Intervention de François de Rugy

Réunion du 11 février 2016 à 9h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois de Rugy :

En tout cas, nous faisons preuve de constance et de suite dans les idées.

J'exprimerai tout d'abord une position de principe. Je suis parfois choqué par certaines prises de position, qu'elles soient politiques ou journalistiques, qui s'apparentent à des procès d'intention à l'encontre de la police, des préfets, de l'administration, comme si l'on tenait pour acquis que l'action de la police ne peut être qu'abusive ou attentatoire aux libertés et aux droits des individus. J'ai ainsi en mémoire une formule lue dans un grand journal, où il était dit que l'information du procureur, prévue pour un certain nombre de mesures, ne servirait à rien, le procureur n'ayant pas le temps d'être « sur le dos » des policiers, comme si les relations entre la police et la justice devaient être ainsi conçues et que le rôle des magistrats était d'être « sur le dos » des policiers ! Les Français nous demandent précisément de veiller à ce que la police et la justice travaillent en bonne intelligence et coopèrent bien, non seulement pour assurer leur sécurité, mais aussi pour éviter les attentats. C'est bien normal, mais c'est aussi le plus difficile, d'un point de vue judiciaire ou policier : il faut repérer des comportements et, ayant récolté des renseignements, déjouer des projets d'attentat. C'est déjà arrivé, vous l'avez dit, monsieur le ministre, même s'il est normal que vous ne vous étendiez pas sur le sujet, pour ne pas faire de publicité à ceux qui ont préparé ces attentats.

Quant aux éventuels problèmes qui pourraient naître de la mise en oeuvre de l'état d'urgence, j'ai toujours dit que la liberté totale des médias était le premier outil pour lutter contre les abus. Il est vrai que nous lisons parfois des choses très éloignées de la réalité, par exemple à propos de la loi relative au renseignement, et certains collègues ont pu envisager, contrairement à ce que le Gouvernement proposait dans sa réforme de la loi de 1955, un contrôle sur les médias. J'avais combattu cette idée. Si quelque mesure que ce soit, prise en application de l'état d'urgence, paraît litigieuse à la personne qui en est l'objet ou à son entourage, les faits rencontreront le plus grand écho médiatique. Quant au contrôle parlementaire, sur lequel je ne reviens pas, il représente une nouveauté très importante. Enfin, les recours juridiques, possibles à tous les niveaux — cela peut aller jusqu'à des questions prioritaires de constitutionnalité — prouvent que l'état d'urgence s'inscrit dans un État de droit qui fonctionne.

On a dit et répété à l'envi que des gens avaient été assignés à résidence parce qu'ils étaient des militants écologistes. Me revendiquant comme écologiste, j'ai examiné cette affaire de près. Des assignations à résidence pour cause de convictions écologistes, cela n'existe pas ! Député de Loire-Atlantique, j'ai vérifié auprès du préfet du département : les personnes impliquées de près ou de loin dans la lutte contre le projet d'aéroport de Notre-Dame-des-Landes n'ont été l'objet d'aucune perquisition, d'aucune assignation à résidence. Étant moi-même un opposant de longue date à ce projet, mais ayant toujours condamné l'usage que certains ont fait de la violence dans le cadre de cette lutte, j'en ai plus qu'assez d'entendre répéter que la loi sur l'état d'urgence aurait permis cela. Je défie quiconque de démontrer que ce fut le cas ! Et je pourrais dire la même chose à propos des manifestations : nous sommes dans un État tellement liberticide qu'une manifestation pour dénoncer l'état d'urgence a pu avoir lieu le 30 janvier dernier !

On ne parle pas, évidemment, des trains qui arrivent à l'heure ni des actions couronnées de succès, mais je voudrais évoquer la lutte contre la circulation des armes à feu. Vous le savez, monsieur le ministre, cela nous préoccupe, et, bien avant les attentats du 13 novembre et l'instauration de l'état d'urgence, je souhaitais que l'on s'attaque plus durement à ce problème grandissant. De ce point de vue, l'état d'urgence a permis d'engranger des résultats concrets, et j'espère que personne ne s'en plaindra.

Par ailleurs, des gens ont pu faire l'objet de perquisitions, sans que s'ensuivent des procédures judiciaires. Évidemment, et heureusement ! C'est précisément le but : lever des soupçons, pour reprendre la formule d'un préfet. Certaines personnes sont l'objet de soupçons, dans leur quartier ou dans leur ville : des perquisitions ont permis de dissiper rapidement toute rumeur.

Plusieurs députés du groupe écologiste sont favorables à la prorogation de l'état d'urgence. Nous considérons qu'elle est justifiée, dans l'attente des dispositions prévues par le projet de loi que vous avez préparé avec Christiane Taubira, alors garde des Sceaux. Il s'agit en quelque sorte de faire la jointure.

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