Intervention de Michèle Pappalardo

Réunion du 2 février 2016 à 13h45
Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

Michèle Pappalardo, conseiller maître à la Cour des comptes :

La Cour des comptes a effectué un travail global sur le fonctionnement et la gouvernance du PIA – dispositif désormais vieux de cinq ans –, sans analyser spécifiquement telle ou telle dépense. Néanmoins, dans le cadre de ses contrôles, la Cour examine désormais régulièrement des opérations financées sur les crédits du PIA, qui irriguent aujourd'hui une grande partie des investissements de l'État. Nous disposons donc d'éléments susceptibles de vous aider.

Il n'est pas évident de définir les investissements qui financent la transition écologique. Globalement, il s'agit de crédits dédiés à l'énergie et aux écotechnologies, ces dernières se retrouvant dans différents secteurs. Le découpage habituel du PIA en grand programmes n'étant pas suffisamment fin, il faut regarder, programme par programme, quels investissements font partie du champ de votre investigation. Les assemblages réalisés ne rendent pas la tâche aisée : ainsi, au sein des regroupements de prêts, certains – comme les prêts verts – visent clairement la transition écologique sans être classés dans la partie relative à l'énergie ou aux écotechnologies. De plus, le PIA 2 affirme la nécessité d'introduire des critères transversaux d'éco-conditionnalité, beaucoup de programmes étant censés participer, d'une manière ou d'une autre, à la transition écologique, à travers des critères d'éco-conditionnalité pour le PIA2 notamment ; l'évaluation de la mise en oeuvre de ce critère fait donc partie intégrante du sujet.

En résumé, nous n'avons pas analysé les effets du PIA sur les filières de l'économie verte ; c'est programme par programme qu'il faut en apprécier l'évolution.

S'agissant de la stratégie du PIA en matière de transition écologique, le nouveau « modèle de développement durable » était présenté comme une des priorités du programme à la fois dans le rapport de MM. Juppé et Rocard et dans le PIA1. Le PIA 1 contient déjà des mesures importantes en matière d'énergie, d'éco et de bio-technologies. La stratégie du PIA 2, qui s'éloigne progressivement du rapport initial, paraît moins évidente : on y voit apparaître des thématiques telles que la défense, qui ne faisaient pas partie des objectifs de départ. Mais la transition écologique est bien présentée comme un enjeu important, notamment à travers les trente-quatre programmes du ministère de l'économie qui sont censés être financés à travers le PIA2. C'est également dans le cadre du PIA 2 qu'on voit apparaître le critère de l'éco-conditionnalité.

La question du redéploiement des crédits n'est pas facile à appréhender. En fonction de leur importance et de l'ampleur des changements qu'ils induisent, les redéploiements sont réalisés selon des procédures différentes, ce qui complexe la compréhension de l'ensemble. L'annexe de notre rapport répertorie toutes les informations disponibles pour tenter de dresser un tableau global des redéploiements – un travail qui nous a demandé beaucoup de temps. L'environnement fait clairement partie des thématiques les plus affectées par les redéploiements négatifs, même s'il faut regarder les choses de très près car on peut, par exemple, diminuer des crédits de l'ADEME pour les transférer à la Banque publique d'investissement (BPI), mais toujours pour financer des projets écologiques. Comme le montre le tableau p. 123 du rapport, le programme Démonstrateurs énergies renouvelables du PIA 1, le plus touché, a perdu 32 % de ses montants ; le programme Tri et valorisation des déchets en a perdu 42 %. Le tableau p. 125 montre que l'ADEME, qui porte une partie non négligeable des programmes liés à la transition écologique, est l'opérateur le plus affecté par les redéploiements négatifs.

Ces redéploiements s'expliquent par plusieurs raisons. D'abord, certains domaines – tels que les écotechnologies ou les économies d'énergie – sont relativement « neufs » ; il n'existait pas forcément dans les tiroirs de quoi répondre aux appels à projets du PIA 1. Ce n'est pas une critique, au contraire : dans d'autres domaines, les appels à projets ont été rapidement satisfaits car il y avait des projets qui dormaient dans les tiroirs… et ce ne sont pas forcément les meilleurs ! En matière de déchets notamment, la recherche n'est pas très développée ; un appel à projets dans ce domaine suscitera donc des recherches et des travaux universitaires, mais ne donnera pas immédiatement un programme à financer. Ce délai représente une vraie difficulté du secteur. De plus, le PIA finance des projets d'une certaine taille ; or une partie des sujets liés à la transition écologique – par exemple l'efficacité énergétique – n'ont pas fait l'objet de recherches à grande échelle. Les appels à projets n'y sont donc pas forcément adaptés. Ces éléments ont été pris en compte et les appels à projets du PIA 2 ont été reformatés par rapport à ceux du PIA 1. Mais pendant un certain temps, les taux de consommation des crédits sont restés faibles.

Une autre difficulté renvoie à la méthode utilisée par l'ADEME qui avait tenu, avant de lancer les appels à projets, à rédiger des feuilles de route afin de définir plus précisément, avec les différents acteurs – chercheurs et entreprises – les thématiques à aborder. Or l'élaboration de feuilles de route exige un temps de concertation ; ce délai a conduit à décaler les appels à projets qui ensuite ont été lancés avec succès. Au début, ce décalage a été relativement fort, donnant lieu à des discussions entre le CGI et l'ADEME. En effet, à la différence de l'Agence nationale de la recherche (ANR) ou de la BPI, qui peuvent lancer des AAP ouverts, sans thématiques précisent, l'ADEME met en oeuvre des politiques publiques déterminées, avec des objectifs précis. Cette volonté d'identifier des sujets ciblés correspond à la position de l'ADEME, en aval du processus, alors que l'ANR se situe plus en amont et la BPI reste éloignée de l'expertise pointue du secteur. La manière de gérer les appels à projets et les programmes diffère donc selon le type d'opérateur impliqué.

Le type d'aides – subventions, avances remboursables, prêts ou prises de participation – est un autre sujet abordé dans le rapport. La Cour des comptes, tout comme l'ADEME, reconnaît qu'il est positif de se préoccuper de la dimension financière et économique des programmes, de ne pas s'en tenir aux progrès technologiques, mais de se demander si, et de quelle façon, la nouvelle technologie a une chance d'aboutir sur le marché. Mais dans certains domaines, les entreprises ont pu être découragées par des appels à projets qui exigent une organisation complexe, avec des systèmes de retour sur investissement très lourds. Elles préfèrent alors soit trouver un autre système de financement, soit renoncer à innover. Il en va ainsi pour le bâtiment, où peu de programmes sont financés par le PIA. Avec le temps, certains éléments des contractualisations en matière de retour financier ont été simplifiés ; il faut donc regarder les choses dans la durée.

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