Je souhaite la bienvenue à M. Louis Schweitzer, commissaire général à l'investissement, que je remercie d'avoir bien voulu accepter notre invitation. Cette audition portera évidemment sur les programmes d'investissements d'avenir mais aussi sur le plan d'investissement de l'Union européenne, dit « plan Juncker » ; M. Schweitzer est donc accompagné de M. Thierry Francq, commissaire général adjoint, qui est le meilleur spécialiste, en France, de la mise en oeuvre dudit plan.
Monsieur le commissaire général, il y a un peu plus d'un an, nos trois commissions vous avaient entendu successivement et séparément, preuve de l'intérêt qu'elles portent à vos travaux. Pour des raisons d'efficacité – pour vous et pour nous –, c'est ensemble qu'elles vous reçoivent aujourd'hui. En outre, sur des sujets transversaux, le recours à des auditions conjointes me paraît constructif.
Depuis ces précédentes auditions de la fin de l'année 2014 et du début de l'année 2015, notre assemblée a manifesté un fort intérêt pour les programmes d'investissements d'avenir (PIA), que justifient les montants en jeu – plusieurs dizaines de milliards d'euros, sans parler d'un éventuel PIA 3. En ce qui concerne la commission des finances, il y eut d'abord le rapport de la mission d'évaluation et de contrôle (MEC), présenté en mars 2015 par Alain Claeys et Patrick Hetzel, et qui portait sur la gestion de la partie du PIA 1 relevant de la mission Recherche et enseignement supérieur. Nos collègues concluaient en appelant notamment à développer la fonction de coordination interministérielle du commissariat général à l'investissement (CGI), placé auprès du Premier ministre, lors de l'analyse préalable des projets à financer, mais aussi l'information du Parlement en amont de la phase de lancement des PIA. Ils plaidaient également pour une simplification des procédures de contractualisation et de contrôle des projets et pour une définition des conditions d'utilisation des dotations non consommables.
Au mois de décembre dernier, le Premier président de la Cour des comptes a présenté à notre commission un rapport public thématique sur les PIA. S'il a salué leur très grande ambition et leur caractère innovant, il a aussi souligné que leurs particularités budgétaires n'ont pas permis de « sanctuariser » les crédits en question, qui ne devaient en aucun cas se substituer à des crédits courants de programme budgétaire – je crois que cela rejoint vos préoccupations, monsieur le commissaire général. En outre, selon la Cour, la gestion extrabudgétaire du PIA, par le transfert systématique des crédits à des opérateurs, prive le Parlement d'une partie de son pouvoir de décision sur des dépenses publiques d'un montant très important, et conduit en outre à exclure de la norme de dépenses les opérations du PIA, considérées comme « exceptionnelles ». Les membres de la commission des finances sont trop policés pour exprimer aussi vertement ce type de critiques, mais il est clair que nous sommes confrontés à un processus de débudgétisation qui pose deux problèmes : d'une part, un problème proprement budgétaire ; d'autre part, un problème d'information du Parlement et de suivi, par ce dernier, de dizaines de milliards d'euros de dépenses.
Nous sommes également confrontés à des problèmes d'interprétation de la norme de dépenses que doit suivre le Gouvernement. Celui-ci compte ou ne compte pas, selon les cas, les dépenses faites au titre du PIA. En tant que président de la commission des finances, je me rallierais plutôt, pour ma part, à la position de la Cour des comptes, qui préconise de prendre en compte, en comptabilité budgétaire, ce qui est effectivement décaissé au niveau des opérateurs, ainsi que les intérêts effectivement décaissés au titre des dotations non consommables (DNC), et d'intégrer cela dans la norme « zéro volume », mais c'est surtout avec le Gouvernement que nous discutons de ces questions. La Cour des comptes va jusqu'à proposer que le PIA 3 soit traité comme un programme budgétaire classique, qui s'ajouterait aux quelque 130 programmes du budget de l'État. Nous aimerions connaître votre avis.
Par ailleurs, avez-vous constaté récemment des redéploiements de crédits comme ceux intervenus en 2014 au profit du budget de la défense, et dont notre collègue François Cornut-Gentille peut témoigner ? Nous avions déjà évoqué la question avec vous il y a un an.
Je demanderai enfin à M. le commissaire général adjoint s'il peut nous donner des exemples de dossiers retenus au titre du plan Juncker. Si ce plan fonctionne non par enveloppes nationales mais par sélection de dossiers précis – vous nous l'aviez expliqué il y a un an –, où les dossiers français en sont-ils ?