Intervention de Monique Orphé

Séance en hémicycle du 10 février 2016 à 15h00
Expérimentation territoriale visant à faire disparaître le chômage de longue durée — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMonique Orphé :

Madame la présidente, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, chers collègues, nous sommes aujourd’hui réunis pour l’examen du texte, issu de la commission mixte paritaire, engageant une expérimentation territoriale visant à résorber le chômage de longue durée. Le chômage est, comme je l’ai dit tout à l’heure, un cancer qui ronge notre société et plus particulièrement le chômage de longue durée qui connaît une progression ininterrompue depuis 2008. Il atteint aujourd’hui le chiffre de 2,2 millions de personnes et une proportion de près de 45 % de l’ensemble des demandeurs d’emploi. Dans mon territoire, il touche notamment les plus de cinquante ans.

Le texte examiné renverse un paradigme communément accepté d’adaptation de l’offre à la demande en partant de la demande et des compétences des demandeurs d’emploi pour créer l’offre d’emploi correspondante tout en prenant en compte les besoins identifiés sur les territoires.

Cette proposition repose sur trois convictions.

Premièrement, il est possible au niveau local et en plein accord avec les acteurs de la vie économique d’identifier des activités utiles susceptibles d’être exercées par des personnes privées d’emploi et de se développer de façon complémentaire de l’activité économique.

Deuxièmement, il est possible de gérer ces emplois cofinancés par la collectivité dans des conditions d’efficacité suffisante pour assurer l’équilibre économique de ces activités, le montant du financement apporté par la collectivité n’étant jamais supérieur à l’économie réalisée par les finances publiques.

Troisièmement, il est possible de proposer ces emplois aux chômeurs de longue durée dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée, sachant que ceux-ci restent disponibles pour toute proposition adaptée qui pourrait leur être faite.

Un fonds national sera créé pour mener, dans dix territoires et ce pendant cinq ans, des expériences locales et partenariales de lutte contre le chômage de longue durée en mutualisant et réallouant les aides existantes.

Je salue cette proposition de loi d’expérimentation issue d’une concertation entre associations et dont l’initiative revient à ATD Quart Monde. La proposition de loi de notre collègue Laurent Grandguillaume présente une expérience intéressante, innovante pour tenter d’enrayer la montée du chômage de longue durée et d’aider les personnes concernées. C’est une proposition qui marque donc une grande ambition pour les chômeurs de longue durée et suppose un vrai défi : les insérer de façon durable. Elle repose sur un pacte de confiance et de solidarité entre les différents partenaires associés à ce projet.

Je tiens également à saluer sa philosophie qui contribue à redonner de la dignité à ces personnes en situation d’exclusion économique et à lutter contre les préjugés à l’encontre des chômeurs, notamment celui selon lequel ils ne chercheraient pas vraiment du travail.

Cette initiative et proposition contraste avec plusieurs décisions venant de la droite. Je pense notamment au département du Haut-Rhin qui a décidé de conditionner le versement du RSA à sept heures de bénévolat par semaine. Une décision grave et scandaleuse car elle jette à nouveau l’opprobre sur une frange de la population déjà fragilisée par ses conditions de vie. Le bénévolat, par définition, est une activité et surtout un engagement libre pour une cause. En aucun cas, il ne peut être une contrainte et surtout faire l’objet d’un chantage contre le versement d’une prestation.

Cette idée a déjà été expérimentée en 2011 par seize départements. Résultat : sur les 10 000 contrats attendus, seuls 700 avaient pu être signé. En un mot, l’expérimentation menée a été un échec. Mais elle a surtout montré que cela pouvait faire peser un risque sur la création d’emplois demandant peu de qualification.

J’espère profondément que cette future loi d’expérimentation trouve son plein succès pour qu’elle puisse être dupliquée ailleurs, notamment sur mon territoire, La Réunion où le chômage est massif. À La Réunion, ce sont quelque 88 000 personnes qui sont inscrites à Pôle emploi depuis au moins un an. Nous avons pourtant une croissance dynamique : trois fois supérieure à la croissance nationale. Mais nous sommes face à un chômage structurel très élevé : 30 % et surtout à une réalité : un secteur marchand dynamique, mais confronté à notre insularité, il ne peut pas à lui seul absorber tous nos chômeurs.

Ce chômage massif, comme vous le savez, mais il faut le répéter, défigure notre jeunesse, abîme une partie de la population et fragilise les familles. Ce chômage met en péril notre cohésion sociale, fait le lit de la pauvreté et porte atteinte à la dignité de certains hommes et femmes. Un chômage hors normes dans les territoires ultramarins suppose également une ambition, une expérimentation qui tienne compte des secteurs d’activités générateurs d’emplois. Ce chômage ne pourra être combattu que si l’on investit dans le secteur marchand, mais aussi dans le secteur de l’économie sociale et solidaire.

Les mesures prises depuis 2012 dans mon département ont porté leurs fruits en permettant de stabiliser la montée du chômage et, surtout, ont fait reculer le chômage des jeunes de 10 %. Il faut dire que nous partions de loin. Il faut donc continuer à se battre et à relever ce grand défi.

Oui, nous devons porter une ambition pour combattre le chômage, faire preuve d’imagination à travers ce type d’initiatives et, surtout, nous donner les moyens pour que ces initiatives soient une réussite. C’est un projet générateur d’espoir, madame la ministre. C’est la raison pour laquelle j’adhère à cette proposition de loi et souhaite sa pleine réussite, voire faire partie des dix territoires d’expérimentations.

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