Intervention de Mark Hutchinson,

Réunion du 10 février 2016 à 17h00
Commission des affaires économiques

Mark Hutchinson, :

Aucune opération d'acquisition ne correspond parfaitement aux objectifs d'une entreprise, monsieur Jean Grellier. Je préfère parler de « repositionnement » des entreprises, comme je le montrerai en abordant la question du marché de l'énergie. Au fond, nous repositionnons les entreprises dans des secteurs dont nous estimons qu'ils ont un potentiel de croissance significatif.

Le marché mondial de l'énergie est un marché difficile. L'Europe connaît une profonde transformation : elle se dirige vers les énergies renouvelables, tandis que la demande en nouvelles centrales nucléaires et en centrales à charbon se tarit. Ainsi, la position de la France sur le charbon est très claire, et elle produit un impact sur le marché mondial. Le même mouvement se produit ailleurs : aux États-Unis, en Asie et dans d'autres parties du monde, le secteur se réoriente massivement vers les énergies renouvelables et la demande en énergie nucléaire et en charbon diminue. Il nous faut donc repositionner les actifs dont nous avons hérité afin de les adapter au marché.

Parallèlement, la transition numérique présente d'immenses possibilités. Les clients veulent exploiter leurs actifs avec davantage d'efficacité. Il est désormais plus aisé de recueillir des données sur les équipements, même au cas par cas. C'est pourquoi notre groupe va se muer en entreprise industrielle numérique, car notre avenir, comme celui de toutes les entreprises, repose sur la conjugaison d'une dimension industrielle et d'une dimension numérique. L'exploitation des données produites par les machines et les outils permet en effet aux clients d'en faire un meilleur usage. La fusion des activités physiques et des activités numériques façonnera le monde de demain.

En clair, nous avons hérité de certains actifs et nous allons repositionner certains emplois dans le contexte d'un marché mondial en pleine mutation. Un tiers des emplois supprimés concernent des fonctions de soutien : il n'est pas nécessaire de conserver deux sièges, par exemple. Nous avons toujours su qu'il y aurait un impact sur ce point. Les deux autres tiers des emplois concernés relèvent de nos activités industrielles, en particulier celles qui sont affectées par l'évolution du marché comme les chaudières, qui ne sont plus guère demandées en Europe. Pour demeurer compétitifs face aux acteurs asiatiques, c'est en Chine et en Inde qu'il faut les fabriquer. De même, il n'existe aucun projet nucléaire en vue en Europe ; il nous faut donc adapter ce secteur pour garantir sa compétitivité. Autrement dit, nous devons procéder à un réajustement compétitif de nos activités, ce qui suppose d'adapter les compétences des employés en recrutant à des postes nouveaux qui incarnent l'avenir de l'entreprise.

Le volet numérique est une pièce maîtresse de notre stratégie. Nous avons connu l'émergence de l'internet du consommateur, celle de l'internet des objets et de l'industrie 4.0 : au fond, toute cette mutation repose sur la notion de productivité des actifs ; c'est là qu'est l'avenir. Les clients qui nous achètent des produits coûteux tels que des moteurs d'avion ou des turbines à gaz en attendent une performance optimale. Pour ce faire, il faut recourir aux technologies numériques qui permettent d'analyser les données et d'aider les usagers à tirer le meilleur parti des machines. En somme, tout est question de productivité.

Nous avons choisi la France pour lancer cette activité numérique, qui se traduira par la création d'au moins 250 emplois – et même bien davantage à terme, j'en suis convaincu. Cet investissement significatif que nous réalisons en France est un investissement d'avenir qui nous place à l'avant-garde de l'évolution générale du secteur.

Comment allons-nous gérer cette transformation au cours des trois prochaines années ? Tout d'abord, les 765 suppressions d'emplois que j'ai évoquées feront l'objet d'une consultation du comité d'entreprise et de l'ensemble des représentants des salariés. Ce processus débutera en mars et prendra du temps. Dans le même temps, nous commencerons à pourvoir les nouveaux postes. Nous avons déjà mis sur pied une équipe chargée de veiller à ce que les processus internes de recrutement soient prêts. Je rappelle que notre acquisition d'Alstom date de 90 jours seulement, et qu'il s'agit d'une opération majeure : 65 000 personnes se sont présentées au travail le 2 novembre au matin et, depuis, nous avons consacré l'essentiel de nos efforts à les intégrer à la famille du groupe General Electric. Je peux néanmoins vous assurer que nous avons activement entamé le processus de recrutement dans les quatre domaines dont j'ai parlé : la production industrielle, les services partagés, la Digital Foundry – que dirigera M. Vincent Champain, ici présent, depuis Paris – et les fonctions de direction, qui sont cruciales puisqu'elles seront occupées par les futurs dirigeants du groupe General Electric non seulement en France, mais aussi dans le monde entier. Nous conduisons depuis plusieurs décennies des programmes de formation aux fonctions de direction dans différents domaines – ingénierie, finance, ressources humaines – dont sont issus de nombreux dirigeants du groupe ; leur déploiement en France est un projet enthousiasmant.

En clair, les processus et les équipes de recrutement sont en place et, parallèlement, la consultation des représentants du personnel a commencé. Je ne peux pas vous indiquer quel sera le volume exact des effectifs en fin d'année, mais soyez assurés qu'il s'agit d'un processus dynamique qui, à ce stade, donne satisfaction, et nous n'épargnerons aucun effort pour qu'il aboutisse au plus vite.

Les énergies renouvelables, Monsieur Jean Grellier, constituent l'un des piliers de l'avenir de l'espace énergétique. C'est pourquoi nous en avons fait un secteur à part entière qui relève directement de l'autorité de M. Jeff Immelt. Ce secteur comprend les énergies renouvelables terrestres, que nous possédions pour l'essentiel avant l'alliance, ainsi que l'éolien, à quoi s'ajoutent les capacités hydroélectriques terrestres et marines d'Alstom. Il s'agit d'un marché très concurrentiel qui recèle un immense potentiel non seulement en Europe, mais aussi dans le monde. En plaçant la France au coeur de cette activité, nous apportons une contribution substantielle au pays. Nous sommes l'un des grands acteurs mondiaux des énergies renouvelables et les capacités d'Alstom vont nous renforcer davantage dans un secteur que nous estimons très prometteur.

Les engagements que j'ai rappelés aujourd'hui concernant les 15 500 emplois n'englobent pas ceux que nous avons déjà pris en matière d'éolien en mer. Nous reprenons à notre compte l'engagement pris par Alstom de créer plusieurs centaines d'emplois dans ce secteur, dont nous souhaitons poursuivre le développement, et disposons déjà d'un site à Nantes. Là encore, il s'agit d'un marché très concurrentiel ; si nous n'avons pas participé à la phase d'émergence initiale de cette technologie, nous sommes désormais très heureux d'intervenir dans le secteur de l'éolien en mer, dont nous allons devenir l'un des principaux acteurs. Nous envisageons avec des clients potentiels plusieurs projets en Europe, aux États-Unis et sur d'autres continents. Certes, cette ligne de produits est nouvelle pour nous, mais nous sommes déterminés à réussir. La France jouera un rôle majeur dans ce domaine, et les emplois qui en découleront s'ajouteront à ceux que j'ai évoqués puisqu'ils correspondent à un engagement distinct d'Alstom, que nous honorerons.

Je connais Mme Clara Gaymard depuis neuf ans, Monsieur Antoine Herth : elle a beaucoup apporté à General Electric en renforçant la place de la France dans le groupe et celle du groupe en France. L'alliance avec Alstom lui a paru être l'occasion de changer de voie et de mener un projet de nature plus entrepreneuriale ; cette décision lui appartient, même si nous regrettons son départ et la remercions pour tous les efforts qu'elle a consacrés à General Electric. Nous nous sommes quittés en excellents termes et lui adressons tous nos voeux de succès, même si nous aurons toutes les peines du monde à la remplacer. J'occupe provisoirement son poste jusqu'à ce que son successeur soit désigné. De même, M. Grégoire Poux-Guillaume a décidé de partir comme chacun est libre de le faire, et nous regrettons son départ, mais les opérations d'acquisition d'un tel volume se traduisent parfois par des choix de cette nature. Dans l'ensemble, nous nous félicitons du très faible nombre de départs constatés sur les 65 000 employés d'Alstom, qui souhaitent intégrer l'équipe de General Electric. C'est un véritable vote de confiance.

Comme vous le savez, monsieur le député, nous avons finalisé notre opération en Russie avant d'avoir obtenu l'aval des autorités compétentes, dont nous attendons l'approbation. Notre intention est de poursuivre les opérations qu'Alstom conduisait avec ses partenaires de co-entreprise dès que les autorités russes auront délivré les autorisations nécessaires.

Le marché de l'énergie a beaucoup changé et est devenu moins prévisible. Songez à la transformation incroyable qui se produit en Allemagne : elle annonce l'avenir du marché mondial de l'énergie, sa réorientation massive en direction des énergies renouvelables et l'abandon progressif des technologies anciennes. Nous nous sommes cependant engagés auprès du Gouvernement français à préserver les capacités dans les secteurs du nucléaire et du charbon, car ces marchés sont cycliques et pourraient rebondir. Les capacités nucléaires sont importantes pour la France : nous veillerons donc à les maintenir en vue d'une probable reprise. Autrement dit, le marché de l'énergie est difficile et connaît une mutation profonde que nous voulons anticiper, comme nous le faisons en matière numérique. La France tiendra un rôle important dans l'émergence de ce nouveau mix énergétique.

Les 765 emplois qui seront supprimés, Madame la présidente, correspondent à un repositionnement dans les secteurs prioritaires afin de garantir la compétitivité de l'entreprise. Comme je l'ai indiqué, les processus de recrutement ont commencé et le site de la Digital Foundry est établi. Nous ferons bientôt des annonces concernant la manière dont ces processus se déploient. Il en va de même pour les services partagés. Nous sommes constamment à la recherche de nouvelles solutions pour puiser partout dans nos implantations afin d'en tirer le meilleur parti. Le groupe General Electric emploie plus de 100 000 personnes en Europe : il ne sera pas si difficile de redéployer certains de ces emplois en France. M. Jeff Immelt a plusieurs fois réitéré notre engagement en matière d'emploi devant le Président de la République, et nous avons trois ans pour le tenir ; il n'y a là aucune difficulté.

Au fond, l'enjeu principal est bien celui de la création d'emplois. Certes, il nous faut repositionner certains postes : 765 emplois sur 14 500 seront concernés. C'est ainsi que nous garantirons le maintien des autres emplois dans un groupe devenu aussi compétitif que possible. Ce repositionnement, en effet, est essentiel à notre compétitivité et fait partie intégrante de la transformation que nous devons traverser.

Nous savons combien le secteur nucléaire est important pour la France et tiendrons là encore tous nos engagements en préservant les capacités adéquates. Ce marché finira par rebondir, et nous voulons pouvoir répondre présents. En réalité, notre portefeuille énergétique nous permet d'intervenir dans tous les domaines du marché de l'énergie, lequel est soumis à des cycles dépendant de divers facteurs, qu'il s'agisse de la demande mondiale, du prix de l'énergie ou encore de la réglementation. Nous voulons être capables de nous adapter à l'évolution des différents secteurs en fonction de la demande.

Le groupe General Electric n'était pas jusqu'ici doté d'un comité d'entreprise européen, mais nous venons d'en créer un et c'est avec lui qu'a été entamé le processus de consultation sur les emplois. De nombreuses réunions se sont déjà tenues avec cette instance, et le processus se déclinera en France à partir de début mars.

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