Cette amélioration, identique à celle qui avait été observée en 2014, résulte de deux mouvements de sens inverse. Premièrement, un ralentissement de la hausse de la dépense publique : elle a moins augmenté que le PIB, de sorte que sa part relative a diminué. Je reconnais bien volontiers ce ralentissement, bien qu’il ait porté, pour une part non négligeable, sur les dépenses d’investissement des collectivités territoriales. Quoi qu’il en soit, c’est un premier résultat.
Deuxièmement, les recettes publiques ont baissé de 0,4 % du PIB. À ce sujet, je répète ce que j’ai dit à plusieurs reprises lors des débats budgétaires : je suis inquiet de l’évolution spontanée de nos recettes, qui est inférieure à l’évolution du PIB. Je me demande s’il n’y a pas des causes structurelles à ce phénomène, à cette stagnation de nos recettes. Je souhaite que la Cour des comptes l’analyse plus précisément, notamment en ce qui concerne l’impôt sur le revenu et l’impôt sur les sociétés.
Pour l’année 2016, la loi de finances a fixé un objectif ambitieux : il s’agit de passer à un déficit de 3,3 % du PIB, soit une baisse de 0,5 %. La Cour des comptes fait apparaître à son tour à quel point cette prévision est ambitieuse, pour ne pas dire fragile. En effet, concernant les recettes, la prévision d’évolution spontanée de l’impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux semble trop optimiste, pour les raisons que j’ai évoquées il y a un instant, et qui ont joué en 2014 et en 2015. La Cour des comptes l’évalue à 0,1 % ou 0,2 %, soit de 2 à 4 milliards d’euros. Mais puisque nous sommes toujours à la limite, c’est préoccupant. J’espère que les recettes seront au rendez-vous !
L’État est par ailleurs confronté à des contentieux – la commission des finances organisera prochainement une audition à ce sujet. Il s’agit notamment des entreprises Steria et EDF. Nous risquons d’avoir des mauvaises surprises en ce qui concerne l’impôt sur les sociétés.
La Cour des comptes exprime des craintes au sujet de l’évolution des dépenses de l’État, à cause de la récurrence des dépassements de crédits. Mais cela permet de financer les OPEX, les opérations armées extérieures : d’une certaine manière, je tiens à rassurer la Cour des comptes sur ce sujet que nous connaissons bien. Il y a cependant d’autres sujets d’inquiétude : de nombreuses dépenses qui ont été annoncées au cours du mois de janvier, au gré des promesses formulées lors des discours de voeux. Lorsque l’on additionne le coût des mesures concernant l’emploi et la sécurité, on atteint un total de plusieurs milliards d’euros.
Ces sommes ne sont pas financées, en tout cas pour ce qui touche à l’emploi : le secrétaire d’État au budget a reconnu lui-même, dans cet hémicycle, que les 2 milliards d’euros destinés à l’emploi ne sont pas, à ce jour, financés. Ils ne figurent pas, en tout état de cause, dans la loi de finances initiale, contrairement aux dépassements envisagés en matière de sécurité.
S’agissant des collectivités locales, la loi de finances prévoit que la totalité de la baisse de dotations sera répercutée sur les dépenses. Mais il est toujours possible que certaines collectivités choisissent de maintenir leur niveau de dépenses, notamment en investissements, en augmentant leur endettement. Il y a là une incertitude.
Une incertitude encore plus importante menace l’évolution des dépenses sociales, qui sont tributaires de décisions extérieures au Gouvernement, puisqu’elles relèvent des partenaires sociaux – je pense notamment à l’accord sur les retraites complémentaires, ou à la renégociation de la convention d’assurance-chômage, que nous espérons voir aboutir. La Cour des comptes note, à juste titre, que les effets de cette renégociation ne se produiront pas en 2016, mais plutôt en 2017. Or le Gouvernement estime les économies à 1,8 milliard d’euros : cela paraît très optimiste.
Il faut ajouter à cela un élément nouveau, à propos duquel nous interrogerons M. le ministre : il semble que la prime d’activité s’emballe. Cette prime résulte de la fusion de la prime pour l’emploi avec la partie « activité » du revenu de solidarité active, dite RSA-activité. Le dispositif nouveau devait respecter l’enveloppe globale des deux anciens dispositifs, à savoir 4 milliards d’euros. Or nous en sommes déjà à plus de 1,5 million de demandes, soit un taux de demande de plus de 30 %, alors que ce taux était prévu à 50 %. Il y a là une vraie incertitude.
En revanche – et j’en terminerai par là –, comme chaque année, les frais financiers nous réservent une bonne nouvelle. Si tout se passe bien, les intérêts de la dette seront inférieurs de 2 milliards d’euros à ce qui a été voté, comme en 2015. Mais il faut admettre qu’à l’instar du chômage, la dette publique continuera de progresser en 2016. Elle atteindra ainsi 96,5 % du PIB. Je rappelle inlassablement, à cet égard, que notre besoin de financement est devenu l’un des plus importants – si ce n’est le plus important – de la zone euro : il s’élèvera en 2016 à 200 milliards, dont près de 190 milliards d’euros en émission de dette à moyen et long terme.
C’est dire à quel point nos finances publiques sont vulnérables à une augmentation des taux d’intérêt. Heureusement, cette augmentation ne semble pas se dessiner, mais elle est inéluctable. Monsieur le ministre, monsieur le Premier président, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, ce n’est pas parce que nos finances publiques sont sous anesthésie générale que nous devrions perdre notre lucidité quant à leur situation réelle.