Intervention de Louis Schweitzer

Réunion du 10 février 2016 à 9h30
Commission des affaires économiques

Louis Schweitzer, commissaire général à l'investissement :

Je reviens aux PIA.

Où en sommes-nous ? Sur les 47 milliards d'euros de crédits ouverts, 37 milliards ont été engagés – l'engagement, au sens budgétaire, est une décision du Premier ministre affectant un montant donné à un projet donné –, dont 31 ont été contractualisés, c'est-à-dire qu'une convention a été signée avec les bénéficiaires et, éventuellement, les autres financeurs. Il faut effectivement rappeler que s'ajoutent aux 31 milliards d'euros du PIA des financements externes d'un montant de 33,5 milliards d'euros, dont 22 milliards d'euros de fonds privés ; il y a donc bien un effet de levier. En revanche, au niveau des décaissements, nous n'en sommes qu'à 14 milliards d'euros. Cela reflète le fait que ces projets s'étalent dans le temps et que certaines dépenses sont effectuées sur une très longue période.

Aujourd'hui, nous continuons de penser que la quasi-totalité des 47 milliards d'euros seront engagés à la mi-2017, ce qui nous a conduits à suggérer un PIA 3. L'idée a été reprise officiellement par le Président de la République, qui a annoncé que ce PIA 3 serait proposé dans le cadre d'une loi de finances rectificative au cours de l'année 2016.

Est-ce à dire que nous soyons entièrement satisfaits de ce que nous faisons dans le cadre des PIA 1 et 2 ? Nous pensons pouvoir, et devoir, simplifier et accélérer nos procédures. On nous a reproché, quelquefois à juste titre, une certaine lourdeur, notamment à cause de doubles instructions. Nous suivons donc de façon concrète, mois par mois, l'évolution du délai entre le dépôt d'un dossier et l'engagement. Au mois de décembre, il était désormais légèrement inférieur à trois mois. Je souhaiterais que l'on fasse encore mieux, mais c'est déjà deux ou trois fois plus rapide qu'initialement. Après l'engagement, nous disons à nos partenaires qu'il faut contractualiser dans les trois mois, mais cela ne dépend pas toujours de nous seuls : la mise en oeuvre de certains cofinancements privés, ou de cofinancements par les collectivités territoriales, peut prendre un certain temps. Nous ne maîtrisons donc pas entièrement ce second délai, mais nous essayons de le réduire, car un investissement ne démarre vraiment qu'après la contractualisation.

Nous avons mis en place des processus spécifiques pour aider les start-up et les créations d'entreprise, notamment le concours mondial d'innovation, qui marche remarquablement. J'en rappelle les trois étapes. Première étape, nous donnons une subvention de 200 000 euros, en nous fondant sur un dossier très simple, de quelques pages, et une audition. À peu près 150 projets en ont bénéficié. Puis il y a une deuxième étape, où nous pouvons accorder jusqu'à 2 millions d'euros d'avance remboursable : ce sont là des crédits « maastrichtiens », qui entrent dans le déficit, mais qui sont remboursés en cas de succès et permettent à ces jeunes entreprises de passer de l'idée au prototype. Vient une troisième étape, qui, elle, n'est pas encore engagée, et qui permet à ces entreprises de passer du prototype à l'industrialisation et à la commercialisation ; nous pouvons alors aller jusqu'à 20 millions d'euros de fonds propres par projet. Le principe est d'aider les jeunes entreprises, les start-up, à se créer, et de leur permettre de traverser ce qu'on appelle souvent la « vallée de la mort », de passer de l'idée à une vraie entreprise, avec un chiffre d'affaires, une unité de production et la commercialisation d'un produit ou d'un service à grande échelle.

Nous avons appliqué ce schéma à d'autres domaines, par exemple les véhicules, l'innovation numérique et la transition énergétique. Notre idée est vraiment d'utiliser, de plus en plus, cette procédure de soutien à l'apparition d'idées et d'accompagnement de la transformation de l'idée en activité économique réelle. C'est largement engagé dans le PIA 1 et le PIA 2, ce le sera aussi dans le PIA 3, s'il est présenté au Parlement et adopté par celui-ci, ce que j'espère de tout coeur.

J'ai déjà donné quelques éléments sur la question de l'évaluation du PIA. Nous attendons, pour le mois de mars, le rapport de la commission Maystadt. Je n'en connais pas les termes, et, comme toute personne évaluée, je l'attends à la fois avec intérêt et avec un peu d'anxiété, mais je suis sûr que nous en tirerons des enseignements utiles.

Nous avons été évalués par la Cour des comptes. Bien sûr, on n'a jamais le droit de critiquer la Cour des comptes, mais je me risquerai à quelques commentaires. Je ne pense pas que le mot de « débudgétisation » s'applique au PIA, dont les crédits sont tous votés en loi de finances ou en loi de finances rectificative. Certes, le PIA bénéficie de nombreuses dérogations aux règles budgétaires, mais, plutôt que de débudgétisation, je parlerai de traitement spécifique des dépenses du PIA, ce à quoi vous pourrez objecter que la nuance n'est que verbale. Quant à la question de savoir si les dépenses effectives du PIA, c'est-à-dire les décaissements, doivent entrer dans la norme de dépense, je n'ai pas, à titre personnel, d'opinion. La direction du budget considère que cela poserait des problèmes ; je m'en remets à sa sagesse.

Nous nous attachons à ce que l'information du Parlement soit la plus complète possible. Un « jaune » budgétaire est dédié au PIA, et tout mouvement remettant en cause certaines affectations ou certains redéploiements au sein du PIA est soumis, selon sa nature, à une obligation d'approbation ou d'information préalable du Parlement. Une critique de la Cour des comptes porte effectivement sur le fait que certains de ces redéploiements ou certaines affectations initiales du PIA, par exemple des avances à Airbus ou des crédits de recherche militaire, relevaient non pas de la philosophie du PIA mais de crédits budgétaires ordinaires ; nous ne pouvons qu'être d'accord, et le comité de surveillance du PIA partage ce point de vue. Cela représente entre 10 % et 20 % des crédits dépensés par les PIA 1 et PIA 2 – si je dis « entre 10 % et 20 % », c'est parce que la frontière n'est pas toujours évidente.

Contrairement à la Cour des comptes, je ne plaide pas, pour ma part, pour la réintégration des PIA dans les procédures budgétaires classiques et la suppression de toutes les dérogations dont ils bénéficient. Si la sanctuarisation du PIA n'est aujourd'hui pas parfaite, elle n'en est pas moins réelle, j'en suis convaincu, et l'application des règles traditionnelles affaiblirait fortement la capacité d'action du PIA.

Pour résumer, la Cour des comptes fait un certain nombre de critiques auxquelles nous souscrivons, mais d'autres nous convainquent moins. Elle fait un certain nombre de recommandations pratiques que nous mettons bien sûr en oeuvre, mais nous avons plus de mal à souscrire à la recommandation générale de « tuer », si j'ose dire, le PIA.

Voilà ce que je voulais dire sur les PIA 1 et 2. Je suis tout prêt à répondre à vos questions avant que nous ne passions au PIA 3.

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