Intervention de Jean-Claude Mignon

Réunion du 20 janvier 2016 à 16h30
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Claude Mignon :

Cette procédure de suivi est l'exemple type du sujet qui ne sert à rien et coûte de l'argent : on a mandaté deux rapporteurs – un Autrichien et un Moldave – qui ont dû venir en France faire des auditions. Absurde. Un groupe de parlementaires qui décident d'embouteiller les débats de l'APCE le peuvent s'ils recueillent assez de signatures. C'est ce qui discrédite totalement le Conseil de l'Europe.

Regardons la carte du continent européen pour comprendre quels jeux jouent les différents pays en Europe. Le Benelux joue un rôle important et a de l'influence. Le Président de la Cour européenne des droits de l'homme était luxembourgeois, de même que le Président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker,ou la présidente de l'APCE qui vient d'achever son mandat. Peut-être est-ce trop ? Le Secrétaire général du Conseil de l'Europe est norvégien. Les autres se répartissent le reste. Il s'agit parfois de postes à responsabilité mais qui n'ont pas toujours l'importance que ceux que je viens de citer. Les Anglais sont anglais. En disant cela, je dis tout : il est très difficile de connaitre la position des anglais sur un certain nombre de sujet. Par exemple, ils avaient créé un groupe politique et siégeaient avec les Russes et les Turcs mais ils sont les premiers à être montés au créneau contre les Russes. Difficile de savoir s'il y a désormais deux groupes politiques ou pas. On ne sait plus où ils en sont. Leurs positions sont tranchées et souvent surprenantes.

En qualité de Président de l'APCE, j'ai visité en deux ans énormément de pays. J'ai toujours été accueilli avec intérêt et avec les honneurs. Le seul pays qui ne manifeste pas son intérêt, c'est la France. J'ai été frappé, au contraire, lorsque j'ai été accueilli au Bundestag par son Président, Norbert Lammert, qui m'a consacré beaucoup de temps, de voir combien le Bundestag était impliqué par les travaux de l'APCE, et je constate que lorsque les Allemands prennent des positions à l'APCE, ce sont des positions qui sont réfléchies parce qu'elles ont été discutées en amont au Bundestag. Ce qui est vrai pour ce grand pays l'est également un peu partout en Europe. La France est un pays à part.

Concernant la Russie, il est clair qu'un certain nombre de pays sont en train de régler leurs comptes avec elle et continueront à le faire chaque fois qu'ils en auront l'occasion. Il faut parler du rôle important que jouent des pays hors Union européenne. L'Azerbaïdjan pratique un lobbying incroyable au sein de cette organisation, qu'elle exerce notamment contre l'Arménie. Lorsque j'étais président de l'APCE, il a fallu que je me fâche pour que ces deux pays cessent de régler leurs comptes entre eux à l'occasion de leurs interventions sur quelque sujet que ce soit. Mon prédécesseur, turc, avait mis en place un comité Théodule visant à concurrencer le groupe de Minsk qui était chargé de travailler sur le Haut-Karabagh. Une fois président, j'ai décidé de ne pas reconduire cette formation ad hoc, inutile sinon à affaiblir les Arméniens et à concurrencer le groupe de Minsk représenté par l'ambassadeur français M. Jacques Faure. A peine ma présidence terminée, les Azéris ont déposé un rapport pour revenir sur le problème du Haut-Karabagh alors qu'il faudrait soutenir le groupe de Minsk. On parle parfois de la « diplomatie du caviar ».

On peut craindre le pire pour les deux prochaines années. Le dire m'a coûté cher mais je pense qu'assumer la présidence de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe nécessite d'être totalement intègre et indépendant. Le pire, c'est que l'Azerbaïdjan a présidé le Conseil des Ministres du Conseil de l'Europe, à savoir la raison d'être de cette institution. Comment a-t-on pu accepter une telle chose ?

Sur la Russie, la position du Secrétaire général du Conseil de l'Europe, le norvégien Thorbjørn Jagland, est la même que celle que j'avais et que je continue d'avoir. Il va être très difficile de réparer la situation. Nous avions déjà eu le cas lors des événements en Tchétchénie. On avait commis l'erreur de voter la suspension des droits de vote de la délégation russe – je l'avais fait -, qui n'a servi à rien. On ne sait plus comment expliquer qu'elle soit revenue. On a fait profil bas. Maintenant, cela va être beaucoup plus compliqué.

Sur la culture et la jeunesse, le Conseil de l'Europe dispose du Centre européen de la Jeunesse, dont une antenne se trouve à Budapest, qui fait un travail extraordinaire. La politique en la matière est un domaine dont on peut être fier.

Sur la Pologne et la Hongrie. Sur la Hongrie, on avait décidé de ne pas adopter de procédure de suivi. On avait désigné le rapporteur anglais Robert Walter et adopté un calendrier. Tout cela n'a servi à rien, le rapport n'a eu aucun effet. Sur la Pologne, il va y avoir un débat d'urgence.

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