Intervention de Mark Hutchinson

Réunion du 10 février 2016 à 17h00
Commission des affaires économiques

Mark Hutchinson, président de General Electric Europe et de General Electric France,, Interprétation :

Comme vous l'avez indiqué, je suis président-directeur général de General Electric Europe, et aussi président par intérim de General Electric France depuis que Mme Clara Gaymard a quitté le groupe il y a quelques jours, après y avoir accompli un travail impressionnant pendant neuf ans, pour se consacrer à un nouveau projet entrepreneurial. Si je me suis chargé de la présidence intérimaire de General Electric en France, c'est parce que le pays est essentiel pour notre groupe. Je consacrerai toute mon énergie à faire prospérer General Electric France et je prendrai le temps nécessaire pour sélectionner la personne la plus apte à succéder durablement à Mme Gaymard. Je dirige également l'équipe qui travaille à l'intégration General Electric-Alstom. Je suis accompagné aujourd'hui de M. Vincent Champain, qui sera le directeur général de notre future Digital Foundry, en d'autres termes notre nouveau centre de développement de logiciels.

Je vous remercie, madame la présidente, de me donner à nouveau l'occasion de faire le point sur les activités de General Electric en France, pays dans lequel nous sommes résolus à renforcer notre présence et notre contribution au tissu industriel.

Avant de vous donner plus de détails sur l'alliance avec Alstom et sur les dernières évolutions intervenues, et quand bien même je me présente devant vous pour la seconde fois, j'en dirai un peu sur moi, pour ceux d'entre vous qui ne me connaissent pas encore. Je travaille chez General Electric depuis vingt-deux ans. J'ai fait l'essentiel de ma carrière chez General Electric Capital avant d'être nommé, il y a quelques années, président directeur général de General Electric Chine, fonction que j'ai assurée pendant quatre ans ; depuis dix-huit mois, je dirige l'équipe chargée de l'intégration General Electric-Alstom. Je suis né au Royaume-Uni, j'ai étudié en Australie et c'est la deuxième fois de ma carrière que je suis en poste à Paris. Je suis très heureux de travailler en France, pays cher à mon coeur.

Comme je l'avais indiqué lors de ma précédente audition et comme vous l'a également expliqué mon président-directeur général, M. Jeff Immelt, lors de sa propre audition, l'acquisition du pôle Énergie d'Alstom est l'opération la plus importante jamais réalisée dans l'histoire de notre groupe. Pour nous, c'est une occasion unique de générer de la croissance et d'assurer l'avenir de General Electric et des entités issues du pôle Énergie d'Alstom. C'est également l'occasion de placer la France au coeur du marché mondial de l'énergie et d'oeuvrer pour nos clients du monde entier avec une efficacité et une qualité de service inédites.

Nos relations avec la France sont anciennes. L'histoire commune de General Electric et d'Alstom remonte à 1928, lorsque la Compagnie française Thomson-Houston, filiale de General Electric, a fusionné avec une entreprise française, l'Alsacienne de construction mécanique, pour créer Alsthom. La nouvelle entreprise ainsi créée a ouvert sa première usine à Belfort. Ce site symbolise la force de nos liens avec la France. Au-delà du secteur de l'énergie, nous avons un partenariat avec Snecma, filiale de Safran, et la France est devenue la référence mondiale pour les moteurs d'avion. Hier, d'ailleurs, a eu lieu le vol inaugural du nouvel Airbus A321neo doté du nouveau réacteur CFM Leap. C'est une grande date dans l'histoire d'un partenariat industriel parfaitement réussi, qui s'est concrétisé par la création de la co-entreprise CFM International il y a plus de quarante ans.

Je viens aujourd'hui faire le point sur les étapes de l'intégration General Electric-Alstom intervenues depuis nos derniers échanges. General Electric et Alstom sont deux grands groupes de dimension internationale ; vous imaginez sans mal la complexité du processus d'intégration dans une pareille configuration. Je reviendrai également sur les engagements de General Electric vis-à-vis de la France, réaffirmés par M. Jeff Immelt devant le Président François Hollande le 27 janvier. Nous avons fait deux promesses en matière d'emploi en France, et nous les tiendrons. Nous nous sommes engagés à revenir à l'effectif d'origine, soit 14 500 personnes, dans un délai de trois ans, et à créer 1 000 emplois supplémentaires – en d'autres termes, à employer 15 500 personnes en France à la fin 2018. C'est le seul pays au monde dans lequel nous avons pris des engagements de cette ampleur en matière d'emploi. Il n'est pas courant qu'une grande entreprise s'engage en ce sens et contribue ainsi à relever le défi industriel auquel le pays doit faire face. Nous sommes plus convaincus que jamais d'avoir fait un excellent choix en installant plusieurs de nos grands centres de décision en France ; l'évolution de ces derniers mois l'a prouvé.

Il n'est pas exagéré de dire que l'accord passé entre General Electric et Alstom constitue une véritable transformation, non seulement pour nos activités dans le domaine de l'énergie mais pour l'ensemble de nos activités en France. Depuis nos derniers échanges, nous avons travaillé d'arrache-pied à la finalisation de l'opération. Nous avons collaboré avec les autorités chargées de la concurrence de vingt-sept pays. Nous avons formalisé la création en France de nouveaux centres de décision mondiaux, à commencer par celui de notre division Énergies renouvelables, dirigé par M. Jérôme Pécresse, et nous avons mené à terme plusieurs grands projets en cours, notamment celui de la nouvelle turbine 9HA, fabriquée à Belfort. L'alliance a été officiellement entérinée le 2 novembre 2015. Aujourd'hui, nous formons un seul groupe, que nous sommes en train de repositionner sur le chemin de la croissance et de la compétitivité, grâce à nos compétences conjointes en matière d'ingénierie, d'innovation et de technologie. Au cours des mois qui ont suivi la clôture de l'opération, nous avons pris des décisions majeures afin de réorganiser au mieux nos activités.

L'acquisition des activités composant le pôle Énergie d'Alstom a été réalisée avec deux objectifs : d'une part, regrouper les ressources et les talents complémentaires de General Electric et d'Alstom dans le domaine de l'énergie pour relever les défis imposés par nos concurrents ; d'autre part, conserver et renforcer l'avantage concurrentiel de General Electric dans les activités Énergie thermique, Énergies renouvelables et Réseaux électriques.

Pour ce faire, nous devons intégrer les activités d'Alstom dans la structure de General Electric tout en optimisant le regroupement des deux parties.

Vous le savez, nous avons récemment lancé un projet européen de repositionnement et d'organisation du nouveau groupe. Je confirme que ce projet concernera 6 500 postes en Europe, dont 765 en France. Mais ces chiffres doivent être mis en regard des 14 500 salariés que le groupe emploie en France et de nos 100 000 collaborateurs en Europe. Cette décision, qui fut difficile à prendre, est uniquement motivée par une logique industrielle et la volonté de créer un groupe compétitif. En d'autres termes, pour tenir nos engagements en matière d'emploi, ce ne sont pas 1 000 emplois nouveaux que nous créerons, mais 1 765.

Dans une alliance comme celle prévue dans l'opération General Electric-Alstom, nous nous devons de tenir compte du marché pour réussir le repositionnement que nous envisageons et que je vais décrire.

Notre projet repose sur un double socle : la technologie et une démarche orientée vers le client. Lorsque l'alliance a été annoncée, Alstom rencontrait des difficultés bien connues et oeuvrait dans un contexte délicat, l'entreprise ne disposant pas de la masse critique et des ressources suffisantes pour être compétitive de façon autonome. D'ailleurs, les dirigeants du groupe avaient préparé leur propre plan de restructuration, qui a été suspendu. Alstom s'est alors tourné vers le seul partenaire pérenne et solide qui lui offrait les ressources et la complémentarité nécessaires pour renouer avec la croissance. Aujourd'hui, nous devons optimiser notre offre commune, car nous travaillons dans un contexte difficile – le plus difficile connu depuis dix ans. L'alliance nous permet de créer un nouvel acteur de taille mondiale sans équivalent, capable de développer des technologies de pointe et de répondre aux besoins de ses clients. Ainsi pourrons-nous générer de la croissance, créer des emplois et innover ; ce sera largement bénéfique au tissu industriel français. Pour y parvenir, nous devons, afin de renforcer la compétitivité de notre groupe, intégrer le mieux possible les activités et l'ensemble des salariés d'Alstom Énergie. La France est essentielle pour General Electric. Nous cernons fort bien les problématiques, les enjeux, les points forts et les besoins du secteur et du marché français de l'énergie. Aussi travaillons-nous à cette intégration dans l'optique de renforcer, à long terme, la présence de General Electric en France, pays qui joue un rôle important dans le développement du groupe.

C'est ce qui nous a conduits, le mois dernier, à lancer, dans le respect du droit du travail, un projet de repositionnement de notre nouveau groupe. Ce projet, qui a déjà fait l'objet de discussions, continuera d'être discuté avec nos partenaires sociaux en France et en Europe, dans le cadre de la procédure légale d'information et de consultation du personnel. General Electric, qui a toujours privilégié le dialogue avec ses salariés, s'engage à maintenir cette approche constructive et transparente dans les mois qui viennent. Dans cet esprit, je souhaite vous informer de la façon la plus précise possible sur l'impact de ce projet. Depuis l'annonce de notre projet d'acquisition du pôle Énergie d'Alstom, nous avons toujours agi en toute transparence et nous comptons bien poursuivre de la sorte.

Le projet que nous avons présenté aux représentants du personnel concerne les fonctions de soutien pour environ un tiers des suppressions de postes, les deux autres tiers concernant des activités opérationnelles, toutes en région parisienne. Pour ce qui est des fonctions administratives, notre groupe n'a pas besoin de deux sièges ; une rationalisation s'impose pour créer une structure de services centraux commune aux entités fusionnées.

S'agissant des opérations, nous devons poursuivre le travail engagé pour rendre plus compétitives toutes les activités reprises. Sont concernées les activités Énergie thermique, Réseaux électriques et Automatisation et contrôle. Nous voulons tirer parti de la complémentarité des spécialités ainsi que de portefeuilles de produits complémentaires pour assurer notre compétitivité sur un marché qui est difficile.

Dans le domaine des centrales thermiques, l'activité Nucléaire fait face à la volatilité des marchés ; quant au marché de l'activité Vapeur, il s'est effondré de plus de 50 % depuis 2008 et la concurrence asiatique s'est intensifiée. Il en résulte que la trésorerie de ces deux activités est désormais négative. En regroupant les activités Nucléaire et Vapeur, nous voulons donner à l'ensemble une taille critique suffisante pour disposer d'une entité solide et durable et éviter une perte de compétences et de savoir-faire, particulièrement sur les chaînes de production de la turbine Arabelle. Pour répondre au mieux aux défis conjoncturels, nous nous proposons de regrouper l'expertise en France, en matière de centrales nucléaires et de centrales à vapeur, dans un centre d'excellence unique, situé à Belfort. C'est là que le centre était situé à l'origine et nous avons décidé de l'y réinstaller, car c'est là que l'expérience est la plus grande. Ce regroupement permettra de coordonner les projets d'ingénierie, de fourniture d'équipements et de construction de centrales à combustible fossile et nucléaire. En accélérant les prises de décision, il fera gagner en efficacité et en souplesse, permettra au groupe d'être plus compétitif et contribuera à la création d'emplois.

De même, notre projet d'intégration des activités de fabrication de chaudières au sein de General Electric s'explique par l'absence actuelle de taille critique, des coûts d'exploitation élevés et une santé financière critique.

Ce repositionnement a un coût social, puisqu'il revient à supprimer 765 postes. Nous savons que ce projet est une phase délicate du processus d'intégration mais nous tenons à montrer que notre entreprise fait et fera tout son possible pour encourager le dialogue, soutenir les salariés touchés et rechercher des solutions pour tous ceux qui seront concernés par cette évolution. Nous avons engagé un dialogue pan-européen avec les représentants du personnel, que nous poursuivrons. En mars, nous lancerons la procédure de consultation des délégués syndicaux en France, et nous nous sommes engagés à conduire cette phase de la manière la plus transparente et la plus humaine possible.

Notre objectif premier est d'encourager les départs volontaires parmi les salariés concernés. Il existe des solutions à l'intérieur du groupe, et nous comptons mettre en oeuvre des dispositifs pour aider nos salariés à conserver un emploi par le biais de la mobilité interne, en tenant compte des départs naturels qui se produisent au sein de General Electric comme dans toute autre entreprise, et en orientant ceux dont les postes sont supprimés vers nos nouveaux besoins. Si aucune solution au sein du groupe ne convient, nous aiderons les salariés concernés à trouver une solution externe. Nous avons depuis longtemps fait preuve de notre capacité à gérer en toute transparence ces situations, en trouvant des solutions propres à minimiser les conséquences sociales de tels repositionnements.

Enfin, aucun emploi ne sera supprimé sur le site de Belfort dans le cadre de ce projet. Je sais que les interrogations sont allées bon train et je le redis : le projet d'intégration n'aura pas d'impact sur le site de Belfort.

Comme mon président, M. Jeff Immelt, et moi-même avons eu l'occasion de vous le dire, General Electric a toujours tenu ses engagements en France. Nous avons toujours été attentifs aux possibilités de nous développer dans votre pays. C'est en France, en 1974, que General Electric et Safran ont créé la co-entreprise CFM International, qui est désormais l'une des co-entreprises les plus florissantes au monde. Cette co-entreprise, qui a généré près de 18 milliards d'euros de chiffre d'affaires à l'exportation depuis la France, produit le CFM56, le réacteur d'avion de ligne le plus vendu au monde, ainsi que le nouveau turboréacteur LEAP-x. À ce jour, plus de 20 000 réacteurs CFM sont en exploitation et 11 000 doivent être livrés. En 2015, le carnet de commandes de l'entreprise a atteint 180 milliards de dollars. Pour produire les réacteurs CFM, notre co-entreprise emploie plus de 30 000 salariés dans le monde, dont 10 000 en France. Nous sommes très fiers de cette réussite, et absolument convaincus que nous pourrons répéter cette opération en consolidant l'alliance General Electric-Alstom. Notre but est de faire de la France une de nos principales bases d'exportation dans le monde. Nos clients profiteront ainsi de la technologie et du savoir-faire français.

Enfin, indépendamment de l'engagement que nous avons pris de créer 1 000 emplois en France, quelque 500 postes sont actuellement à pourvoir chez General Electric France, pour deux tiers en région parisienne et pour un tiers en province – et nous continuerons d'embaucher dans les mois et les années à venir. Le scénario idéal serait que nous puissions dépasser nos engagements en matière d'emploi ; c'est ce qui s'est produit pour General Electric Healthcare, à Buc, dans les Yvelines. Dans les années 1980, Thomson CGR était l'un des grands acteurs européens de l'équipement médical, mais il était nettement à la traîne derrière Siemens et Philips dans ce domaine. Nous avons racheté l'entreprise et aujourd'hui le site de Buc est notre centre mondial de radiologie interventionnelle, de mammographie et de logiciels associés, et emploie plus de 2 600 salariés.

Je reviens aux engagements pris en juin 2014 par notre président, M. Jeff Immelt, devant le Président François Hollande. Nous avons réitéré ces promesses, sans faillir, à chaque fois que nous avons eu le plaisir d'être reçus par le Président de la République, pour la dernière fois il y a deux semaines à peine.

Certains se sont interrogés sur ce qu'il adviendrait de notre promesse de créer des emplois. Je le dis devant vous : General Electric tiendra ses engagements. D'ici la fin de l'année 2018, nous emploierons 15 500 salariés en France, soit 1 000 personnes de plus que notre effectif actuel. Nous créerons donc, en réalité, 1 765 emplois dans les trois ans à venir, voire davantage, car nous remplacerons aussi les départs naturels. Cet engagement est ferme ; nous avons signé une promesse d'emplois qui est actuellement examinée par un cabinet indépendant. La France est le seul pays au monde où nous procédons ainsi.

La répartition des 1 000 créations de postes à venir se fera selon quatre axes.

Tout d'abord, nous allons créer notre Digital Foundry. C'est l'un de nos grands projets en France. General Electric souhaite être la première entreprise industrielle numérique au monde et réinventer par ce biais ses relations avec ses clients et partenaires. La France sera au coeur de cette révolution. Ce site sera notre premier grand centre de développement de logiciels établi hors des États-Unis. Le premier a été créé là-bas il y a cinq ans ; alors que nos prévisions d'emplois initiales étaient de 1 000 postes, plus de 2 000 personnes y sont employées aujourd'hui. M. Vincent Champain vous en dira un peu plus sur ce projet passionnant.

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