Commission des affaires européennes

Réunion du 20 janvier 2016 à 16h30

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • APCE
  • russe
  • russie

La réunion

Source

COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

Mercredi 20 janvier 2016

Présidence de Mme Danielle Auroi,

La séance est ouverte à 16h30

Communication de M. René Rouquet, Président de la Délégation française à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, et de M. Jean-Claude Mignon, ancien président de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, sur les questions d'intérêt commun à l'Union européenne et au Conseil de l'Europe

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je suis ravie que nous ayons pu organiser cette réunion portant sur des sujets communs à l'Union européenne et au Conseil de l'Europe. C'est désormais une bonne habitude de travail que nous tâchons de mettre en place à un rythme quasi annuel. Il me semble en effet essentiel que l'Union européenne et l'institution européenne la plus ancienne, rappelons-le, continuent de travailler étroitement ensemble en dépassant leurs querelles institutionnelles afin de maintenir la volonté de porter la construction européenne, surtout à l'heure où des inquiétudes se font jour. Il me paraît important que les parlementaires qui traitent de sujets européens puissent se rencontrer. Le fait que certains des membres de la Commission des Affaires européennes soient également membres de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe facilite la bonne articulation entre ces deux institutions dont les sujets d'intérêt commun sont nombreux. Parmi eux, la politique de voisinage et l'élargissement - surtout à l'heure où Schengen parait en danger, pour le dire sobrement -, les questions migratoires et la protection des droits humains. C'est particulièrement vrai dans le contexte du terrorisme qui nous frappe nous, Français, tout comme les Européens et même l'Euro-Méditerranée se trouvant également concernés – je pense à la Tunisie ou à l'Afrique.

Nous allons vous écouter tout particulièrement sur les décisions de l'APCE relatives notamment à la Méditerranée, au Partenariat oriental, à la situation en Ukraine, bien loin d'être réglée, ou encore vis-à-vis de la Russie, et sur la question des migrants.

J'imagine que vous allez nous répondre en duo puisque nous avons la chance de vous avoir tous les deux ici présents, René Rouquet, Président de la Délégation française à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, et de Jean-Claude Mignon, ancien Président de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, qui joue par ailleurs un rôle très actif au sein de notre Commission des Affaires européennes.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

e souhaite tout d'abord remercier chaleureusement la présidente de la commission, Mme Danielle Auroi, de nous accueillir aujourd'hui pour évoquer l'autre Europe, celle du Conseil de l'Europe. Je suis heureux d'être présent devant vous, aux côtés de Jean-Claude Mignon, dont j'assure la succession en tant que Président de la Délégation, et qui est un membre important de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, qui y laissera une trace en tant que Président.

Créée en 1949, le Conseil de l'Europe est en effet bien peu médiatisé à l'Ouest de l'Europe, à l'exception notable du Royaume-Uni, il est vrai pour en dire pis que pendre.

Cette institution mérite-t-elle ce relatif oubli ? Je ne le crois pas. Outre la Cour, seul élément connu de tous, je citerai simplement pour en montrer la diversité, quelques organes moins connus, mais d'une grande utilité. Moneyval, chargé de lutter contre le blanchiment des capitaux, auquel, ces dernières années, tant le Saint-Siège qu'Israël ont fait appel sur une base volontaire. Le Conseil de l'Europe est à l'origine de la première Convention internationale sur la lutte au plan mondial contre la contrefaçon de médicaments ; je pourrais également évoquer, sans aucune exhaustivité, la lutte contre la violence dans les stades, l'évaluation des systèmes judiciaires en Europe ou le respect des droits de l'homme dans les lieux de privation de liberté. Même si l'Union Européenne constitue souvent un problème pour le Conseil de l'Europe, il existe des exemples de coopérations réussies entre les deux organisations. Pour me limiter à quelques exemples, je citerai ainsi la Direction européenne de la qualité du médicament, Eurimages, qui soutient le cinéma d'auteur, ou l'Observatoire européen de l'audiovisuel.

L'organe qui offre peut-être la coopération plus exemplaire entre l'Union européenne et le Conseil de l'Europe est sûrement la Commission de Venise. Composée d'experts de 60 Etats membres, dont les Etats-Unis, la Corée ou Israël, l'Union étant membre avec un statut spécial, elle émet des avis sur des questions juridiques complexes. Rappelez-vous qu'elle fut ainsi saisie de certaines lois hongroises qui faisaient polémique et tout récemment de lois polonaises. Les institutions européennes, du Parlement à la Commission, se sont souvent référées à ses avis.

Le Conseil de l'Europe, c'est aussi une Assemblée parlementaire composée de représentants des 47 États membres. La délégation française comprend 24 députés et 12 sénateurs dont certains sont ici présents aujourd'hui. L'une des responsabilités premières de l'APCE est d'élire les juges à la Cour européenne des droits de l'homme, mais aussi, et c'est important, d'observer les élections dans les États de son champ de compétence, voire au-delà – je pense à la Tunisie. Son instrument premier d'action réside cependant dans l'adoption de résolutions et de recommandations, sur la base de rapports préparés par ses membres. Cet instrument n'est pas à sous-estimer. L'APCE a joué ainsi un rôle déterminant dans l'adoption de conventions importantes, à commencer par la plus célèbre, la Convention européenne des droits de l'homme. L'APCE, sur le rapport de notre collègue suisse, Dick Marty, révéla le scandale des prisons secrètes de la CIA. Plus récemment, elle dénonça la FIFA bien avant que le scandale soit universellement établi.

Je voudrais maintenant évoquer deux dossiers concrets d'intérêt commun à l'Union européenne et au Conseil de l'Europe, la Convention européenne des droits de l'homme et les migrations. Sur la Convention européenne, la première question est naturellement celle de l'adhésion de l'Union européenne. Dès lors que le traité de Lisbonne le prévoit, il est impossible d'y renoncer. Pour autant, au-delà du langage diplomatique, l'avenir de cette adhésion est de plus en plus incertain. Pour résumer en une phrase, les exigences de la Cour de justice sont extrêmement difficiles à satisfaire, et ce d'autant plus que les États non membres de l'Union européenne ne sont pas, de l'autre côté, prêts à n'importe quelle concession supplémentaire. S'ajoute à cela le fait que tous les États membres ne sont pas nécessairement, en leur for intérieur, consternés par l'impasse actuelle. Il serait très dommageable que ce projet d'unification de la protection des droits de l'homme en Europe ne voie pas le jour. L'un des risques est d'aller vers des jurisprudences divergentes, la Cour de Luxembourg s'appuyant sur la Charte des droits fondamentaux et la Cour de Strasbourg sur la Convention. De plus, cela n'empêchera nullement la Cour de Strasbourg de se prononcer de facto sur de nombreux actes communautaires, via leur mise en oeuvre par les États, et ce sans les garanties prévues par le projet d'adhésion d'où des risques là aussi de conflits. Si cela devait se produire, il n'est pas certain que l'idée européenne en sorte grandie aux yeux de nos concitoyens.

Un dernier mot sur la Convention européenne des droits de l'homme : la Cour éponyme est l'objet d'une certaine hostilité dans un certain nombre d'États, en particulier la Russie et le Royaume-Uni. Je note que le gouvernement britannique a renoncé à l'idée de sortir de la Convention. Pour autant, son refus d'exécuter un arrêt légitime fâcheusement l'attitude de pays beaucoup plus critiquables au regard des droits de l'homme. On peut toujours être en désaccord avec telle ou telle décision de la Cour, mais je crois essentiel de respecter ses décisions. N'oublions pas, alors que nous traversons des heures difficiles, que le passé sinistre dont cette Convention avait pour but de prévenir le retour en 1950 n'est pas nécessairement aussi éloigné que nous le croyons. Restons fidèles à nos valeurs ! Observation qui vaut aussi pour les migrations.

En 2015, La commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées de l'APCE a axé ses travaux sur deux questions particulièrement préoccupantes pour notre continent. En premier lieu, elle s'est penchée sur les conséquences humanitaires du conflit en Ukraine avec notamment la situation des personnes déplacées, à l'intérieur de l'Ukraine mais aussi vers la Russie. La question des PDI, les personnes déplacées internes, sur laquelle j'ai eu l'occasion de faire un rapport en 2014 à l'APCE, devrait davantage nous interpeler, en particulier dans les Balkans occidentaux qui ont vocation à rejoindre un jour l'Union européenne ou dans le Caucase du Sud où elles sont un élément clé de la résolution des conflits dits gelés C'est d'ailleurs là, je le rappelle, que Jean-Claude Mignon en tant que Président de l'APCE a principalement axé son action pendant sa présidence. La crise migratoire et l'afflux de réfugiés fuyant la guerre en Syrie et en Irak mais aussi des régimes dictatoriaux comme en Érythrée ou en Somalie a bien entendu constitué la deuxième grande thématique. Le Conseil de l'Europe, de par son histoire, a toujours porté une attention spécifique au sort des réfugiés. Ainsi il convient de rappeler que la banque de développement du Conseil de l'Europe, dont je salue les récentes excellentes initiatives, fut créée, je cite, avec « pour objectif prioritaire d'aider à résoudre les problèmes sociaux que pose ou peut poser aux pays européens la présence de réfugiés, de personnes déplacées ou de migrants résultant de mouvements de réfugiés ou d'autres mouvements forcés de populations », à une époque où l'Europe faisait face à un afflux de réfugiés et de déplacés européens à la suite de la seconde guerre mondiale.

Au-delà du drame humain, la crise migratoire a conduit à une profonde division de notre continent entre les pays de premier accueil et les autres. Lors de nos débats au sein de la commission, les pays du sud de l'Europe et les pays de transit nous ont interpelés à de nombreuses reprises sur le manque de solidarité européenne et sur l'injustice du Règlement de Dublin. Ces échanges ont conduit notre commission à réfléchir à l'après-Dublin et à une réponse globale européenne. A l'évidence, il nous faut dépasser les égoïsmes nationaux et aller vers une politique commune à tout le continent en matière de droit d'asile et revoir le règlement de Dublin. Et en tant que président de la délégation, je suis fier que lors du débat de la session d'automne en séance plénière sur cette question, 12 membres de la délégation, sénateurs ou députés de toutes tendances politiques, se soient exprimés, montrant combien la délégation française est consciente de l'enjeu que représente notre gestion de cette crise.

Enfin, j'aimerais souligner que notre délégation s'est montrée particulièrement active dans cette commission des Migrations dont je suis vice-président et dont la présidence jusqu'à la fin de ce mois est exercée également par un Français, M. Thierry Mariani. Ainsi, Mme Marietta Karamanli, également membre de la Commission des affaires européennes, a présenté un rapport sur l'intégration des migrants en 2014 et le sénateur Jean-Marie Bockel a travaillé cette année sur les conséquences humanitaires de l'avancée du groupe État islamique. Actuellement M. Philippe Bies prépare un rapport sur les migrations forcées. Pour ma part, je suis rapporteur sur la question de la protection des enfants non accompagnés. Notre délégation s'est également rendue fin 2014 au centre de rétention de Calais et j'ai eu l'occasion dans le cadre de la commission ad hoc du Bureau de me rendre en 2015 en Turquie dans les camps de réfugiés situés à la frontière syrienne.

En conclusion, je voudrais me réjouir de ce que le 17 décembre le Sénat ait autorisé la ratification de la Convention Médicrime du Conseil de l'Europe. J'espère que l'Assemblée nationale pourra bientôt faire de même et que ce texte entrera en vigueur, renforçant la lutte contre un fléau mondial, en particulier dans les pays en développement. Occasion aussi de me réjouir de la souplesse des instruments créés par cette organisation puisqu'en l'espèce des Etats non européens peuvent adhérer.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je te remercie, René, de ce que tu dis sur moi. Je vous remercie, Mme la Présidente, pour cette initiative, d'ailleurs déjà prise par votre prédécesseur ici présent, Pierre Lequiller, qui est, comme chacun sait, un membre très actif de la Commission des Affaires européenne. Cette initiative corrige un peu ce qui avait été dit par le rapport d'information sur la prise en compte des questions européennes à l'Assemblée nationale, écrit par nos deux collègues rapporteurs, Philip Cordery et Pierre Lequiller. Nous avions regretté avec Marie-Louise Fort qu'on fasse totalement l'impasse sur le travail des parlementaires du Conseil de l'Europe.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La remarque a été prise en compte en addenda.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Cette omission a été corrigée dans le rapport.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je n'ai pas vu ce passage corrigé. En tout cas, cela corrige le regret que nous avions formulé. Quelque chose que n'a pas dit René Rouquet en effet, c'est que les parlementaires, députés et sénateurs toutes formations politiques confondues, déplorent qu'on ne valorise pas davantage le travail des parlementaires à l'APCE. J'ai toujours été étonné qu'avant chaque partie de session de l'APCE, qui en compte quatre, on ne puisse pas évoquer dans le cadre de la Commission des Affaires européennes l'ordre du jour de la session à venir dont un certain nombre de questions mériteraient un débat. Il serait bon pour les parlementaires de la Délégation de recueillir le sentiment et l'avis de leurs collègues. Il y a en effet des sujets qui passent complètement inaperçus alors que les votes à l'Assemblée parlementaire s'avèrent d'autant plus surprenants qu'ils sont susceptibles d'engager lourdement les pays membres. En tant que présidents de la Délégation, passé et présent, René Rouquet et moi-même le savons bien : il est rare que sur tel ou tel sujet les parlementaires ne se tournent pas vers nous pour connaître la position de la France. Car nous travaillons pour la France. Or il y a des sujets sur lesquels nous n'avons pas été bons, faute d'une préparation en amont.

Le sujet de la politique de voisinage que nous devrions traiter avec l'Union européenne. Pendant les deux ans de mon mandat comme Président de l'APCE, je n'ai eu de cesse d'essayer de me rapprocher, avec succès parfois, du Commissaire européen chargé de la politique de voisinage pour l'Union européenne, M. Štefan Füle. J'ai toujours été extrêmement surpris qu'on ne fasse pas du tout cas de la position du Conseil de l'Europe en la matière alors que les pays concernés par la politique de voisinage et d'agrandissement de l'Union européenne sont tous membres du Conseil de l'Europe. Qui mieux que cette institution peut donc s'exprimer et donner son avis sur la question ? Le Conseil de l'Europe dispose en effet d'une commission de suivi – monitoring en anglais –, chargée de suivre ces pays, de faire sur eux des rapports réguliers débouchant sur des recommandations ou des résolutions. Le Conseil de l'Europe a donc toutes les compétences requises pour traiter de ces sujets. Force est de constater cependant que l'Union européenne nous a totalement ignorés sur un certain nombre de ces sujets. A titre d'exemple, les accords d'association entre l'Union européenne et certains de ces pays. Tout le monde s'accorde aujourd'hui pour reconnaitre que les négociations en ont été menées n'importe comment. Ainsi de l'Ukraine. Nous n'en serions pas là si les erreurs ne s'étaient pas accumulées. Ce n'est pourtant pas faute d'avoir alerter les autorités. Ainsi, en ma qualité de Président de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, j'ai été reçu à deux reprises par le Président de la République ukrainienne, Viktor Ianoukovytch avec lequel j'avais des rapports très directs bien qu'il s'agisse d'un apparatchik. Mais, très honnêtement, j'en ai autant pour le président Petro Oleksiovytch Porochenko qui lui a succédé. Un oligarque succède à un oligarque. Tout le monde le sait bien. Ces négociations ont donc été menées en dépit du bon sens : nous avions proposé de faire partie du tour de table avec la Russie. Les Russes ont été marginalisés et on connaît la suite de l'histoire – je n'y reviens pas : c'est un fiasco. Je pense vraiment que le Conseil de l'Europe a les compétence historiques pour aider et compléter ce que fait l'Union européenne. Celle-ci, je le dis et je sais que cela fera plaisir à Jacques Myard, fait tout et n'importe quoi. Or je pense que nous pourrions changer cela.

Autre sujet : la Russie. On sait que la Russie a été admise comme membre du Conseil de l'Europe après un débat dont j'ai le souvenir car j'étais déjà membre de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe. J'ai voté pour l'admission de la Russie comme membre du Conseil de l'Europe, tout comme je l'ai fait pour tous les membres qui, dans les années 90, ont décidé de le rejoindre. Je me souviens d'un certain nombre de déplacements, dont certains avec Pierre Lequiller d'ailleurs : le plus beau cadeau qu'on pouvait faire à ces pays à l'époque, c'était le drapeau européen. Nous étions, à l'époque j'insiste, accueillis à bras ouverts. Nous avons donc tous voté pour l'adhésion de ces nouvelles démocraties au Conseil de l'Europe. La Russie est un grand pays avec lequel il faut apprendre à discuter. On ne peut pas faire n'importe quoi avec elle. J'ai passé le temps de mes deux années à la présidence de l'APCE à le faire. Sergeï Narychkine, Président de la Douma, est devenu un ami. Lorsque je me rends à Moscou, il m'invite en tête à tête dans son bureau à la Douma, ce qui est un privilège. C'était très difficile de faire admettre aux Russes qu'il fallait laisser la Commission de suivi faire son travail. Avant ma présidence, au lieu d'un rapport de suivi tous les deux ans, on a dû attendre sept ans pour faire un rapport sur la Russie dont il fut également bien difficile de leur faire voter la recommandation. En définitive, cela a été un fiasco car la recommandation n'ayant pas été votée, c'est une résolution, vidée de sa substance, qui a été adoptée. Le vote n'a donc servi à rien.

Avec les événements en Ukraine et en Crimée que tout le monde a à l'esprit, l'APCE a voulu faire du zèle et a voté contre la délégation russe. Il y a eu de la confusion jusque dans notre délégation française, et je ne jette la pierre à personne car la situation n'a pas été expliquée.

En tout état de cause, nous avons suspendu les pouvoirs de la délégation de Russie au sein de l'APCE tandis que l'ambassadeur de Russie continue à siéger et à pouvoir voter au sein du Comité des ministres du Conseil de l'Europe. L'OSCE quant à elle n'a pas suspendu les pouvoirs de la Fédération de Russie qui siège au sein de son organisation. L'APCE est la seule à avoir agi ainsi. Pour un résultat nul. Il fallait être naïf pour croire pouvoir contraindre la Russie par la suspension de ses droits de vote. Quand on sait que l'institution du Conseil de l'Europe souffre d'un déficit d'image et qu'un certain nombre de nos collègues, ici ou ailleurs, se demandent à quoi sert il sert, nous avions là une chance inespérée de pouvoir peser dans la balance en dialoguant avec la Russie. Mais pour dialoguer, il faut être deux a minima. A partir du moment où l'on exclut l'une des parties, avec qui dialogue-t-on ? Dialogue-t-on avec les Ukrainiens ? Avec les Azéris ? Avec les pays qui auraient aussi des leçons à recevoir des démocraties ? On a donc perdu deux ans. Comme je quittais la présidence, j'ai fait profil bas mais, fort de mes bonnes relations avec les Russes, j'ai écrit à la nouvelle présidente, Anne Brasseur, que nous avons reçue ici à la Commission des Affaires européennes, pour lui proposer mes services. C'est resté sans effet.

Que se passe-t-il fin janvier prochain, lors de la première partie de session de l'APCE ? Les Russes ne viennent pas. Ils ne viennent pas parce qu'ils savent pertinemment que lors du vote des pouvoirs des nouvelles délégations, l'APCE va se retrouver face au même problème les concernant. En somme, on reste sur nos positions et on n'avance pas. On devrait pourtant savoir que ce n'est pas parce qu'on discute ou dialogue avec les Russes qu'on accepte tout de la délégation de Russie. Voilà, Mme la Présidente, l'un des dysfonctionnements de l'APCE.

Je trouve cependant regrettable que dans cette institution qu'est l'Assemblée nationale, il ne puisse y avoir de discussions poussées pour que celles et ceux qui sont désignés pour nous représenter à Strasbourg puissent connaître l'avis de leurs collègues que, d'une certaine manière, ils engagent ensuite.

Je ne vais pas revenir sur ce qu'a dit René Rouquet. Je voudrais qu'on n'oublie pas cependant l'action du GRECO, le Groupe d'Etats chargé de la corruption, du GRETA, le Groupe d'experts sur la lutte contre la traite des êtres humains, et qu'on salue le travail incroyable qui est fait par le Comité de prévention contre la torture qui, n'en déplaise à nos dirigeants, fait son travail et sait, par exemple, mettre l'accent sur l'état déplorable de nos prisons.

Pendant cette session de fin janvier, la délégation française va avoir un certain nombre de points de dissension avec l'APCE notamment sur les problèmes migratoires. On ne peut pas toujours être d'accord avec les Allemands ou avec certains pays nordiques. Tous ces sujets sont cependant trop importants pour qu'ils ne fassent pas l'objet de débats préalables au Parlement français qui doit pouvoir se rendre compte du travail que nous faisons.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Merci beaucoup pour cet exposé. Pour ma part, ne pouvant me rendre à l'APCE, c'est Brigitte Allain qui participe aux travaux du Conseil de l'Europe.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Pour ma part également, en raison d'autres activités, j'ai arrêté de me rendre à l'APCE. Je suis remplacée par Marie-Jo Zimmerman. Je tiens à remercier nos deux intervenants. Je veux rendre hommage à René Rouquet en tant que Président de la Délégation française à l'APCE, qui a su faire avancer la position de la France auprès de tous les parlementaires indépendamment de leur couleur politique. Je rends également et tout naturellement hommage à notre ancien Président, Jean-Claude Mignon.

Comme lui – ainsi que je vous le disais, Mme la Présidente, lors de la mission que nous avons faite ensemble en Ukraine -, je pense qu'il est indispensable que notre Commission des Affaires européennes prenne en compte le travail de l'APCE, et qu'elle se rapproche du Conseil de l'Europe. Beaucoup de choses se jouent dans ce cadre – par exemple en matière de migrants. Je voudrais souligner qu'il y a, au sein du Conseil de l'Europe, un dialogue très franc entre parlementaires des différents pays. Il serait dommage de s'en priver.

J'ai deux questions. Que se passe-t-il pour la Russie, sachant qu'on a également des soucis avec la Turquie ? J'ai d'ailleurs fait avec Joaquim Pueyo un rapport que je crois important qui évoque également la question de la Turquie. Et que fait Thierry Mariani comme Président de la Commission des Migrations ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Ce ne sera plus Thierry Mariani car son mandat est de deux ans.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Quelles sont la position et l'action de la Commission des migrations de l'APCE, sachant qu'on a peut-être davantage les coudées franches dans cette organisation qu'au Parlement européen ou dans d'autres structures gouvernementales ? Il y a là un rôle à jouer car ces deux institutions – APCE et Union européenne - sont sinon soeurs jumelles du moins complémentaires. Parmi les nombreux peuples représentés au Conseil de l'Europe, il y a une fracture en Europe concernant le problème migratoire, crucial pour la France comme pour toute l'Europe. Qu'en est-il pour la Russie, sachant qu'on a des soucis avec d'autres peuples qui continuent pour autant à bénéficier de leurs droits de vote ? Je pense à la Turquie ou à d'autres que je ne citerais pas.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je remercie René Rouquet et Jean-Claude Mignon pour leur présentation. Je suis pour ma part membre de la Délégation de l'APCE depuis un an. Lors de ma nomination, j'avoue que je n'en avais jamais entendu parler et les collègues que je fréquente à l'Assemblée que j'ai interrogés ne savaient pas non plus de quoi il s'agissait. On a là un déficit de notoriété inimaginable. Il s'avère que le Conseil de l'Europe est passionnant. Grâce aux débats, aux interventions et aux votes, avec l'audition d'orateurs ou de personnalités de grande qualité comme Ban Ki Moon, on se fait une meilleure idée de ce qui se passe dans les territoires concernés – en Azerbaïdjan et en Arménie par exemple. Au mois de décembre, avec René Rouquet, des membres de la Délégation ont pu se rendre auprès de certains organes du Conseil de l'Europe travaillant sur les prisons et la lutte contre la torture. Pour autant, je me demande vraiment quel est le pouvoir et à quoi sert du Conseil de l'Europe. Est-ce que le travail de grande qualité qui y est réalisé abouti à des résultats pour les pays européens ? Indépendamment de la bonne ambiance, quelle que soit la couleur politique des membres de la Délégation, car on y défend la position de la France ou de l'agrément des conditions de travail – comme de cadre - un bâtiment luxueux qui ne sert que quatre fois par an -, je m'interroge sur l'utilité de tout cela.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je veux rendre hommage à René Rouquet et à l'excellent président de l'APCE qu'a été Jean-Claude Mignon. Vous avez parlé de sanctions contre la France, de quoi s'agit-il ? Selon vous, le problème qui se pose avec la Russie ne viendrait-il pas d'une division entre Est et Ouest comme on la trouve également au sein de l'Union européenne ? Cela ne vient-il pas des nouveaux pays dont j'avais d'ailleurs prôné l'adhésion à l'Union européenne, et qui se conduisent, dans la crise des migrants notamment, en égoïstes ? Quelle a été la position du Conseil de l'Europe sur la Hongrie ? Je comprends bien les positions prises à l'égard de la Pologne mais je voudrais savoir si la Hongrie a suscité les mêmes jugements sévères.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je vous remercie, Messieurs, de votre présentation et des exemples que vous avez donnés de l'importance du sujet traité. Je crains de m'éloigner de ces enjeux pesants en rappelant les fondamentaux du Conseil de l'Europe et de l'Europe. Dans le cadre de sa mission de promotion des droits de l'homme et de la primauté du droit, le Conseil de l'Europe, en effet, mène des actions pour promouvoir l'éducation à la citoyenneté démocratique. En 2010, les quarante-sept Etats membres ont adopté une Charte sur l'éducation à la citoyenneté démocratique et aux droits de l'homme par laquelle ils ont affirmé leur engagement à insérer l'éducation à la citoyenneté dans le curriculum de l'école obligatoire. Dans la continuité de cette démarche, le Conseil de l'Europe est en train d'élaborer le référentiel de compétences nécessaires à un citoyen pour participer à la société démocratique et au dialogue interculturel. C'est un projet bienvenu et qui s'inscrit dans l'urgence actuelle. Il y a une grande diversité au sein de l'Union européenne pour pratiquer et promouvoir le vivre ensemble. En France, le Conseil supérieur des Programmes a produit de nombreux textes qui permettent à la France d'avancer la tête haute en ce domaine puisqu'on dispose notamment d'un programme d'éducation civique et moral, d'un parcours citoyen ; à la suite des attentats de janvier 2015, onze mesures ont été adoptées par le Ministère de l'Education nationale pour l'adhésion aux valeurs républicaines. Ma question est la suivante : ce type de travaux, très éloignés des enjeux très graves que vous évoquez, sont-ils habituels ou exceptionnels au sein du Conseil de l'Europe ? Quel est le calendrier donné à la mise en oeuvre du référentiel de compétences pour l'éducation à la citoyenneté pour les pays européens ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

En tant que membre de l'APCE, j'ai pu apprécier la qualité de la présidence de Jean-Claude Mignon au cours des deux années trop rapides de son mandat, et on ne peut que regretter aujourd'hui qu'il n'ait pu devenir Secrétaire général de l'institution, ce qui selon moi aurait été pour la France et pour l'Europe une très bonne chose. J'apprécie aussi la présidence de René Rouquet qui s'efforce de faire vivre le groupe à la manière d'une « équipe de France », comme il le dit. Nous essayons d'être présents sur beaucoup de sujets. Comme Catherine Quéré l'a évoqué, le déficit de notoriété fait que l'on ne sait pas bien comment cela se passe au sein du Conseil de l'Europe. Il faut reconnaitre que les différents présidents de l'Assemblée nationale n'ont jamais fait l'effort de faire reconnaître les contributions des députés français membres de l'APCE, qui ne figurent nulle part sinon, évidemment, dans les compte rendus du Conseil de l'Europe. C'est dommage de ne pas les trouver sur le site de l'Assemblée nationale. Par ailleurs de très hautes personnalités françaises ne se sont jamais rendues au Conseil de l'Europe, à la différence des autorités d'autres pays. On a ainsi pu y voir la Chancelière allemande tandis que les autorités françaises snobent le Conseil de l'Europe.

Sur le fonds des sujets abordés, je regrette également la position qu'a adoptée le Conseil de l'Europe à l'égard de la délégation russe, indépendamment du fait qu'on puisse être pour ou contre ce qui s'est passé en Crimée car lorsqu'on n'est plus autour de la table, on ne peut plus faire évoluer les choses. Je vais élargir mes questions à d'autres pays. Pierre Lequiller a évoqué la Hongrie sans quoi j'en aurais dit deux mots. Mais on peut aujourd'hui également s'inquiéter de ce qui se passe en Pologne. Lorsqu'on entend le Premier ministre de la Pologne, Mme Beata Szydło, le 13 janvier dernier justifier la politique de M. Jaroslaw Kaczynski, du parti Droit et Justice, on peut s'étonner de sa volte-face. La Commission européenne a lancé une procédure totalement inédite de sauvegarde de l'Etat de droit. On ne peut qu'être inquiet d'une telle évolution.

En tant que président du groupe d'amitié interparlementaire France-Moldavie, je suis également inquiet de l'évolution en Moldavie. J'étais venu devant la Commission des Affaires européennes lorsqu'on a évoqué l'accord de libre-échange avec la Moldavie, qui représente pour les Moldaves une très grande avancée. Aujourd'hui, à l'issue des élections législatives, le Président Nicolae Timofti a du mal à former un gouvernement car des phénomènes d'alliance rendent la situation politique confuse. Mais on a le sentiment que les partis pro-russes vont se détourner de la perspective européenne, certains souhaitant même faire marche-arrière sur l'accord de libre-échange, ce qui serait préjudiciable à ce petit pays très francophile – véritable sanctuaire même de la francophonie à travers le monde ! On est inquiet et on peut se demander si cette inquiétude ne risque pas de se diffuser.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Avant de vous passer la parole, je voudrais moi aussi vous poser une question sur les droits de l'homme en Hongrie et en Pologne, et, par voie de conséquence, pour tout le groupe de Visegrad. Il y a là des effets de distorsion sur lesquels nos présidents de Parlement ne sont peut-être pas tout à fait assez vigilants. La forte résistance opposée à l'accueil des réfugiés constitue une forme d'égoïsme que combat, par sa forme même, le Conseil de l'Europe.

J'entends bien votre demande de mieux articuler l'APCE et la Commission des Affaires européennes en faisant précéder les parties de session de l'APCE d'au moins une information sur les travaux qui y seront menés. S'agissant du déficit de notoriété, je me souviens que, lorsque j'étais membre du Parlement européen, nombre de mes collègues, élus nationaux, ne savaient pas non plus ce qu'était le Parlement européen ni comment il fonctionnait. Malheureusement, Strasbourg paraît parfois loin de la France !

Auriez-vous également des éléments concernant les Balkans où nous devons rendre d'ici peu. Avec la crise des migrants, la question du Kosovo, de la Macédoine redevient importante. Le Conseil de l'Europe a-t-il une position particulière ? Par ailleurs, les conventions du Conseil de l'Europe suscitent, comme vous l'avez dit, beaucoup d'écho. Il faudrait le rappeler à nos collègues.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Il faut, selon moi, rappeler la mission fondamentale du Conseil de l'Europe : instaurer les droits de l'homme et l'Etat de droit dans les quarante-sept Etats qui ont adhéré à cette institution. A travers les différentes commissions du Conseil de l'Europe qui touchent à la culture, à la santé, à la politique ou encore comme on l'a évoqué, aux migrations, particulièrement mise en avant en ce moment, on est amené à se rendre dans des Etats membres, à écrire des rapports et à ramener des informations dont l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe se saisit. Cela concerne n'importe quel pays. Cela peut toucher la France même si la saisie de la Commission de suivi relative au traitement des manifestations contre le mariage pour tous n'a finalement pas eu d'incidences et n'a pas débouché. Chaque parlementaire peut se saisir de la situation dans un pays. Dans le cas de la France, c'était excessif – Jean-Claude Mignon en parlera sans doute – mais cela a néanmoins eu pour effet que la Commission du suivi s'est déplacée en France et a interrogé un certain nombre de personnes et d'autorités pour faire un rapport qui a conclu au fait qu'il n'y avait pas lieu d'aller plus loin. Beaucoup de pays font l'objet d'un suivi régulier visant à vérifier qu'un certain nombre de recommandations ou résolutions adoptées par l'APCE sont appliquées ou non. Il est important de comprendre comment la Commission de suivi procède. En raison de l'actualité, aujourd'hui la Commission des migrations est la commission la plus importante de l'APCE. J'ai été en Grèce au moment où il y avait un afflux de réfugiés considérable. On a ainsi pu visiter des centres de rétention, en Grèce comme dans beaucoup d'autres pays.

Sur la Russie, avec le recul, je pense qu'on a mal géré cette question-là. La difficulté vient de ce que le problème de la suspension des pouvoirs de la délégation russe est arrivé à un moment où tout le monde était sous le coup de l'émotion de l'agression de la Crimée par l'armée russe. Moi-même, à l'instar de mon gouvernement, j'étais favorable à des sanctions. Il n'était donc pas possible de se rendre à l'APCE en faisant comme s'il ne s'était rien passé. Pour ma part, j'ai beaucoup hésité au moment de ce vote. A l'APCE, on se retrouve membre d'une délégation nationale mais également d'un groupe politique, ce qui fait que le débat se fait à plusieurs niveaux, et d'abord à un niveau franco-français. C'est ce qui rend d'ailleurs regrettable qu'on n'ait pas eu au préalable un débat entre nous, au sein de la Commission des Affaires européennes. On aurait également pu profiter des contacts de Jean-Claude Mignon avec les membres de la délégation russe avec qui on peut discuter et qui ont du poids politique Sans regretter mon vote, je note que j'ai voté sous l'influence de l'actualité internationale et du gouvernement français qui s'apprêtait à voter des sanctions et nous demandait d'appuyer celles-ci.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je pense qu'il faut croire au Conseil de l'Europe. J'y siège pour ma part depuis les années 90 et je trouve également qu'il s'agit d'une assemblée parlementaire passionnante dans laquelle on apprend énormément de choses. Ceci dit, dans l'axe de ce que disait Frédéric Reiss, le dernier chef d'Etat français qui ait fait le déplacement est François Mitterrand puis le Premier ministre Edouard Balladur. Les parlementaires des autres pays membres du Conseil de l'Europe considèrent cela comme une marque de non intérêt de la France alors qu'il s'agit pourtant du pays hôte. Pour nous parlementaires français, c'est pénalisant.

Sur la question de Pierre Lequiller à propos de la procédure de suivi contre la France, un « hurluberlu » italien a introduit une demande de procédure de suivi contre la France. C'était absurde. Il y a eu des manifestations contre le mariage pour tous comme il y a des manifestations en France. Ce parlementaire avait manifestement une volonté de nuire à la France.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Cette procédure de suivi est l'exemple type du sujet qui ne sert à rien et coûte de l'argent : on a mandaté deux rapporteurs – un Autrichien et un Moldave – qui ont dû venir en France faire des auditions. Absurde. Un groupe de parlementaires qui décident d'embouteiller les débats de l'APCE le peuvent s'ils recueillent assez de signatures. C'est ce qui discrédite totalement le Conseil de l'Europe.

Regardons la carte du continent européen pour comprendre quels jeux jouent les différents pays en Europe. Le Benelux joue un rôle important et a de l'influence. Le Président de la Cour européenne des droits de l'homme était luxembourgeois, de même que le Président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker,ou la présidente de l'APCE qui vient d'achever son mandat. Peut-être est-ce trop ? Le Secrétaire général du Conseil de l'Europe est norvégien. Les autres se répartissent le reste. Il s'agit parfois de postes à responsabilité mais qui n'ont pas toujours l'importance que ceux que je viens de citer. Les Anglais sont anglais. En disant cela, je dis tout : il est très difficile de connaitre la position des anglais sur un certain nombre de sujet. Par exemple, ils avaient créé un groupe politique et siégeaient avec les Russes et les Turcs mais ils sont les premiers à être montés au créneau contre les Russes. Difficile de savoir s'il y a désormais deux groupes politiques ou pas. On ne sait plus où ils en sont. Leurs positions sont tranchées et souvent surprenantes.

En qualité de Président de l'APCE, j'ai visité en deux ans énormément de pays. J'ai toujours été accueilli avec intérêt et avec les honneurs. Le seul pays qui ne manifeste pas son intérêt, c'est la France. J'ai été frappé, au contraire, lorsque j'ai été accueilli au Bundestag par son Président, Norbert Lammert, qui m'a consacré beaucoup de temps, de voir combien le Bundestag était impliqué par les travaux de l'APCE, et je constate que lorsque les Allemands prennent des positions à l'APCE, ce sont des positions qui sont réfléchies parce qu'elles ont été discutées en amont au Bundestag. Ce qui est vrai pour ce grand pays l'est également un peu partout en Europe. La France est un pays à part.

Concernant la Russie, il est clair qu'un certain nombre de pays sont en train de régler leurs comptes avec elle et continueront à le faire chaque fois qu'ils en auront l'occasion. Il faut parler du rôle important que jouent des pays hors Union européenne. L'Azerbaïdjan pratique un lobbying incroyable au sein de cette organisation, qu'elle exerce notamment contre l'Arménie. Lorsque j'étais président de l'APCE, il a fallu que je me fâche pour que ces deux pays cessent de régler leurs comptes entre eux à l'occasion de leurs interventions sur quelque sujet que ce soit. Mon prédécesseur, turc, avait mis en place un comité Théodule visant à concurrencer le groupe de Minsk qui était chargé de travailler sur le Haut-Karabagh. Une fois président, j'ai décidé de ne pas reconduire cette formation ad hoc, inutile sinon à affaiblir les Arméniens et à concurrencer le groupe de Minsk représenté par l'ambassadeur français M. Jacques Faure. A peine ma présidence terminée, les Azéris ont déposé un rapport pour revenir sur le problème du Haut-Karabagh alors qu'il faudrait soutenir le groupe de Minsk. On parle parfois de la « diplomatie du caviar ».

On peut craindre le pire pour les deux prochaines années. Le dire m'a coûté cher mais je pense qu'assumer la présidence de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe nécessite d'être totalement intègre et indépendant. Le pire, c'est que l'Azerbaïdjan a présidé le Conseil des Ministres du Conseil de l'Europe, à savoir la raison d'être de cette institution. Comment a-t-on pu accepter une telle chose ?

Sur la Russie, la position du Secrétaire général du Conseil de l'Europe, le norvégien Thorbjørn Jagland, est la même que celle que j'avais et que je continue d'avoir. Il va être très difficile de réparer la situation. Nous avions déjà eu le cas lors des événements en Tchétchénie. On avait commis l'erreur de voter la suspension des droits de vote de la délégation russe – je l'avais fait -, qui n'a servi à rien. On ne sait plus comment expliquer qu'elle soit revenue. On a fait profil bas. Maintenant, cela va être beaucoup plus compliqué.

Sur la culture et la jeunesse, le Conseil de l'Europe dispose du Centre européen de la Jeunesse, dont une antenne se trouve à Budapest, qui fait un travail extraordinaire. La politique en la matière est un domaine dont on peut être fier.

Sur la Pologne et la Hongrie. Sur la Hongrie, on avait décidé de ne pas adopter de procédure de suivi. On avait désigné le rapporteur anglais Robert Walter et adopté un calendrier. Tout cela n'a servi à rien, le rapport n'a eu aucun effet. Sur la Pologne, il va y avoir un débat d'urgence.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La semaine prochaine, lundi, il va y avoir deux débats importants à l'ordre du jour établi par le bureau de l'APCE : un sur la Pologne et un autre sur le terrorisme international. On aurait dû avoir le retour de la délégation russe puisqu'ils étaient suspendus pour un an. Je suis convaincu que la position du Conseil de l'Europe aurait été différente si la délégation s'était présentée. On a reçu le courrier que les Russes ont écrit à la Présidente de l'APCE, indiquant que les conditions n'étaient pas remplies pour qu'ils reviennent. C'est bien dommage car c'est un vrai sujet.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Le Conseil de l'Europe, parce qu'il est plus large que l'Union européenne, joue un rôle de vigie en Europe. Pas seulement par rapport à la Russie mais également, par exemple, par rapport aux atteintes aux droits de l'homme en Turquie.

La séance est levée à 17 h 40