Madame la présidente, messieurs les présidents, mesdames et messieurs les députés, tout d'abord, je vous remercie de bien vouloir m'accueillir ici, dans un cadre qui me paraît pertinent.
Avant de répondre à vos questions, je vous propose un petit exposé introductif. Il ne vous apprendra pas grand-chose de neuf, mais sera l'occasion de rappeler certains éléments et pourra préparer nos échanges.
Le PIA 1, d'un montant de 35 milliards d'euros, a été adopté en 2010, en loi de finances rectificative, à la suite du rapport de MM. Juppé et Rocard. Le PIA 2, d'un montant de 12 milliards d'euros, a été adopté dans le cadre de la loi de finances initiale pour 2014. D'un montant total de 47 milliards d'euros, donc, ces crédits, tous compris dans le budget de l'État, sont de natures différentes et ont un impact très différent sur le déficit budgétaire de l'État et sur le déficit public au sens du traité de Maastricht. Nous utilisons les deux concepts de déficit, même si c'est le déficit maastrichtien qui nous préoccupe le plus, puisqu'il y va du respect des engagements internationaux de la France.
Une partie de ces crédits – environ 40 % – sont des subventions et des avances remboursables et entrent dans le déficit maastrichtien de l'État.
Les dotations non consommables représentent, elles aussi, 40 % de ces 47 milliards d'euros de crédits, qui entrent dans le déficit budgétaire et maastrichtien de l'État uniquement par le versement, très étalé dans le temps, d'intérêts. Les DNC engagées au titre du PIA 1 sont versées au rythme de 3,4 % par an, celles en cours d'engagement au titre du PIA 2 sont versées au rythme de 2,5 % par an. Ce rythme extrêmement lent s'explique par le fait que le taux de versement dépend du taux des obligations assimilables du Trésor (OAT) à dix ans.
Restent enfin 20 % de fonds propres et de prêts, qui n'entrent pas dans le déficit maastrichtien, dès lors que ces montants sont investis en qualité d'« investisseur avisé ». Concept de comptabilité nationale et concept européen, l'investisseur avisé présente deux caractéristiques. Premièrement, il peut prendre des risques, mais il attend un retour en proportion de ses risques. Deuxièmement, le fait que l'État agisse en investisseur avisé est certifié par le fait que participent à ses côtés des investisseurs privés, à concurrence du montant de ses propres investissements – c'est une vraie contrainte.
Qu'en est-il des domaines d'intervention ? Sur l'ensemble des PIA 1 et 2, 50 % des crédits sont consacrés à l'enseignement supérieur, à la recherche, à la valorisation de la recherche et à la formation, tandis qu'environ 20 % le sont à l'innovation et la modernisation industrielle, 15 % au développement durable et 12 % au numérique. Le solde, soit environ 3 %, couvre différents domaines, dont le domaine militaire.
Ces 47 milliards d'euros sont distribués par le commissariat général à l'investissement et ses opérateurs sur la base de trois critères généraux.
Le premier est l'excellence. D'ailleurs, dans un certain nombre de cas, le mot « excellence » figure dans la dénomination de ce que nous finançons : les laboratoires d'excellence (LABEX), les instituts d'excellence (IDEX), les équipements d'excellence. Autrement dit, grâce à un mécanisme très sélectif et qui s'écarte des mécanismes de répartition traditionnels, nous allons vers l'excellence.
Le deuxième critère est l'innovation. Nous ne finançons pas l'excellence dans les activités traditionnelles, nous la finançons dans l'innovation. C'est une dimension tout à fait importante, et c'est en partie comme cela que les PIA s'articulent avec le plan Juncker. Les PIA financent l'innovation technologique, tandis que la diffusion des technologies relève normalement, elle, du plan Juncker. Par exemple, le plan Juncker finance très naturellement les éoliennes, technologie mature, tandis que le programme d'investissements d'avenir intervient très logiquement pour le financement des hydroliennes, des systèmes pour capter l'énergie des courants marins, car c'est une technologie d'innovation, de rupture, qui n'est pas encore établie.
Le troisième critère, c'est la coopération. Nos crédits ont pour objet d'inciter des acteurs à travailler ensemble et à mieux coopérer. Ainsi, l'un de nos objectifs, s'agissant des IDEX, est d'encourager les universités et les grandes écoles à se rapprocher et, au fond, à dépasser cette rupture historique française entre les universités et les grandes écoles. De même, les sociétés d'accélération du transfert de technologies (SATT) ont pour objet, comme les instituts de recherche technologique (IRT), les instituts pour la transition énergétique (ITE) et d'autres institutions, de financer la coopération entre universités et organismes de recherche, d'une part, et entreprises, d'autre part. Nous finançons également des filières, notamment dans le cadre du projet de filière européenne. À l'origine, c'étaient les « plans Montebourg ». Aujourd'hui, ce sont les « plans Macron », mais la philosophie est toujours la même : soutenir et encourager la coopération entre grandes entreprises, entreprises moyennes et petites entreprises. Ces coopérations interentreprises sont en effet moins courantes en France qu'en Allemagne ou en Italie.
Nous pensons que l'application de ces trois principes de base – excellence, innovation, coopération – accroît le potentiel de croissance de la France.
Je rappelle aussi notre manière de procéder. Le CGI est une toute petite administration – trente-cinq personnes, secrétariat compris, ce n'est pas beaucoup –, rattachée au Premier ministre. Pendant quelques mois, nous avons eu un autre rattachement, mais cela n'a pas beaucoup changé nos règles de fonctionnement. Cette petite administration a, auprès d'elle, un comité de surveillance, qui se réunit régulièrement – sa prochaine réunion se tient d'ailleurs la semaine prochaine –, coprésidé par MM. Juppé et Rocard, fondateurs du PIA, qui continuent donc d'en suivre l'exécution, ce qui me paraît important. Ce comité comprend des parlementaires des deux assemblées, issus tant de la majorité que de l'opposition. Cette petite administration de trente-cinq personnes agit par l'intermédiaire d'opérateurs, des organismes plus importants : l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), la Caisse des dépôts et consignations (CDC), la Banque publique d'investissement (Bpifrance)… Au nombre de douze, ils exécutent toute la partie matérielle des opérations et en assurent le suivi concret, car la gestion d'une masse de crédits aussi importante par trente-cinq personnes serait tout à fait déraisonnable. Nous sommes liés avec ces opérateurs par des conventions.
Nous ne choisissons pas librement les opérations financées : nous recourons toujours soit à des jurys, soit à des experts. C'est donc un processus un peu particulier, et nous sommes soumis à des évaluations. L'évaluation est une constante du programme d'investissements d'avenir. Chaque programme comporte une petite réserve de crédits pour évaluer son efficacité. Quand nous créons des institutions, elles font l'objet d'un examen à mi-vie, par des experts indépendants, qui n'est pas purement formel. Par exemple, au mois d'avril prochain, les huit instituts d'excellence du PIA 1 devront passer devant un jury international qui décidera si les dotations non consommables sont confirmées, si une nouvelle période probatoire est nécessaire ou si les dotations sont réduites ou supprimées. C'est une évaluation bien réelle, qui n'est nullement de pure forme.
Le commissariat lui-même fait l'objet d'une évaluation. C'est l'affaire d'une commission indépendante d'experts internationaux, qui n'ont pas été choisis par le CGI, qui est présidée par M. Philippe Maystadt, ancien vice-Premier ministre belge et ancien président de la Banque européenne d'investissement (BEI), et dont les conclusions seront rendues publiques avant tout examen du PIA 3 par le Parlement. Toutes nos actions sont soumises à évaluation, nous-mêmes sommes soumis à évaluation, et la mission d'évaluation et de contrôle (MEC) de l'Assemblée nationale, d'une part, la Cour des comptes, d'autre part, ont déjà procédé à des évaluations du CGI. Nous faisons aussi, par ailleurs, une contre-expertise de tous les investissements publics qui engagent plus de 100 millions d'euros d'argent public ; cela me paraît important et utile.
Enfin, nous avons été chargés de centraliser et d'appuyer les projets français candidats au plan Juncker. C'est la mission de Thierry Francq, assisté d'un directeur de programme, Laurent Ménard – mais M. Francq, commissaire général adjoint, supervise aussi, à mes côtés, l'ensemble de l'activité du commissariat général.
J'ai souligné la complémentarité du plan Juncker avec les PIA. Il permet la diffusion de technologies innovantes alors que le commissariat général permet plutôt leur mise au point. En ce qui concerne le plan Juncker, l'action du commissariat général n'a pas du tout pour objet de contrôler ou de filtrer les candidatures françaises, il s'agit plutôt de leur apporter un appui. En l'absence de contingents par pays, ce sont effectivement les meilleurs projets qui sont choisis. Bonne nouvelle, c'est la France qui, avec l'Italie, compte le plus de projets financés par le plan Juncker. L'économie française et notre action auront donc été efficaces à cet égard.