Intervention de Francis Vercamer

Séance en hémicycle du 10 février 2016 à 15h00
Expérimentation territoriale visant à faire disparaître le chômage de longue durée — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrancis Vercamer :

Madame la présidente, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, après le succès de la commission mixte paritaire, notre assemblée devrait donc adopter définitivement – à l’unanimité, si j’en crois les orateurs des différents groupes – la proposition de loi d’expérimentation territoriale visant à résorber le chômage de longue durée. La mise en oeuvre de ce texte est urgente, et nous avons plus que jamais besoin de solutions nouvelles, de solutions modernes et novatrices pour lutter contre le chômage de longue durée.

Le marché du travail est dans une situation dramatique. Malgré les espoirs du Président Hollande, la courbe du chômage ne s’inverse toujours pas, bien au contraire. Au mois de décembre, la nouvelle hausse de 0,4 % du nombre de demandeurs d’emploi souligne que 2015 a encore été une année de perdue pour l’emploi – la troisième du quinquennat de François Hollande, avec près de 90 000 nouveaux demandeurs d’emploi. Ces chiffres, derrière lesquels se jouent de véritables drames humains et sociaux, démontrent, s’il le fallait encore, que les outils mobilisés à ce jour par le Gouvernement sont nettement insuffisants.

Mes chers collègues, la France appartient à la courte liste des pays européens qui ne parviennent pas à enrayer la spirale infernale du chômage. Aujourd’hui, le Président de la République et le Gouvernement ne peuvent plus se contenter de contrats aidés et de mesures tardives de soutien à l’apprentissage, à la formation professionnelle ou à l’entreprenariat – autant de tentatives désespérées pour faire diminuer artificiellement les chiffres du chômage. Il faut dès à présent opérer la rupture économique et sociale dont la France a besoin. Il est urgent de tenter ce qui n’a pas été essayé, et c’est bien l’esprit de cette proposition de loi, qui a retenu l’attention du groupe UDI.

Ce texte s’inscrit dans une logique d’activation des dépenses passives : ce sont les coûts liés à la privation d’emploi sur une longue durée qui sont réaffectés au financement du dispositif. La mesure créée par ce texte offre à son bénéficiaire un véritable contrat de travail à durée indéterminée : on est loin d’un contrat précaire, ou même d’un contrat aidé au devenir flou et à la pérennité incertaine.

Ce dispositif permettra aux demandeurs d’emploi concernés de retrouver une stabilité dans leur vie professionnelle, évidemment, mais aussi dans leur vie personnelle. Ils pourront envisager des projets à long terme, pallier des soucis financiers périodiques et être rassurés quant au versement de leur salaire à la fin de chaque mois.

Par ailleurs, ils pourront s’engager dans une démarche d’acquisition de compétences et de validation de leurs savoir-faire. Les entreprises participant à l’expérimentation devront en effet fixer, avec le fonds national d’expérimentation, les conditions d’accompagnement des bénéficiaires et les actions de formation envisagées.

C’est ainsi une véritable démarche de remise en confiance que sous-tend cette proposition de loi : confiance en soi-même après une longue période sans emploi qui est profondément déstabilisante, confiance dans le travail et dans la stabilité assurée par un emploi.

Nous l’avons déjà dit, cette proposition de loi engage un dispositif innovant qui semble contredire tous ceux qui pensent avoir déjà tout essayé contre le chômage de longue durée. À ce titre, le fait que l’association ATD Quart Monde ait été distinguée, en décembre dernier, par le label « La France s’engage » vient confirmer le caractère novateur de la démarche. Il confirme également à quel point les solutions les plus audacieuses ne sont pas nécessairement celles conçues par l’État : elles naissent d’initiatives citoyennes, d’associations, de collectivités territoriales qui s’efforcent de sortir des sentiers battus pour proposer des dispositifs inédits. En adoptant ce texte, nous faisons la démonstration que l’initiative associative peut contribuer, à force de convictions et d’expérimentations, à faire émerger des politiques nouvelles et, peut-être, les politiques publiques de demain.

Pour ces différentes raisons, il n’est pas étonnant que le secteur de l’économie sociale et solidaire soit étroitement associé au dispositif prévu par cette proposition de loi. Ce secteur sait notamment répondre aux enjeux de société nouveaux que l’initiative privée ou le secteur public ont délaissés. L’économie sociale et solidaire est une source d’innovation sociale cohérente avec l’objectif de cette proposition de loi.

Fidèle à notre tradition, notre groupe sera particulièrement vigilant quant aux modalités de financement de ce futur dispositif. L’originalité de celui-ci tient, nous l’avons dit, à son financement par une réallocation à budget constant. Dès lors, l’expérimentation ne devrait pas faire appel, en principe, à d’autres financements que ceux gagés sur les coûts d’indemnisation et d’aide sociale suscités par la situation de chômeurs de longue durée. Les budgets publics concernés devront contribuer au financement de ces emplois, sans augmentation de leurs dotations respectives. À notre sens, le respect de ce principe sera, avec l’analyse des parcours de retour à l’emploi des bénéficiaires, l’une des conditions essentielles de réussite ou d’échec de l’expérimentation.

Il n’en était que plus important d’assurer, en toute logique, une présence des parlementaires au sein du conseil d’administration du fonds d’expérimentation territoriale, ce qui était le sens de notre amendement adopté en première lecture.

De même, nous avions insisté sur la nécessité de mentionner clairement les territoires ruraux et les quartiers prioritaires de la politique de la ville parmi les territoires retenus pour l’expérimentation. Bien que cette précision ne figure finalement pas dans le texte, nous serons attentifs à ce que l’expérimentation puisse bien s’y dérouler – vous nous l’avez confirmé tout à l’heure, madame la ministre.

Nous saluons également les travaux de la commission mixte paritaire, qui est parvenue à rédiger un texte équilibré, entre la définition de principes encadrant strictement l’expérimentation et une certaine marge de manoeuvre laissée au fonds national et aux entreprises conventionnées.

Soulignons aussi les avancées du texte apportées par nos collègues sénateurs, notamment la constitution d’un comité scientifique chargé de réaliser une évaluation du dispositif au terme de l’expérimentation.

En effet, le fonds d’expérimentation territoriale contre le chômage de longue durée ne pouvait être son propre évaluateur. Ses nombreuses missions suffisent à son action : financer une partie de la rémunération des bénéficiaires du dispositif, établir un cahier des charges fixant les critères que doivent respecter les collectivités territoriales, dresser la liste des territoires retenus pour mener l’expérimentation et accompagner le dispositif.

L’évaluation par un comité extérieur devra permettre une observation objective des qualités et des failles du dispositif, en vue de son éventuelle généralisation, que nous souhaitons évidemment. Gageons que cette évaluation, dont le caractère est central et déterminant, ne se limite pas à énoncer les conditions d’une éventuelle généralisation, mais puisse veiller à la cohérence du déploiement du dispositif et à sa pérennité financière. Il conviendra alors d’examiner les points de vigilance identifiés par le Conseil économique, social et environnemental portant sur la redistribution des coûts évités, concernant notamment les indemnités du régime d’assurance chômage ou les fonds de l’assurance maladie.

Enfin, nous regrettons que les travaux parlementaires, à l’Assemblée comme au Sénat, n’aient pas permis d’élargir l’expérimentation à l’ensemble du secteur marchand, au-delà de la seule sphère de l’économie sociale et solidaire. À ce titre, l’expérimentation aurait permis d’observer si l’ouverture aux entreprises du secteur marchand aurait eu pour effet, ou non, de faire apparaître des distorsions de concurrence.

Avant de conclure, permettez-moi de rappeler qu’à l’heure où les régions entrent en négociation avec l’État pour mettre en oeuvre le plan d’urgence pour l’emploi proposé par le Président de la République, cette proposition de loi montre combien les territoires doivent jouer un rôle moteur dans les politiques en faveur de l’emploi. Ce sont en effet les territoires qui sont les mieux à même d’identifier leurs besoins, de répondre aux attentes des entreprises du tissu économique local, de répondre aux besoins de formation des demandeurs d’emploi et des salariés.

Le groupe UDI est convaincu qu’une territorialisation plus significative des politiques de l’emploi est l’une des réponses au chômage et en particulier au chômage de longue durée.

En proposant l’expérimentation d’une initiative issue du milieu associatif et des territoires, le texte que nous examinons aujourd’hui va dans ce sens. C’est la raison pour laquelle le groupe UDI soutient cette démarche et votera en faveur de cette proposition de loi.

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