Intervention de Véronique Louwagie

Séance en hémicycle du 10 février 2016 à 15h00
Réduction du nombre minimal d'actionnaire dans les sociétés anonymes non cotées — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaVéronique Louwagie :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, un record absolu du nombre de chômeurs, le record mondial des prélèvements obligatoires, une balance commerciale en chute libre, une croissance atone : face à ce triste constat, une des priorités – mais non la seule – doit être de simplifier la vie des entreprises pour renforcer leur compétitivité et libérer leur potentiel de croissance.

Le présent projet de loi ratifiant l’ordonnance du 10 septembre 2015 portant réduction du nombre d’actionnaires dans les sociétés anonymes non cotées s’inscrit dans ce mouvement de simplification.

Autorisée par l’article 23 de la loi du 20 décembre 2014 relative à la simplification de la vie des entreprises, cette ordonnance prévoit d’abaisser de sept à deux le nombre minimal d’actionnaires nécessaire pour constituer une société anonyme. Le nombre de sept actionnaires pour les sociétés anonymes cotées est quant à lui maintenu.

Jusqu’à présent, les sociétés anonymes cotées ou non, devaient, en application de l’article L. 225-1 du code de commerce, réunir au minimum sept actionnaires. En réduisant le nombre à deux, le texte s’aligne ainsi sur la règle de droit commun prévue à l’article 1832 du code civil, qui dispose que : « La société est instituée par deux ou plusieurs personnes qui conviennent par un contrat d’affecter à une entreprise commune des biens ou leur industrie en vue de partager le bénéfice ou de profiter de l’économie qui pourra en résulter. »

Sans modifier les compétences et les règles de fonctionnement des sociétés anonymes, cette ordonnance permet donc de répondre aux critiques faites au seuil légal de sept actionnaires, inadapté à la réalité économique de notre tissu entrepreneurial et source de lourdeurs administratives.

Rappelons en effet qu’au sein des sociétés familiales et des PME, les parts sont souvent réunies entre les mêmes mains. Il en va de même pour les groupes de sociétés, au sein desquels les filiales sont parfois détenues à 100 % par la société mère.

Signe que le dispositif antérieur était peu adapté à la pratique des entreprises : le recours fréquent, signalé par les orateurs précédents, à des actionnaires de complaisance ou inactifs pour ne pas avoir à ouvrir le capital. Signe aussi que cette forme sociale était trop lourde pour les entrepreneurs, l’on constate qu’en 2014 plus de 9 000 sociétés immatriculées étaient des sociétés par actions simplifiées – ou SAS –, contre une centaine de sociétés anonymes.

Il est vrai que de nombreux chefs d’entreprise, et surtout de petites moyennes et entreprises, tendent à recourir à la forme de la société par actions simplifiée compte tenu de la très grande liberté statutaire qu’elle laisse aux associés. La SAS peut même être constituée par un associé unique dans le cadre d’une « société par actions simplifiée unipersonnelle ».

Toutefois, la baisse du nombre minimal d’actionnaires dans les sociétés anonymes pourra conduire certains chefs d’entreprise à arbitrer plus facilement en faveur de cette forme juridique. Elle redeviendrait alors attrayante en raison de la stabilité et de la prévisibilité de ses règles de fonctionnement, mais également en raison d’une meilleure protection des associés, et plus particulièrement des associés minoritaires, que dans une SAS.

La France était du reste le seul pays à prévoir une telle contrainte de seuil : deux actionnaires suffisent au Royaume-Uni et en Belgique, un seul en Allemagne et au Luxembourg ; l’Espagne ne fixe quant à elle pas de minimum.

En s’inscrivant par ailleurs dans cette volonté d’harmonisation européenne, l’ordonnance renforce utilement la compétitivité de la France en Europe. Comme nos collègues sénateurs, nous prenons acte de cette simplification qui doit permettre de renforcer l’attractivité de la société anonyme.

Madame la secrétaire d’État, l’enjeu dépasse largement la simple question du nombre minimal d’associés, qui est une mesure certes intéressante, mais ponctuelle, de simplification.

La véritable réforme consisterait plutôt dans la mise en place d’un régime globalement simplifié pour les petites sociétés non cotées. Au-delà de la simplification pour les seules sociétés anonymes, nous appelons le Gouvernement à engager une démarche bien plus vaste en matière de simplification du droit des sociétés cotées ou non.

Ainsi, d’autres mesures pourraient améliorer la compétitivité du droit français de nos entreprises : la simplification des règles d’octroi de garanties par une société mère à une filiale, la dématérialisation des assemblées générales ordinaires des sociétés non cotées ou encore l’allégement de l’obligation triennale de présentation à l’assemblée générale d’une augmentation de capital réservée aux salariés.

D’autres mesures pourraient être aisément prises afin de supprimer des contraintes juridiques coûteuses et par ailleurs de faible utilité. C’est le cas lorsqu’une société doit recourir à un commissaire aux avantages particuliers quand celle-ci émet des actions préférentielles.

Notre droit des sociétés doit être aménagé afin que les événements juridiques, qui sont autant de contraintes pour nos sociétés, pèsent encore moins en termes de coûts sur la vie de l’entreprise. Il s’agit non seulement de coûts financiers, mais aussi de coûts administratifs qui, en termes de moyens humains, ont des conséquences financières pour les entreprises.

Une autre piste consisterait à associer les salariés, en leur permettant d’entrer au capital de leur entreprise via l’intéressement au capital et ce, avec des formalités qui pourraient être facilitées.

Voilà les pistes qui vous sont proposées, madame la secrétaire d’État ; je sais que le sujet de la simplification vous est cher.

Mes chers collègues, malgré ces réserves et ces suggestions, et en attendant une démarche plus ambitieuse, le groupe Les Républicains votera ce texte.

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