Commission des affaires économiques

Réunion du 10 février 2016 à 17h00

Résumé de la réunion

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La réunion

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La commission a auditionné M. Mark Hutchinson, président de General Electric Europe et de General Electric France.

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Je vous remercie, monsieur Hutchinson, d'avoir répondu à notre invitation. Nous souhaitons vous entendre évoquer l'actualité de General Electric France, que vous dirigez en ce moment. Notre commission a suivi de près le rachat des activités Énergie d'Alstom par General Electric, depuis le début du processus.

Ainsi avons-nous auditionné, en mai 2014, M. Christophe de Maistre, président directeur général de Siemens France, et M. Jeffrey Immelt, président directeur général de General Electric, deux candidats au rachat des activités Énergie d'Alstom. Puis, le 11 mars 2015, nous avons entendu M. Patrick Kron, président directeur général du groupe Alstom, et M. Jérôme Pécresse, président d'Alstom Renewable Power et vice-président exécutif d'Alstom ; Mme Clara Gaymard, présidente de General Electric France, et vous-même, qui étiez chargé de l'intégration des actifs Énergie d'Alstom au sein de General Electric ; M. Emmanuel Macron, ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique ; M. Régis Turrini, directeur général de l'Agence des participations de l'État, et M. Pascal Faure, directeur général des entreprises au même ministère. Le 17 mars 2015, une table ronde a été organisée avec les organisations syndicales d'Alstom, au cours de laquelle les représentants syndicaux ont dénoncé le manque de concertation et un accès tardif au dossier. Aussi avons-nous à nouveau auditionné M. Patrick Kron, à qui nous avons demandé, le 1er avril 2015, d'expliquer la procédure de concertation menée par le groupe avec les syndicats en vue de l'opération. Enfin, notre commission a adressé en mai dernier à General Electric un questionnaire relatif au rachat des activités Énergie d'Alstom, auquel l'entreprise a répondu le 18 mai 2015.

À la suite du départ de Mme Clara Gaymard, vous avez, monsieur Hutchinson, pris la responsabilité de General Electric France. Nous vous interrogerons donc sur le plan de réorganisation, consécutif à l'acquisition de la branche Énergie d'Alstom, annoncé le 13 janvier dernier. Il en ressort que 6 500 postes, soit 20 % des effectifs, seraient supprimés en Europe, avec des départs échelonnés en 2016 et 2017. L'Allemagne est la plus touchée, puis vient la Suisse. En France, 765 emplois, principalement administratifs, seraient supprimés à Levallois et à La Défense ; le site de Belfort ne serait pas affecté. Les négociations avec les organisations syndicales, engagées le 13 janvier, devraient durer cinq mois.

Confirmez-vous qu'il en sera ainsi ? Quelle est l'évolution des négociations ? L'engagement pris par General Electric, lors du rachat des activités Énergie d'Alstom, de créer 1 000 emplois nets en France ne serait pas remis en cause ; est-ce exact ? Quels postes, précisément, seront supprimés, et quels postes créés ?

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Mark Hutchinson, président de General Electric Europe et de General Electric France,, Interprétation

Comme vous l'avez indiqué, je suis président-directeur général de General Electric Europe, et aussi président par intérim de General Electric France depuis que Mme Clara Gaymard a quitté le groupe il y a quelques jours, après y avoir accompli un travail impressionnant pendant neuf ans, pour se consacrer à un nouveau projet entrepreneurial. Si je me suis chargé de la présidence intérimaire de General Electric en France, c'est parce que le pays est essentiel pour notre groupe. Je consacrerai toute mon énergie à faire prospérer General Electric France et je prendrai le temps nécessaire pour sélectionner la personne la plus apte à succéder durablement à Mme Gaymard. Je dirige également l'équipe qui travaille à l'intégration General Electric-Alstom. Je suis accompagné aujourd'hui de M. Vincent Champain, qui sera le directeur général de notre future Digital Foundry, en d'autres termes notre nouveau centre de développement de logiciels.

Je vous remercie, madame la présidente, de me donner à nouveau l'occasion de faire le point sur les activités de General Electric en France, pays dans lequel nous sommes résolus à renforcer notre présence et notre contribution au tissu industriel.

Avant de vous donner plus de détails sur l'alliance avec Alstom et sur les dernières évolutions intervenues, et quand bien même je me présente devant vous pour la seconde fois, j'en dirai un peu sur moi, pour ceux d'entre vous qui ne me connaissent pas encore. Je travaille chez General Electric depuis vingt-deux ans. J'ai fait l'essentiel de ma carrière chez General Electric Capital avant d'être nommé, il y a quelques années, président directeur général de General Electric Chine, fonction que j'ai assurée pendant quatre ans ; depuis dix-huit mois, je dirige l'équipe chargée de l'intégration General Electric-Alstom. Je suis né au Royaume-Uni, j'ai étudié en Australie et c'est la deuxième fois de ma carrière que je suis en poste à Paris. Je suis très heureux de travailler en France, pays cher à mon coeur.

Comme je l'avais indiqué lors de ma précédente audition et comme vous l'a également expliqué mon président-directeur général, M. Jeff Immelt, lors de sa propre audition, l'acquisition du pôle Énergie d'Alstom est l'opération la plus importante jamais réalisée dans l'histoire de notre groupe. Pour nous, c'est une occasion unique de générer de la croissance et d'assurer l'avenir de General Electric et des entités issues du pôle Énergie d'Alstom. C'est également l'occasion de placer la France au coeur du marché mondial de l'énergie et d'oeuvrer pour nos clients du monde entier avec une efficacité et une qualité de service inédites.

Nos relations avec la France sont anciennes. L'histoire commune de General Electric et d'Alstom remonte à 1928, lorsque la Compagnie française Thomson-Houston, filiale de General Electric, a fusionné avec une entreprise française, l'Alsacienne de construction mécanique, pour créer Alsthom. La nouvelle entreprise ainsi créée a ouvert sa première usine à Belfort. Ce site symbolise la force de nos liens avec la France. Au-delà du secteur de l'énergie, nous avons un partenariat avec Snecma, filiale de Safran, et la France est devenue la référence mondiale pour les moteurs d'avion. Hier, d'ailleurs, a eu lieu le vol inaugural du nouvel Airbus A321neo doté du nouveau réacteur CFM Leap. C'est une grande date dans l'histoire d'un partenariat industriel parfaitement réussi, qui s'est concrétisé par la création de la co-entreprise CFM International il y a plus de quarante ans.

Je viens aujourd'hui faire le point sur les étapes de l'intégration General Electric-Alstom intervenues depuis nos derniers échanges. General Electric et Alstom sont deux grands groupes de dimension internationale ; vous imaginez sans mal la complexité du processus d'intégration dans une pareille configuration. Je reviendrai également sur les engagements de General Electric vis-à-vis de la France, réaffirmés par M. Jeff Immelt devant le Président François Hollande le 27 janvier. Nous avons fait deux promesses en matière d'emploi en France, et nous les tiendrons. Nous nous sommes engagés à revenir à l'effectif d'origine, soit 14 500 personnes, dans un délai de trois ans, et à créer 1 000 emplois supplémentaires – en d'autres termes, à employer 15 500 personnes en France à la fin 2018. C'est le seul pays au monde dans lequel nous avons pris des engagements de cette ampleur en matière d'emploi. Il n'est pas courant qu'une grande entreprise s'engage en ce sens et contribue ainsi à relever le défi industriel auquel le pays doit faire face. Nous sommes plus convaincus que jamais d'avoir fait un excellent choix en installant plusieurs de nos grands centres de décision en France ; l'évolution de ces derniers mois l'a prouvé.

Il n'est pas exagéré de dire que l'accord passé entre General Electric et Alstom constitue une véritable transformation, non seulement pour nos activités dans le domaine de l'énergie mais pour l'ensemble de nos activités en France. Depuis nos derniers échanges, nous avons travaillé d'arrache-pied à la finalisation de l'opération. Nous avons collaboré avec les autorités chargées de la concurrence de vingt-sept pays. Nous avons formalisé la création en France de nouveaux centres de décision mondiaux, à commencer par celui de notre division Énergies renouvelables, dirigé par M. Jérôme Pécresse, et nous avons mené à terme plusieurs grands projets en cours, notamment celui de la nouvelle turbine 9HA, fabriquée à Belfort. L'alliance a été officiellement entérinée le 2 novembre 2015. Aujourd'hui, nous formons un seul groupe, que nous sommes en train de repositionner sur le chemin de la croissance et de la compétitivité, grâce à nos compétences conjointes en matière d'ingénierie, d'innovation et de technologie. Au cours des mois qui ont suivi la clôture de l'opération, nous avons pris des décisions majeures afin de réorganiser au mieux nos activités.

L'acquisition des activités composant le pôle Énergie d'Alstom a été réalisée avec deux objectifs : d'une part, regrouper les ressources et les talents complémentaires de General Electric et d'Alstom dans le domaine de l'énergie pour relever les défis imposés par nos concurrents ; d'autre part, conserver et renforcer l'avantage concurrentiel de General Electric dans les activités Énergie thermique, Énergies renouvelables et Réseaux électriques.

Pour ce faire, nous devons intégrer les activités d'Alstom dans la structure de General Electric tout en optimisant le regroupement des deux parties.

Vous le savez, nous avons récemment lancé un projet européen de repositionnement et d'organisation du nouveau groupe. Je confirme que ce projet concernera 6 500 postes en Europe, dont 765 en France. Mais ces chiffres doivent être mis en regard des 14 500 salariés que le groupe emploie en France et de nos 100 000 collaborateurs en Europe. Cette décision, qui fut difficile à prendre, est uniquement motivée par une logique industrielle et la volonté de créer un groupe compétitif. En d'autres termes, pour tenir nos engagements en matière d'emploi, ce ne sont pas 1 000 emplois nouveaux que nous créerons, mais 1 765.

Dans une alliance comme celle prévue dans l'opération General Electric-Alstom, nous nous devons de tenir compte du marché pour réussir le repositionnement que nous envisageons et que je vais décrire.

Notre projet repose sur un double socle : la technologie et une démarche orientée vers le client. Lorsque l'alliance a été annoncée, Alstom rencontrait des difficultés bien connues et oeuvrait dans un contexte délicat, l'entreprise ne disposant pas de la masse critique et des ressources suffisantes pour être compétitive de façon autonome. D'ailleurs, les dirigeants du groupe avaient préparé leur propre plan de restructuration, qui a été suspendu. Alstom s'est alors tourné vers le seul partenaire pérenne et solide qui lui offrait les ressources et la complémentarité nécessaires pour renouer avec la croissance. Aujourd'hui, nous devons optimiser notre offre commune, car nous travaillons dans un contexte difficile – le plus difficile connu depuis dix ans. L'alliance nous permet de créer un nouvel acteur de taille mondiale sans équivalent, capable de développer des technologies de pointe et de répondre aux besoins de ses clients. Ainsi pourrons-nous générer de la croissance, créer des emplois et innover ; ce sera largement bénéfique au tissu industriel français. Pour y parvenir, nous devons, afin de renforcer la compétitivité de notre groupe, intégrer le mieux possible les activités et l'ensemble des salariés d'Alstom Énergie. La France est essentielle pour General Electric. Nous cernons fort bien les problématiques, les enjeux, les points forts et les besoins du secteur et du marché français de l'énergie. Aussi travaillons-nous à cette intégration dans l'optique de renforcer, à long terme, la présence de General Electric en France, pays qui joue un rôle important dans le développement du groupe.

C'est ce qui nous a conduits, le mois dernier, à lancer, dans le respect du droit du travail, un projet de repositionnement de notre nouveau groupe. Ce projet, qui a déjà fait l'objet de discussions, continuera d'être discuté avec nos partenaires sociaux en France et en Europe, dans le cadre de la procédure légale d'information et de consultation du personnel. General Electric, qui a toujours privilégié le dialogue avec ses salariés, s'engage à maintenir cette approche constructive et transparente dans les mois qui viennent. Dans cet esprit, je souhaite vous informer de la façon la plus précise possible sur l'impact de ce projet. Depuis l'annonce de notre projet d'acquisition du pôle Énergie d'Alstom, nous avons toujours agi en toute transparence et nous comptons bien poursuivre de la sorte.

Le projet que nous avons présenté aux représentants du personnel concerne les fonctions de soutien pour environ un tiers des suppressions de postes, les deux autres tiers concernant des activités opérationnelles, toutes en région parisienne. Pour ce qui est des fonctions administratives, notre groupe n'a pas besoin de deux sièges ; une rationalisation s'impose pour créer une structure de services centraux commune aux entités fusionnées.

S'agissant des opérations, nous devons poursuivre le travail engagé pour rendre plus compétitives toutes les activités reprises. Sont concernées les activités Énergie thermique, Réseaux électriques et Automatisation et contrôle. Nous voulons tirer parti de la complémentarité des spécialités ainsi que de portefeuilles de produits complémentaires pour assurer notre compétitivité sur un marché qui est difficile.

Dans le domaine des centrales thermiques, l'activité Nucléaire fait face à la volatilité des marchés ; quant au marché de l'activité Vapeur, il s'est effondré de plus de 50 % depuis 2008 et la concurrence asiatique s'est intensifiée. Il en résulte que la trésorerie de ces deux activités est désormais négative. En regroupant les activités Nucléaire et Vapeur, nous voulons donner à l'ensemble une taille critique suffisante pour disposer d'une entité solide et durable et éviter une perte de compétences et de savoir-faire, particulièrement sur les chaînes de production de la turbine Arabelle. Pour répondre au mieux aux défis conjoncturels, nous nous proposons de regrouper l'expertise en France, en matière de centrales nucléaires et de centrales à vapeur, dans un centre d'excellence unique, situé à Belfort. C'est là que le centre était situé à l'origine et nous avons décidé de l'y réinstaller, car c'est là que l'expérience est la plus grande. Ce regroupement permettra de coordonner les projets d'ingénierie, de fourniture d'équipements et de construction de centrales à combustible fossile et nucléaire. En accélérant les prises de décision, il fera gagner en efficacité et en souplesse, permettra au groupe d'être plus compétitif et contribuera à la création d'emplois.

De même, notre projet d'intégration des activités de fabrication de chaudières au sein de General Electric s'explique par l'absence actuelle de taille critique, des coûts d'exploitation élevés et une santé financière critique.

Ce repositionnement a un coût social, puisqu'il revient à supprimer 765 postes. Nous savons que ce projet est une phase délicate du processus d'intégration mais nous tenons à montrer que notre entreprise fait et fera tout son possible pour encourager le dialogue, soutenir les salariés touchés et rechercher des solutions pour tous ceux qui seront concernés par cette évolution. Nous avons engagé un dialogue pan-européen avec les représentants du personnel, que nous poursuivrons. En mars, nous lancerons la procédure de consultation des délégués syndicaux en France, et nous nous sommes engagés à conduire cette phase de la manière la plus transparente et la plus humaine possible.

Notre objectif premier est d'encourager les départs volontaires parmi les salariés concernés. Il existe des solutions à l'intérieur du groupe, et nous comptons mettre en oeuvre des dispositifs pour aider nos salariés à conserver un emploi par le biais de la mobilité interne, en tenant compte des départs naturels qui se produisent au sein de General Electric comme dans toute autre entreprise, et en orientant ceux dont les postes sont supprimés vers nos nouveaux besoins. Si aucune solution au sein du groupe ne convient, nous aiderons les salariés concernés à trouver une solution externe. Nous avons depuis longtemps fait preuve de notre capacité à gérer en toute transparence ces situations, en trouvant des solutions propres à minimiser les conséquences sociales de tels repositionnements.

Enfin, aucun emploi ne sera supprimé sur le site de Belfort dans le cadre de ce projet. Je sais que les interrogations sont allées bon train et je le redis : le projet d'intégration n'aura pas d'impact sur le site de Belfort.

Comme mon président, M. Jeff Immelt, et moi-même avons eu l'occasion de vous le dire, General Electric a toujours tenu ses engagements en France. Nous avons toujours été attentifs aux possibilités de nous développer dans votre pays. C'est en France, en 1974, que General Electric et Safran ont créé la co-entreprise CFM International, qui est désormais l'une des co-entreprises les plus florissantes au monde. Cette co-entreprise, qui a généré près de 18 milliards d'euros de chiffre d'affaires à l'exportation depuis la France, produit le CFM56, le réacteur d'avion de ligne le plus vendu au monde, ainsi que le nouveau turboréacteur LEAP-x. À ce jour, plus de 20 000 réacteurs CFM sont en exploitation et 11 000 doivent être livrés. En 2015, le carnet de commandes de l'entreprise a atteint 180 milliards de dollars. Pour produire les réacteurs CFM, notre co-entreprise emploie plus de 30 000 salariés dans le monde, dont 10 000 en France. Nous sommes très fiers de cette réussite, et absolument convaincus que nous pourrons répéter cette opération en consolidant l'alliance General Electric-Alstom. Notre but est de faire de la France une de nos principales bases d'exportation dans le monde. Nos clients profiteront ainsi de la technologie et du savoir-faire français.

Enfin, indépendamment de l'engagement que nous avons pris de créer 1 000 emplois en France, quelque 500 postes sont actuellement à pourvoir chez General Electric France, pour deux tiers en région parisienne et pour un tiers en province – et nous continuerons d'embaucher dans les mois et les années à venir. Le scénario idéal serait que nous puissions dépasser nos engagements en matière d'emploi ; c'est ce qui s'est produit pour General Electric Healthcare, à Buc, dans les Yvelines. Dans les années 1980, Thomson CGR était l'un des grands acteurs européens de l'équipement médical, mais il était nettement à la traîne derrière Siemens et Philips dans ce domaine. Nous avons racheté l'entreprise et aujourd'hui le site de Buc est notre centre mondial de radiologie interventionnelle, de mammographie et de logiciels associés, et emploie plus de 2 600 salariés.

Je reviens aux engagements pris en juin 2014 par notre président, M. Jeff Immelt, devant le Président François Hollande. Nous avons réitéré ces promesses, sans faillir, à chaque fois que nous avons eu le plaisir d'être reçus par le Président de la République, pour la dernière fois il y a deux semaines à peine.

Certains se sont interrogés sur ce qu'il adviendrait de notre promesse de créer des emplois. Je le dis devant vous : General Electric tiendra ses engagements. D'ici la fin de l'année 2018, nous emploierons 15 500 salariés en France, soit 1 000 personnes de plus que notre effectif actuel. Nous créerons donc, en réalité, 1 765 emplois dans les trois ans à venir, voire davantage, car nous remplacerons aussi les départs naturels. Cet engagement est ferme ; nous avons signé une promesse d'emplois qui est actuellement examinée par un cabinet indépendant. La France est le seul pays au monde où nous procédons ainsi.

La répartition des 1 000 créations de postes à venir se fera selon quatre axes.

Tout d'abord, nous allons créer notre Digital Foundry. C'est l'un de nos grands projets en France. General Electric souhaite être la première entreprise industrielle numérique au monde et réinventer par ce biais ses relations avec ses clients et partenaires. La France sera au coeur de cette révolution. Ce site sera notre premier grand centre de développement de logiciels établi hors des États-Unis. Le premier a été créé là-bas il y a cinq ans ; alors que nos prévisions d'emplois initiales étaient de 1 000 postes, plus de 2 000 personnes y sont employées aujourd'hui. M. Vincent Champain vous en dira un peu plus sur ce projet passionnant.

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Vincent Champain, directeur des opérations France, General Electric

General Electric est convaincue que la numérisation progressive de l'industrie va bouleverser la façon dont les machines sont conçues, utilisées et entretenues. Cette évolution suscitera de nombreuses opportunités mais elle constitue également un défi, car elle modifiera du tout au tout l'éventail de compétences dont une entreprise industrielle aura besoin pour réussir. Dans l'ancien monde, on cherchait à fabriquer les meilleures machines possibles au moindre coût. À l'ère de l'industrie numérique, il faudra toujours être capable de produire la meilleure machine possible, mais aussi savoir faire en sorte que le client puisse l'utiliser le plus efficacement possible dans son environnement propre.

Pour y parvenir, il faudra maîtriser un nouveau domaine, la science des données industrielles – data science –, qui permet d'analyser les informations, qu'elles soient transmises par les machines ou par d'autres sources. Par exemple, on peut réduire la consommation énergétique d'un train en s'appuyant sur des données géographiques ou météorologiques mais aussi sur des informations relevées par les capteurs placés sur les moteurs ; ainsi pourra-t-on indiquer précisément au conducteur quand il doit accélérer ou ralentir, ce qui aura pour effet de réduire la consommation d'énergie de 3 à 4 % à trajet constant. De telles possibilités existent dans tous les secteurs industriels. Pour chaque cas particulier, il faudra analyser les données et concevoir un modèle mathématique spécifique permettant de développer le logiciel qui fournira au client la solution pratique qu'il attend. Demain, l'avantage compétitif des entreprises industrielles tiendra à leur capacité de réalisation de ces logiciels.

C'est ce que nous comptons faire dans notre Digital Foundry, à Paris. Nous ne le ferons pas seuls : nous créerons un écosystème mêlant des startups françaises, des centres de recherche universitaire implantés à Saclay et autour de nos autres sites, des entreprises partenaires ainsi, évidemment, que l'ensemble de nos compétences présentes en France. Nous avons choisi la France à la fois parce que nous sommes convaincus que le pays abrite les meilleurs ingénieurs et les meilleurs spécialistes d'analyse mathématique des données appliquée au domaine industriel et parce que nous avons déjà noué en France des partenariats réussis, avec Safran comme avec bien d'autres sociétés.

Le développement de cet écosystème donnera à la France un avantage compétitif indéniable dans un domaine d'avenir. Notre Digital Foundry sera installée dans le quartier Bourse-Opéra, au coeur de Paris, près du « Silicon Sentier ». À terme 250 personnes – des ingénieurs, des développeurs informatiques, des experts de l'analyse de données, des spécialistes du développement sur le cloud et de l'ingénierie logicielle – y seront employées. Ce centre d'excellence sera inauguré cet été et les premiers recrutements commenceront dans les jours qui viennent.

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Mark Hutchinson, président de General Electric Europe et de General Electric France,, Interprétation

(Interprétation) Parce que la Digital Foundry est au coeur de notre stratégie de croissance, le choix que nous avons fait de l'installer à Paris est significatif. Nous nous apprêtons aussi à monter en France les programmes de formation de nos futurs dirigeants, programmes qui font partie de notre culture d'entreprise depuis très longtemps ; cela créera 240 emplois supplémentaires dans les trois ans qui viennent.

Au cours des cinq années écoulées, nous nous sommes dotés de services généraux communs sur plusieurs sites stratégiques dans le monde. Nous voulons faire de la France un de ces sites stratégiques. C'est pourquoi nous créerons 200 postes chargés des services partagés, pour la majeure partie à Belfort.

Enfin, nous comptons revoir la carte de nos sites de fabrication dans le monde et en relocaliser une partie en France. Nous envisageons également de ré-internaliser la fabrication de certains composants et pièces en France. Cela devrait permettre la création de plus de 300 emplois, et nous continuerons ainsi à élargir le périmètre de la fabrication dévolue aux sites français. Ces emplois demanderont des compétences pointues en technologies, ingénierie et exploitation.

Par ailleurs, nous voulons renforcer nos installations de Belfort pour en faire un de nos sites majeurs en Europe et une référence mondiale dans la production de turbines ; notre président l'a confirmé au Président François Hollande. Leur discussion a aussi porté sur la coopération entre General Electric et les autorités françaises dans le cadre d'un accord global de soutien financier à l'exportation de turbines à gaz fonctionnant à 50 hertz et de perspectives de développement de turbines à gaz fonctionnant à 60 hertz. Nous sommes convaincus qu'une page majeure de l'avenir du secteur de l'énergie est en train de s'écrire en France ; Belfort continuera d'être un site majeur d'emploi, d'innovation et de développement.

En résumé, les 1 000 emplois nouveaux se répartiront comme il suit : 250 postes à la Digital Foundry, 240 pour notre programme de formation de cadres, 200 dans les services partagés et plus de 300 en fabrication. Les postes à créer pour compenser les 765 emplois supprimés dans le cadre de nos propositions le seront en fonction des besoins métiers.

Je veux rappeler les engagements que General Electric a déjà tenus. L'une de nos principales promesses, en 2014, portait sur l'installation de plusieurs de nos grands centres de décision en France. Nous sommes fiers de pouvoir dire que nous avons installé à Paris notre siège mondial pour les Énergies renouvelables, sous la direction de M. Jérôme Pécresse, qui rend compte directement à notre président. Notre activité Renouvelables recouvre tous les métiers qui concourent à dessiner les énergies du futur. En France, nous alimenterons cette croissance par des investissements substantiels dans la production d'énergies hydraulique et éolienne en mer, deux technologies que nous jugeons décisives pour anticiper l'évolution du secteur et accompagner la transformation de nos marchés.

Je vous l'ai dit, General Electric tient à honorer ses promesses. Nous avons pris des décisions douloureuses, qui remettent en cause plusieurs centaines d'emplois en France, mais elles sont nécessaires pour stimuler notre croissance et notre compétitivité. Elles bénéficieront à l'ensemble des industries françaises, et la France sera au coeur du secteur mondial de l'énergie pour de nombreuses décennies. Nous comptons parmi nos plus gros clients EDF, Engie, ou encore Total, qui sont des acteurs majeurs du secteur. Nous considérons que nos relations avec eux sont primordiales pour l'avenir de l'énergie. La France est engagée dans une transition énergétique ambitieuse, un projet dans lequel elle a affirmé son leadership avec le succès de la COP21. Les technologies de General Electric basées en France joueront un rôle essentiel dans cette perspective.

Nous continuerons la mise en oeuvre de ce projet en poursuivant un dialogue intense avec les représentants du personnel. Il nous reste beaucoup à faire pour intégrer complétement les activités d'Alstom, mais nous sommes parfaitement confiants dans les perspectives ouvertes par cette alliance.

Pour terminer, je voudrais revenir à ce que je vous avais dit en conclusion de ma précédente audition par votre commission, en mars dernier. J'avais souligné qu'un réel esprit de corps unissait les salariés d'Alstom et ceux de General Electric, une même façon de répondre aux défis, un même volontarisme. À cette époque, je n'avais vu que la partie émergée de l'iceberg ; au fil des mois, j'ai vu les salariés de General Electric et d'Alstom travailler ensemble et mettre en commun leurs compétences, leur savoir-faire et leurs expériences complémentaires. Je suis plus convaincu que jamais que la complémentarité est la clé de la réussite de cette intégration et de la relance de la compétitivité et de la croissance du nouveau General Electric que l'alliance avec Alstom nous permet de bâtir.

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La parole est à M. Jean Grellier, au nom du groupe Socialiste, républicain et citoyen, auquel succédera M. Antoine Herth, qui s'exprimera au nom du groupe les Républicains.

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L'évolution de la situation du groupe Alstom, les conditions dans lesquelles la décision de le vendre a été prise et la manière dont les négociations ont été menées ont suscité, vous le savez, une émotion certaine dans notre pays. Nous avions insisté sur la nécessité de maintenir ces productions industrielles en France, et nous nous inquiétions des effets pour l'emploi du rapprochement entre Alstom et General Electric ; autant dire que l'annonce de suppressions de postes n'était pas de nature à nous rassurer. Vous avez confirmé des engagements importants, mais aussi la suppression de 765 emplois. Vous avez précisé votre stratégie industrielle, axée sur le numérique, les énergies renouvelables et la fabrication de chaudières et vous avez indiqué que votre effectif en France serait à nouveau de 15 500 salariés dans moins de deux ans. Mais, dans l'intervalle, qu'en sera-t-il ? Quels sont les sites ciblés ? Quels emplois seront touchés ? Entendez-vous proposer d'autres emplois de production, après qu'ils y auront été formés, aux salariés dont les postes auront été supprimés ? Comment préparerez-vous les 1 000 embauches supplémentaires ? Enfin, quelles seront vos productions prioritaires en matière d'énergies renouvelables, et selon quelle stratégie ? Comment cette production sera-t-elle répartie sur notre territoire ?

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Mon collègue Daniel Fasquelle, empêché, s'associe à mes questions. Vous avez partiellement répondu aux interrogations de notre présidente relatives à la répartition des créations d'emplois ; pouvez-vous préciser quel est le potentiel d'emplois de l'activité éolienne en mer ? Vous avez évoqué le recrutement de jeunes Français appelés à constituer un vivier de futurs dirigeants de General Electric, mais les départs récents de Mme Clara Gaymard et de M. Grégoire Poux-Guillaume semblent démontrer tout autre chose ; quelle est la doctrine de l'entreprise en ce domaine ?

Quel sera l'impact fiscal pour la France de l'acquisition de l'activité Énergie d'Alstom par General Electric ? Les sièges sociaux seront-ils déplacés de France vers d'autres pays ?

Alstom avait engagé des partenariats avec les industries russe et indienne ; étant donné les tensions diplomatiques entre les États-Unis et la Russie, d'une part, les restrictions légales américaines entravant les exportations vers l'Inde de matériels destinés à l'industrie nucléaire, d'autre part, qu'adviendra-t-il à ce sujet ?

Enfin, vous avez plusieurs fois décrit le marché de l'énergie comme « difficile » ; à quelles difficultés faites-vous référence ?

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Pour l'heure, la seule décision concrète annoncée par General Electric en matière d'emploi, et que vous venez de confirmer, c'est la suppression de 765 postes ; selon quel calendrier auront lieu les embauches auxquelles le groupe s'est engagé à procéder ? D'autre part, les contrats en cours en matière nucléaire seront-ils menés à leur terme ? Enfin, dans vos réponses à notre questionnaire de mai 2015, vous avez dit travailler à la modification du périmètre des comités d'entreprise européens afin que ce périmètre couvre tous les salariés du secteur industriel en Europe. Une structure de représentation transitoire du personnel avait été créée ; où en est-on ?

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Mark Hutchinson,

Aucune opération d'acquisition ne correspond parfaitement aux objectifs d'une entreprise, monsieur Jean Grellier. Je préfère parler de « repositionnement » des entreprises, comme je le montrerai en abordant la question du marché de l'énergie. Au fond, nous repositionnons les entreprises dans des secteurs dont nous estimons qu'ils ont un potentiel de croissance significatif.

Le marché mondial de l'énergie est un marché difficile. L'Europe connaît une profonde transformation : elle se dirige vers les énergies renouvelables, tandis que la demande en nouvelles centrales nucléaires et en centrales à charbon se tarit. Ainsi, la position de la France sur le charbon est très claire, et elle produit un impact sur le marché mondial. Le même mouvement se produit ailleurs : aux États-Unis, en Asie et dans d'autres parties du monde, le secteur se réoriente massivement vers les énergies renouvelables et la demande en énergie nucléaire et en charbon diminue. Il nous faut donc repositionner les actifs dont nous avons hérité afin de les adapter au marché.

Parallèlement, la transition numérique présente d'immenses possibilités. Les clients veulent exploiter leurs actifs avec davantage d'efficacité. Il est désormais plus aisé de recueillir des données sur les équipements, même au cas par cas. C'est pourquoi notre groupe va se muer en entreprise industrielle numérique, car notre avenir, comme celui de toutes les entreprises, repose sur la conjugaison d'une dimension industrielle et d'une dimension numérique. L'exploitation des données produites par les machines et les outils permet en effet aux clients d'en faire un meilleur usage. La fusion des activités physiques et des activités numériques façonnera le monde de demain.

En clair, nous avons hérité de certains actifs et nous allons repositionner certains emplois dans le contexte d'un marché mondial en pleine mutation. Un tiers des emplois supprimés concernent des fonctions de soutien : il n'est pas nécessaire de conserver deux sièges, par exemple. Nous avons toujours su qu'il y aurait un impact sur ce point. Les deux autres tiers des emplois concernés relèvent de nos activités industrielles, en particulier celles qui sont affectées par l'évolution du marché comme les chaudières, qui ne sont plus guère demandées en Europe. Pour demeurer compétitifs face aux acteurs asiatiques, c'est en Chine et en Inde qu'il faut les fabriquer. De même, il n'existe aucun projet nucléaire en vue en Europe ; il nous faut donc adapter ce secteur pour garantir sa compétitivité. Autrement dit, nous devons procéder à un réajustement compétitif de nos activités, ce qui suppose d'adapter les compétences des employés en recrutant à des postes nouveaux qui incarnent l'avenir de l'entreprise.

Le volet numérique est une pièce maîtresse de notre stratégie. Nous avons connu l'émergence de l'internet du consommateur, celle de l'internet des objets et de l'industrie 4.0 : au fond, toute cette mutation repose sur la notion de productivité des actifs ; c'est là qu'est l'avenir. Les clients qui nous achètent des produits coûteux tels que des moteurs d'avion ou des turbines à gaz en attendent une performance optimale. Pour ce faire, il faut recourir aux technologies numériques qui permettent d'analyser les données et d'aider les usagers à tirer le meilleur parti des machines. En somme, tout est question de productivité.

Nous avons choisi la France pour lancer cette activité numérique, qui se traduira par la création d'au moins 250 emplois – et même bien davantage à terme, j'en suis convaincu. Cet investissement significatif que nous réalisons en France est un investissement d'avenir qui nous place à l'avant-garde de l'évolution générale du secteur.

Comment allons-nous gérer cette transformation au cours des trois prochaines années ? Tout d'abord, les 765 suppressions d'emplois que j'ai évoquées feront l'objet d'une consultation du comité d'entreprise et de l'ensemble des représentants des salariés. Ce processus débutera en mars et prendra du temps. Dans le même temps, nous commencerons à pourvoir les nouveaux postes. Nous avons déjà mis sur pied une équipe chargée de veiller à ce que les processus internes de recrutement soient prêts. Je rappelle que notre acquisition d'Alstom date de 90 jours seulement, et qu'il s'agit d'une opération majeure : 65 000 personnes se sont présentées au travail le 2 novembre au matin et, depuis, nous avons consacré l'essentiel de nos efforts à les intégrer à la famille du groupe General Electric. Je peux néanmoins vous assurer que nous avons activement entamé le processus de recrutement dans les quatre domaines dont j'ai parlé : la production industrielle, les services partagés, la Digital Foundry – que dirigera M. Vincent Champain, ici présent, depuis Paris – et les fonctions de direction, qui sont cruciales puisqu'elles seront occupées par les futurs dirigeants du groupe General Electric non seulement en France, mais aussi dans le monde entier. Nous conduisons depuis plusieurs décennies des programmes de formation aux fonctions de direction dans différents domaines – ingénierie, finance, ressources humaines – dont sont issus de nombreux dirigeants du groupe ; leur déploiement en France est un projet enthousiasmant.

En clair, les processus et les équipes de recrutement sont en place et, parallèlement, la consultation des représentants du personnel a commencé. Je ne peux pas vous indiquer quel sera le volume exact des effectifs en fin d'année, mais soyez assurés qu'il s'agit d'un processus dynamique qui, à ce stade, donne satisfaction, et nous n'épargnerons aucun effort pour qu'il aboutisse au plus vite.

Les énergies renouvelables, Monsieur Jean Grellier, constituent l'un des piliers de l'avenir de l'espace énergétique. C'est pourquoi nous en avons fait un secteur à part entière qui relève directement de l'autorité de M. Jeff Immelt. Ce secteur comprend les énergies renouvelables terrestres, que nous possédions pour l'essentiel avant l'alliance, ainsi que l'éolien, à quoi s'ajoutent les capacités hydroélectriques terrestres et marines d'Alstom. Il s'agit d'un marché très concurrentiel qui recèle un immense potentiel non seulement en Europe, mais aussi dans le monde. En plaçant la France au coeur de cette activité, nous apportons une contribution substantielle au pays. Nous sommes l'un des grands acteurs mondiaux des énergies renouvelables et les capacités d'Alstom vont nous renforcer davantage dans un secteur que nous estimons très prometteur.

Les engagements que j'ai rappelés aujourd'hui concernant les 15 500 emplois n'englobent pas ceux que nous avons déjà pris en matière d'éolien en mer. Nous reprenons à notre compte l'engagement pris par Alstom de créer plusieurs centaines d'emplois dans ce secteur, dont nous souhaitons poursuivre le développement, et disposons déjà d'un site à Nantes. Là encore, il s'agit d'un marché très concurrentiel ; si nous n'avons pas participé à la phase d'émergence initiale de cette technologie, nous sommes désormais très heureux d'intervenir dans le secteur de l'éolien en mer, dont nous allons devenir l'un des principaux acteurs. Nous envisageons avec des clients potentiels plusieurs projets en Europe, aux États-Unis et sur d'autres continents. Certes, cette ligne de produits est nouvelle pour nous, mais nous sommes déterminés à réussir. La France jouera un rôle majeur dans ce domaine, et les emplois qui en découleront s'ajouteront à ceux que j'ai évoqués puisqu'ils correspondent à un engagement distinct d'Alstom, que nous honorerons.

Je connais Mme Clara Gaymard depuis neuf ans, Monsieur Antoine Herth : elle a beaucoup apporté à General Electric en renforçant la place de la France dans le groupe et celle du groupe en France. L'alliance avec Alstom lui a paru être l'occasion de changer de voie et de mener un projet de nature plus entrepreneuriale ; cette décision lui appartient, même si nous regrettons son départ et la remercions pour tous les efforts qu'elle a consacrés à General Electric. Nous nous sommes quittés en excellents termes et lui adressons tous nos voeux de succès, même si nous aurons toutes les peines du monde à la remplacer. J'occupe provisoirement son poste jusqu'à ce que son successeur soit désigné. De même, M. Grégoire Poux-Guillaume a décidé de partir comme chacun est libre de le faire, et nous regrettons son départ, mais les opérations d'acquisition d'un tel volume se traduisent parfois par des choix de cette nature. Dans l'ensemble, nous nous félicitons du très faible nombre de départs constatés sur les 65 000 employés d'Alstom, qui souhaitent intégrer l'équipe de General Electric. C'est un véritable vote de confiance.

Comme vous le savez, monsieur le député, nous avons finalisé notre opération en Russie avant d'avoir obtenu l'aval des autorités compétentes, dont nous attendons l'approbation. Notre intention est de poursuivre les opérations qu'Alstom conduisait avec ses partenaires de co-entreprise dès que les autorités russes auront délivré les autorisations nécessaires.

Le marché de l'énergie a beaucoup changé et est devenu moins prévisible. Songez à la transformation incroyable qui se produit en Allemagne : elle annonce l'avenir du marché mondial de l'énergie, sa réorientation massive en direction des énergies renouvelables et l'abandon progressif des technologies anciennes. Nous nous sommes cependant engagés auprès du Gouvernement français à préserver les capacités dans les secteurs du nucléaire et du charbon, car ces marchés sont cycliques et pourraient rebondir. Les capacités nucléaires sont importantes pour la France : nous veillerons donc à les maintenir en vue d'une probable reprise. Autrement dit, le marché de l'énergie est difficile et connaît une mutation profonde que nous voulons anticiper, comme nous le faisons en matière numérique. La France tiendra un rôle important dans l'émergence de ce nouveau mix énergétique.

Les 765 emplois qui seront supprimés, Madame la présidente, correspondent à un repositionnement dans les secteurs prioritaires afin de garantir la compétitivité de l'entreprise. Comme je l'ai indiqué, les processus de recrutement ont commencé et le site de la Digital Foundry est établi. Nous ferons bientôt des annonces concernant la manière dont ces processus se déploient. Il en va de même pour les services partagés. Nous sommes constamment à la recherche de nouvelles solutions pour puiser partout dans nos implantations afin d'en tirer le meilleur parti. Le groupe General Electric emploie plus de 100 000 personnes en Europe : il ne sera pas si difficile de redéployer certains de ces emplois en France. M. Jeff Immelt a plusieurs fois réitéré notre engagement en matière d'emploi devant le Président de la République, et nous avons trois ans pour le tenir ; il n'y a là aucune difficulté.

Au fond, l'enjeu principal est bien celui de la création d'emplois. Certes, il nous faut repositionner certains postes : 765 emplois sur 14 500 seront concernés. C'est ainsi que nous garantirons le maintien des autres emplois dans un groupe devenu aussi compétitif que possible. Ce repositionnement, en effet, est essentiel à notre compétitivité et fait partie intégrante de la transformation que nous devons traverser.

Nous savons combien le secteur nucléaire est important pour la France et tiendrons là encore tous nos engagements en préservant les capacités adéquates. Ce marché finira par rebondir, et nous voulons pouvoir répondre présents. En réalité, notre portefeuille énergétique nous permet d'intervenir dans tous les domaines du marché de l'énergie, lequel est soumis à des cycles dépendant de divers facteurs, qu'il s'agisse de la demande mondiale, du prix de l'énergie ou encore de la réglementation. Nous voulons être capables de nous adapter à l'évolution des différents secteurs en fonction de la demande.

Le groupe General Electric n'était pas jusqu'ici doté d'un comité d'entreprise européen, mais nous venons d'en créer un et c'est avec lui qu'a été entamé le processus de consultation sur les emplois. De nombreuses réunions se sont déjà tenues avec cette instance, et le processus se déclinera en France à partir de début mars.

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Avant de vous interroger, monsieur Mark Hutchinson, je tiens à rappeler qu'Alstom n'était ni en danger, ni en difficulté, comme l'a d'ailleurs confirmé ici même M. Patrick Kron à plusieurs reprises.

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Certes, nous sommes nombreux ici à être convaincus que les groupes industriels doivent désormais être mondiaux. Cela étant, j'ai pour ma part estimé que General Electric et Alstom ne concluaient pas une « alliance », selon le terme que vous avez plusieurs fois utilisé, monsieur Mark Hutchinson, mais qu'il s'agissait bel et bien d'une absorption que j'ai vécue comme le démantèlement d'un fleuron national. Je ne suis donc aucunement surprise que l'on nous annonce des réductions d'emplois dans les fonctions de soutien. Vous saviez qu'il y aurait un impact sur ces emplois, nous avez-vous dit ; pourtant, ce n'est pas précisément la teneur des propos qui ont été tenus lors de précédentes auditions.

Au fond, le tableau que vous nous avez dressé de l'évolution du marché mondial de l'énergie annonce des restructurations bien plus violentes encore, et je redoute que l'on nous en informe au goutte à goutte pour faire moins peur, même si la réalité est beaucoup plus dure – d'autant plus que vous semblez avoir une vision tout à fait claire de l'évolution structurelle du marché.

Vous vous êtes notamment interrogé sur l'avenir du marché mondial du nucléaire. Si l'on prolonge la logique de votre propos sur ce point, alors se pose la question du site d'Alstom à Belfort. Vous nous dites certes qu'il est conforté, mais l'accord de non-fermeture ne vous engage que pendant trois ans. Pouvez-vous vous engager au-delà de ce délai ?

D'autre part, je m'étonne que vous n'ayez pas abordé la question des prix du pétrole en présentant le développement des énergies renouvelables. Hélas, la situation me semble moins idyllique que celle d'un développement continu et inéluctable, car la baisse des prix du pétrole exerce une pression extrêmement forte qui limite considérablement la rentabilité des investissements dans les énergies renouvelables. Malgré la COP21 et en l'absence d'un prix mondial du carbone, pourtant indispensable, je me permets de vous interroger sur votre vision du développement des énergies renouvelables dans un contexte de baisse des prix du pétrole que certains estiment durable.

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Mark Hutchinson,

Il est vrai que la baisse du coût des carburants a un impact sur le mix énergétique. Permettez-moi cependant de diverger quelque peu de votre point de vue : selon moi, les énergies renouvelables constituent un secteur durable et très prometteur. Les engagements qu'ont pris les gouvernements des pays européens en vue de réorienter leur mix énergétique en faveur des énergies renouvelables en est un signe certain, et cette tendance s'observe partout ailleurs dans le monde. Le coût des technologies, qu'il s'agisse du solaire ou de l'éolien, rend ce secteur beaucoup plus compétitif. Cette transformation en faveur des énergies renouvelables se poursuivra au cours des dix ou vingt prochaines années.

Dans le secteur de l'énergie, l'essentiel est selon nous de se doter des meilleures technologies. C'est pourquoi nous investissons chaque année 6 milliards de dollars en recherche et développement dans l'ensemble de nos activités. C'est ainsi que nous pouvons nous assurer de disposer des meilleures technologies dans tel ou tel domaine, comme celui des turbines à gaz de grande puissance. Ce n'est qu'en maîtrisant les meilleures technologies et en donnant satisfaction aux clients que l'on réussit.

Concernant le site de Belfort, nous avons pris des engagements et nous sommes déterminés à ce qu'il soit une réussite. Pour ce faire, nous devons continuer d'investir dans la recherche et le développement et d'obtenir des commandes. Or, toutes les commandes de turbines à gaz de grande puissance proviendront de pays situés hors d'Europe, car la demande européenne en la matière est presque nulle. Nous devons donc veiller à disposer des capacités nécessaires pour remporter des commandes dans le monde entier ; les turbines ainsi produites seront expédiées de France. Nous avons toute confiance en nos technologies dans le domaine des turbines à gaz et dans le site de Belfort.

Dans le secteur nucléaire, le seul pays au monde qui se dote réellement de nouvelles centrales est la Chine. Ce marché a profondément changé depuis Fukushima, et nous devons nous y adapter.

Nous parions donc sur l'avenir des énergies renouvelables et des turbines à gaz, deux domaines qui permettront d'assurer le développement futur du groupe. Lorsque nous avons fait l'acquisition de l'activité de turbines à gaz de Belfort en 1997-1998, le site employait 1 000 personnes ; il en emploie 1 600 aujourd'hui. Cet exemple est la preuve que nous tenons nos engagements et montre comment nous développons nos activités, et nous espérons faire de même avec l'ensemble des activités d'Alstom que nous avons reprises. Puis-je m'engager au-delà d'un délai de trois ans ? Non : tout dépendra de l'évolution du marché et de notre carnet de commandes, car c'est ainsi que fonctionne le monde de l'entreprise. Nous avons pris des engagements très clairs pour les trois prochaines années en vue de repositionner l'entreprise et de renforcer sa compétitivité ; ne rien faire serait bien plus risqué.

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Je n'envisage pas l'élan mondial en faveur des énergies renouvelables avec un regard pessimiste, mais je constate une réalité économique brutale et difficile. Outre son potentiel de développement, ce secteur connaît un changement de modèle : face aux investissements industriels massifs se développent aussi des investissements locaux et décentralisés moins onéreux. L'éolien en mer, par exemple, relève de la grande industrie, tandis que les projets de méthaniseurs locaux et de petites installations solaires sont beaucoup plus modestes. Vous engagerez-vous également dans cette dimension du développement des énergies renouvelables, où les grands acteurs industriels font souvent défaut, ou vous cantonnerez-vous aux projets industriels de grande ampleur ?

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Comme Mme Delphine Batho, j'estime que le dossier Alstom est un fiasco industriel qui provoque en moi une grande tristesse. Il ne devait pas y avoir d'absorption mais une alliance privilégiée : j'en cherche désespérément la moindre trace ! Je prends acte de vos déclarations concernant la création de 1 000 emplois en trois ans, mais 765 autres seront supprimés, et les compensations ne sont pas encore prévues. Sans doute y verrons-nous plus clair lorsque le groupe précisera sa stratégie au fil de la consultation interne qui commencera en mars, et cela méritera que nous refassions le point ensemble, tant ce dossier nous importe.

Vous présidez General Electric Europe, Monsieur Mark Hutchinson, mais aussi General Electric France depuis le départ de Mme Clara Gaymard. Chacun sait que la question du siège est très importante pour les entreprises, afin qu'elles ne soient ni virtuelles, ni financiarisées. Où travaillez-vous concrètement ? Comment fonctionnez-vous ? Dans quel délai Mme Clara Gaymard sera-t-elle remplacée ?

Permettez-moi aussi une question directe : de quelles conditions financières les départs de M. Patrick Kron et de Mme Clara Gaymard ont-ils été assortis ? Ces éléments relèvent en effet de notre réflexion sur le fiasco industriel que j'évoquais : on nous a tant vendu une solution, tant d'engagements ont été pris par les dirigeants de l'époque que je m'interroge sur les raisons de leurs départs et sur le devenir de leurs engagements.

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Mark Hutchinson,

En effet, madame Delphine Batho, le marché de l'énergie se décentralise peu à peu. Autrefois, nos clients se résumaient aux grandes entreprises de services collectifs ; aujourd'hui, ils se diversifient considérablement. L'Allemagne offre un excellent exemple de la transformation du marché de l'énergie : les parcs éoliens s'y composent de quatre ou cinq éoliennes tout au plus alors qu'auparavant, ils étaient beaucoup plus grands. Il nous faut donc proposer un modèle différent en adaptant notre personnel commercial à la diversité des clients. Nous tâchons de nous adapter à ce nouveau modèle.

Cette année, les nouveaux projets qui seront déployés en Europe dans le secteur des énergies renouvelables représenteront 15 gigawatts : c'est un marché considérable, plus important encore que celui des États-Unis. Chaque pays adopte son propre modèle : l'Espagne privilégie les parcs importants, qui caractérisent globalement l'éolien en mer, compte tenu de la nature des technologies utilisées ; en Allemagne, au contraire, les installations sont très décentralisées. Cela étant, vous avez raison : la tendance générale est à la décentralisation, même si cela ne signifie pas pour autant que la demande se tarira.

Si nous avons parlé d'alliance entre General Electric et Alstom, c'est parce qu'il s'agit d'une opération de très grande ampleur. Avec les employés, nous l'avons envisagée sous la forme d'une fusion. Interrogez-les : j'espère qu'ils vous feront part de leur enthousiasme d'avoir rejoint notre groupe et partageront mon optimisme quant à son avenir. Le processus de consultation des représentants du personnel vient de commencer. Forts de notre expérience en la matière, nous veillerons à ce qu'il soit équitable et transparent. Le cas échéant, nous aiderons si possible les personnes dont les emplois ne sont pas maintenus à retrouver un poste. À ce jour, 500 emplois sont vacants dans notre groupe en France, et 2 000 en Europe – qui pourraient intéresser les personnes prêtes à s'expatrier. En outre, nous recruterons de nouveaux employés en nombre. Certaines compétences existantes pourront être conservées, mais d'autres seront nouvelles ; je prends l'engagement que nous accompagnerons de notre mieux les personnes touchées.

Nous voulons pour Alstom un avenir radieux. C'est pour cette raison que nous avons conclu cette opération, que nous investissons en France, que nous créons de nouveaux postes et que nos engagements en matière d'emploi ne nous posent aucune difficulté. Il nous faut repositionner l'entreprise de manière adaptée.

Enfin, nous recherchons activement une personne susceptible de succéder à Mme Clara Gaymard ; je ne saurais vous dire quand cela se produira, mais j'espère que nous parviendrons rapidement à trouver la personne qui convient. S'agissant du départ de M. Patrick Kron, mieux vaut l'interroger directement. Quant à Mme Clara Gaymard, nous nous sommes séparés en excellents termes et, là encore, c'est elle qu'il faut interroger pour plus de détails.

En somme, nous avons tenu nos engagements vis-à-vis du Gouvernement français et continuerons de le faire. Avec 100 000 employés en Europe, nous sommes désormais un groupe aussi européen qu'américain.

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Je vous remercie pour ces réponses, monsieur Mark Hutchinson. Nous ne manquerons pas de vous inviter de nouveau pour faire le point sur les emplois et les activités du groupe General Electric en France, car vous avez constaté que notre commission est attachée à suivre ce dossier de près.

Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mercredi 10 février 2016 à 17 heures

Présents. – Mme Delphine Batho, Mme Marie-Noëlle Battistel, Mme Corinne Erhel, Mme Marie-Hélène Fabre, M. Daniel Goldberg, M. Jean Grellier, M. Antoine Herth, Mme Annick Le Loch, M. Jean-Pierre Le Roch, Mme Frédérique Massat, M. Hervé Pellois, Mme Béatrice Santais

Excusés. – M. Damien Abad, M. Thierry Benoit, M. Jean-Michel Couve, Mme Jeanine Dubié, M. Georges Ginesta, M. Thierry Lazaro, M. Bernard Reynès, M. Jean-Charles Taugourdeau, Mme Catherine Troallic