Intervention de Pascal Popelin

Réunion du 10 février 2016 à 11h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPascal Popelin, rapporteur :

Je suis chargé de rapporter sur les dispositions renforçant la lutte contre le crime organisé et le terrorisme et sur celles qui visent à renforcer l'efficacité des investigations judiciaires – articles 1er à 4 du texte ; celles qui tendent à renforcer la protection des témoins, et qui figurent aux articles 5 et 6 ; celles qui visent à améliorer la lutte contre les infractions en matière d'armes et la cybercriminalité, contenues dans les articles 7 à 11 ; enfin, celles qui tendent à renforcer l'enquête et les contrôles administratifs, qui font l'objet des articles 17 à 21.

Même si j'ai compris quel est le périmètre du projet couvert par la Chancellerie, c'est sur l'ensemble de ces articles que porteront mes questions au représentant du Gouvernement. Les auditions que nous menons, Mme Colette Capdevielle et moi-même, ayant commencé hier, je m'en tiendrai, monsieur le ministre, à vous interroger sur quelques points appelant des éclaircissements.

S'agissant de l'efficacité des investigations judiciaires, les articles 1er, 2 et 3 font intervenir des décisions d'autorisation du juge des libertés et de la détention. Ce magistrat a vu son rôle évoluer considérablement au cours des dernières années, sans qu'il soit formellement consacré dans notre droit. L'organisation des services et les effectifs permettront-ils aux juges des libertés et de la détention de remplir cette nouvelle mission ?

L'article 4 recentre les missions de la juridiction parisienne d'application des peines sur le seul suivi des peines prononcées pour actes de terrorisme, à l'exclusion des faits de provocation à ces actes ou d'apologie de ceux-ci. Cette disposition suffira-t-elle à désengorger la juridiction ? Une augmentation de ses moyens est-elle envisagée ?

Les articles 5 et 6 visent à renforcer la protection des témoins qui s'exposent à des risques importants de représailles. Mais cette protection, légitime, n'emporte-t-elle pas le risque que des condamnations soient prononcées sur la foi d'un seul ou de plusieurs témoignages uniquement anonymes ?

Les articles 7 et 9 renforcent le contrôle administratif des armes et la violation des règles en cette matière. Même si ces questions relèvent davantage du ministère de l'Intérieur que de la Chancellerie, pouvez-vous nous dire ce que représente le trafic d'armes en France, et quel lien établir entre ce trafic et le terrorisme ?

Les articles 8 et 11 donnent aux services enquêteurs, qu'ils soient judiciaires ou douaniers, des moyens d'investigation supplémentaires, élargissant notamment au trafic d'armes la possibilité de recourir à des infiltrations et à la technique du « coup d'achat ». Quel est l'état de la coopération des douanes et des services de police d'une part, de la coopération européenne d'autre part, en matière de lutte contre le trafic d'armes ?

L'article 11 adapte nos règles procédurales aux enjeux de la cybercriminalité. Il prévoit de nouveaux critères de compétence territoriale dès lors que la victime est française, de nouveaux critères de compétence du parquet, du juge d'instruction et du tribunal correctionnel en raison du domicile de cette victime et l'extension des règles procédurales de la criminalité organisée aux atteintes aux systèmes informatiques de l'État comportant des données personnelles. Pourquoi ne pas reconnaître une compétence spécifique à la juridiction parisienne en matière de cybercriminalité ? Comment l'État et les opérateurs d'importance vitale protègent-ils leurs systèmes informatiques contre le cyberterrorisme ?

J'en viens maintenant à l'enquête et aux contrôles administratifs.

L'article 17 étend les pouvoirs des forces de l'ordre à l'occasion des contrôles et vérifications d'identité. Il introduit la possibilité, pour les officiers de police judiciaire agissant sur réquisition du procureur de la République en application de l'article 78-2-2 du code de procédure pénale, de procéder, dans les lieux et pour la période prévus par ce magistrat, à l'inspection visuelle et à la fouille de bagages en plus des contrôles d'identité et de la visite des véhicules. Quelles garanties encadrent-elles cette extension, du point de vue des libertés individuelles ?

L'article 18 permet aux forces de l'ordre, à l'occasion d'un contrôle d'identité, de retenir une personne lorsqu'il y a des raisons sérieuses de penser que son comportement est lié à des activités à caractère terroriste, le temps de l'examen de sa situation, qui pourrait comprendre la consultation plus extensive de fichiers de police, la vérification de sa situation administrative et la consultation des services à l'origine du signalement. Ce temps d'examen ne pourra excéder quatre heures à compter du début du contrôle. Comment s'articulera cette nouvelle retenue avec la garde à vue, si cette dernière s'avère nécessaire ? Comment la sécurité juridique de la procédure sera-t-elle garantie ?

L'article 19 précise le cadre légal de l'usage des armes par les policiers, les gendarmes, les douaniers et les militaires déployés sur le territoire national en renfort des forces de sécurité intérieure, en dehors des cas de légitime défense, dans le cas d'un périple meurtrier durant lequel la légitime défense ne pourrait être invoquée, mais qui relève de l'état de nécessité. Comment cette mesure s'articulera-t-elle avec la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme relative au droit à la vie ? La notion de « temps rapproché » désigne-t-elle une durée de quelques minutes ou de plusieurs jours ?

Enfin, si le départ vers des pays en guerre de ressortissants français souhaitant participer aux combats n'est pas nouveau, il a pris une ampleur inédite au cours des dernières années : des centaines de jeunes, hommes et femmes, se rendent notamment en Syrie pour rallier des groupes de combattants terroristes. Le rapport de la commission d'enquête menée par l'Assemblée nationale à ce sujet établit un constat inquiétant : « Les retours de djihadistes de la zone irako-syrienne sont l'un des facteurs importants de l'aggravation de la menace, la majorité d'entre eux ayant combattu dans les rangs de Daech, qui a officiellement appelé à la commission d'attentats terroristes en France et dans les pays participant à la coalition ». L'article 20 renforce le contrôle à l'égard des personnes qui se sont déplacées à l'étranger afin de participer à des activités terroristes, et qui, de retour sur le territoire national, sont susceptibles de constituer une menace pour la sécurité publique. À combien estimez-vous le nombre de personnes qui pourraient être concernées par ces mesures ?

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