Je n'ai pas vu ce passage corrigé. En tout cas, cela corrige le regret que nous avions formulé. Quelque chose que n'a pas dit René Rouquet en effet, c'est que les parlementaires, députés et sénateurs toutes formations politiques confondues, déplorent qu'on ne valorise pas davantage le travail des parlementaires à l'APCE. J'ai toujours été étonné qu'avant chaque partie de session de l'APCE, qui en compte quatre, on ne puisse pas évoquer dans le cadre de la Commission des Affaires européennes l'ordre du jour de la session à venir dont un certain nombre de questions mériteraient un débat. Il serait bon pour les parlementaires de la Délégation de recueillir le sentiment et l'avis de leurs collègues. Il y a en effet des sujets qui passent complètement inaperçus alors que les votes à l'Assemblée parlementaire s'avèrent d'autant plus surprenants qu'ils sont susceptibles d'engager lourdement les pays membres. En tant que présidents de la Délégation, passé et présent, René Rouquet et moi-même le savons bien : il est rare que sur tel ou tel sujet les parlementaires ne se tournent pas vers nous pour connaître la position de la France. Car nous travaillons pour la France. Or il y a des sujets sur lesquels nous n'avons pas été bons, faute d'une préparation en amont.
Le sujet de la politique de voisinage que nous devrions traiter avec l'Union européenne. Pendant les deux ans de mon mandat comme Président de l'APCE, je n'ai eu de cesse d'essayer de me rapprocher, avec succès parfois, du Commissaire européen chargé de la politique de voisinage pour l'Union européenne, M. Štefan Füle. J'ai toujours été extrêmement surpris qu'on ne fasse pas du tout cas de la position du Conseil de l'Europe en la matière alors que les pays concernés par la politique de voisinage et d'agrandissement de l'Union européenne sont tous membres du Conseil de l'Europe. Qui mieux que cette institution peut donc s'exprimer et donner son avis sur la question ? Le Conseil de l'Europe dispose en effet d'une commission de suivi – monitoring en anglais –, chargée de suivre ces pays, de faire sur eux des rapports réguliers débouchant sur des recommandations ou des résolutions. Le Conseil de l'Europe a donc toutes les compétences requises pour traiter de ces sujets. Force est de constater cependant que l'Union européenne nous a totalement ignorés sur un certain nombre de ces sujets. A titre d'exemple, les accords d'association entre l'Union européenne et certains de ces pays. Tout le monde s'accorde aujourd'hui pour reconnaitre que les négociations en ont été menées n'importe comment. Ainsi de l'Ukraine. Nous n'en serions pas là si les erreurs ne s'étaient pas accumulées. Ce n'est pourtant pas faute d'avoir alerter les autorités. Ainsi, en ma qualité de Président de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, j'ai été reçu à deux reprises par le Président de la République ukrainienne, Viktor Ianoukovytch avec lequel j'avais des rapports très directs bien qu'il s'agisse d'un apparatchik. Mais, très honnêtement, j'en ai autant pour le président Petro Oleksiovytch Porochenko qui lui a succédé. Un oligarque succède à un oligarque. Tout le monde le sait bien. Ces négociations ont donc été menées en dépit du bon sens : nous avions proposé de faire partie du tour de table avec la Russie. Les Russes ont été marginalisés et on connaît la suite de l'histoire – je n'y reviens pas : c'est un fiasco. Je pense vraiment que le Conseil de l'Europe a les compétence historiques pour aider et compléter ce que fait l'Union européenne. Celle-ci, je le dis et je sais que cela fera plaisir à Jacques Myard, fait tout et n'importe quoi. Or je pense que nous pourrions changer cela.
Autre sujet : la Russie. On sait que la Russie a été admise comme membre du Conseil de l'Europe après un débat dont j'ai le souvenir car j'étais déjà membre de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe. J'ai voté pour l'admission de la Russie comme membre du Conseil de l'Europe, tout comme je l'ai fait pour tous les membres qui, dans les années 90, ont décidé de le rejoindre. Je me souviens d'un certain nombre de déplacements, dont certains avec Pierre Lequiller d'ailleurs : le plus beau cadeau qu'on pouvait faire à ces pays à l'époque, c'était le drapeau européen. Nous étions, à l'époque j'insiste, accueillis à bras ouverts. Nous avons donc tous voté pour l'adhésion de ces nouvelles démocraties au Conseil de l'Europe. La Russie est un grand pays avec lequel il faut apprendre à discuter. On ne peut pas faire n'importe quoi avec elle. J'ai passé le temps de mes deux années à la présidence de l'APCE à le faire. Sergeï Narychkine, Président de la Douma, est devenu un ami. Lorsque je me rends à Moscou, il m'invite en tête à tête dans son bureau à la Douma, ce qui est un privilège. C'était très difficile de faire admettre aux Russes qu'il fallait laisser la Commission de suivi faire son travail. Avant ma présidence, au lieu d'un rapport de suivi tous les deux ans, on a dû attendre sept ans pour faire un rapport sur la Russie dont il fut également bien difficile de leur faire voter la recommandation. En définitive, cela a été un fiasco car la recommandation n'ayant pas été votée, c'est une résolution, vidée de sa substance, qui a été adoptée. Le vote n'a donc servi à rien.
Avec les événements en Ukraine et en Crimée que tout le monde a à l'esprit, l'APCE a voulu faire du zèle et a voté contre la délégation russe. Il y a eu de la confusion jusque dans notre délégation française, et je ne jette la pierre à personne car la situation n'a pas été expliquée.
En tout état de cause, nous avons suspendu les pouvoirs de la délégation de Russie au sein de l'APCE tandis que l'ambassadeur de Russie continue à siéger et à pouvoir voter au sein du Comité des ministres du Conseil de l'Europe. L'OSCE quant à elle n'a pas suspendu les pouvoirs de la Fédération de Russie qui siège au sein de son organisation. L'APCE est la seule à avoir agi ainsi. Pour un résultat nul. Il fallait être naïf pour croire pouvoir contraindre la Russie par la suspension de ses droits de vote. Quand on sait que l'institution du Conseil de l'Europe souffre d'un déficit d'image et qu'un certain nombre de nos collègues, ici ou ailleurs, se demandent à quoi sert il sert, nous avions là une chance inespérée de pouvoir peser dans la balance en dialoguant avec la Russie. Mais pour dialoguer, il faut être deux a minima. A partir du moment où l'on exclut l'une des parties, avec qui dialogue-t-on ? Dialogue-t-on avec les Ukrainiens ? Avec les Azéris ? Avec les pays qui auraient aussi des leçons à recevoir des démocraties ? On a donc perdu deux ans. Comme je quittais la présidence, j'ai fait profil bas mais, fort de mes bonnes relations avec les Russes, j'ai écrit à la nouvelle présidente, Anne Brasseur, que nous avons reçue ici à la Commission des Affaires européennes, pour lui proposer mes services. C'est resté sans effet.
Que se passe-t-il fin janvier prochain, lors de la première partie de session de l'APCE ? Les Russes ne viennent pas. Ils ne viennent pas parce qu'ils savent pertinemment que lors du vote des pouvoirs des nouvelles délégations, l'APCE va se retrouver face au même problème les concernant. En somme, on reste sur nos positions et on n'avance pas. On devrait pourtant savoir que ce n'est pas parce qu'on discute ou dialogue avec les Russes qu'on accepte tout de la délégation de Russie. Voilà, Mme la Présidente, l'un des dysfonctionnements de l'APCE.
Je trouve cependant regrettable que dans cette institution qu'est l'Assemblée nationale, il ne puisse y avoir de discussions poussées pour que celles et ceux qui sont désignés pour nous représenter à Strasbourg puissent connaître l'avis de leurs collègues que, d'une certaine manière, ils engagent ensuite.
Je ne vais pas revenir sur ce qu'a dit René Rouquet. Je voudrais qu'on n'oublie pas cependant l'action du GRECO, le Groupe d'Etats chargé de la corruption, du GRETA, le Groupe d'experts sur la lutte contre la traite des êtres humains, et qu'on salue le travail incroyable qui est fait par le Comité de prévention contre la torture qui, n'en déplaise à nos dirigeants, fait son travail et sait, par exemple, mettre l'accent sur l'état déplorable de nos prisons.
Pendant cette session de fin janvier, la délégation française va avoir un certain nombre de points de dissension avec l'APCE notamment sur les problèmes migratoires. On ne peut pas toujours être d'accord avec les Allemands ou avec certains pays nordiques. Tous ces sujets sont cependant trop importants pour qu'ils ne fassent pas l'objet de débats préalables au Parlement français qui doit pouvoir se rendre compte du travail que nous faisons.