugal, depuis le 1er janvier 2014, le taux de cet impôt a été abaissé de 25 à 23 %, et le Gouvernement s’est engagé à une réduction progressive jusqu’à 17 %. Quant à la Suède et à la Finlande, leurs taux d’impôt sur les sociétés sont de 22 % et 20 % respectivement. Si on prend les pays de l’OCDE, le taux moyen d’impôt sur les sociétés a progressivement diminué depuis 2000 pour atteindre aujourd’hui 23,6 %. Nous sommes donc très loin du niveau moyen des pays de l’OCDE.
Si Pierre Moscovici promettait une convergence fiscale avec nos partenaires européens au cours des années à venir et envisageait une réforme de l’impôt sur les sociétés, force est de constater que les atermoiements du Gouvernement et sa majorité ont fait prendre le chemin inverse à la France, avec notamment l’instauration d’une surtaxe qui a porté notre taux d’impôt sur les sociétés à 38 % pour les grands groupes pendant deux ans.
Une baisse immédiate de l’impôt sur les sociétés aurait permis de desserrer l’étau fiscal et de rendre des marges de manoeuvre immédiates aux TPE et aux PME, qui en ont cruellement besoin.
Mes chers collègues, les députés du groupe UDI voteront naturellement en faveur de ce projet de loi de ratification, qui représente une avancée, bien qu’elle soit extrêmement mineure.
Nous appelons toutefois le Gouvernement à aller enfin plus loin, et à proposer sans tarder des mesures fortes de simplification et de compétitivité, essentielles si on veut redonner des marges de manoeuvre à nos entreprises pour que notre pays renoue avec l’emploi.
Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, chers collègues, le projet de loi qui est soumis à notre examen aujourd’hui vise à ratifier une ordonnance prise sur le fondement de l’article 23 de la loi du 20 décembre 2014 relative à la simplification de la vie des entreprises pour l’examen de laquelle une commission spéciale, que j’ai eu l’honneur de présider, avait été instituée. Je salue notre collègue Sophie Errante, qui avait été rapporteure sur ce texte qui avait fait l’objet d’un travail important, aussi bien en commission spéciale qu’en séance.
Cette ordonnance, qui vise à réduire le nombre minimal d’actionnaires dans les sociétés anonymes non cotées, a une histoire. Nos travaux s’inscrivaient en effet dans le cadre du « choc de simplification » lancé par le Président de la République en 2013.
Cette mesure rejoignait l’une de celles proposées le 14 avril 2014 par le Conseil de la simplification pour les entreprises. Sa onzième proposition était en effet de « réduire de sept à deux le nombre minimum d’actionnaires pour les sociétés anonymes non cotées et adapter en conséquence le nombre minimum d’administrateurs. » À l’époque, l’exécutif n’avait pas arrêté un nombre optimal et souhaitait donc pouvoir le déterminer par ordonnance afin de se laisser le temps de la réflexion et de mener les consultations appropriées.
Pendant nos travaux, nous avions pu constater la faiblesse de l’impact de cette mesure puisque, en 2013, 92 sociétés anonymes avaient été créées. Le rapport au Président de la République du 11 septembre 2015 sur l’ordonnance précise également qu’« en 2014, une centaine de sociétés anonymes a été immatriculée contre plus de neuf mille sociétés par actions simplifiées. » Et je ne parle pas des sociétés à responsabilité limitée. Je rappelle que 550 700 entreprises ont été créées en 2014.
Si le flux d’entreprises crées est assez faible – mais c’est aussi l’objet de cette ordonnance que de renforcer l’attractivité de la formule de la société anonyme – en revanche le « stock » est plus important : lors des discussions de la commission spéciale, il était estimé à 100 000 entreprises d’après le Conseil de la simplification et à 54 800 sociétés anonymes d’après les statistiques d’Infogreffe.
Les travaux parlementaires, notamment durant la navette, avaient permis d’aboutir à une habilitation à procéder par ordonnance resserrée pour permettre d’atteindre l’objectif de réduire le nombre minimal d’actionnaires sans pour autant aller vers une société anonyme unipersonnelle. En conséquence, la rédaction excluait de remettre en cause les compétences et les règles de composition, d’organisation et de fonctionnement des organes sociaux.
L’ordonnance du 15 septembre – prise in extremis, le délai étant de neuf mois – a respecté le cadre fixé par l’habilitation et le Gouvernement a finalement retenu la solution à deux personnes proposée par le Conseil de la simplification.
Comme l’a expliqué M. le rapporteur, les modifications apportées par le Sénat, avec l’assentiment du Gouvernement, sont de nature à consolider la portée opérationnelle de la mesure de simplification introduite par l’ordonnance.
Les amendements qui vont nous être soumis par M. le rapporteur permettront l’adoption d’un texte juridiquement solide.
Aussi, au regard du respect des travaux de la commission spéciale, j’appelle nos collègues à voter en faveur de ce texte qui permettra de simplifier la vie des entreprises qui ont fait ou qui feront le choix de cette forme juridique et de moderniser notre droit du commerce. Les dispositions dont nous parlons remontent tout de même à 1867 – je vous confirme l’exactitude de cette date, monsieur le rapporteur.
Je profite de l’occasion qui m’est aujourd’hui donnée, en tant qu’ancienne présidente de la commission spéciale pour l’examen du projet de loi pour la simplification de la vie des entreprises, pour appeler l’attention du Gouvernement sur quelques aspects importants de l’application de cette loi.
J’ai vérifié l’échéancier d’application de la loi et, sauf erreur de ma part, trois décrets d’application ne sont pas encore parus dont celui, très attendu comme l’avaient montré nos travaux, d’autorisation du convoyage par des engins motorisés conçus pour la progression sur neige, de la clientèle vers les établissements touristiques d’altitude offrant un service de restauration ! Il s’agit de développement touristique, donc économique et c’est pourquoi cela me semble important.
Si vous aviez, madame la secrétaire d’État, des précisions à nous apporter sur l’état d’avancement de ces textes réglementaires, à l’occasion de nos débats ou ultérieurement, nous vous en saurions collectivement gré.
Je regrette par ailleurs de ne pas avoir été associée, et à travers moi les membres de l’ancienne commission, à l’élaboration des ordonnances alors que le secrétaire d’État à la simplification s’y était engagé à l’époque. Il y a certes « co-construction » législative, comme le démontre le débat que nous avons aujourd’hui et celui que nous avons eu en commission, mais l’intervention du Parlement se situe en aval alors qu’il eut sans doute été préférable que nous puissions être associés en amont.
Je connais, madame la secrétaire d’État, votre engagement auprès des parlementaires pour conduire un travail partagé et je vous en remercie. Je souhaite que notre périmètre de travail en commun puisse s’élargir, aux textes des ordonnances et des décrets d’application lorsqu’une loi de simplification est votée par le Parlement. J’émets ce voeux avec à l’esprit les quatre-vingt-dix nouvelles mesures de simplification proposées par le Conseil de la simplification des entreprises le 3 février dernier, qui alimentent les travaux que le Gouvernement mène de son côté, particulièrement dans le champ administratif. En tout, ce sont ainsi 170 nouvelles mesures qui sont sur la table. C’est donc un apport important aux chantiers de la simplification.
Madame la secrétaire d’État, nous serons à vos côtés pour accompagner ces mesures législatives et pour les faire connaître sur le terrain. Nous avions eu l’occasion, lors de l’examen du projet de loi de simplification de travailler avec des entreprises qui ont parfois l’impression que la vie administrative est éloignée de leurs soucis. Je sais que vous saurez accompagner ce mouvement.
Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, je tiens tout d’abord à vous dire, monsieur le président de la commission des lois – même si j’ai déjà eu l’occasion de vous le dire dans un couloir où j’ai eu le bonheur de vous rencontrer – combien je suis heureux que vous soyez devenu le président de notre commission parce que je vous aime beaucoup…
…et que j’ai beaucoup aimé votre père – je ne suis évidemment pas le seul – qui m’a fait beaucoup rire mais aussi pleurer, du temps où je savais pleurer. Maintenant, je rengorge mes larmes – jusqu’où iront-elles ? – mais je pleurerai à nouveau sans doute puisque la vieillesse me guette.
Je trouve que vous êtes très humain.
C’est de cette humanité que j’aimerais m’inspirer en ce moment parce que – nous sommes vraiment gâtés, madame la présidente – nous ne discutons que de textes heureux en cette fin d’après-midi. Vous noterez d’ailleurs ma présence – étant le seul membre de mon groupe, je ne suis pas nombreux
Sourires
Nouveaux sourires
Je me réjouis que ce texte officialise ce qui avait déjà été un peu mis sur pied à travers une décision administrative. C’est ainsi que nous parviendrons à relancer des activités de proximité !
Pourquoi sept actionnaires alors qu’un couple peut très bien y arriver ? Combien de fois ne l’avons-nous pas vérifié ? À sept, il suffit que votre belle-soeur divorce, que votre soeur épouse le patron de votre concurrent et vous voyez dans quelle situation l’entreprise se trouve soudain plongée !
Lorsque j’ai créé mon entreprise – je n’avais pas un sou et cela n’a d’ailleurs pas tellement changé depuis – le Crédit agricole m’avait prêté un peu d’argent et j’ai pris un cousin pour associé.
Je suis allé vivre chez lui pendant trois mois afin de mieux faire connaissance avec sa femme et comprendre comment elle se comporterait le jour où notre affaire marcherait.
Tant que les choses ne marchent pas, en effet, l’enjeu est nul et on fait preuve de courage mais si un jour l’entreprise vient à gagner un peu d’argent, madame la secrétaire d’État, il n’est pas possible d’empêcher une belle-soeur de considérer que l’autre est mieux habillée ou que le beau-frère dispose d’un meilleur statut, etc.
Lorsque l’on veut diriger des entreprises de ce type – et Dieu sait s’il faut le faire – il faut que ce soit de la façon la plus simple possible. En ce qui me concerne, j’avais donc voulu m’assurer que l’épouse de mon cousin serait capable de comprendre tout cela et elle l’a bien compris puisque nous sommes restés finalement ensemble P.-D.G. de l’entreprise pendant 33 ans.
Nous avons donc grandi. Comme ni l’un ni l’autre n’étions ingénieurs, nous en avons recruté sept et nous avons eu ainsi une entreprise qui a assez bien fonctionné.
C’est important : souvent on se demande ce qui pourrait relancer notre pays. Eh bien, madame la secrétaire d’État, ce sont tout simplement des mesures aussi simples, de bon sens, que celle-ci. Tout le monde peut le comprendre !
J’ajoute que lorsque l’on travaille à deux, les choses ne sont pas pareilles : nous savons bien que si l’autre ne va pas… De plus, cela crée une relation, une intimité qui permet de mener les plus belles aventures, d’aller le plus loin possible. Pour cela, il faut bien s’entendre et, en l’occurrence, on est quand même obligés de se conforter.
Bien des efforts sont menés qui, peu à peu, paieront. Je l’ai dit tout à l’heure et je le répète : il faut remettre en place les conditions d’un grand projet politique et social pour notre pays afin qu’il puisse se rassembler autour d’un nouveau contrat. Il faut également présenter des textes semblables à celui-ci, qui contribueront à relancer notre économie.
Dès lors, si nous trouvons quelques marges de manoeuvres, comme je l’ai dit ce matin au docteur Schweitzer,…
Sourires.
…nous devons retrouver un peu d’argent. L’Europe nous a trop… Vous comprenez… Le monde aussi car la finance est mondialisée. Il n’en reste pas moins que le génie français ne sera jamais freiné par quiconque tant qu’il sera mû par l’inspiration qui vous guide en ce moment.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Vous avez parlé pendant cinq minutes, le temps exactement imparti. Pas une seconde de dépassement ! C’est un record pour vous, monsieur Lassalle !
Sourires
J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles du projet de loi.
Les articles 1er et 2 sont successivement adoptés.
L’amendement no 2 tend à rectifier une erreur matérielle.
L’article 32 de l’ordonnance no 2014-948 du 20 août 2014 relative à la gouvernance et aux opérations sur le capital des sociétés à participation publique est abrogé depuis le 12 septembre 2015, date de l’entrée en vigueur de l’ordonnance no 2015-1127 du 10 septembre 2015 portant réduction du nombre minimal d’actionnaires dans les sociétés anonymes non cotées. Son rétablissement doit également intervenir le 12 septembre 2015 pour être effectif, et non le 11 septembre 2015.
L’amendement no 1 apporte une clarification. En effet, le deuxième alinéa de l’article L. 225-1 du code de commerce a été modifié par l’article 2 du présent projet de loi en séance publique au Sénat de sorte que la référence à l’ordonnance no 2015-1127 du 10 septembre 2015 est devenu obsolète.
Il convient donc de supprimer les mots figurant à l’alinéa 4 de l’article 3 : « , dans sa rédaction résultant de l’ordonnance no 2015-1127 du 10 septembre 2015 portant réduction du nombre minimal d’actionnaires dans les sociétés anonymes non cotées, ».
Le texte sera ainsi correctement expurgé.
L’article 3, amendé, est adopté.
L’article 4 est adopté.
N’étant saisie d’aucune explication de vote, je mets aux voix l’ensemble du projet de loi.
Le projet de loi est adopté.
Mes chers collègues, nous n’avons pas même eu besoin de faire une séance prolongée. Je vous félicite donc !
Prochaine séance, mardi 16 février, à neuf heures trente :
Questions orales sans débat.
La séance est levée.
La séance est levée à dix-neuf heures cinquante.
La Directrice du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Catherine Joly